Je cherche dans ma bibliothèque, et malheureusement ne retrouve pas, La Porte du Sud, la nouvelle publiée par Johary Ravaloson il y a une douzaine d'années, qui avait reçu le Prix de la nouvelle de l'Océan Indien. Je reprends donc ce que j'en écrivais à un moment où je l'avais sous les yeux.
Il y relate une course de dahalo (des voleurs de zébus) dans le sud de Madagascar, sur le plateau pelé de l'Horombe. Il s'agit presque, comme on le sait, d'un sport traditionnel qui n'exclut pas pour autant la violence, surtout quand il s'agit de s'emparer d'un troupeau et pas seulement de quelques têtes de bétail.
Avec ses complices, le narrateur remonte vers le nord, ils poussent les bêtes devant eux dans la poussière, formant un convoi furieux sous la menace des gendarmes à leur poursuite avec des hélicoptères. S'ils arrivent à La Porte du Sud, ils pourront entrer dans le massif de l'Isalo et décourager les poursuivants avant d'aller vendre leur cheptel au marché d'Ambalavao.
Le récit est nerveux, entrecoupé de cris pour encourager les zébus à avancer, de pauses pour avaler du riz salé et de la viande boucanée, et aussitôt ça repart, avec cette impression de vitesse qui affole et disperse le regard.
On retrouve, dans Vol à vif, les mêmes dahalo poussant les mêmes zébus volés à travers les mêmes paysages et dans la même direction, poursuivis par des gendarmes qui sont les mêmes aussi, ou d'autres, mais alors très semblables. Les qualités déjà signalées à propos de la nouvelle se retrouvent dans le roman qui en est, d'une certaine manière, une amplification plutôt qu'une redite.
Il fallait bien, pour aborder de nouveau un sujet dont l'actualité souvent tragique de Madagascar nous fournit des éléments épars que l'observateur moyen ne parvient pas à relier les uns aux autres dans une image globale, inscrire les gestes des voleurs dans une geste épique appartenant elle-même à un environnement social particulier à la région, à l'ethnie bara et à ses coutumes, aux dérives d'un monde qui semble tourner follement sur lui-même jusqu'à risquer l'écroulement par implosion non maîtrisée...
Un oiseau plane au-dessus de destins courant à perdre haleine vers des points de convergence auxquels les rencontres sont des chocs imprévisibles, surtout pour les personnages - car le lecteur, lui, en a anticipé au moins un. La violence appartient au quotidien de ces hommes qui auraient pu connaître d'autres vies si les circonstances en avaient décidé autrement. Mais le romanesque est, parfois, si proche du réel...
Je voudrais signaler une intéressante particularité dans la façon qu'a Johary Ravaloson d'écrire les noms malgaches. Il en fait une approximative transcription phonétique qui gêne un peu l’œil du lecteur habitué à rencontrer ces noms dans leur orthographe d'origine mais qui, probablement, aidera celui qui y est moins accoutumé à les "entendre", serait-ce mentalement, dans la proximité de l'élocution. Quelques exemples: Ihosy devient Yous, l'Isalo, Yshal, les Bara, les Baar, etc.
Voici en tout cas un roman profondément imprégné des traditions transmises, en même temps que les légendes qui les accompagnent, depuis des générations, et pourtant d'une brûlante contemporanéité. Il ne se contente pas de nous emporter dans sa course, il nous aide à comprendre ce monde singulier.
Le roman de Johary Ravaloson est présenté par son auteur ce samedi 6 février à 10 heures à l'Institut Français de Madagascar, Antananarivo.
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