(Suite.)
Pendant que nos compatriotes,
méconnaissant nos colonies, les dénigrent parce que pays français, et s’en éloignent
pour aller chercher fortune en pays exotiques, les étrangers, eux, plus intelligents,
viennent s’y établir pour les exploiter.
C’est ainsi, notamment, que
des sociétés anglaises importent dans leur pays, l’alfa récolté par eux dans nos
colonies de l’Afrique du Nord (Algérie et Tunisie).
Et pour ne pas aller chercher
des exemples en dehors de Madagascar, c’est ainsi qu’à Boanamary, près de Majunga,
s’est installée récemment, avec l’outillage le plus moderne, une magnifique usine
pour l’exportation de viande congelée, frigorifiée, et en conserve, etc. Et bien
que le siège social de la société qui l’exploite soit à Paris, rue Vignon, le nom
de M. J. W. Towe, qui est son directeur général, dit assez son origine
étrangère.
Son exemple a été suivi par
une autre société qui, elle, paraît bien française. C’est la Cie Lyonnaise de Madagascar,
qui a pour but « l’industrie générale du porc ». Elle a établi son usine
à Antsirabe sur les Hauts Plateaux, et a son siège social à Tananarive même.
Dans la zone s’élèvent des
porcs par centaines de mille, bien que les soins qu’on leur donne se réduisent à
peu de chose. Du reste la brousse elle-même est peuplée de porcs sauvages, fléau
des plantations voisines ; ces animaux sont de même race que les porcs domestiques
malgaches; il suffit de les capturer.
Nous avons déjà vu un fait
analogue pour les zébus et bœufs sauvages, qui eux aussi sont de même race absolument
que ceux domestiqués, ce que l’on ne trouve nulle part en Amérique.
À ce propos, et au sujet de
l’élevage en général, il y a un fait remarquable à signaler, fait qui frappe l’esprit
de tout colon ayant quelque expérience des pays d’élevage étrangers. C’est l’extrême
facilité avec laquelle se développent et engraissent les animaux domestiques de toute nature destinés à l’alimentation.
On peut y voir une prédisposition
due à la douceur et à la régularité du climat, – dont on médit tant sans le connaître,
– bien plus qu’à la nourriture elle-même, étant donné le peu de soins dont ils sont
l’objet.
À noter encore qu’aucune maladie
infectieuse n’est connue ici, et la circonstance que le pays est limité de tout
côté par la mer assure son immunité, en raison de la surveillance qui peut être
exercée dans les ports par où seulement peuvent être introduits des animaux contaminés.
Seul l’élevage des ovidés
est en retard, et si ces animaux viennent bien sur les Hauts Plateaux et dans le
Sud, la race demande à être absolument transformée.
Les mérinos sont très
rares ; quant aux angoras et aux kachemirs, il n’en existe point bien que les
troupeaux de chèvres soient assez nombreux.
Etant donné le climat et la
nature des pâturages, il y aurait aussi de ce côté de bonnes opérations à tenter.
Ce sont surtout des reproducteurs qu’il y aurait à introduire, car le pays possède
suffisamment de brebis et de chèvres pour former la base de cheptels de rapport.
L’élevage des équidés est
encore plus en retard, car ici, il y a peu d’années, chevaux et juments faisaient
également défaut. Cet élevage sort à peine des premiers tâtonnements et commence
à donner de bons résultats, bien que l’expérience fasse encore défaut à presque
tous les éleveurs qui s’en occupent. Là il faut importer des sujets, tant chevaux
que juments, à prendre de préférence parmi les races les plus rustiques. On songera
plus tard aux animaux de luxe.
Il faut bien remarquer que
sauf les équidés, les autres races d’animaux sont aborigènes à Madagascar. Or il
ne faut pas oublier qu’aucune de ces races, absolument
aucune, n’existait à l’état autochtone, ni en Amérique, ni en Australie, qui
cependant sont aujourd’hui les plus grands pays producteurs et exportateurs du monde.
Toutes ces races ont dû y être importées et acclimatées. Même les pâturages ont
dû y être créés.
Combien d’années et de capitaux
cela n’a-t-il pas demandé ? Les mécomptes, les insuccès ont été innombrables !
Mais la ténacité des colons anglais et américains a su triompher de toutes les difficultés
et cela sans recevoir de leurs gouvernements d’autre appui que celui d’une entière
liberté et exemption d’impôts et de droits. Là, pas de haras officiels, pas de commissions
de remonte payées par le gouvernement. Chacun a pu se procurer des étalons à sa
guise, mais aussi avec son argent. À Madagascar les haras de la Colonie sont, à
cette heure, admirablement bien montés. Ils possèdent même des taureaux de race
importés de France.
Malheureusement, à d’autres
points de vue, nous sommes outrageusement tenus en lisière par l’état de qui nous
devons attendre toute initiative et toute direction, qui ne sont pas toujours bien
inspirées…
(À suivre.)
Le Tamatave
Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Février 1913.
(A paraître dans quelques jours)
Janvier 1913 est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).
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