La peste (1)
Lorsque cette phrase :
« La peste est à Tamatave »
est prononcée en dehors de notre ville, immédiatement s’évoque la vision de
gens affolés, de rues désertes, de boutiques fermées, de charrettes pleines de cadavres,
d’ensevelissements à la hâte, et de tout le tableau dramatique qui accompagne
le passage d’une épidémie de peste.
Or, nous nous rappelons
bien qu’il y a deux mois, la situation sanitaire de Tamatave était épouvantable :
les décès survenaient coup sur coup, et pourtant, nous n’avions pas d’épidémie.
Au contraire, ces derniers temps, les décès d’Européens et assimilés sont
devenus rares, ce qui faisait dire à un Tamatavien : « Je trouve que
la situation sanitaire s’est considérablement améliorée depuis que nous avons
la peste. »
Ne nous hâtons pas
cependant de crier victoire, car nous ne pouvons pas présager le dénouement de
cette épidémie qui, à part 3 ou 4 cas, n’a jusqu’ici touché que des
indigènes. En réalité, elle a fait son apparition il y a déjà 3 mois, et
ce n’est que ces derniers temps qu’on l’a signalée, depuis que des
non-indigènes ont été atteints ; autrement, elle n’aurait peut-être pas
attiré l’attention.
On dit que le point de
départ de l’épidémie serait dans la maison de l’adjudant-chef où des cas
antérieurs ont été constatés à des époques déjà lointaines. Mais on oublie que
ce n’est là ni le premier cas ni le premier décès, et que les cas qui se
produisent ne vont pas de proche en proche, mais se déclarent successivement
dans des endroits fort distants les uns des autres : Tanambao, Pointe Hastie,
Ambodimanga, rue du Commerce, rue Nationale. Les uns disent qu’elle vient de
l’étranger avec des rats logés dans certain produit ; les autres qu’elle
existait à Tamatave depuis de longues années et qu’elle s’est réveillée à
présent. Chacune de sa version a sa part de vraisemblable.
Dans tous les cas, on
s’accorde à dire que pour une peste ses ravages ne sont pas bien terribles ;
ils sont encore bien moins rapides que ceux de la grippe espagnole qui sévit
ici il y a deux ans. Or une épidémie de peste dans l’espace de temps que dure
la nôtre enlève d’ordinaire une partie de la population.
(À suivre.)
Le Tamatave
Mercredi 16 mars 1921.
Extrait de La peste à Madagascar 1898-1931, un livre numérique de la Bibliothèque malgache disponible dans toutes librairies proposant un rayon ebooks (2,99 €) et, à Antananarivo, à la Librairie Lecture & Loisirs (9.000 ariary).
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