(Suite.)
Voyez ce que les Allemands ont su faire non seulement dans
leurs colonies, mais aussi dans celles d’autrui. Certes, ils possèdent un
esprit de suite, une ténacité qui leur permettent d’ouvrir les portes les mieux
fermées, mais tout leur esprit de suite, toute leur ténacité n’eussent pas
suffi pour instaurer l’emprise mondiale qu’ils rêvaient, si les efforts de
leurs émigrants n’avaient été soutenus, notamment, par un système bancaire
merveilleusement organisé, comme nous n’en avons jamais eu de pareil pour venir
en aide à nos colons.
Notre excellent confrère de Tananarive, la Tribune de Madagascar, dit fort
judicieusement : « Nous autres, Français, nous sommes le peuple le plus
enclin à l’étatisme. Mais il y a aussi cela de curieux, c’est que nous sommes
aussi celui qui sait le moins tirer parti des ressources de l’État. »
Nous ajouterons, parodiant Bossuet : « C’est là le
secret de la force des Allemands et celui de notre faiblesse. »
Il est un fait avéré que partout où les Boches ont voulu
ouvrir un commerce ou évincer un négociant rival, ils n’ont jamais eu à
redouter le manque de ressources. Des banques ont toujours secondé leurs
efforts, quand ce n’était pas l’État lui-même. Il ne faut pas chercher ailleurs
l’explication de leur succès persistant. Aussi, quelle réussite n’auraient-ils
pas obtenue si leur camelote avait eu les qualités de nos produits ? Il
nous aurait fallu leur abandonner complètement la place.
À notre différence, nos adversaires sont doués d’une
persévérance à toute épreuve qui les empêche d’abandonner la partie tant qu’ils
ne la considèrent pas comme irrémédiablement compromise.
Que d’entreprises coloniales françaises ont passé entre des
mains allemandes au moment où elles allaient devenir fructueuses ! Certes,
nos colons s’entendent merveilleusement à mettre une affaire debout, mais ils
manquent trop souvent d’esprit de suite : ils se découragent trop vite.
Disons toutefois à leur décharge qu’ils appréhendent à juste titre de ne pas
trouver l’appui nécessaire dans les moments critiques, alors que cette crainte
n’existe pas pour les Allemands. Maintes fois, le Courrier colonial a signalé la grave lacune que constitue, dans nos
méthodes de colonisation, l’absence de toute aide financière pour les colons un
peu hardis.
(À suivre.)
F. Mury
Le Courrier colonial
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