Dans la journée de
mercredi dernier, les habitants de Tamatave ont pu voir défiler sur nos
boulevards, se rendant au quai d’embarquement, les 221 indigènes condamnés
à l’internement dans l’île de Nosy-Lava.
En les voyant passer en
rangs serrés encadrés par des miliciens baïonnette au canon, l’œil morne, le
corps affaissé et généralement grêle et de petite taille, on se demandait si
c’étaient là les terribles cons-pi-ra-teurs qui avaient fait trrrembler des
cœurs si vaillants.
La curiosité nous a fait
rechercher à quelles classes sociales appartenaient ces grrrands criminels.
Voici, par importance, le résultat obtenu :
38 élèves des écoles
supérieures, principalement de l’école Le Myre de Vilers.
37 étudiants en
médecine.
31 commerçants ou
employés de commerce.
24 cultivateurs.
Puis viennent, mais en
chiffres très réduits, les représentants de toutes les classes sociales,
peut-on dire : 1 propriétaire, 1 marchand de bestiaux,
6 bouchers, 1 cuisinier, 1 boulanger, 1 pâtissier,
2 médecins, 2 infirmiers, 1 pharmacien, 1 dentiste,
1 gardien de léproserie, 6 tailleurs, 2 cordonniers,
2 coiffeurs, 1 blanchisseur-jockey, 4 photographes, 6 instituteurs,
1 artiste, 3 menuisiers, 2 charpentiers, 1 ferblantier, 4 forgerons,
1 dactylographe, 1 secrétaire, 1 planton, 1 professeur de
musique, 1 peintre, 3 jockeys, 1 caissier, 1 porteur,
5 écrivains interprètes, 1 commis topographe, 3 surveillants de
travaux, 3 contremaîtres, 1 chef cantonnier, 1 chauffeur,
1 conducteur d’autobus, 1 percepteur de marché, 1 chef de
canton, 1 mpiadidy et, enfin, représentant le spirituel, 1 pasteur
protestant. De quoi former une colonie complète.
Ce qui frappe
particulièrement à méditer sur cette liste, c’est que ce sont les intellectuels
qui y occupent la plus grande part, c’est-à-dire ceux qui ont reçu le plus de
libéralités du gouvernement français.
C’est en vain que la
presse, se faisant l’écho des colons, ne cessait de crier que les Malgaches
étaient bien loin encore de mériter les faveurs dont ils étaient l’objet.
L’administration n’en a tenu aucun compte.
Parmi les condamnés à
l’internement au Pénitencier d’Anjanamasina, on compte, sur 42 internés,
trente-huit élèves, en grande partie de l’école Le Myre de Vilers.
Pauvre enseignement
officiel !… Quelle désillusion !…
Le Tamatave
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