Où les Européens et assimilés sont
officiellement considérés comme réfractaires à la peste (2)
(Suite et fin.)
Évidemment, les membres
de la mission se contentèrent de rigoler en guise de réponse car tous, sauf
Maître Foissin, appartiennent à cette catégorie de Français de deuxième zone
dits sujets.
Il fallut donc trouver un
autre expédient pour pouvoir sortir légalement de ce cordon sanitaire spécial,
établi uniquement pour les autochtones.
J’intervins alors en
offrant de délivrer des certificats médicaux pour mes camarades, car je suis
médecin.
Mais une question se pose
d’elle-même : pourquoi le service de santé de la colonie a-t-il pris une
pareille mesure sanitaire qui est à la fois absurde et criminelle et qui ne rime
à rien ?
Je dis que c’est une
mesure tout à fait absurde, car la véritable peste atteint tout aussi bien les
Européens et les indigènes qui vivent ensemble. La couleur de l’épiderme ne
constitue pas un rempart contre les maladies microbiennes.
D’autre part, je dis que
c’est une mesure criminelle, car il se peut fort bien que des Européens ou des
indigènes citoyens français atteints d’une peste pulmonaire, par exemple,
voyagent dans une même auto avec des indigènes munis des certificats médicaux
lesquels, on le sait, ne constituent pas des garanties contre le danger de
contamination. Bien entendu, on leur permettra tous de franchir le cordon
sanitaire, les Européens et assimilés à cause de leur statut politique, tandis
que les indigènes, en raison de leurs certificats médicaux. Donc, il peut s’en
suivre un triple crime !
1er crime :
c’est de laisser librement une personne déjà contaminée sortir d’un foyer de
peste, parce que cette personne est censée réfractaire à la peste à cause de
son statut politique ;
2e crime :
c’est d’exposer au danger de contamination des indigènes crédules auxquels ont
fait croire officiellement que le contact avec les Européens et assimilés
provenant d’un foyer de peste n’est pas dangereux et que la vaccination
anti-pesteuse est efficace pour protéger contre la peste.
3e crime :
c’est de laisser une population indemne se mettre en contact avec des personnes
munies des certificats médicaux mais déjà contaminées par des Européens et
assimilés atteints de peste.
Ravoahangy.
L’Aurore malgache
Vendredi 28 novembre 1930.
Extrait de La peste à Madagascar 1898-1931, un livre numérique de la Bibliothèque malgache disponible dans toutes librairies proposant un rayon ebooks (2,99 €) et, à Antananarivo, à la Librairie Lecture & Loisirs (9.000 ariary).
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