19 août 2017

Il y a 100 ans : Joyeusetés coloniales (1)

En matière de joyeux garçons, comme disent les Anglais, il faut reconnaître que la Grande Île n’est pas mal partagée. Si vous en désirez un exemple, je vous présenterai les frères D., excellents charpentiers et buveurs encore plus émérites.
Suivant un dicton bien connu, un bon déménageur doit boire tous les quarts d’heure. J’ignore si lesdits frères D. furent jadis déménageurs, mais ils étaient tout aussi altérés, si ce n’est plus, comme en témoigne cette aventure dont ils furent les héros.
Rudes travailleurs, ne boudant pas à l’ouvrage, ils avaient à eux seuls construit une notable partie de la ville d’Antsirane, opération d’ailleurs fructueuse qui avait mis beaucoup de foin dans leurs bottes. Aussi avaient-ils le verre facile et tous ceux que le hasard ou la bonne volonté plaçaient sur leur chemin étaient invités à vider une bouteille chez le Chinois voisin.
Certaine fin de mois, ledit Céleste dans l’établissement duquel avaient lieu ces beuveries présenta aux frères D. une… douloureuse, aussi longue que la carte de visite d’un noble mandarin à un fonctionnaire de haut rang.
Nos deux gaillards, qui ignoraient vraisemblablement cet usage chinois, bien qu’il soit quarante fois séculaire, en goûtèrent peu l’honneur et témoignèrent par une énergique mimique leur ferme intention de faire de cette carte de visite l’usage que l’on sait !
— Jamais, dit l’aîné, tout Chinois que tu es, tu ne nous feras croire que nous avons tant bu !
Le céleste bistro eut beau lever les bras au ciel et prendre Bouddha à témoin de sa bonne foi, ses clients s’obstinèrent à en douter, si bien qu’il lui fallut porter ses doléances et… sa note devant le juge de paix à compétence aussi étendue qu’elle !
Cependant le magistrat refusa d’en consacrer judiciairement la sincérité si elle n’était pas étayée des reçus de nos deux braves vide-bouteilles.
— Pourquoi ne les as-tu pas apportés ? demanda-t-il au Chinois.
— C’est qu’ils n’ont pas la légèreté de la plume, Monsieur le Président !
— Enfin, il faut les produire. L’affaire est remise à huitaine pour te permettre de t’exécuter.
(À suivre.)
Chanteclair.

Le Courrier colonial

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