Les journaux de la
Réunion sont unanimes sur ce point : les docks de la Colonie voisine
regorgent de sucre, de tapioca, de rhum, de vanille, d’essences, de géranium et
d’ylang-ylang.
Mais le riz est rationné
à 400 grammes ; le pain est un article de luxe ; le maïs vaut
0 fr. 60 la livre et il est réservé aux chevaux de prix ; le
bœuf – quand un navire en apporte quelques têtes de Madagascar – se débite à
1 fr. 40 la livre ; le poisson, à 1 fr. 80 ; la
volaille et le porc ont disparu.
C’est la famine.
Et pourtant, il existe
encore quelques Créoles – actuellement fort avancés en âge – qui disent que
jadis leur pays exportait moins de sucre et de vanille, mais qu’il produisait
beaucoup plus de viandes, de grains, de légumes, le tout sain, abondant, à prix
abordables. Une locution s’était établie pour exprimer le fait – très commun –
de l’ancienne longévité des Réunionnais ; on disait : Un créole du
bon vieux bois !
Tout cela a disparu
devant l’ambition féroce, d’ailleurs illusoire, de l’exportation à tout prix.
Mais ne nous hâtons pas
de nous moquer de l’état de nos voisins ; considérons l’état lamentable de
notre propre marché quotidien ; nous souffrons des mêmes privations,
presque à la même intensité et par suite des mêmes causes.
Dans l’Est, tout le monde
s’est rué sur la vanille, le café et, depuis quelques années, sur le graphite.
Tout cela est très
bien ; mais il n’empêche que nous en sommes, nous aussi, à nous procurer
difficilement ce qui se mange.
Il y a encore des
Tamataviens qui se rappellent l’ancien Tamatave, avec ce qui est devenu la rue
du Commerce occupé par un canal qui amenait, de diverses directions, des
produits de toutes sortes ; alors, c’était le pays de l’abondance ;
poisson, viandes, grains, tout ce qui se mangeait était en grande quantité et à
vil prix.
Tout cela s’est
transformé et a fait place à un embryon de ville moderne ; on a bien fait,
c’est le progrès. Mais, ce qu’on a mal fait, c’est de n’avoir pas remplacé ce
qui était. Les T. P. ont dépensé beaucoup dans la région ; mais il
faut reconnaître que ça n’a guère été que dépenses somptuaires, sans
coordination, sans but pratique. Peu à peu Tamatave s’est habitué à recevoir
presque tout son sakafo… de la
Réunion et, depuis le chemin de fer, de l’Émyrne.
Le Tamatave
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