Situation sanitaire
Il paraît que c’est très
sérieux : la peste a officiellement quitté nos murs. Ce qui le prouve
péremptoirement, c’est qu’un ancien membre de la Commission sanitaire s’est
empressé d’y rentrer, après trois mois de prudente absence. Il n’a pu
s’empêcher de sourire quand, en plein centre du quartier général de l’épidémie,
il retrouva intacte la légendaire masure frappée d’alignement, où gîtera
longtemps encore son foyer domestique, malgré la colère motivée, dit-on, de
grincheux voisins. Un Chinois, constitué gardien du premier étage de l’immeuble
et de ses dépendances, a bien eu l’excellente attention de mourir de
29 courant et personne ne doutait que notre excellente Commission de
salubrité saurait s’en émouvoir. Mais une méticuleuse autopsie a
scientifiquement démontré que le cadavre de cet Asiatique était indemne du
moindre microbe pesteux. Il en a été de même pour un Arabe, marchand d’opium au
bazar. Quarante jours plus tôt, c’eût été une autre affaire !
C’était l’époque
mémorable où l’on envoyait précipitamment au lazaret des pestiférés : une
femme enceinte qu’un policier avait signalée comme atteinte d’une grosseur
suspecte ; deux bourjanes trouvés ivres-morts sur la voie publique ;
un pauvre petit gosse porteur d’un engorgement à l’aine, conséquence de la
piqûre de son pied par une arête de poisson ! Il suffisait alors qu’un
malade eut craché sur le plancher poussiéreux d’une maison pour que celle-ci et
toutes ses voisines fussent condamnées à une impitoyable destruction… N’est-ce
pas l’histoire exacte de la démolition du quartier Antoni ?
Si les temps sont
changés, il faut nous en réjouir, que diable ! et ne pas s’arrêter à de
futiles doléances aussi inutiles que rétrospectives !
Le Docteur Tant Pis et le
Docteur Tant Mieux nous donnent l’exemple des sages conciliations ; ils
sont pour une fois tombés d’accord et le Conseil d’hygiène a pu, enfin,
demander par dépêche au Gouvernement Général la levée de la quarantaine et la
suppression du cordon sanitaire. On attend d’un moment à l’autre la bonne
nouvelle.
Dernière heure. – La quarantaine a été levée, à compter du dimanche 3 novembre.
L’Action à Madagascar (Majunga)
Samedi 2 novembre 1907.
Extrait de La peste à Madagascar 1898-1931, un livre numérique de la Bibliothèque malgache disponible dans toutes librairies proposant un rayon ebooks (2,99 €) et, à Antananarivo, à la Librairie Lecture & Loisirs (9.000 ariary).
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