1 mai 2018

Il y a 100 ans : Pour manger


Les journaux de la Réunion sont unanimes sur ce point : les docks de la Colonie voisine regorgent de sucre, de tapioca, de rhum, de vanille, d’essences, de géranium et d’ylang-ylang.
Mais le riz est rationné à 400 grammes ; le pain est un article de luxe ; le maïs vaut 0 fr. 60 la livre et il est réservé aux chevaux de prix ; le bœuf – quand un navire en apporte quelques têtes de Madagascar – se débite à 1 fr. 40 la livre ; le poisson, à 1 fr. 80 ; la volaille et le porc ont disparu.
C’est la famine.
Et pourtant, il existe encore quelques Créoles – actuellement fort avancés en âge – qui disent que jadis leur pays exportait moins de sucre et de vanille, mais qu’il produisait beaucoup plus de viandes, de grains, de légumes, le tout sain, abondant, à prix abordables. Une locution s’était établie pour exprimer le fait – très commun – de l’ancienne longévité des Réunionnais ; on disait : Un créole du bon vieux bois !
Tout cela a disparu devant l’ambition féroce, d’ailleurs illusoire, de l’exportation à tout prix.
Mais ne nous hâtons pas de nous moquer de l’état de nos voisins ; considérons l’état lamentable de notre propre marché quotidien ; nous souffrons des mêmes privations, presque à la même intensité et par suite des mêmes causes.
Dans l’Est, tout le monde s’est rué sur la vanille, le café et, depuis quelques années, sur le graphite.
Tout cela est très bien ; mais il n’empêche que nous en sommes, nous aussi, à nous procurer difficilement ce qui se mange.
Il y a encore des Tamataviens qui se rappellent l’ancien Tamatave, avec ce qui est devenu la rue du Commerce occupé par un canal qui amenait, de diverses directions, des produits de toutes sortes ; alors, c’était le pays de l’abondance ; poisson, viandes, grains, tout ce qui se mangeait était en grande quantité et à vil prix.
Tout cela s’est transformé et a fait place à un embryon de ville moderne ; on a bien fait, c’est le progrès. Mais, ce qu’on a mal fait, c’est de n’avoir pas remplacé ce qui était. Les T. P. ont dépensé beaucoup dans la région ; mais il faut reconnaître que ça n’a guère été que dépenses somptuaires, sans coordination, sans but pratique. Peu à peu Tamatave s’est habitué à recevoir presque tout son sakafo… de la Réunion et, depuis le chemin de fer, de l’Émyrne.
Le Tamatave


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