Beau garçon, 27 ans environ, vêtu avec soin, parlant et
écrivant correctement le français, né il ne sait plus où, tel est notre
Malgache qui dit s’appeler Rabazanany,
et avoir reçu au baptême le prénom d’Alphonse (mais sans casquette à trois
ponts).
Une première fois à Majunga, le 12 septembre 1911
– car il est lettré, – ledit Alphonse déclare avoir été condamné, pour vol, à
un an de prison, sous le nom de Rainizanary :
mais pris d’un accès de spleen, il
s’est évadé le 23 mai suivant.
Cette même année 1912, exploitant la culture française qu’il
avait reçue, il se dit créole, portant le nom de Aoudy Léon, et se fait condamner à Tananarive à six mois de prison
pour vagabondage. Il s’évade encore trois mois après.
Les grandes villes ne lui réussissant pas, il se rend dans
le centre plus modeste de Maevatanana où, en 1913, il écope, pour vol, de deux
ans de prison sous le nom précédent de Rainizanary
et est envoyé à Nossy Lava.
On devine que son profond amour pour le grand air, l’espace,
la liberté, le font s’évader de nouveau, pour venir s’échouer à Aniverano où,
le 18 août dernier, il ne lui échoit que dix-huit mois de prison, mais
cette fois sous le nom vierge qu’il prétend être le sien, de Rabazanany Alphonse.
Sa mauvaise étoile l’a conduit ainsi à la maison d’arrêt de
Tamatave, où par malheur notre excellent Malgache s’est trouvé d’abord nez à
nez avec le zélé et intelligent inspecteur indigène qu’est Razafy Jean-Baptiste, par qui il a été reconnu, et ensuite avec le
fin limier de police qu’est le gardien chef de la maison d’arrêt, l’inspecteur
Bringard par qui il a été indentifié, grâce au service anthropométrique qu’il
applique avec le plus grand soin d’ailleurs, comme nos lecteurs le savent, et
lui a habilement soutiré ces aveux. M. l’inspecteur Bringard est coutumier
de ces arrestations importantes et de ces identifications anthropométriques.
Mais rassurez-vous, cher lecteur. Dans quelques mois, notre
Alphonse se présentera chez vous comme cuisinier, planton ou homme de
confiance.
(À suivre.)
Le Tamatave
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