Il ne fait pas toujours bon montrer au pays colonisateur ce que les bien-pensants ne veulent pas savoir de leurs territoires lointains et quelles mœurs s’y pratiquent. Dans Romans-revue, où l’on lit, lèvres pincées et yeux furibards, toute une production littéraire où l’exotisme s’exacerbe en érotisme, Charles Renel est salué en décembre 1923 pour sa connaissance du pays et la qualité de la description qu’il en fait. Quant au « Décivilisé », il reçoit un jugement sans appel : « Le livre est mauvais : il a pour la vie sensuelle des noirs et pour les mœurs déplorables de ces pays des complaisances scandaleuses ; il fait bon marché des missions catholiques ; il prêche des idées fausses et injustes. » Romans-revue, faut-il le préciser, est une publication catholique qui revendique la propagande de la foi. L’incompatibilité est totale.
Il n’en va pas de même pour tous les lecteurs. Louis Payen consacrait le 25 août une bonne partie de sa chronique littéraire dans La Presse au nouveau roman de Charles Renel. Le jugement également sans appel, mais à l’inverse : « Il est remarquable. » Longuement décrit et résumé, le roman fait l’objet d’une analyse enthousiaste : « M. Charles Renel n’est pas tendre pour notre civilisation brutale et démoralisatrice ; son livre fait pénétrer une grande bouffée d’air frais et pur dans notre atmosphère empesée et si, à la fin, il arrache son héros à la douceur de sa vie malgache pour l’envoyer à la grande guerre, c’est pour nous mieux montrer à quoi aboutit notre fameuse civilisation. Il faut remercier M. Renel d’avoir écrit ce livre bien observé, d’une jolie couleur, d’un pittoresque attachant et d’un style imagé et net. »
Dans L’Homme libre, Paul Lombard parle en octobre d’un « livre puissant, abondant, bien posé en équilibre que un problème éternel ». Jugement probablement plus indépendant que celui de Rabaté dans Le Madécasse, journal publié à Tananarive. Il salue « le Maître » qui a écrit le roman, fournit les preuves de l’intérêt du livre (nous renonçons à le citer à ce sujet, tant c’est puéril, naïf ou flagorneur, tout cela à la fois peut-être) et ne manque pas de signaler que l’auteur du « Décivilisé » est Charles Renel, cela on le savait, mais aussi et surtout « notre sympathique Chef de Service de l’Enseignement ». Il est des éloges, en voici donc un, qui donnent moins envie de lire que certains éreintements, comme celui que nous citions plus haut.
Le « Décivilisé » est le quatrième titre de Charles Renel disponible, dans une nouvelle édition numérique, à la Bibliothèque malgache. Chaque ouvrage est proposé au prix de 1,99 € dans les librairies disposant d'un rayon numérique (et 6.000 Ariary à Madagascar, chez Lecture et Loisirs, au Tana Water Front).
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Étienne Grosclaude. Un Parisien à Madagascar
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