6 février 2013

Il y a 100 ans : L'avenir de Madagascar

(Suite.)

Pendant que nos compatriotes, méconnaissant nos colonies, les dénigrent parce que pays français, et s’en éloignent pour aller chercher fortune en pays exotiques, les étrangers, eux, plus intelligents, viennent s’y établir pour les exploiter.
C’est ainsi, notamment, que des sociétés anglaises importent dans leur pays, l’alfa récolté par eux dans nos colonies de l’Afrique du Nord (Algérie et Tunisie).
Et pour ne pas aller chercher des exemples en dehors de Madagascar, c’est ainsi qu’à Boanamary, près de Majunga, s’est installée récemment, avec l’outillage le plus moderne, une magnifique usine pour l’exportation de viande congelée, frigorifiée, et en conserve, etc. Et bien que le siège social de la société qui l’exploite soit à Paris, rue Vignon, le nom de M. J. W. Towe, qui est son directeur général, dit assez son origine étrangère.
Son exemple a été suivi par une autre société qui, elle, paraît bien française. C’est la Cie Lyonnaise de Madagascar, qui a pour but « l’industrie générale du porc ». Elle a établi son usine à Antsirabe sur les Hauts Plateaux, et a son siège social à Tananarive même.
Dans la zone s’élèvent des porcs par centaines de mille, bien que les soins qu’on leur donne se réduisent à peu de chose. Du reste la brousse elle-même est peuplée de porcs sauvages, fléau des plantations voisines ; ces animaux sont de même race que les porcs domestiques malgaches; il suffit de les capturer.
Nous avons déjà vu un fait analogue pour les zébus et bœufs sauvages, qui eux aussi sont de même race absolument que ceux domestiqués, ce que l’on ne trouve nulle part en Amérique.
À ce propos, et au sujet de l’élevage en général, il y a un fait remarquable à signaler, fait qui frappe l’esprit de tout colon ayant quelque expérience des pays d’élevage étrangers. C’est l’extrême facilité avec laquelle se développent et engraissent les animaux domestiques de toute nature destinés à l’alimentation.
On peut y voir une prédisposition due à la douceur et à la régularité du climat, – dont on médit tant sans le connaître, – bien plus qu’à la nourriture elle-même, étant donné le peu de soins dont ils sont l’objet.
À noter encore qu’aucune maladie infectieuse n’est connue ici, et la circonstance que le pays est limité de tout côté par la mer assure son immunité, en raison de la surveillance qui peut être exercée dans les ports par où seulement peuvent être introduits des animaux contaminés.
Seul l’élevage des ovidés est en retard, et si ces animaux viennent bien sur les Hauts Plateaux et dans le Sud, la race demande à être absolument transformée.
Les mérinos sont très rares ; quant aux angoras et aux kachemirs, il n’en existe point bien que les troupeaux de chèvres soient assez nombreux.
Etant donné le climat et la nature des pâturages, il y aurait aussi de ce côté de bonnes opérations à tenter. Ce sont surtout des reproducteurs qu’il y aurait à introduire, car le pays possède suffisamment de brebis et de chèvres pour former la base de cheptels de rapport.
L’élevage des équidés est encore plus en retard, car ici, il y a peu d’années, chevaux et juments faisaient également défaut. Cet élevage sort à peine des premiers tâtonnements et commence à donner de bons résultats, bien que l’expérience fasse encore défaut à presque tous les éleveurs qui s’en occupent. Là il faut importer des sujets, tant chevaux que juments, à prendre de préférence parmi les races les plus rustiques. On songera plus tard aux animaux de luxe.
Il faut bien remarquer que sauf les équidés, les autres races d’animaux sont aborigènes à Madagascar. Or il ne faut pas oublier qu’aucune de ces races, absolument aucune, n’existait à l’état autochtone, ni en Amérique, ni en Australie, qui cependant sont aujourd’hui les plus grands pays producteurs et exportateurs du monde. Toutes ces races ont dû y être importées et acclimatées. Même les pâturages ont dû y être créés.
Combien d’années et de capitaux cela n’a-t-il pas demandé ? Les mécomptes, les insuccès ont été innombrables ! Mais la ténacité des colons anglais et américains a su triompher de toutes les difficultés et cela sans recevoir de leurs gouvernements d’autre appui que celui d’une entière liberté et exemption d’impôts et de droits. Là, pas de haras officiels, pas de commissions de remonte payées par le gouvernement. Chacun a pu se procurer des étalons à sa guise, mais aussi avec son argent. À Madagascar les haras de la Colonie sont, à cette heure, admirablement bien montés. Ils possèdent même des taureaux de race importés de France.
Malheureusement, à d’autres points de vue, nous sommes outrageusement tenus en lisière par l’état de qui nous devons attendre toute initiative et toute direction, qui ne sont pas toujours bien inspirées…
(À suivre.)
Le Tamatave

Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Février 1913.
(A paraître dans quelques jours)
Janvier 1913 est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).

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