On nous écrit :
Dans votre vaillante
feuille vous avez signalé les dommages incalculables que l’usage des tavy fait
souffrir à notre richesse coloniale, et tout en félicitant M. Garbit des
instructions précises qu’il a données pour mettre fin à cet usage, vous vous
montrez pessimiste sur la façon dont ces instructions seront suivies, ajoutant
que cet usage ancestral trouverait
son appui et sa meilleure protection auprès de ceux chargés de le combattre.
Sûrement vous ne pensiez pas dire aussi vrai.
Je vais vous conter ce qui
se passe, moi qui vis au milieu d’eux et me sers d’eux comme ouvriers.
À chaque paie qui est
faite à ces derniers, j’appelle un employé de l’Administration, qui, la paie
terminée, perçoit de chaque ouvrier la quote-part d’impôt dont il est redevable
envers le fisc.
Généralement, après
quelques petites dettes payées au Chinois, il reste encore quelque argent à cet
ouvrier, qui s’empresse de ne revenir au chantier que quand il a fini d’épuiser
cette somme.
Les employeurs sont fait
à cette coutume ancestrale elle
aussi, et ils en prennent leur parti.
Mais voici venir l’époque
des tavy. C’est pour eux une occasion de fêtes pendant lesquelles ils boivent
du betsabetsa tant qu’ils ont de l’argent ou qu’on veut leur faire des avances.
Malgré les instructions formelles du chef de la colonie, ils trouvent toujours
un chef de district, au cœur assez
sensible, qu’ils réussissent à attendrir en lui affirmant qu’ils mourront
de faim si on leur refuse de faire un tavy. Alors, sans scrupule, ils mettront
le feu à une grande étendue de forêt, pour planter en riz une surface grande
comme un mouchoir de poche. Pendant que le riz pousse, ils vivront
d’expédients, d’emprunts sur la récolte, et même de vols chez les voisins.
Dès que le riz commence à
pouvoir être mangé, ils en feront une telle consommation qu’il n’en restera
plus un grain à l’époque où il pourrait être récolté après maturité. Tout cela
aura demandé de 4 à 5 mois pendant lesquels mon chantier aura été désert
et mon exploitation gravement compromise. Pendant ce même temps, le fisc, comme
sœur Anne, a regardé en vain si les fonds rentraient dans sa caisse.
(À suivre.)
Le Tamatave
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