La peste
Samedi dernier,
3 août, on a enfin commencé la période des mesures énergiques. Depuis,
toute case contaminée et dont la désinfection n’est pas jugée praticable par la
Commission de salubrité est rasée de fond en comble. Les meubles vermoulus, les
vieux effets d’habillement et de literie et tous les détritus, matières ou
objets suspects de pouvoir véhiculer les germes morbides sont impitoyablement
voués à l’incinération sur les places publiques, soigneusement gardées. Aussi
n’a-t-on constaté cette semaine aucune recrudescence inquiétante de l’épidémie.
En moyenne, deux ou trois cas au plus se déclarent quotidiennement et un ou
deux décès seulement les suivent.
Si les médecins avaient
été pourvus de sérum frais, la peste aurait déjà été vaincue. Figurez-vous que
l’hôpital ne possédait que du sérum de 1902, dont on n’osa pas se servir, et
celui que Tananarive vient d’envoyer date de… 1903 !!! La haute
administration a de terribles responsabilités à endosser. Signalons en passant
qu’un Anglais qui fut empêché de partir avec son boutre le 28 juillet, à
sept heures du matin, par l’autorité sanitaire – alors que le Gouverneur
Général put quitter la rade le même jour à 9 heures – intente un procès à
la colonie, procès susceptible de complications diplomatiques.
La population européenne
et bourbonnaise n’a pas été atteinte jusqu’à ce jour : le fléau choisit
ses victimes dans les quartiers où la malpropreté règne en souveraine
maîtresse.
MM. les Indiens se
sont empressés d’organiser, contre les précautions d’ordre public, un système
de réaction qui veut être ingénieux et qui n’est que criminel. Dès qu’un des
leurs tombe malade, tous ses congénères, comme lui-même, observent un religieux
silence. Quand le mal leur paraît irrémédiable, le patient quitte sa demeure et
se traîne dans quelqu’endroit public où la police vient le ramasser tandis que
des parents et amis charitables s’évertuent à cacher ses effets et son
mobilier.
Quand la victime décède
avant de pouvoir évacuer son habitation, les mêmes parents et amis cherchent
même à faire disparaître et enterrer subrepticement le cadavre ! La police
est sur les dents pour déjouer ces misérables combinaisons.
L’Action à Madagascar (Majunga)
Samedi 10 août 1907.
Extrait de La peste à Madagascar 1898-1931, un livre numérique de la Bibliothèque malgache disponible dans toutes librairies proposant un rayon ebooks (2,99 €) et, à Antananarivo, à la Librairie Lecture & Loisirs (9.000 ariary).
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