(Suite.)
Que l’administration soit en tout état de cause formellement
hostile à une obligation quelconque dès lors qu’il s’agit du travail de
l’indigène, nous pensons que nul n’en saurait douter un moment ; si vous
faites valoir les intérêts compromis, la colonie courant à la ruine, soyez
persuadés qu’elle en exprimera tous ses regrets en se gardant bien d’agir le
moins du monde comme il le faudrait pour y remédier. Elle rééditera et
appliquera le mot tristement fameux : « Périsse la colonie plutôt que
notre principe. » Et « notre principe », sachez-le, c’est la
liberté absolue de l’indigène ; notre politique, c’est de démontrer à
celui-ci combien est grand son bonheur d’être administré par nous. Or, comme le
bonheur est chose absolument subjective, nous donnons à nos administrés la
forme de bonheur qu’ils préféreront toujours à tout autre, à savoir le droit à
la paresse.
Quant aux questions de mise en valeur, de productivité,
d’expansion économique, ce sont choses qui ne sont que fort lointainement de
notre ressort : veiller à ce que nos indigènes ne manquent pas des
quelques produits nécessaires à leur subsistance et à leur vie modeste, nos
vues ne vont pas au-delà.
Telle est, aucun colon n’y contredira, la manière de voir
administrative. Sans doute, des circulaires à belles formules, des arrêtés même
viennent çà et là masquer la réalité et faire croire que l’administration a le
plus grand souci de fournir à la colonisation la main-d’œuvre dont celle-ci a
besoin. Toutefois, à part quelques exceptions, de nous inconnues, mais qui sans
doute existent, au moins pour confirmer la règle, il est certain que, du haut
au bas de l’échelle, court un mot d’ordre consistant à ne gêner, déranger ou
désobliger aucun indigène pour procurer de la main-d’œuvre à une exploitation
européenne. Les exemples en abondent.
Par exemple, l’indigène qui n’a pas payé les impôts dans les
délais prescrits ne devrait-il pas être mis ipso
facto et réglementairement mis à la disposition d’un employeur
payant ? Or, il n’en est rien, et la masse de ces contribuables de
mauvaise volonté continue le petit jeu des atermoiements, des retraites
momentanées, pour aboutir finalement à quelques inutiles journées de
« boîte ».
(À
suivre.)
Paul Desloy.
Le Courrier colonial
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