November 28, 2010

Pour saluer Elie Rajaonarison

Ceux qui me connaissent savent que je sors peu et que, par conséquent, le cercle de mes relations n'est pas très large - ou, plus exactement, que je vois assez rarement les personnes qui continuent à appartenir à ce cercle. Elie Rajaonarison, dont nous avons appris la mort hier, était de ces hommes avec qui j'aimais discuter longuement, sans être du même avis que lui sur tout, d'où l'intérêt de ces conversations. J'aurais aimé, il le savait, qu'il s'engage davantage dans l'écriture, terrain sur lequel, me semble-t-il, il n'a pas donné sa pleine mesure - quelle était cette mesure? nous l'ignorerons toujours. J'ai gardé l'impression (peut-être fausse) qu'il était l'homme d'un seul livre, Ranitra. Mais mon incapacité à lire le malgache m'a probablement tenu éloigné d'autres textes.
Il est vrai qu'il a traduit, avec Ranöe, Prévert en malgache - et ce n'est pas rien. Je me souviens d'ailleurs d'une séance de lectures, à la Tranompokonolona d'Analakely, d'extraits du recueil Anjambolana, reçus avec ferveur par un public très réceptif.
La présence d'Elie dans Sandratra, association de poètes de langue malgache, a dû aider à la naissance de nombreuses vocations. J'ai présenté un jour au CCAC cette association, dont le refuge naturel est le Cercle germano-malgache. Là aussi, c'était impressionnant. La salle était trop petite pour accueillir tous les amateurs de poésie.
Je me souviens aussi du livre qu'il a écrit avec Agnès Joignerez, Voyage en terre malgache. Le cœur de l'Imerina, de toutes les informations qu'il contient et de toutes les balades qu'il propose - dont je m'étais promis de faire l'une ou l'autre, vœu pieux... En revanche, nous nous sommes promenés un peu sur les hauteurs de Tana - ou plutôt de bas en haut. C'était aussi fatigant qu'instructif.
La dernière fois que nous avons eu une de ces conversations que j'aimais, il y a quelques années déjà, il venait d'embrasser un nouveau métier, le journalisme, et son enthousiasme faisait plaisir à voir. En fait, ce ne devait pas être la dernière fois, puisqu'il a encore, un peu plus tard, proposé de me donner une préface à des rééditions de Jean-Joseph Rabearivelo pour la Bibliothèque malgache électronique. Il n'écrira jamais cette préface. Il nous manquera, lui que l'on reconnaissait tout de suite, même de dos, grâce à la touche personnelle de sa coiffure, petite coquetterie qu'il appelait sa "queue de rat".
En 2002, il avait séjourné quelques mois aux Etats-Unis et je m'étais entretenu avec lui par email, pour la Lettre d'information culturelle malgache que je tenais alors. Je vous redonne ce dialogue, qui était aussi paru dans L'Express de Madagascar. Et j'y joins une photo d'Elie Rajaonarison en compagnie de Samoëla (photo de Boné Masikita publiée sur le site tanalife.com).


Elie Rajaonarison, vous séjournez actuellement aux Etats-Unis. Dans quel cadre et dans quel but?

L'University of Iowa organise pour la 35ème année consécutive une rencontre d'écrivains du monde entier intitulée International Writing Program (IWP) dans cette charmante petite ville universitaire qu'est Iowa City. Créé en 1967 par l'écrivain Paul Engle, l'IWP vise a encourager la créativité des écrivains et la traduction de leurs œuvres par un environnement privilégiant la rencontre et l'enrichissement mutuel des cultures. Durant trois mois, des lectures poétiques, des ateliers de traduction, des conférences-débats sur les arts et les lettres, des discussions impromptues sur tel livre ou tel auteur, des rencontres et des visites, un cadre de vie convivial, tout est fait pour que l'écrivain crée et écrive! Cette fois-ci, nous sommes 36 poètes, romanciers, dramaturges et nouvellistes de 30 pays des 5 continents. Madagascar y participe pour la première fois en étant le 118ème pays à y envoyer un représentant. Je suis heureux d'être le premier écrivain poète malagasy a être invité au IWP, et peut-être aussi le premier à être spécialement invité aux Etats-unis en tant que poète. J'ai noté que l'IWP donne la priorité à ceux qui écrivent dans leur langue maternelle. Nous restons à Iowa City du 26 août au 4 novembre, avec des virées à Chicago et à Des Moines. Puis voyage personnel de 10 jours du 4 au 13 novembre. Pour ma part, j'irai à Memphis, la ville natale du blues de B.B King et du rock 'n'roll d'Elvis Presley, sur les rives du Mississipi de Mark Twain… Puis Washington DC pour la dernière semaine, du 14 au 20 novembre. Avec l'aide d'une Irlandaise étudiante en traduction, j'ai commencé la traduction en anglais de certains de mes poèmes, et la traduction en malagasy de certains poèmes en anglais. La traduction de Prévert m'a donné un avant-goût, ce séjour-ci m'a fait mieux apprécier encore et la traduction et sa nécessité, surtout dans notre contexte.

Qu'entendez-vous exactement par: "la traduction et sa nécessité, surtout dans notre contexte"?

Dans la préface que j'ai écrite pour Anjambolana (Ed. Tsipika, 2001), notre traduction des poèmes de Jacques Prévert, je dis: "Puisse cette première tentative en entraîner d'autres afin d'ouvrir Madagascar à la culture universelle, aussi bien par la traduction des littératures étrangères en langue malgache que par la traduction des créations littéraires malgaches en langue étrangère. C'est là une manière de participer positivement a la mondialisation tout en encourageant les auteurs à écrire dans leur langue nationale." Je crois que mes convictions se trouvent confortées quand je constate en étant ici combien des pays comme nos voisins la Zambie et le Zimbabwe sont mieux connus que nous parce qu'ils écrivent et/ou sont traduits dans la langue prédominante du centre qu'est l'anglais. La plupart des pays présents ici font l'effort de traduire leurs œuvres, de les intégrer aux mainstreams culturels de notre temps. Notre contexte insulaire ne doit pas être perçu comme négatif. Au contraire. Nous avons la chance d'avoir le sens de l'enracinement en même temps que du voyage comme tous les insulaires. Le questionnement identitaire est déjà bien engagé, il doit continuer de nous interpeller. Il est temps maintenant de "voyager". Le temps est venu d'aller voir ailleurs et de nous faire voir ailleurs (sans jeu de mot malvenu), en deux mots: d'exister! Figurer en bonne place sur la carte littéraire mondiale. Nous avons tous les atouts pour réussir ce pari: une littérature en langue nationale bien établie et qui ne cesse de se développer, la maîtrise de la langue française que l'intelligentsia s'est appropriée, le penchant "naturel" des Malgaches à apprendre les langues étrangères et notamment l'anglais, le développement des Ntic dont la jeunesse urbaine branchée est friande mais qui va s'étendre à toutes les couches sociales et dans toutes les régions. Autant d'atouts, autant d'essais qu'il s'agit maintenant de transformer par la traduction de nos œuvres en langues étrangères car le Monde nous attend et il a besoin de nous pour exister, lui aussi.

Quels sont les poèmes que vous traduisez en malgache? Un ou des auteurs de prédilection depuis longtemps, ou des découvertes récentes?

Bien sûr, il est dans mes projets de traduire des poètes américains que j'apprécie comme Robert Frost, E.E Cummings ou d'autres encore. Mais en arrivant ici, j'ai découvert d'autres talents comme celui de Christopher Merrill, le poète universitaire en charge de l'IWP, qui est un homme d'une grande sensibilité. J'ai fini de traduire un de ses poèmes qui commence comme ceci : "Satria natopan'ny Ranomasina Maty imorona izay nateliny / mitsiro sira sy fanody ary lay... " Poème tout en ellipse et musical comme je les aime. Je suis en train d'étudier un poème de Sunny Ayewanu, beaucoup plus prosaïque mais proche des poèmes dits "engagés" de chez nous. Sunny est un jeune poète du Nigeria. Certains poèmes du poète irlandais Seamus Heaney aussi m'inspirent, nous verrons bien. Chaque fois que j'entre dans une bibliothèque ou une librairie, j'en découvre de nouveaux…

Côté "tourisme", si j'ose dire, vos choix en rapport avec Elvis Presley et Mark Twain sont-ils liés à votre histoire personnelle?

Pourquoi Memphis, alors qu'il y a de nombreux endroits beaucoup plus attirants? Peut-être, mais moi j'aime les lieux riches de leur histoire et j'aime aussi le blues, le country et le rock 'n'roll. Il se trouve que le Tennessee est, avec Nashville et Memphis, la terre natale de ces genres musicaux. Ma jeunesse s'est abreuvée à l'écoute de ces musiques. Je pense que mes écrits sont aussi imprégnés de leurs mots et de leurs senteurs. Il est donc normal que, durant un séjour américain consacré à la littérature, je sacrifie à une visite au berceau de l'une de mes sources d'inspiration: le blues, le country et le rock. J'irai donc à Memphis et je passerai à Nashville. De même, originaire du Lac Alaotra, les fleuves et les rivières m'ont toujours enchanté. Le poème n'est-il pas comparable à un fleuve de mots, de musique et d'images où souffle l'esprit? J'irai donc à Memphis pour vivre le Mississipi, un des plus grands fleuves du monde, où Tom Sawyer et Huckleberry Finn ont vécu leurs belles aventures.

Avez-vous le sentiment qu'à votre retour à Madagascar, quelque chose aura été modifié dans votre perception du monde et/ou de la littérature?

Il est difficile de sortir indemne d'une aventure, quelle que soit son envergure. Une entreprise, une démarche culturelle est et doit être vécue comme une "aventure" au sens d'aller à la rencontre de l'inconnu. Non pas un voyage vers l'inconnu mais un "vrai voyage": aller à la découverte de ce qu'on n'a pas encore vécu ni connu, oser se mettre en danger et se remettre en question pour mieux approcher et vivre sa Vérité. Comme j'aime à le dire souvent: "Se perdre, mais vraiment se perdre pour mieux se retrouver." Ma venue aux Etats-unis s'inscrit dans une démarche culturelle mûrement réfléchie et passionnément vécue. Comme à chaque fois dans de telles circonstances, j'assume que quelque chose aura évolué dans ma perception du monde, de la littérature ainsi que dans ma poésie. Mais à dire vrai, je n'y pense même pas car c'est devenu pour moi un mode de vie: chaque pas, chaque regard, chaque rencontre, chaque lecture, chaque désir n'est-il pas un voyage, le début ou la suite d'une aventure… culturelle?

November 26, 2010

Pov à l'honneur

Pov a changé d'île, passant de Madagascar à Maurice. Il n'a rien perdu du talent qu'on lui a connu dans Midi Madagasikara en travaillant pour L'Express et L'Express dimanche. La preuve: il avait obtenu le prix francophone de la liberté de la presse en 2003, dans la catégorie dessin de presse, avec ce "strip" paru dans Midi.

Il vient d'obtenir le même prix, sept ans plus tard, pour cet autre dessin paru dans L'Express dimanche.

Félicitations, Pov! (Ou William Rasoanaivo, si l'on préfère son véritable nom au pseudonyme qui l'a rendu célèbre.)
Il ne s'arrêtera pas là, puisqu'il fait des projets:
"Je vais encore essayer de participer à des concours. Il y a la rencontre du dessin de presse à Nantes où j’irai en janvier. Depuis quelque temps, j’ai commencé à mettre mes pattes dans la bande dessinée. C’est une autre discipline tout aussi intéressante. Dans une semaine je vais sortir un petit essai avec l’Harmattan. C’est une BD de 12 pages sur le reportage d’Albert Londres «Congo-Océan». Je vais continuer sur cette lancée à faire de la BD, c’est dur mais ça vaut le coup."

November 12, 2010

Connaissez-vous le code de la route?

Protégeons nos routes: "La pression exercée sur le sol par un véhicule ne doit, à aucun moment, pouvoir excéder 150 kilogrammes par centimètre de largeur du bandage".
Permettons aux passants de nous voir: "Aucun véhicule marchant isolément ne peut circuler, pendant la nuit dès la tombée du jour, sans être signalé vers l'avant par au moins un feu blanc."
N'attendons pas pour prendre la route: "Tout indigène conducteur d'une voiture attelée doit être âgé d'au moins seize ans".
N'oublions pas le contrôle technique: "Aucun véhicule à traction animale servant au transport des marchandises ne peut être mis en circulation sans une autorisation délivrée par le chef de circonscription administrative, après avis favorable de la commission d'examen".
Soyons respectueux des oreilles des autres: "L'automobile doit être muni [sic] d'un dispositif d'échappement silencieux. L'emploi de l'échappement libre est interdit."
Soyons prudents: "La vitesse maxima des véhicules de toute catégorie ne devra pas dépasser 15 kilomètres à l'heure dans la traversée des agglomérations".
Obtenons le permis dans les règles: "Les candidats au permis de conduire subissent, devant un expert faisant partie de l'administration, une ou plusieurs épreuves directes, permettant d'apprécier leur aptitude à conduite et à manœuvrer les véhicules auxquels s'appliquera le permis."
Prenons nos aises dans les transports publics: "Les compartiments des voitures publiques seront disposés de manière à satisfaire aux conditions suivantes: Largeur moyenne des places: 0m. 48 centimètres. Largeur des banquettes: 0m. 45 centimètres."
Etc.
C'est le Code de la route publié par la Direction des Travaux Publics de Madagascar et Dépendances en... 1926.
Et l'un des nouveaux documents, parmi d'autres, disponibles sur Internet (celui-ci chez Gallica) - tous répertoriés dans le Supplément permanent à la bibliographie Madagascar sur Internet.
On y trouve par exemple aussi, bien de saison en cette proximité de célébration du 11 novembre, une Circulaire au sujet des militaires indigènes rapatriés et libérés.

November 11, 2010

Séance de rattrapage en librairie

La saison des prix littéraires français est, en ce qui concerne mon emploi du temps, une véritable horreur. (C'est bien amusant aussi, par ailleurs.) Les journées sont trop courtes. Alors, je note sur des petits papiers qui parsèment l'espace entre le clavier et l'écran de mon PC, au fur et à mesure que je les rencontre, des références de livres concernant Madagascar. Je vais vous les donner aujourd'hui sans autres informations que celles des éditeurs, je reviendrai sur certains ouvrages quand je les aurai lus. (Et j'espère que cela ne tardera pas.)

Je commence par un rappel, puisque j'ai déjà signalé l'existence de cet ouvrage très important que j'ai à peine commencé à explorer: le premier volume des Oeuvres complètes de Jean-Joseph Rabearivelo.
A ce propos, un rendez-vous est fixé le samedi 20 novembre à 10h30 au CCAC pour un forum littéraire. D'ici là, je vous en aurai dit davantage sur le livre, présenté ainsi par la quatrième de couverture:
Imaginez en ce début du XXe siècle un jeune "indigène" d'une île soumise à la prestigieuse culture française et se découvrant le don d'écrire. Jean-Joseph Rabearivelo (1903-1937) se veut le "contemporain capital" de sa nation. Déclinée en formes multiples, son œuvre s'inscrit dans la confluence périlleuse des sources natales et du médium étranger choisi. La lecture de son journal, les Calepins bleus, de sa correspondance et d'autres textes autobiographiques révèle l'âpre et parfois capiteuse nudité de cette quête, vécue jusqu'au suicide, dans le flux des jours écrits avec la constante exigence de l'artiste.
On reste en littérature avec le premier roman de Johary Ravaloson, Géotropiques. Lui aussi sera l'invité d'un forum littéraire au CCAC, le samedi 18 décembre à 10h30 - mais avec Sophie Bazin, et à propos d'un autre ouvrage que je vous ai déjà présenté, Zahay Zafimaniry.
Géotropiques, dont vous avez ci-contre la couverture de l'édition française, est aussi édité à Madagascarn dans une autre présentation, chez Dodo vole. Aujourd'hui, la présentation de l'éditeur français:
«Je», surfeur devant l’Éternel et dans l’océan Indien, Malgache vivant à La Réunion, avec son grand amour, B. L’histoire commence légère, facile, comme une vague, sous le soleil et le vent docile. Mais la rugosité de la vie s’en mêle. « Je » lit les carnets laissés par Andy. Carnets qui racontent l’histoire d’amour entre B., la Française, et Andy, le Malgache, sur fond de manifestations d’étudiants à Paris, puis d’un retour à Madagascar. Des sensibilités se heurtent, des individualités se découvrent…
Un premier roman publié d’un auteur malgache, loin de tous clichés concernant cette grande île si méconnue. Dans un style enlevé, rapide, comme le mouvement d’une vague, le ressac de la mer, Johary Ravaloson raconte une histoire d’amour et de mort, met en scène une génération portée par l’espoir et nourrie par les désillusions.
Littérature encore, mais du côté de la poésie, avec un duo d'auteurs belges, Ben Arès et Antoine Wauters pour Ali si on veut.
À la recherche de tout ce lait perdu, le ventre
battu par les sentiers, au cuir la terre brûlée, aux
lézards, makis entre les lunes, à celle qui porte, se
décarcasse, aux progénitures dévouée, secrets
qu’on n’ébruite pas, à l’aplomb, fêlures gardées,
Ali si on veut.
*
Sensible aux pouls, aux chocs, ressorts des
salives. Et ses mains, ses longs doigts fouisseurs,
et sa chemise à pans pour taillader la terre,
pleurer des pourpres et de petites lamelles de
chaux. Et ses yeux, des insectes, deux jeunes
taons de voltige, deux mouches pour perdre pied.
Ben Arès est né à Liège en 1970. Responsable de la revue Matières à poésie et du projet de lectures publiques du même nom. Depuis 2008, coéditeur de la revue Langue vive, avec Antoine Wauters notamment. A publié une dizaine de livres, dont Ne pas digérer, roman, et Cœur à rebours, poésie, (La Différence, 2008 et 2009).
Antoine Wauters est né à Liège en 1981. A publié quatre livres, dont Debout sur la langue (Maëlstrom, 2008) qui lui a valu le prix Polak de l’Académie belge en 2008.
Ali si on veut est le premier livre que les deux auteurs publient à Cheyne.
Du père Pedro, Journal de combat. Missionnaire à Madagascar est réédité au format de poche.
40 ans d'action au service des pauvres: un missionnaire à Madagascar...
À Madagascar, le Père Pedro et sa communauté Akamasoa ont sauvé des dizaines de milliers d'enfants et de familles pauvres, en tentant par tous les moyens de les réinsérer dans la vraie vie. Mais la misère peut resurgir devant chaque porte...
Dans son Journal de combat, le Père Pedro raconte avec une extrême précision comment chaque matin il trouve la force de se battre contre des ennemis jamais terrassés: la faim, la maladie, l'égoïsme, le découragement, la démission des parents... Et il faut croire en l'homme en toutes circonstances pour l'aider à retrouver sa dignité.
Un témoignage humain d'une grande force, une aventure pleine d'espoir qui nous incite à penser qu'un monde plus juste et fraternel demeure possible.
Victor Augagneur, qui fut gouverneur de Madagascar de 1905 à 1910 (il succédait à Gallieni), a écrit Erreurs et brutalités coloniales, réédité dans un volume qui rassemble d'autres textes.
Les textes reproduits dans ce recueil sont tous favorables au colonialisme qu’ils veulent civilisateur et, à terme, émancipateur. Le premier, qui donne son titre au volume, narre la répression inintelligente d’une révolte en 1904 à Madagascar, avant que son auteur, jusque-là maire radical de Lyon, ne prenne le gouvernement de l’île.
Le français tel que le parlent nos tirailleurs sénégalais (1917 & 1918) délivre aux cadres blancs de l’armée une savoureuse méthode d’enseignement du «petit-nègre», fondé en fait sur la syntaxe du bambara et le lexique du français.
Le Manuel élémentaire à l’usage des officiers… (1923) propose une typologie racialiste des peuples de l’Afrique occidentale, entrevus en fonction de leurs capacités respectives à fournir des soldats à l’armée française, que ce soit pour servir de chair à canon dans les tranchées ou pour réprimer les révoltes, en Afrique ou ailleurs.
A leur manière, et sans toujours s’en rendre bien compte, ces monographies, instructives par ailleurs, livrent un témoignage aussi précieux qu’irréfutable sur les méthodes du colonialisme français.
La nature malgache n'ayant pas fini de susciter des ouvrages, voici Lémuriens, seigneurs, savants fous et rois aux sagaies. Petite histoire de Berenty à l'extrême sud de Madagascar, par Alison Jolly, traduit par Emmanuelle Grundmann.
Il était une fois un bout du monde: l'extrême sud de la grande île rouge, Madagascar. Ici, personnages humains et animaux entremêlent leurs histoires dans la réserve naturelle de Berenty. Ce récit est le témoignage d'un passé tumultueux depuis l'esclavage précolonial jusqu'au néocolonialisme de la Banque mondiale. Mais la vraie histoire de Berenty est celle des naissances, mariages et empoisonnements au goût amer. Ici, il y a des combats de sagaies, des batailles puantes et des tombes tandroy décorées de crânes de bétail sacrifié. On y rencontre "On ne peut mettre à terre", "N'a jamais tété", Robin le jeune esclave anglais, Alisson l'Américaine ou encore Hanta la diplômée de Moscou. Et bien sûr, il ne faut pas oublier les lémuriens "Frightful Fan" et "Chou à la crème".
Par-dessus tout, vous allez rencontrer une famille obstinée et entêtée, tant dans les moments de faste luxueux que dans le désarroi: les seigneurs du heaume qui, malgré la mondialisation galopante, tentent de préserver intact leur pacte avec les Tandroy.
Alison Jolly débuta ses études sur les lémuriens sauvages en 1963. Elle poursuivit ses recherches à la réserve naturelle de Berenty durant quatre décennies avec ses collègues et étudiants. Auteur de douze livres sur l'évolution du comportement animal et sur la conservation, elle conte ici ses propres aventures et celles de ses amis de l'extrême sud de Madagascar.
Après avoir étudié les orangs-outans à Bornéo, Emmanuelle Grundmann s'est tournée vers l'écriture et le journalisme et a écrit plusieurs livres sur la déforestation, les primates et la biodiversité. La traduction du livre d'Alison Jolly lui a permis de retrouver les lémuriens et Madagascar qui l'ont toujours fascinée.
Pour Vanille. La route Bourbon, Philippe Aimar, photojournaliste, a requis les connaissances de Jean Mèze, ingénieur en agronomie tropicale et a complété sa propre démarche par celle Reno Marca et Mariana Bonet, auteurs d'un carnet de voyage.
Au début du 16e siècle, la vanille donna la fièvre à tous les souverains d'Europe. Aussi lorsque Cortez eut l'occasion de déguster son fameux «chocolat vanille», on imagine avec quel empressement il pensa à un juteux commerce. Son premier objectif fut donc d'envoyer au plus tôt un chargement de gousses en Espagne. Charles Quint fut certainement le premier souverain d'Occident à goûter la vanille. La route de la vanille venait d'être ouverte...
Aventurier, photographe et journaliste, Philippe Aimar inscrit son travail dans la lignée des grands écrivains voyageurs. Depuis plus de 20 ans, Il parcourt la planète à la rencontre de peuples, de cultures et de saveurs pittoresques. Véritable magicien des mots et des images, il fige à travers son objectif des instants qu'il transforme, tout au long des pages de ses livres, en moment d'éternité. Ce qui le caractérise, c'est qu'il veut tout voir et tout savoir pour fixer au mieux les événements dont il est le témoin privilégié. Chacune de ses aventures se transforme ainsi en carnet de voyage insolite, en témoignage unique. Avec un tel parcours, rien d'étonnant à ce que cet infatigable baroudeur ait consacré une grande partie de son travail à l île de Madagascar et à l'un de ses joyaux: la vanille. La culture de cette épice aromatique qui suscite plaisir et convoitises nécessite en effet des soins longs et attentifs. Il fallait donc un artisan du journalisme et de la photographie pour expliquer son histoire et comprendre pourquoi elle fascine à ce point les hommes.
Pour changer un peu, une bande dessinée de Denis Vierge, Vazahabe! (tout le monde aura compris). Présentation à l'italienne, comme on dit dans le langage de la mise en page, pour faire penser à un carnet de voyage...
Guy Camier, la soixantaine bedonnante, débarque à Madagascar à la recherche de sa femme, une Malgache épousée par l’intermédiaire d’une agence matrimoniale. Retournée pour un temps dans sa famille, elle a disparu. Accident, enlèvement, fuite?
Devant le mépris des services diplomatiques, il se fera aider d’un expatrié français, et d’un chauffeur malgache pour essayer de la retrouver…
C’est une histoire de vengeance, de revanche sociale et affective… Mais aussi la découverte d’un pays et d’une culture. Et l’affirmation que le voyage ne permet de découvrir que soi-même. Au mieux.
Beaucoup plus sérieux - mais le droit n'est peut-être pas absent de la bande dessinée ci-dessus, le professeur Alisaona Raharinarivonirina se voit offrir des mélanges, genre prisé dans les milieux universitaires: Regards sur le droit malgache. J'aurais voulu vous en donner le texte de quatrième de couverture, mais la définition de l'image est si mauvaise que je me contente de quelques lignes pêchées sur le site de l'éditeur. (Je tiens à mes yeux, ils peuvent encore servir.)
Tel est le but de cet ouvrage: rendre hommage à celui qui a été l'un des bâtisseurs et pionniers du droit au sein des universités de Madagascar, au sortir des années 60, quand le temps était alors à l'incertitude et aux tâtonnements. L'entreprise ainsi menée se veut le symbole d'une saine transmission des valeurs et des connaissances à travers des générations de juristes qui ont contribué et qui participent encore au développement de la faculté de droit de l'Université d'Antananarivo.
Enfin, j'allais oublier un recueil collectif de nouvelles qui rassemble des textes de Raharimanana, Jean-Pierre Haga, Alexandra Malala, Johary Ravaloson, Esther Randriamamonjy et Magali Nirina Marson, Nouvelles de Madagascar.
Pour qui a arpenté les hauts plateaux de l’Imérina, sillonné ce pays de rizières, de forêts peuplées d’une faune fabuleuse, pour qui a côtoyé jour après jour les Malgaches des villes (Antananarivo, Mahajanga, Antsirabe, Antsiranana [Diego Suarez], Tamatave, Tulear, etc.) et ceux des campagnes, l’énigme de cette île enchanteresse est encore plus grande. La littérature malgache d’aujourd’hui s’écrit en malagasy, ou, vestige de l’histoire coloniale, en français. Elle demeure aussi souvent orale, c’est la littérature dite des Anciens par laquelle se perpétuent les traditions.
Ce recueil, avec des nouvelles inédites d’auteurs vivant à Madagascar ou en Europe, tous hantés par leur île, ses sortilèges, son histoire ancienne et tous soucieux de son devenir, est une photographie de l’île aujourd’hui. La pauvreté, celle des campagnes et celle des villes, l’exode, le tourisme et ses terribles conséquences, la corruption, l’instabilité politique, mais aussi le passé prestigieux, Antananarivo la grouillante «Ville des Mille»: tels sont les sujets de ces textes qui permettent d’aborder la réalité malgache; ou plutôt quelques-unes des multiples facettes de la réalité de l’immense Île rouge.