Dans son dernier livre, il relate un voyage à Raga, une île de Vanuatu baptisée en français l'île de la Pentecôte. On est loin de Madagascar, géographiquement du moins. Car, par certains aspects, la proximité est évidente. C'est d'abord la rencontre avec une femme, Charlotte Wèi Mantasuè:
Quand je suis arrivé au couvent de Melsissi, j'ai rencontré une femme d'environ quarante ans, petite et maigre, avec une masse de cheveux frisés et un visage intelligent. L'air d'une Malgache plutôt que d'une Mélasienne, avec son teint cuivré, ses pommettes hautes et ses yeux en amandes.Un peu plus loin, la proximité se manifeste par la langue locale:
J.M.G. Le Clézio, Raga. Editions du Seuil, 2006, page 28
Lorsque, en 1980, après de longues luttes, l'archipel des Nouvelles-Hébrides a accédé à l'indépendance en prenant le beau nom de Vanuatu, le système traditionnel du troc s'est trouvé menacé par la rémunération en devises: on a créé une nouvelle monnaie, le vatu (en langue d'Efaté, "la pierre").A l'intention de ceux qui tomberaient par hasard sur ce blog sans rien connaître de Madagascar, précisions qu'en malgache, pierre se dit vato, et que cela se prononce vatou.
Idem, page 39
La parenté linguistique s'affirme une deuxième fois:
La vieille femme le regarde un instant sans répondre, puis elle dit simplement: "Mat". Lélé est morte.En malgache, mort se dit maty, avec la même prononciation...
Idem, page 102
Enfin, parlant des îles et de leurs véritables propriétaires, Le Clézio écrit:
Ceux qui possèdent les îles sont ceux qui les ont nourries de leur sueur et de leur sang, qu'ils soient créoles venus d'Afrique ou de Madagascar, Indiens ou Chinois descendants des travailleurs agricoles ou Français et Bretons fuyant la famine après la Révolution, et qui ont lentement construit leur nouvelle patrie.Ce que j'appelle "tourner autour de Madagascar"...
Idem, page 122
Bonjour, juste une petite remarque : les habitants du Vanuatu et ceux de Madagascar sont issus de la même vague migratoire qui, il y a quelques 6000 ans, s'est déplacée de la région de Taiwan pour gagner (en pirogues) de nombreuses îles du Pacifique (pas forcément désertes), à l'Ouest, et, à l'Est, Madagascar. Les linguistes appellent ces migrants, les "autronésiens".
RépondreSupprimerC'est ce nom qui désigne aussi la famille des centaines de langues parlées par ces gens, dans le Pacifique et à Madagascar. D'où sans doute l'explication des similitudes entre les mots "pierre" et "mort" par exemple.
Oui, le flux migratoire, comme on ne disait pas encore à l'époque, est à l'évidence responsable de cette proximité linguistique.
RépondreSupprimerMerci de l'avoir rappelé.