3 octobre 2008

Où est le scandale ?


Le Journal de l'Ile de la Réunion l'annonçait il y a quelques jours:
Un enseignant de lettres a été suspendu vendredi par le rectorat : le texte qu’il avait donné à ses élèves a été jugé “tendancieux, polémique et provocateur”. Le rôle critique de la nouvelle de Jean-Luc Raharimanana, qui dénonce les massacres et leur médiatisation, n’a pas été spontanément perçu par les parents.
Raharimanana, polémiste et provocateur?
Certes, je crois même qu'il serait prêt à le revendiquer. Sa littérature n'appartient pas à la catégorie lénifiante. Elle n'est pas de tout repos. Elle bouscule, secoue, fournit matière à réflexion - cette réflexion qui, à moins que je me trompe beaucoup, est une des bases de la formation prodiguée par l'enseignement.
Ah! il y avait un autre qualificatif: "tendancieux"... On peut mettre tout ce qu'on veut, et même le contraire, là-dedans. En ce qui me concerne, si cela veut dire que Raharimanana est "tendance", à la mode, ça me va...
L'extrait de Rêves sous le linceul donné à lire à des jeunes d'une quinzaine d'années est âpre, douloureux.
Très bien, ça me va aussi.
J'ai assez souffert de cours de français où les textes proposés étaient d'une insupportable mièvrerie pour ne pas me réjouir d'une "audace" toute relative. Car enfin, lisez ce livre, vous verrez pas vous-mêmes.
Parler de pornographie à son sujet ne peut se faire que si l'on a depuis toujours fermé les yeux sur la violence du monde. Car voilà bien la pornographie d'aujourd'hui, l'insupportable fracas que Raharimanana dénonce à sa manière, avec ses mots, et avec talent.
Le talent est-il une non-valeur?
S'il faut en croire Libération, rendant compte du Festival des Francophonies à Limoges, où la pièce 47, de Raharimanana (encore lui, donc) était jouée, peut-être.
La première du spectacle, il y a dix jours, au centre culturel français d’Antananarivo, a fait tiquer l’ambassade de France.
Je ne sais pas d'où vient cette information, et je n'étais pas à la représentation...
Pour en revenir à cette malheureuse affaire de professeur suspendu à la Réunion, une chose est rassurante: les réactions des lecteurs à l'article sont, dans leur très grande majorité, favorables à l'enseignant. Ouf!

Et pour finir cette note sur une tonalité plus sereine - sans quitter la Réunion -, ce petit extrait d'un livre qui vient de paraître, signé Bernard-Henri Lévy et Michel Houellebecq. Ennemis publics est une correspondance entre les deux écrivains. On y trouve, sous la plume de Houellebecq (pour lequel je n'éprouve pas une grande affection), ce passage:
J'ai vu ma mère assez peu de fois dans ma vie, une quinzaine tout au plus, mais un jour où elle m'a vraiment écœuré est celui où elle m'a raconté avoir croisé par hasard, à la Réunion, mon ancienne nounou malgache, et que celle-ci lui avait demandé de mes nouvelles. Elle trouvait ça marrant, incongru, que mon ancienne nounou malgache, trente ans plus tard, demande de mes nouvelles; moi, je trouvais ça bouleversant, mais je n'ai même pas essayé de lui expliquer pourquoi.
Cela me le rend plus humain.

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