En matière de joyeux
garçons, comme disent les Anglais, il faut reconnaître que la Grande Île n’est
pas mal partagée. Si vous en désirez un exemple, je vous présenterai les frères
D., excellents charpentiers et buveurs encore plus émérites.
Suivant un dicton bien
connu, un bon déménageur doit boire tous les quarts d’heure. J’ignore si
lesdits frères D. furent jadis déménageurs, mais ils étaient tout aussi
altérés, si ce n’est plus, comme en témoigne cette aventure dont ils furent les
héros.
Rudes travailleurs, ne
boudant pas à l’ouvrage, ils avaient à eux seuls construit une notable partie
de la ville d’Antsirane, opération d’ailleurs fructueuse qui avait mis beaucoup
de foin dans leurs bottes. Aussi avaient-ils le verre facile et tous ceux que
le hasard ou la bonne volonté plaçaient sur leur chemin étaient invités à vider
une bouteille chez le Chinois voisin.
Certaine fin de mois,
ledit Céleste dans l’établissement duquel avaient lieu ces beuveries présenta
aux frères D. une… douloureuse, aussi longue que la carte de visite d’un noble
mandarin à un fonctionnaire de haut rang.
Nos deux gaillards, qui
ignoraient vraisemblablement cet usage chinois, bien qu’il soit quarante fois
séculaire, en goûtèrent peu l’honneur et témoignèrent par une énergique mimique
leur ferme intention de faire de cette carte de visite l’usage que l’on
sait !
— Jamais, dit
l’aîné, tout Chinois que tu es, tu ne nous feras croire que nous avons tant
bu !
Le céleste bistro eut beau
lever les bras au ciel et prendre Bouddha à témoin de sa bonne foi, ses clients
s’obstinèrent à en douter, si bien qu’il lui fallut porter ses doléances et… sa
note devant le juge de paix à compétence aussi étendue qu’elle !
Cependant le magistrat
refusa d’en consacrer judiciairement la sincérité si elle n’était pas étayée
des reçus de nos deux braves vide-bouteilles.
— Pourquoi ne les
as-tu pas apportés ? demanda-t-il au Chinois.
— C’est qu’ils n’ont
pas la légèreté de la plume, Monsieur le Président !
— Enfin, il faut les
produire. L’affaire est remise à huitaine pour te permettre de t’exécuter.
(À suivre.)
Chanteclair.
Le Courrier colonial
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