Il y a encore des choses qui ne vont pas très bien en
Alsace-Lorraine. Il ne faut pas s’en étonner : après quarante-huit ans de
séparation et de domination étrangère pour ces deux provinces, c’est un miracle
qu’il n’y en ait point davantage. Donnons donc à Millerand le temps de se
débrouiller… et puis, l’Alsace-Lorraine aura des députés. Ça serait bien
extraordinaire si, seuls des députés de toute la France, ceux de nos chères
provinces ne savaient pas réclamer.
Il y a les cheminots de Lorraine qui ne savent que
l’allemand et se mettent en grève pour qu’on leur accorde des chefs qui parlent
allemand. Je ne leur donne pas tout à fait tort, par la même raison que j’ai
toujours, comme tout le monde, réclamé, pour nos colonies, des fonctionnaires
qui parlent la langue indigène. C’est naturel et nécessaire. Dans vingt ans,
les cheminots de Lorraine parleront français. Mais, en attendant...
Il y a les instituteurs alsaciens-lorrains qui se plaignent
de ne pas recevoir les mêmes traitements que les nouveaux instituteurs venus de
France.
Il y a les industriels alsaciens-lorrains qui demandent des
wagons ou des autorisations d’exportation, et l’administration de Paris ne leur
répond pas plus qu’à tous les autres industriels français : mais ça les
étonne davantage parce qu’ils en avaient perdu l’habitude.
Enfin, il y a la fameuse, l’éternelle question de savoir
qui, parmi les immigrés allemands en Alsace-Lorraine, doit être considéré comme
un Boche définitif et indésirable, ou comme un candidat au moins possible à la
qualité d’Alsacien-Lorrain. Et ça, vous savez, c’est compliqué : sur
quelle base établir l’appréciation ; quel est le moins mauvais
critérium ?
Moi, je l’ignore, naturellement. Mais je me rappelle pourtant
une petite aventure qui advint à Madagascar, du temps que Galliéni en était
gouverneur général, et ceci pourrait procurer quelques lueurs à nos
fonctionnaires, dans les provinces recouvrées, sur la façon de se conduire en
pareil cas.
(À suivre.)
Pierre Mille.
Le Petit Marseillais
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