À quoi reconnaît-on un
Bochiman, m’écrit-on ? Je croyais avoir été suffisamment explicite. Il
paraît que non. Eh bien, voici. Le Bochiman se reconnaît à peu près aux mêmes
signes que le Boche et que le roquet. Tapez sur un Boche ou sur un
roquet : il baisse la tête ou la queue, suivant l’espèce, et vous lèche
les mains. Flattez-le : il devient arrogant, dresse tête ou queue, suivant
l’espèce, et vous nargue ; puis, dès que vous avez tourné les talons, il
vous plante poignard ou crocs dans le dos ou les mollets. Il n’accuse jamais en
face ; il accuse par les caractères anonymes de sa machine à écrire, ou
par l’écriture dénaturée de sa femme, s’il en a une ; ou d’un pauvre boto
comme moi, qui n’y voit goutte et n’y comprend miette… Il forme un cercle
intime où l’on distille le venin, où l’on empoisonne les flèches, où l’on
combine les manœuvres louches. Sa femme sert d’appât où viennent mordre –
stupidement – de jeunes papillons écervelés – car il leur faut de jeunes
premiers, mais non les premiers venus – de jeunes premiers qui aient l’oreille
d’un chef – et qui, avec un dévouement de zélateurs, ou d’adorateurs, ou
d’arrivistes, se font les prolixes échos de ce qui est vrai ou faux, des bruits
qui courent en ville ou n’y courent pas, enfin de toutes les sales
élucubrations sorties des cerveaux bochimen et de leurs morbides imaginations,
parce qu’il convient à l’intérêt de ces Messieurs que de telles puanteurs se
fassent sentir.
Mais ils vont plus loin.
Cette bile qu’ils vomissent sur leur prochain, toutes ces machinations
écœurantes, ils les représentent comme l’expression exacte de l’opinion, de la
rumeur publiques. Tartuffes, va ! Sévissons contre le bochisme ou le
bochimanisme, comme vous voudrez. Officiellement, cela n’est guère
possible : l’anonymat est si commode pour de tels courages. Mais nous qui
savons, nous, qui, à l’œuvre, avons reconnu ces tristes sires, nous pouvons,
nous devons sévir. Le mépris, le dégoût des honnêtes gens sont des armes qui
ont leur valeur et leur efficacité, ici comme ailleurs.
Faisons œuvre saine et
œuvre patriotique, tout à la fois ; car, je vous le répète, le Bochiman
n’est qu’un sous-Boche.
Sarah B.
La Dépêche malgache
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