Une nouveauté de la Bibliothèque malgache
Un voyage interrompu, malheureusement, car il est de très grande qualité. De juin 1891 à mai 1892, Henry Douliot (1859-1892) herborise dans la région de Morondava puis de Maintirano. Il fait beaucoup plus que cela, en réalité : il vit avec la population et il maîtrise suffisamment le sakalava pour tenir des conversations pleines d’informations. On peut rêver à ce qu’aurait été ce récit si son auteur n’avait pas été frappé par la fièvre qui allait avoir raison de lui à Nosy Be où il avait été transporté pour y être hospitalisé. Moins connu que le voyage de Louis Catat, celui-ci est du même niveau d’intérêt.
Quelques articles sont parus en France à propos de Henry Douliot. En voici trois, contemporains du décès de l’explorateur ou de la parution de son livre.
Le premier, signé M. D., probablement Marcel Dubois, paraît dans les Annales de géographie, que celui-ci dirige avec Paul Vidal de La Blache. On lit, dans le numéro du 15 octobre 1892 :
Le 2 juillet de cette année, une dépêche nous apprenait la mort à Nossi-bé de l’explorateur Henry-Louis Douliot, emporté par un accès de fièvre. Les lettres de son courageux successeur, M. Émile Gautier, ajoutèrent, un mois après, quelques détails à cette foudroyante nouvelle. Après une difficile et fructueuse exploration du Mailaké, Douliot était rentré fatigué à Mainty-Rano. C’est là qu’il ressentit les premières atteintes du mal, les premières du moins que la douleur le força d’avouer à ses compagnons de voyage et à ses hôtes. Comme tant de nos compatriotes chargés de missions scientifiques à l’étranger ou aux colonies, Douliot reçut de nos marins les meilleurs et les plus prompts secours ; le commandant de la canonnière Le Sagittaire prit à bord notre malheureux ami, le combla de soins, de prévenances, et le transporta à Nossi-bé. Tous les efforts de la science et de l’amitié restèrent inutiles. Douliot mourut le 2 juillet, à trente-trois ans, après quinze mois d’un labeur auquel il s’était attaché avec passion, s’imposant les plus rudes fatigues pour mener à bien l’œuvre qui lui était confiée. Il repose en terre française, dans le petit cimetière de Nossi-bé, mais bien loin des siens, bien loin des honneurs que nous aurions voulu pouvoir rendre à ce zélé serviteur de la science et de l’intérêt français. Il faut souhaiter que l’on mette bientôt en pleine lumière la valeur scientifique de son trop court voyage ; ses confrères en géographie et ses amis auront soin de sa mémoire. Dès que les dernières notes de Henry Douliot auront été retrouvées et mises en ordre, les Annales de géographie offriront à leurs lecteurs une étude complète de cette remarquable exploration. Mais les directeurs et les éditeurs ont voulu s’associer sans retard aux regrets unanimes des maîtres de Henry Douliot et à la cruelle douleur de sa famille.
Le 29 avril 1895, après la publication de ces notes, le Journal des débats politiques et littéraires leur consacre une partie de la rubrique « Au jour le jour », en première page :
Dans le journal du voyage que fit M. Henry Douliot en 1891 et en 1892 sur la Côte Ouest de Madagascar, nous relevons un certain nombre de traits de mœurs dont plusieurs sont intéressants. Au moment où l’on signe un traité d’amitié et d’alliance, l’usage, pour les deux parties contractantes, de boire réciproquement quelques gouttes de leur sang existe chez les races malgaches, comme dans presque tous les pays du monde où la civilisation est encore rudimentaire. À Madagascar, cette cérémonie s’appelle le fatidra ; elle s’accompagne d’une série de cérémonies connexes assez compliquées, et dont le sens nous échappe, mais qui toutes naturellement doivent avoir, ou devaient avoir jadis une signification mystique très précise. Il est à remarquer également que là-bas, comme d’ailleurs chez beaucoup d’autres peuples asiatiques ou africains, le serment parlé a une valeur morale infiniment supérieure au serment écrit ; pour des intelligences à moitié sauvages et très simplistes, l’écriture ne représente rien. C’est un trait de caractère que pourront à l’avenir méditer avec profit les signataires de traités diplomatiques.
Enfin, également en première page et dans la rubrique « La foire aux livres », Le Journal écrit, le 6 juin 1895, quelques lignes sur une publication que l’on doit « aux soins pieux d’un père inconsolé ».
C’est le Journal du voyage fait sur la côte Ouest de Madagascar, par Henry Douliot, trois ans avant l’expédition, la promenade pacifique d’un jeune naturaliste qui abandonna son laboratoire du Muséum où il était préparateur, pour aller là-bas, du côté des rivières mal connues, sous les forêts sans chemins du Ménabé, chercher quelques fleurs nouvelles, quelques échantillons de pierres manquant à la géologie ; promenade d’un an autour de Nosy Miandroka et de Morondava, à travers les tribus sakalaves, de l’enclos où trône un vieux chef aveugle, collectionneur d’amulettes, à la hutte où une vieille buveuse de rhum, demi-reine et demi-fermière, prépare elle-même, le soir, le lit du voyageur. Il y a dans ces notes autre chose que les sèches observations d’un savant : des détails de mœurs amusants, des descriptions de cérémonies étranges, surtout beaucoup de bonne humeur naïve et de franchise aventureuse.
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