Ce n’est pas, et de loin, le prix littéraire le plus
retentissant de l’automne parisien, mais il nous touche de près : le Prix
du Masque de l’année va à un roman policier paru en octobre, La vallée du saphir, par Jean Ely Chab.
L’auteur, nous apprend l’éditeur, est professeur, vit à la Réunion et est venu
plus de quarante fois à Madagascar, où il situe son roman.
Après une brève séance de divination, le lieu est précisé,
dans une graphie vaguement phonétique : « Ilakak’, la ville du saphir ! » On pourrait, bien
sûr, discuter du bien-fondé de ce choix, malgré l’explication fournie en
note : « Pour des raisons
pratiques liées à la prononciation, l’écriture de son nom a été
simplifiée. » Car on n’est pas tout à fait convaincu par une élision
de voyelle finale qui ne prend pas en compte l’accentuation. Passons, et
admettons qu’il s’agit d’un détail, même s’il irrite un peu à la lecture.
Nous voici donc dans ce qu’on a beaucoup appelé le far-west,
à l’époque où le petit village, suite à l’affluence de chercheurs de saphirs,
était passé de quelques cases le long de la Nationale 7 à un gros bourg au
développement anarchique. Monza, l’inspecteur de police venu de Tana et affecté
à Ranohira, alors qu’il est un citadin dans l’âme, sait comme tout le monde ce
qu’est devenu cet endroit.
Il va avoir l’occasion de le vérifier lui-même, pour une
enquête qui l’entraîne dans un village où un ombiasy a été tué. Par les dahalo,
a conclu la gendarmerie dans un rapport que Monza a été prié de confirmer, son
supérieur hiérarchique a été très clair. Mais Monza n’apprécie pas trop son
supérieur et voit dans cette affaire l’occasion de mener enfin des
investigations sur le terrain.
Il va y mettre du sien, se retrouver au creux de la terre où
les prospecteurs envoient des pauvres types creuser au péril de leur vie,
croiser une jeune femme trop belle pour être vraiment honnête, provoquer malgré
lui la mort d’une prostituée, placer dans son sillage une vendeuse de café et
de beignets…
L’enquête est musclée mais moins complexe qu’on aurait pu
l’espérer. Les paysages et les atmosphères, en revanche, sont parfaitement
restitués. Et, puisque Monza aime la photographie, il apprécie à leur juste
valeur les clichés qui ornent les murs du salon, dans le casino d’Ilakaka :
« L’inspecteur s’attarda un instant
sur quelques encadrés : des portraits et des paysages d’une qualité
artistique évidente. Pas étonnant, puisque les clichés étaient signés de
Pierrot Men ! Monza appréciait depuis toujours les reportages humanistes
de ce grand photographe. Chacune de ses photos était une histoire à elle
seule : l’histoire de gens simples ; des moments de vies interceptés
par l’œil d’un poète. Le visage du policier esquissa un léger sourire. Il avait
lui-même englouti ses premières payes dans l’achat d’un vieux Minolta
argentique, et passait de longs dimanches à traîner en ville en quête d’images.
Mais ses photos, même s’il en était très fier, n’avaient rien de comparable
avec celles du maître de Fianarantsoa. »
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