Un Français peut-il se soustraire aujourd’hui à la loi du
travail si son âge ou les circonstances le mettent à l’abri du danger ?
Évidemment non.
N’en est-il pas de même pour les indigènes de nos colonies
qui restent chez eux et ne viennent pas au secours de la mère patrie ?
La Grande Île souffre, comme l’a souvent exposé le Courrier Colonial, d’un mal qui menace
d’enrayer très sérieusement l’essor plein de promesses qu’avait pris, depuis
plusieurs années, la colonisation : la crise de la main-d’œuvre s’aggrave
de plus en plus, de nombreuses entreprises se voient dans la nécessité de
réduire leur champ d’action et il n’est pas exagéré de dire que la puissance productrice
de la colonie est menacée de décroître rapidement.
Pour remédier à cette situation alarmante, on a préconisé de
nombreux remèdes, trop nombreux, peut-on dire, car chacun d’eux ne représente
jamais qu’un expédient provisoire, n’abordant pas de front le problème pourtant
simple dont la donnée est celle-ci : il y a crise de main-d’œuvre, mais il
y a abondance de bras.
Dès lors, une seule solution s’impose, le travail
obligatoire, solution radicale, certes, mais en dehors de laquelle tout le
reste n’est que vaines paroles.
C’est pourquoi il faut grandement louer le Syndicat des
Agriculteurs de Madagascar d’avoir, pour son coup d’essai, osé ce coup de
maître de réclamer le travail indigène obligatoire.
Cette audace est faite pour réveiller et exciter la sensiblerie
des ignorants ou des retardataires qui ne vont pas manquer de faire quelque
comparaison imbécile avec un retour à l’esclavage.
De là une série de discussions qui n’est, hélas ! pas
près de finir et qui retardera d’autant l’ère du nouveau régime : d’une
part, le bloc des chefs d’entreprises petites ou grandes, dont l’œuvre se
trouve compromise par l’impossibilité d’obtenir du travail de l’indigène ;
d’autre part, l’énorme machine administrative, puissamment secondée par une
certaine opinion empreinte d’un libéralisme en porte-à-faux, n’admettant pas
que la loi du travail universel s’applique aux gens dont la peau est colorée,
tout comme aux autres. Qui de nous, en France, n’est pas obligé de travailler
ou exposé à se faire tuer pour la patrie ?
(À suivre.)
Paul Desloy.
Le Courrier colonial
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