Lettre d’Analalava
L’Action du 10 août dit avec justesse qu’à l’occasion de l’épidémie, la haute
administration n’a pas hésité à s’engager dans de terribles responsabilités.
Celle-ci n’ignorait pas,
en effet, que plusieurs boutres avaient quitté la rade de Majunga avec patente
nette les 25, 26 ou 27 juillet, bien que l’attention des médecins eut été
appelée, au moins dès le 23 du même mois, sur des cas suspects de peste.
Je vous signale entre
autres le boutre Oussény appartenant
à l’Indien Abdallah Achimo qui s’en vint tranquillement de Majunga à Analalava
trois ou quatre jours après la première victime connue de l’épidémie. Il était
chargé d’Asiatiques, hommes, femmes et enfants qui fuyaient le fléau avec leurs
bagages pour se réfugier chez leurs amis et congénères d’ici.
Quand les services
d’Analalava furent enfin prévenus officiellement, tous avaient déjà débarqué,
en même temps que les marchandises contaminées, et donnaient en ville
d’alarmantes nouvelles de Majunga !
L’autocrate Totor Ier,
en quittant Majunga le 28 juillet sur La
Rance, sans tenir compte des règlements d’utilité publique, a prouvé, une
fois de plus, son outrecuidant esprit de despotisme. En toutes circonstances et
au mépris des plus graves responsabilités, il impose avec cynisme ses
capricieuses volontés. Le ministre de la Marine et le ministre des Colonies
devraient bien appliquer la peine du talion à ce gouverneur qui donne de si
fâcheux exemples de manquements à l’ordre général quand il poursuit avec la plus
implacable et parfois la plus inhumaine des sévérités les anodins écarts des
petits employés placés sous sa coupe.
N’a-t-il pas imposé, au
surplus, avec sa morgue coutumière et impériale, son fils, l’aiglon, sous-officier en activité de service, à la table du
commandant de La Rance ? Beau
sujet de méditation, en vérité, pour ceux qui n’ont pas oublié les rigueurs de
la discipline, ni désappris les règles formelles de la hiérarchie
militaire : un sous-officier admis à prendre ses repas aux côtés d’un capitaine
de frégate, commandant d’un navire de l’État !!! Les officiers du bord
n’ont-ils pas été légitimement mortifiés, devant tout l’équipage, d’une si
brutale entorse aux convenances usuelles ?
K. Bondos,
Sapeur mineur à Analalava.
L’Action à Madagascar (Majunga)
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