15 janvier 2013

Il y a 100 ans : L'accident d'auto du 20 décembre


(Des Petites Affiches.)
Un accident d’auto dans lequel l’administration semblerait avoir une large part de responsabilités et qui aurait pu avoir des conséquences mortelles pour les personnes qui avaient pris place sur cette voiture, pour se rendre de Tananarive à Maevatanana, s’est produit ces jours derniers à l’entrée même du village de Maevatanana. L’auto n° 3 qui quittait Tananarive le 11 au matin avait accompli sans encombre la plus grande partie de la route, lorsque, à quelques kilomètres de la dernière étape, Antanimbary-Maevatanana, le chauffeur livra son volant à l’aide qui l’accompagnait. Celui-ci lança alors la machine à une allure presque vertigineuse et, ayant aux abords d’un pont en assez mauvais état, fait une fausse manœuvre de volant, précipita dans le gouffre l’auto et tous ceux qu’elle contenait. Les passagers, ahuris, se virent, en l’espace rapide d’un éclair, étendus au milieu des débris informes de l’énorme machine roulante dont le moteur avait été heureusement arraché de la voiture, et projeté à une certaine distance, par suite de la violence du choc.
Par miracle, personne ne fut tué, mais, quelques-uns des voyageurs furent assez grièvement blessés et tous sérieusement contusionnés.
M. Bonnemaison, qui rentrait avec sa femme d’une tournée d’affaires de Tananarive, eut toutes les peines du monde à se sortir de dessous les énormes sacs de colis postaux qui étaient tombés sur lui, et se releva avec une fracture de la clavicule gauche, une côte brisée, l’oreille déchirée, l’omoplate endommagée et couvert de contusions.
Aussitôt debout, il chercha ce qui était advenu des autres voyageurs, et fut assez heureux de voir que les demoiselles Harel et les deux bébés qu’elles conduisaient, étaient déjà hors de l’auto, ce qui laissa suppose qu’aucune de ces quatre personnes n’avait subi de blessure grave, mais il n’en était pas de même pour Madame Bonnemaison, qu’il trouva étendue au fond de ce qui restait de la caisse de l’auto, et dans l’impossibilité de faire le moindre mouvement, écrasée qu’elle était sous les sacs postaux et les débris de la voiture.
Quoique grièvement blessé, M. Bonnemaison réussit après quelques efforts à sortir sa femme de la pénible position dans laquelle elle se trouvait, et si elle n’a eu, par un hasard providentiel, aucun membre brisé, elle se releva couverte de contusions et de meurtrissures très douloureuses.
Mlle M. Harel que l’on pouvait croire parfaitement indemne, avait cependant reçu un coup assez violent dans la région temporale droite, et était fortement contusionnée sur tout le corps.
Sa sœur, Mlle S. Harel, avait une blessure au bras et aussi des contusions à la hanche.
Une femme indigène qui avait pris place sur l’auto à Antanimbary, a eu la cuisse brisée et une grave blessure à la tête, et le chauffeur novice, cause de l’accident, fut relevé vomissant le sang et dans un état assez critique.
Les blessés indigènes furent aussitôt transportés à l’hôpital, et les Européens se dirigèrent à l’hôtel Batis, où disons-le, à la louange de ce praticien, le docteur Chollat-Trollet s’empressa de se rendre à leur appel, et de leur prodiguer les premiers soins que nécessitait leur état.
Nous avons dit que l’administration encourait en cette affaire, une responsabilité très grave, et cette responsabilité est dès maintenant établie par suite d’une déclaration qui a été faite par le chauffeur de l’automobile au Commissaire de Police de Maevatanana, en présence des victimes de l’accident et d’autres personnes accourues sur le lieu du sinistre, à une question à lui posée.
Il résulte de la réponse du chauffeur que l’accident est dû à une fausse manœuvre de son second, lequel tenait à ce moment le volant, quoique ne sachant pas conduire, et que ce serait à la suite d’ordres qui lui auraient été donnés par ses chefs, dans le but de permettre à cet élève chauffeur de faire son apprentissage, que le volant lui était quelquefois confié en cours de route.
Le Gouvernement qui assume la responsabilité de convoyer des voyageurs dans les voitures automobiles et qui se jouent ainsi de la vie de ces voyageurs, n’est rien moins que cynique, et si les victimes de ce cynisme s’adressent, comme nous croyons savoir qu’elles le feront, aux tribunaux pour obtenir réparation des dommages soufferts il est probable que la casse à payer pourrait bien être assez lourde.
Qu’en pense Monsieur le Gouverneur Général si cet ordre vient de lui, ou qu’il l’a signé sans le lire ?
C’est toujours le j’menfoutisme administratif.
La vie des gens pèse si peu dans leur balance.
Le Progrès de Madagascar

Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Janvier 1913.
L'ouvrage est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).

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