Monsieur Le Directeur,
J’ai lu avec intérêt l’article paru dans votre numéro du
28 septembre dernier sur la main-d’œuvre. Vous êtes un partisan résolu du
livret de travail pour les indigènes malgaches.
Voulez-vous me permettre de vous donner un avis personnel et
de vous assurer que je ne crois nullement à l’efficacité de ce système ?
Le Malgache est le plus parfait bohème que je connaisse.
Pour peu que soit uniforme et suivi le travail qu’on lui demande, il lâche
inévitablement son employeur.
Peu lui importe même sa famille : il ira dans une autre
région, à plusieurs jours de marche, à la recherche d’un travail ayant
l’attrait du nouveau.
Il lui faut du changement : changement de patron,
changement de travail, changement de région. Il ne peut se contraindre à penser
qu’il lui faudra, pendant les jours, des mois, des années, ne s’occuper que
d’un seul travail et toujours du même.
Vous pensez, combien avec cette mentalité, il est difficile
d’arriver à un résultat pratique dans le commerce ou l’industrie.
Un colon ne peut dans son exploitation monter un cinéma ou
engager une troupe théâtrale permettant à son personnel indigène de s’attacher
à lui uniquement à cause des distractions qu’il lui donne ?
Toute entreprise demande, au contraire, pour qu’elle ait une
chance de réussite, un travail d’une extrême régularité. Le succès est à ce
prix.
Combien sont nombreux les colons et les industriels qui, par
la faute de ces travailleurs vagabonds, ont dépensé leurs capitaux sans espoir
de les retrouver jamais !
Leurs espérances, leur courage, leur foi en l’avenir, tout a
sombré dans le néant, et cela par l’inconstance et la pénurie de la
main-d’œuvre indigène.
Certes, l’obligation du livret individuel serait un progrès,
mais je crois le projet difficilement réalisable. En tous cas, le contrôle est
difficile, sinon impossible.
Ce n’est certes pas ce papier officiel ni la crainte de la
maréchaussée qui corrigeront les Malgaches de leur déplorable habitude de
vagabonder.
E. L.
N. D. R. – Nous remercions notre aimable
contradicteur, et nous publions toujours avec reconnaissance les critiques
qu’on veut bien nous adresser, ayant pour principe que du choc des idées
jaillit la lumière.
Le Tamatave
Deux volumes de compilation de la presse à propos de Madagascar il y a 100 ans sont disponibles. La matière y est copieuse et variée, vous en lisez régulièrement des extraits ici. Chaque tome (l'équivalent d'un livre papier de 800 pages et plus) est en vente, au prix de 6,99 euros, dans les librairies proposant un rayon de livres numériques. D'autres ouvrages numériques, concernant Madagascar ou non, sont publiés par la Bibliothèque malgache - 78 titres parus à ce jour.
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