La peste par conviction
Le samedi
28 novembre 1930, une jeune fille, du nom de Razanabelo, âgée de 14 à
15 ans, tomba malade. Son oncle, Rakotovao, accompagné de sa femme,
Razanamaro, demeurant à Morarano, quartier de Mahazoarivo, conduisit la malade
chez le médecin Rabe-Régis, à l’ouest du lac Mahazoarivo. Après la
consultation, le médecin dit aux parents de la jeune fille : « Son
cas est grave, faites-la soigner à l’hôpital indigène de Befelatanana. »
Puis, il en rendit compte au bureau d’hygiène. Mais la jeune fille mourut
tandis qu’on la transportait à l’hôpital de Befelatanana. Ses parents firent
rapporter le corps à la maison.
Le lendemain matin,
dimanche 29 novembre, Rakotovao fit appeler le médecin. Arrivèrent à la
maison mortuaire MM. Bouvier, inspecteur de police, le docteur commandant
Faucon d’Ambotofotsileky, l’infirmier Rajaona, des prisonniers, etc., etc.
Le docteur commandant
entra dans la maison pour examiner la morte.
Il ressortit au bout d’un
moment en disant à l’inspecteur qu’il ne trouvait pas le bubon dont avait parlé
le médecin Rabe-Régis. Il retourna auprès du cadavre, et s’écria de
nouveau : « Je ne trouve rien.»
Alors on se demanda,
puisque le docteur n’avait pas trouvé de bubon, qu’allait-on faire du corps de
Razanabelo. Pour répondre à cette question, on décide d’attribuer quand même le décès à la peste (sans
qu’il ait été fait aucune analyse de sang).
La maison fut
désinfectée, le mobilier et tous les effets furent brûlés ; le corps fut
confié aux prisonniers jusqu’à l’endroit où se trouvaient les autos de service.
Rakotovao, sa femme Razanamaro, son beau-frère Rakotovao furent internés au
lazaret d’Ambohimiandra où ils furent isolés pendant dix jours, les bœufs et
les animaux de basse-cour furent confiés aux voisins.
Mais, jusqu’à présent,
les habitants ne sont nullement convaincus que la malheureuse jeune fille soit
morte de la peste, puisqu’aucun médecin n’a reconnu cette maladie. Il est vrai
qu’il y a eu peste par conviction.
C’est par des procédés de ce genre que l’on
dissuade les Malgaches de l’existence véritable de la peste à Madagascar, et
qu’on les entretient dans la conviction que la peste, dans ce pays, n’est
qu’une peste politique, à l’usage des autochtones non naturalisés seuls.
L’Aurore malgache
Vendredi 1er mai 1931.
Extrait de La peste à Madagascar 1898-1931, un livre numérique de la Bibliothèque malgache disponible dans toutes librairies proposant un rayon ebooks (2,99 €) et, à Antananarivo, à la Librairie Lecture & Loisirs (9.000 ariary).
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