15 août 2018

Il y a 100 ans : Le travail s’impose à tous, aux colonies comme en France (1)


Un Français peut-il se soustraire aujourd’hui à la loi du travail si son âge ou les circonstances le mettent à l’abri du danger ? Évidemment non.
N’en est-il pas de même pour les indigènes de nos colonies qui restent chez eux et ne viennent pas au secours de la mère patrie ?
La Grande Île souffre, comme l’a souvent exposé le Courrier Colonial, d’un mal qui menace d’enrayer très sérieusement l’essor plein de promesses qu’avait pris, depuis plusieurs années, la colonisation : la crise de la main-d’œuvre s’aggrave de plus en plus, de nombreuses entreprises se voient dans la nécessité de réduire leur champ d’action et il n’est pas exagéré de dire que la puissance productrice de la colonie est menacée de décroître rapidement.
Pour remédier à cette situation alarmante, on a préconisé de nombreux remèdes, trop nombreux, peut-on dire, car chacun d’eux ne représente jamais qu’un expédient provisoire, n’abordant pas de front le problème pourtant simple dont la donnée est celle-ci : il y a crise de main-d’œuvre, mais il y a abondance de bras.
Dès lors, une seule solution s’impose, le travail obligatoire, solution radicale, certes, mais en dehors de laquelle tout le reste n’est que vaines paroles.
C’est pourquoi il faut grandement louer le Syndicat des Agriculteurs de Madagascar d’avoir, pour son coup d’essai, osé ce coup de maître de réclamer le travail indigène obligatoire.
Cette audace est faite pour réveiller et exciter la sensiblerie des ignorants ou des retardataires qui ne vont pas manquer de faire quelque comparaison imbécile avec un retour à l’esclavage.
De là une série de discussions qui n’est, hélas ! pas près de finir et qui retardera d’autant l’ère du nouveau régime : d’une part, le bloc des chefs d’entreprises petites ou grandes, dont l’œuvre se trouve compromise par l’impossibilité d’obtenir du travail de l’indigène ; d’autre part, l’énorme machine administrative, puissamment secondée par une certaine opinion empreinte d’un libéralisme en porte-à-faux, n’admettant pas que la loi du travail universel s’applique aux gens dont la peau est colorée, tout comme aux autres. Qui de nous, en France, n’est pas obligé de travailler ou exposé à se faire tuer pour la patrie ?
(À suivre.)
Paul Desloy.
Le Courrier colonial


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