11 novembre 2010

Séance de rattrapage en librairie

La saison des prix littéraires français est, en ce qui concerne mon emploi du temps, une véritable horreur. (C'est bien amusant aussi, par ailleurs.) Les journées sont trop courtes. Alors, je note sur des petits papiers qui parsèment l'espace entre le clavier et l'écran de mon PC, au fur et à mesure que je les rencontre, des références de livres concernant Madagascar. Je vais vous les donner aujourd'hui sans autres informations que celles des éditeurs, je reviendrai sur certains ouvrages quand je les aurai lus. (Et j'espère que cela ne tardera pas.)

Je commence par un rappel, puisque j'ai déjà signalé l'existence de cet ouvrage très important que j'ai à peine commencé à explorer: le premier volume des Oeuvres complètes de Jean-Joseph Rabearivelo.
A ce propos, un rendez-vous est fixé le samedi 20 novembre à 10h30 au CCAC pour un forum littéraire. D'ici là, je vous en aurai dit davantage sur le livre, présenté ainsi par la quatrième de couverture:
Imaginez en ce début du XXe siècle un jeune "indigène" d'une île soumise à la prestigieuse culture française et se découvrant le don d'écrire. Jean-Joseph Rabearivelo (1903-1937) se veut le "contemporain capital" de sa nation. Déclinée en formes multiples, son œuvre s'inscrit dans la confluence périlleuse des sources natales et du médium étranger choisi. La lecture de son journal, les Calepins bleus, de sa correspondance et d'autres textes autobiographiques révèle l'âpre et parfois capiteuse nudité de cette quête, vécue jusqu'au suicide, dans le flux des jours écrits avec la constante exigence de l'artiste.
On reste en littérature avec le premier roman de Johary Ravaloson, Géotropiques. Lui aussi sera l'invité d'un forum littéraire au CCAC, le samedi 18 décembre à 10h30 - mais avec Sophie Bazin, et à propos d'un autre ouvrage que je vous ai déjà présenté, Zahay Zafimaniry.
Géotropiques, dont vous avez ci-contre la couverture de l'édition française, est aussi édité à Madagascarn dans une autre présentation, chez Dodo vole. Aujourd'hui, la présentation de l'éditeur français:
«Je», surfeur devant l’Éternel et dans l’océan Indien, Malgache vivant à La Réunion, avec son grand amour, B. L’histoire commence légère, facile, comme une vague, sous le soleil et le vent docile. Mais la rugosité de la vie s’en mêle. « Je » lit les carnets laissés par Andy. Carnets qui racontent l’histoire d’amour entre B., la Française, et Andy, le Malgache, sur fond de manifestations d’étudiants à Paris, puis d’un retour à Madagascar. Des sensibilités se heurtent, des individualités se découvrent…
Un premier roman publié d’un auteur malgache, loin de tous clichés concernant cette grande île si méconnue. Dans un style enlevé, rapide, comme le mouvement d’une vague, le ressac de la mer, Johary Ravaloson raconte une histoire d’amour et de mort, met en scène une génération portée par l’espoir et nourrie par les désillusions.
Littérature encore, mais du côté de la poésie, avec un duo d'auteurs belges, Ben Arès et Antoine Wauters pour Ali si on veut.
À la recherche de tout ce lait perdu, le ventre
battu par les sentiers, au cuir la terre brûlée, aux
lézards, makis entre les lunes, à celle qui porte, se
décarcasse, aux progénitures dévouée, secrets
qu’on n’ébruite pas, à l’aplomb, fêlures gardées,
Ali si on veut.
*
Sensible aux pouls, aux chocs, ressorts des
salives. Et ses mains, ses longs doigts fouisseurs,
et sa chemise à pans pour taillader la terre,
pleurer des pourpres et de petites lamelles de
chaux. Et ses yeux, des insectes, deux jeunes
taons de voltige, deux mouches pour perdre pied.
Ben Arès est né à Liège en 1970. Responsable de la revue Matières à poésie et du projet de lectures publiques du même nom. Depuis 2008, coéditeur de la revue Langue vive, avec Antoine Wauters notamment. A publié une dizaine de livres, dont Ne pas digérer, roman, et Cœur à rebours, poésie, (La Différence, 2008 et 2009).
Antoine Wauters est né à Liège en 1981. A publié quatre livres, dont Debout sur la langue (Maëlstrom, 2008) qui lui a valu le prix Polak de l’Académie belge en 2008.
Ali si on veut est le premier livre que les deux auteurs publient à Cheyne.
Du père Pedro, Journal de combat. Missionnaire à Madagascar est réédité au format de poche.
40 ans d'action au service des pauvres: un missionnaire à Madagascar...
À Madagascar, le Père Pedro et sa communauté Akamasoa ont sauvé des dizaines de milliers d'enfants et de familles pauvres, en tentant par tous les moyens de les réinsérer dans la vraie vie. Mais la misère peut resurgir devant chaque porte...
Dans son Journal de combat, le Père Pedro raconte avec une extrême précision comment chaque matin il trouve la force de se battre contre des ennemis jamais terrassés: la faim, la maladie, l'égoïsme, le découragement, la démission des parents... Et il faut croire en l'homme en toutes circonstances pour l'aider à retrouver sa dignité.
Un témoignage humain d'une grande force, une aventure pleine d'espoir qui nous incite à penser qu'un monde plus juste et fraternel demeure possible.
Victor Augagneur, qui fut gouverneur de Madagascar de 1905 à 1910 (il succédait à Gallieni), a écrit Erreurs et brutalités coloniales, réédité dans un volume qui rassemble d'autres textes.
Les textes reproduits dans ce recueil sont tous favorables au colonialisme qu’ils veulent civilisateur et, à terme, émancipateur. Le premier, qui donne son titre au volume, narre la répression inintelligente d’une révolte en 1904 à Madagascar, avant que son auteur, jusque-là maire radical de Lyon, ne prenne le gouvernement de l’île.
Le français tel que le parlent nos tirailleurs sénégalais (1917 & 1918) délivre aux cadres blancs de l’armée une savoureuse méthode d’enseignement du «petit-nègre», fondé en fait sur la syntaxe du bambara et le lexique du français.
Le Manuel élémentaire à l’usage des officiers… (1923) propose une typologie racialiste des peuples de l’Afrique occidentale, entrevus en fonction de leurs capacités respectives à fournir des soldats à l’armée française, que ce soit pour servir de chair à canon dans les tranchées ou pour réprimer les révoltes, en Afrique ou ailleurs.
A leur manière, et sans toujours s’en rendre bien compte, ces monographies, instructives par ailleurs, livrent un témoignage aussi précieux qu’irréfutable sur les méthodes du colonialisme français.
La nature malgache n'ayant pas fini de susciter des ouvrages, voici Lémuriens, seigneurs, savants fous et rois aux sagaies. Petite histoire de Berenty à l'extrême sud de Madagascar, par Alison Jolly, traduit par Emmanuelle Grundmann.
Il était une fois un bout du monde: l'extrême sud de la grande île rouge, Madagascar. Ici, personnages humains et animaux entremêlent leurs histoires dans la réserve naturelle de Berenty. Ce récit est le témoignage d'un passé tumultueux depuis l'esclavage précolonial jusqu'au néocolonialisme de la Banque mondiale. Mais la vraie histoire de Berenty est celle des naissances, mariages et empoisonnements au goût amer. Ici, il y a des combats de sagaies, des batailles puantes et des tombes tandroy décorées de crânes de bétail sacrifié. On y rencontre "On ne peut mettre à terre", "N'a jamais tété", Robin le jeune esclave anglais, Alisson l'Américaine ou encore Hanta la diplômée de Moscou. Et bien sûr, il ne faut pas oublier les lémuriens "Frightful Fan" et "Chou à la crème".
Par-dessus tout, vous allez rencontrer une famille obstinée et entêtée, tant dans les moments de faste luxueux que dans le désarroi: les seigneurs du heaume qui, malgré la mondialisation galopante, tentent de préserver intact leur pacte avec les Tandroy.
Alison Jolly débuta ses études sur les lémuriens sauvages en 1963. Elle poursuivit ses recherches à la réserve naturelle de Berenty durant quatre décennies avec ses collègues et étudiants. Auteur de douze livres sur l'évolution du comportement animal et sur la conservation, elle conte ici ses propres aventures et celles de ses amis de l'extrême sud de Madagascar.
Après avoir étudié les orangs-outans à Bornéo, Emmanuelle Grundmann s'est tournée vers l'écriture et le journalisme et a écrit plusieurs livres sur la déforestation, les primates et la biodiversité. La traduction du livre d'Alison Jolly lui a permis de retrouver les lémuriens et Madagascar qui l'ont toujours fascinée.
Pour Vanille. La route Bourbon, Philippe Aimar, photojournaliste, a requis les connaissances de Jean Mèze, ingénieur en agronomie tropicale et a complété sa propre démarche par celle Reno Marca et Mariana Bonet, auteurs d'un carnet de voyage.
Au début du 16e siècle, la vanille donna la fièvre à tous les souverains d'Europe. Aussi lorsque Cortez eut l'occasion de déguster son fameux «chocolat vanille», on imagine avec quel empressement il pensa à un juteux commerce. Son premier objectif fut donc d'envoyer au plus tôt un chargement de gousses en Espagne. Charles Quint fut certainement le premier souverain d'Occident à goûter la vanille. La route de la vanille venait d'être ouverte...
Aventurier, photographe et journaliste, Philippe Aimar inscrit son travail dans la lignée des grands écrivains voyageurs. Depuis plus de 20 ans, Il parcourt la planète à la rencontre de peuples, de cultures et de saveurs pittoresques. Véritable magicien des mots et des images, il fige à travers son objectif des instants qu'il transforme, tout au long des pages de ses livres, en moment d'éternité. Ce qui le caractérise, c'est qu'il veut tout voir et tout savoir pour fixer au mieux les événements dont il est le témoin privilégié. Chacune de ses aventures se transforme ainsi en carnet de voyage insolite, en témoignage unique. Avec un tel parcours, rien d'étonnant à ce que cet infatigable baroudeur ait consacré une grande partie de son travail à l île de Madagascar et à l'un de ses joyaux: la vanille. La culture de cette épice aromatique qui suscite plaisir et convoitises nécessite en effet des soins longs et attentifs. Il fallait donc un artisan du journalisme et de la photographie pour expliquer son histoire et comprendre pourquoi elle fascine à ce point les hommes.
Pour changer un peu, une bande dessinée de Denis Vierge, Vazahabe! (tout le monde aura compris). Présentation à l'italienne, comme on dit dans le langage de la mise en page, pour faire penser à un carnet de voyage...
Guy Camier, la soixantaine bedonnante, débarque à Madagascar à la recherche de sa femme, une Malgache épousée par l’intermédiaire d’une agence matrimoniale. Retournée pour un temps dans sa famille, elle a disparu. Accident, enlèvement, fuite?
Devant le mépris des services diplomatiques, il se fera aider d’un expatrié français, et d’un chauffeur malgache pour essayer de la retrouver…
C’est une histoire de vengeance, de revanche sociale et affective… Mais aussi la découverte d’un pays et d’une culture. Et l’affirmation que le voyage ne permet de découvrir que soi-même. Au mieux.
Beaucoup plus sérieux - mais le droit n'est peut-être pas absent de la bande dessinée ci-dessus, le professeur Alisaona Raharinarivonirina se voit offrir des mélanges, genre prisé dans les milieux universitaires: Regards sur le droit malgache. J'aurais voulu vous en donner le texte de quatrième de couverture, mais la définition de l'image est si mauvaise que je me contente de quelques lignes pêchées sur le site de l'éditeur. (Je tiens à mes yeux, ils peuvent encore servir.)
Tel est le but de cet ouvrage: rendre hommage à celui qui a été l'un des bâtisseurs et pionniers du droit au sein des universités de Madagascar, au sortir des années 60, quand le temps était alors à l'incertitude et aux tâtonnements. L'entreprise ainsi menée se veut le symbole d'une saine transmission des valeurs et des connaissances à travers des générations de juristes qui ont contribué et qui participent encore au développement de la faculté de droit de l'Université d'Antananarivo.
Enfin, j'allais oublier un recueil collectif de nouvelles qui rassemble des textes de Raharimanana, Jean-Pierre Haga, Alexandra Malala, Johary Ravaloson, Esther Randriamamonjy et Magali Nirina Marson, Nouvelles de Madagascar.
Pour qui a arpenté les hauts plateaux de l’Imérina, sillonné ce pays de rizières, de forêts peuplées d’une faune fabuleuse, pour qui a côtoyé jour après jour les Malgaches des villes (Antananarivo, Mahajanga, Antsirabe, Antsiranana [Diego Suarez], Tamatave, Tulear, etc.) et ceux des campagnes, l’énigme de cette île enchanteresse est encore plus grande. La littérature malgache d’aujourd’hui s’écrit en malagasy, ou, vestige de l’histoire coloniale, en français. Elle demeure aussi souvent orale, c’est la littérature dite des Anciens par laquelle se perpétuent les traditions.
Ce recueil, avec des nouvelles inédites d’auteurs vivant à Madagascar ou en Europe, tous hantés par leur île, ses sortilèges, son histoire ancienne et tous soucieux de son devenir, est une photographie de l’île aujourd’hui. La pauvreté, celle des campagnes et celle des villes, l’exode, le tourisme et ses terribles conséquences, la corruption, l’instabilité politique, mais aussi le passé prestigieux, Antananarivo la grouillante «Ville des Mille»: tels sont les sujets de ces textes qui permettent d’aborder la réalité malgache; ou plutôt quelques-unes des multiples facettes de la réalité de l’immense Île rouge.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire