February 27, 2013

Il y a 100 ans : Notre devoir envers les enfants métis


Note préliminaire (et inhabituelle) : le principe de cette série d'articles puisés dans la presse de 1913 consiste à les réimprimer tels qu'ils sont parus, sans commentaires - à chaque lecteur de se faire sa propre opinion sur le climat de la colonie. Aujourd'hui, j'ai quand même fait, en guise de réaction personnelle : Oups ! Et je n'ai pas réussi à le garder pour moi...
Le ministre des Colonies, dans une circulaire parue il y a quelques mois, a attiré l’attention des autorités coloniales, sur la situation des enfants métis. Dans un esprit d’humanité et, peut-être aussi, de dignité, il a rappelé les pères européens à leurs devoirs envers leurs enfants nés de femmes indigènes. À défaut des pères, la collectivité française devrait prendre soin des métis. 
Ces prescriptions, inspirées par des sentiments généreux, méritent le respect dû à leurs intentions : elles seraient d’un effet regrettable si les métis, grâce à leur influence, se multipliaient.
Je ne me lasserai pas de soutenir que le métissage est une plaie de nos Colonies, et une des plus graves. Au lieu de favoriser les unions entre Français et femmes indigènes, l’esprit public doit s’efforcer de les combattre, et l’administration ne rien faire pour les rendre plus fréquentes, pour les légitimer indirectement.
Il est évident que, si le métis, sous prétexte qu’il a dans les veines une dose de sang français, devient un être privilégié au regard des indigènes, que si, à défaut de son père, il trouve, par la seule raison de son origine, une protection exceptionnelle, les inconvénients du concubinage avec les femmes indigènes seront grandement atténués, ces unions prendront un caractère presque légal.
Sous le couvert de l’intérêt qu’il porte à ses enfants de couleur, le Français, colon ou fonctionnaire, pourra étaler, sans retenue, son ménage indigène ; peu à peu l’opinion s’accoutumera à cette exhibition. Le mal, considérable quand il est relativement inavoué, dissimulé, ne connaîtra plus de bornes s’il lui est permis de se montrer au grand jour.
L’union avec les femmes indigènes, sous la forme du mariage légitime ou du concubinage, est, en tous points, fâcheuse pour l’avenir, de notre colonisation. L’administration doit être, à cet égard, plus sévère que les missionnaires.
Préoccupés uniquement du côté moral et religieux, les prêtres des divers cultes ne proscrivent que le concubinage, en opposition avec les lois divines. Pour le supprimer, ils poussent au mariage, contribuant ainsi à multiplier, à consacrer des liens qu’il faudrait briser au lieu de les consolider.
Je crains, qu’en plaçant les métis à part, dans la société coloniale, en les mettant sous la protection de l’administration, le ministère des Colonies renforce l’action des missionnaires, que désormais les unions de Français et de femmes indigènes, provoquées par l’instinct, soient renforcées par l’action combinée des missionnaires et des règlements administratifs.
Il n’était certes pas besoin de cette collaboration des lois civiles et religieuses, aux manifestations des sympathies de nos compatriotes pour les femmes de nos coloniaux.
L’administration ne doit pas connaître, encore moins constituer, une classe de métis. Qu’elle soit obligée de considérer comme Français les enfants de couleur, issus d’un mariage régulier ou reconnus légalement par un Français, c’est à quoi il faut limiter son droit et son devoir. Mais qu’elle arrive à séparer des indigènes, à traiter d’une façon spéciale l’enfant d’une femme du pays, parce que cet enfant est de teint plus clair que ses congénères, passe pour issu d’un père français ou européen, qui ne s’est pas soucié de le reconnaître, c’est dépasser le but.
Dans quelques années, avec ce beau système, nous aurons partout une caste de déclassés. À demi instruits, à demi élevés à l’Européenne, les métis ne seront ni des indigènes, ni des Européens.
S’estimant, en raison de leur origine, en raison de leur semi-instruction, de leur semi-éducation, au-dessus des indigènes, ils voudront les dominer.
Les indigènes, fixés sur leur valeur réelle, souffrant de leurs prétentions, les haïront et de cette haine une part retombera sur les Français, rendus responsables des méchancetés, des violences commises par les métis.
 Vis-à-vis de l’Européen, le métis conscient de ce qui lui manque pour en être l’égal, n’éprouve que des sentiments de jalousie, d’humiliation, prompts à s’exaspérer. La classe des métis interposée entre les indigènes et les colons, sera un élément de désunion, les isolera l’une de l’autre, s’efforçant de les opposer.
Si le métis, au contraire, demeure indigène, suivant le statut de sa mère, il sera perdu dans la masse. Ses défauts natifs ne se manifesteront point probablement, parce qu’une semi-éducation européenne ne les aura pas développés, ne les aura pas révélés. Et puis, ce qui est de première importance, les métis n’auront pas été réunis, formés en une classe, ayant des aspirations particulières, des intérêts distincts.
D’ores et déjà, alors que dans nos colonies nouvelles, les métis sont encore trop peu nombreux pour constituer cette caste qui, dans l’avenir, pourra être dangereuse, les unions avec les femmes indigènes ont de multiples inconvénients.
Si quelques colons ont pu, grâce aux femmes du pays, se procurer plus aisément de la main-d’œuvre en utilisant leurs relations et leur expérience, les administrateurs, les fonctionnaires civils et militaires, subissant leur influence, ont souvent commis de lourdes fautes et de véritables iniquités.
Les femmes indigènes, grâce à l’autorité conquise sur le chef de poste, le garde de milice, en lui donnant des renseignements faux ou tendancieux, sont parvenues souvent à faire la fortune de leur famille, à ruiner leurs ennemis.
Qui dira le nombre des faux complots dénoncés par la ramatoa ou la congaï, les pauvres diables arrêtés, condamnés sur ses indications ? Qui dira les conséquences, formidables pour la paix d’une région, des mesures prises par un fonctionnaire sous le coup des rapports de sa femme indigène ? Que de petits Assuérus, dans la brousse, se soumettent aux désirs d’une Esther noire ou jaune !
On pourrait multiplier les exemples montrant à quel avilissement arrivent des hommes, après quelques années d’une vie isolée, sous la domination de ces Égéries de couleur.
Débarrasser le fonctionnaire de l’emprise de la femme indigène, réduire le nombre des métis, serait une œuvre saine. Qui l’entreprendra ?
Voilà qui devrait tenter les féministes. Il y a en France tant de femmes célibataires qui, épouses de fonctionnaires aux colonies, feraient à la fois leur vie, et rendraient à leur pays un véritable, un immense service !
Victor Augagneur.
Député du Rhône.
Ancien ministre.
Des Annales coloniales.
Le Progrès de Madagascar

Le temps me manque pour terminer l'édition de Madagascar il y a 100 ans. Février 1913, où ce texte aurait dû paraître avec les précédents.
Mais Janvier 1913 reste disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).
Et je réfléchis à un volume qui regrouperait, de manière moins exhaustive, l'actualité et les commentaires de 1913. On en reparlera.

February 26, 2013

Il y a 100 ans : Situation budgétaire au 30 novembre 1912


La situation financière de la colonie de Madagascar pour l’exercice 1912 présentait, au 30 novembre dernier, les résultats suivants :
Montant des recouvrements : 29 057 350 francs
Montant des dépenses :         22 248 570 francs
L’excédent des recettes, soit : 6 808 780 francs
accuse une augmentation de 600 000 francs sur l’excédent de l’an dernier.
Les recettes effectuées jusqu’au 1er décembre dépassent de 2 528 000 francs celles recouvrées pendant la même période de l’exercice 1911.
Les recettes du chemin de fer s’élèvent à 1 664 900 francs en augmentation de 500 000 francs sur l’an dernier. Les dépenses qui s’élèvent à 19 300 000 francs sont supérieures de 1 750 000 fr. à celles de l’an dernier. Ce dépassement est le résultat des dépenses faites par la colonie pour l’amélioration de son outillage économique.
La Quinzaine coloniale



Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Février 1913.
(A paraître dans quelques jours)
Janvier 1913 est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).

February 25, 2013

Il y a 100 ans : Produits de la forêt et de la brousse à Madagascar


Parmi les nombreux produits naturels dont le général Galliéni a fait commencer l’étude dès son arrivée à Madagascar, on peut citer en ne s’occupant que des plus intéressants, c’est-à-dire en portant l’attention seulement sur ceux qui donnent déjà lieu à un important mouvement commercial : le caoutchouc, la gomme copal, le crin végétal, la cire d’abeille, les essences forestières et les écorces tannantes de palétuvier.
On trouve du caoutchouc d’excellente qualité dans presque toutes les forêts de Madagascar.
Ce caoutchouc provient de lianes, d’arbres ou d’arbustes.
Les principales lianes fournissant une gomme d’excellente qualité sont : le Landolphia Perrieri, connu par les indigènes sous le nom de Piralahy, c’est-à-dire, mot à mot, « caoutchouc mâle » ; le Landolphia sphaerocarpa, appelé par les Malgaches Piravavy, mot signifiant « caoutchouc femelle » et le Landolphia Madagascariensis, désigné sur place sous le nom de Voahena.
Les deux premières sortes se rencontrent surtout dans le Nord-Ouest et dans l’Ouest.
La troisième est abondante, principalement dans toutes les parties du versant oriental.
L’extraction du caoutchouc liane, telle qu’elle est pratiquée par les Malgaches, entraîne le sectionnement de tous les rejets dépassant la grosseur du doigt.
Ces rameaux sont coupés, au moyen de la hachette indigène (antsibe), en fragments de 50 à 60 centimètres de long, puis disposés verticalement au-dessus d’un récipient quelconque, dans lequel s’écoule le latex qu’on recueille, finalement, soit dans une petite marmite en fonte, soit encore, plus simplement, dans un entre-nœud de tige de bambou ou dans un fragment de calebasse. La coagulation est faite, en général, au moyen d’un peu d’acide sulfurique étendu d’eau, de jus de citron ou de fruits de tamarin.
Parmi les arbres, on doit mentionner les « guidroa » et les « hazondrano » appartenant au genre Mascarenhasia ; puis l’« intisy » (Euphorbia intisy), plante croissant dans l’Extrême-Sud, dans une région dont la végétation possède l’aspect le plus étrange et dont on peut difficilement se faire une idée en Europe.
Les plantes de cette contrée, dont le port diffère totalement de tout ce que nous avons l’habitude de voir dans la zone tempérée, semblent complètement privées de feuilles et sont, pour la plupart, entièrement couvertes d’épines nombreuses et acérées rendant les déplacements dans la brousse particulièrement pénibles et douloureux.
1° L’intisy est curieusement désigné à Madagascar sous le nom caractéristique de « caoutchouc sans feuilles ». Il a été déterminé et décrit par Drake del Castillo, en 1899, époque à laquelle j’ai rapporté en France, pour la première fois, de nombreux documents photographiques et échantillons concernant l’Euphorbia intisy que j’avais eu la bonne fortune de recueillir, en 1868, dans la région du Fort Dauphin.
Les exportations de caoutchouc malgache ne dépassaient guère 400 tonnes en 1896. Elles sont montées, progressivement, à près de 600 tonnes en 1903, ont dépassé 850 000 kg en 1904, 1 125 tonnes en 1910 et 801 000 kg en 1911.
2° Gomme copale : ce produit, employé dans la confection des vernis, est tiré d’un grand arbre abondant sur la côte orientale, l’Hymmenea verrucosa (Tandroho des Malgaches). La gomme copale se présente sous l’aspect de masses jaunes plus ou moins foncées, presque transparentes chez les échantillons de très belle qualité.
Les exportations sont assez variables et ne paraissent pas suivre une marche régulière. Elles atteignent environ 20 000 kg par an (21 151 kg en 1911).
3° Le raphia : le raphia est un grand palmier très ornemental fournissant une fibre très employée en Europe, par les horticulteurs, et dont on commence à se servir pour faire des étoffes d’ameublement.
Le raphia se rencontre sur une grande partie du versant oriental, ainsi que dans le Nord-Ouest et dans l’Ouest. On ne le trouve ni dans l’Extrême-Nord ni dans l’Extrême-Sud de Madagascar. Dans le Centre, il en existe seulement quelques spécimens isolés.
Ce que nous appelons la fibre de raphia n’est pas autre chose que l’épiderme supérieur des jeunes feuilles que l’on coupe peu avant leur épanouissement.
Les usages locaux du raphia sont innombrables. On en fait des vêtements, des coiffures et des instruments de pêche. Avec la nervure médiane des feuilles qui atteignent jusqu’à 12 m. de long, on confectionne des échelles et des filanjanes (sorte de chaise à porteur). On se sert également de ces nervures pour établir des charpentes légères. On consomme enfin le bourgeon terminal de ce palmier qui constitue un excellent chou palmiste.
Le raphia brut constitue un des importants produits naturels de Madagascar. En 1896, les exportations de raphia ont à peine atteint 1 584 tonnes. Depuis 1905, elles dépassent 4 000 tonnes par an et se sont élevées à plus de 6 300 tonnes en 1911. À ce chiffre il convient d’ajouter les exportations de tissus de raphia ou rabanes qui, actuellement, atteignent 70 000 francs par an (exportations de 1911).
Crin végétal : à côté du raphia il faut citer le crin végétal, fibre très employée en brosserie, qui est fournie en abondance par des palmiers croissant sur le versant Est. Madagascar en exporte 40 à 70 tonnes par an (69 824 kg en 1911).
Cire d’abeille : parmi les produits de la forêt et de la brousse, la cire d’abeille se classe au rang de ceux qui donnent lieu aux exportations les plus importantes. La cire d’abeille récoltée à Madagascar provient exclusivement des ruches sauvages. La récolte en est faite par les indigènes. On en trouve dans presque toutes les forêts. Les exportations de ce produit accusent, depuis dix ans, une progression assez rapide. Elles ne dépassaient guère 191 tonnes en 1896 et ont atteint 531 000 kg en 1910.
Bois : à signaler enfin que Madagascar exporte une certaine quantité de bois, surtout de l’ébène, du palissandre, et des bois rouges analogues à l’acajou. Les forêts de la Colonie renferment une foule d’essences très intéressantes, mais encore insuffisamment connues et dont l’exploitation est souvent rendue difficile, sinon impossible, à cause de l’insuffisance des moyens de communication. Comme presque partout, on s’est surtout intéressé aux bois durs qui sont très abondants dans l’île. Certains résistent aux clous. Il semble aujourd’hui qu’il serait aussi très utile de chercher à employer les bois tendres et légers dont l’exploitation serait bien plus facile. Contrairement à ce que l’on croit en général, ces bois pourraient peut-être recevoir d’importantes applications en Europe. L’accroissement des exportations de bois de Madagascar est surtout lié au développement des voies de communication qui a été l’une des principales préoccupations du général Galliéni pendant les dix ans qu’il a passés à la tête de cette colonie. Cette question est liée également à celle de l’abaissement du fret qui, pour permettre le commerce des produits encombrants et d’une valeur intrinsèque relativement faible, doit être aussi réduit que possible. Depuis quelques années, Madagascar exporte entre 250 000 et 350 000 francs de bois par an.
Ecorces tannantes : il reste à mentionner, pour terminer, les écorces tannantes de palétuvier qui, depuis quelques années, figurent parmi les exportations de Madagascar. Cet article est surtout expédié en Allemagne.
Dans le Nord-Ouest et dans l’Ouest les réserves de ce produit, dont le Jardin colonial s’est beaucoup occupé, sont extrêmement abondantes.
La première exportation a eu lieu en 1902 ; il s’agissait d’un simple échantillon ne dépassant guère une tonne.
En 1905 les envois sont montés à 136 820 kg. En 1911 ils se sont élevés à plus de 53 000 tonnes.
À côté des écorces de palétuviers il faudrait encore citer les cocons du ver à soie sauvage, les pailles de chapellerie, etc., mais le cadre forcément restreint de cet article nous oblige à mentionner simplement ces articles sans nous y arrêter.
Les exportations des produits de la brousse accusent donc de grands progrès ; mais il importe, en même temps, d’appeler l’attention sur un danger sérieux qu’on s’efforce de restreindre le plus possible dans les colonies étrangères, mais dont on ne s’occupe peut-être pas assez chez nous. Je veux parler des feux de brousse pratiqués sur une si grande échelle à Madagascar et qui, si l’on n’y prend garde, pourront anéantir, peu à peu et sans profit, tout le stock de richesses naturelles renfermées dans les forêts malgaches.
Il ne faut pas songer à interdire brusquement la pratique des feux de brousse. Vouloir agir sans transition pourrait avoir les conséquences les plus désastreuses ; mais il importe, à tout prix, d’enrayer peu à peu la coutume d’incendier la brousse et la forêt en montrant aux indigènes comment ils peuvent éviter d’avoir recours à cette pratique désastreuse.
D’un autre côté on ne saurait trop recommander aux fonctionnaires coloniaux d’user de toute leur influence et de toute leur autorité sur les populations indigènes pour qu’on ne saigne pas à blanc les caoutchoucs exploités et pour qu’on n’abatte pas inutilement des plantes utiles.
Dans les pays chauds, on a rarement le respect des plantes. Les indigènes y abattent et massacrent souvent des arbres sans raison. Il appartient à l’administration de s’efforcer de corriger cette coutume déplorable.
Ém. Prudhomme.
Ingénieur Agronome, Directeur du Jardin colonial.
La Nature

Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Février 1913.
(A paraître dans quelques jours)
Janvier 1913 est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).

February 24, 2013

Cinq romans pour une conférence

Le mercredi 27 mars à 15 heures, Jean-Marie Seillan donnera une conférence à l'IFM: L'image de Madagascar dans le roman français d'aventures coloniales autour de 1900.
Il vous reste un mois pour lire les ouvrages (presque tous) qu'il utilisera dans son analyse. La Bibliothèque malgache s'est coupée en cinq pour vous...

J'ai rassemblé cinq romans pour les mettre, au format PDF (versions 8 et supérieures d’Acrobat Reader), à la disposition des lecteurs.
Trois d’entre eux ont été réédités par la Bibliothèque malgache électronique (et gratuite) :
  •      Paul d’Ivoi. Le sergent Simplet à travers les colonies (1895)
  •          Adolphe Badin. Une famille parisienne à Madagascar avant et après l’expédition (1897)
  •          Léo Dex et M. Dibos. À travers Madagascar insurgée 1901)


Le roman d’Adolphe Badin existe aussi sous forme de livre papier, à commander chez Lulu (199 pages, 14,71 € + frais de port).
Celui de Léon Dex et M. Dibos est disponible sous la même forme chez Lulu (228 pages, 14,96 € + frais de port) ainsi que dans les principales librairies de Madagascar avec les illustrations reprises de l’édition originale (environ 40 000 Ariary).



Deux autres romans sont repris des numérisations de qualité très moyenne effectuées par la Bibliothèque Nationale de France :
  • Eugène Parès. Une famille française à Madagascar (1901)
  • Louis Boussenard. Voyages et aventures de Mademoiselle Friquette (1898), sous la forme du feuilleton paru en 1896 et 1897 dans le Journal des voyages et des aventures de terre et de mer
Enfin, un dernier titre est resté inaccessible :
  • Jean Drault. Chapuzot à Madagascar (1896)
Le "pack" des cinq livres est téléchargeable gratuitement sous la forme d'un fichier ZIP de 24,1 Mo.

Bonnes lectures.

February 17, 2013

Il y a 100 ans : Faits divers


Le 18 février jour de fête

À l’occasion de l’entrée en fonctions de M. Poincaré, comme Président de la République, Monsieur le Gouverneur Général de Madagascar et Dépendances, a décidé que les bureaux, écoles, magasins, chantiers et ateliers de la Colonie seront fermés pendant la journée du 18 courant.
De plus les établissements publics seront pavoisés et illuminée.
(Communiqué.)

Le Président du Tribunal de Majunga

Par arrêté du 30 janvier dernier, M. Roul de la Hellière, procureur de la République à Diégo-Suarez, a été nommé, provisoirement, juge-président du Tribunal de 1re instance à Majunga.
Magistrat pondéré, M. de la Hellière n’a laissé que d’excellents souvenirs à Tamatave qu’il a habité longtemps, et où nous serions heureux de le voir revenir.

Jugement réformé

M. Albert Comty ayant fait appel d’un jugement rendu contre lui par le Tribunal Correctionnel de Tamatave, a été acquitté par la Cour d’appel à la date du 13 courant.

Les courses

La Société d’encouragement pour l’amélioration des races de chevaux à Madagascar prépare une réunion de courses pour le 8 mars prochain, à l’occasion de l’inauguration du chemin de fer.

Deux nouveaux cyclones au large de Madagascar

Nos lecteurs se souviennent du cyclone du 24 novembre qui désola le nord de Madagascar. Au mois de janvier deux autres cyclones ont sévi dans l’Océan Indien. En voici les parcours :
1er cyclone : il a passé le 9 non loin de Mayotte, le 10 au sud-ouest de cette île dans le canal de Mozambique et longeait la côte de Morondava. Enfin le 13 il passait au sud de Fort-Dauphin.
2e cyclone : celui-ci passa le 12 au nord de la Réunion, puis il tourna l’île dans la direction du nord-ouest entre la Réunion et Mananjary, mais plus près de la Réunion, enfin passa le 14 au sud de la Réunion.
Ces deux cyclones simultanés ont amené à Tananarive une grande quantité de pluie.
Du 8 au 14 janvier on a compté à l’Observatoire d’Ambohidempona 276 millimètres d’eau.

Le Tamatave

Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Février 1913.
(A paraître dans quelques jours)
Janvier 1913 est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).

February 15, 2013

Il y a 100 ans : Une heureuse mesure


De la Tribune :
Les parents européens de Tananarive sont dans la joie. Un décret, publié dans le dernier numéro de l’Officiel de la Colonie, donne satisfaction à l’un de leurs plus vifs et plus légitimes désirs.
Depuis plusieurs années déjà, ils demandaient à ce que leurs enfants, après avoir suivi les cours réguliers du collège de Tananarive et franchi les différents degrés de l’enseignement secondaire, puissent obtenir sur place, sans être obligés d’effectuer le voyage, long et onéreux, de Madagascar à la Réunion, un diplôme de fins d’études correspondant au baccalauréat de nos Facultés de France.
Ce vœu était d’autant plus légitime que le niveau des éludes au collège de Tananarive était, d’année en année, plus élevé. Les élèves arrivés à la classe préparatoire au baccalauréat se trouvaient en général dans d’excellentes dispositions et munis d’une culture parfois supérieure à celle de la plupart des élèves de nos lycées et collèges de France.
Malheureusement, les frais à faire pour s’en aller chercher à la Réunion la consécration officielle étaient considérables et jusqu’à présent, beaucoup de parents – colons principalement – hésitaient à les engager ou parfois même se trouvaient dans l’impossibilité absolue de le faire. Il en résultait que des jeunes gens, intelligents et instruits, ne pouvaient obtenir le diplôme grâce auquel ils auraient obtenu, dans la colonie, une situation en rapport avec leur savoir.
Le nouveau décret, en instituant à Madagascar un brevet de capacité correspondant au baccalauréat, met fin à cette situation regrettable et ouvre largement la voie des études supérieures à toutes les intelligences et à toutes les activités.
Le jury chargé d’examiner les candidats présentera les mêmes conditions d’indépendance et de savoir que les jurys d’examen métropolitains. Les membres seront, en effet, choisis parmi les professeurs titulaires du collège, dont chacun connaît, à Tananarive, la science et les qualités pédagogiques, parmi les fonctionnaires civils, licenciés ès-lettres ou ès-sciences, enfin, parmi les docteurs en médecine et les élèves des grandes écoles.
L’éclectisme de ce choix constituera la meilleure des conditions d’impartialité et les candidats reçus auront pleinement mérité le diplôme qui leur sera délivré.
Comme en France, il y aura à Tananarive deux sessions d’examen : l’une à la clôture, l’autre au commencement de l’année scolaire. D’autre part, les jeunes gens munis du brevet de capacité pourront l’échanger contre le diplôme de bachelier de l’enseignement secondaire sous la condition d’acquitter, au compte du trésor public, les droits exigés en France des candidats au même titre. En plus, ils devront justifier qu’à l’époque où ils se sont présentés devant le jury d’examen colonial, ils résidaient depuis un an au moins à Madagascar ou encore qu’ils sont fils de fonctionnaires en exercice à Madagascar.
Le décret contient bien une pierre assez sérieuse d’achoppement, mais il est à penser que les Facultés de France useront rarement de la latitude qui leur est laissée.
Il est dit, en effet, dans le décret que la Faculté à laquelle le lauréat s’adressera pour l’échange des diplômes pourra, si elle juge les compositions insuffisantes, se refuser au dit échange. Dans ces conditions, le porteur du brevet de capacité devrait subir à nouveau, devant la Faculté métropolitaine, les épreuves du baccalauréat.
Nous avons la conviction que les Facultés de France n’useront pour ainsi dire jamais du droit qui leur est concédé par le décret.
Verbis.
Le Tamatave

Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Février 1913.
(A paraître dans quelques jours)
Janvier 1913 est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).

February 14, 2013

Il y a 100 ans : Une défaite


On est officiel ou on ne l’est pas, la Tribune se sent atteinte chaque fois que nous touchons à l’un des oints de Micromégas. Il s’agissait en l’espèce du Chef de Service Régional, M. Martin, dont nous avions signalé l’une des petites manœuvres sournoises inspirées par le vieillard atrabilaire qui nous gouverne.
Et la Tribune y va de son petit couplet contre le prédécesseur de M. Picquié, l’homme qui eut le tort de déclarer la guerre aux missionnaires et flibustiers.
Elle entreprend de nous démontrer qu’à l’époque l’on ne se gênait pas plus que maintenant, et que tous les chefs du Service Régional se valent.
Ce n’est pas très fort, mais c’est toujours ça et, par les temps qui courent, on ne saurait se montrer bien difficile sur la morale officielle.
Donc en 1910, raconte la Tribune, un bailleur de fonds du Progrès (entre parenthèses, il ne l’est devenu que deux ans plus tard) eut l’idée d’acheter 4 pompes au Service du chemin de fer qui, ne trouvant plus à les utiliser, était bien aise de s’en débarrasser. Or, chose extrêmement grave, après les avoir achetées au service du chemin de fer, cet entrepreneur consentait à les louer au service Régional au prix de 3 francs par jour pour l’épuisement des eaux dans la construction d’une pile de pont de la Manandona.
M. Martin, qui a fouillé pour sa défense personnelle les archives de son service, fait une confusion voulue entre la date de l’achat, 1908, et celle de la construction de la fameuse pile, 1910.
Et cela lui permet de sous-entendre que son prédécesseur a fait preuve d’incurie ou de complaisance en laissant acheter par un particulier des pompes nécessaires au service deux ans plus tard !
Mais continuons : la location dura 341 jours, soit à raison de 3 fr. par jour la somme totale de 3 069 francs.
Ce prix de 3 fr. par jour était bien un prix doux, quoi qu’en dise notre confrère et la meilleure preuve en est que le Service du Chemin de fer avait précédemment fait aux entrepreneurs, et sur ses mêmes pompes, un prix de location de 4 francs, prix que logiquement le Service Régional eût dû payer au Service du Chemin de fer si celui-ci ne s’en était débarrassé.
Voilà donc un entrepreneur qui a eu le tort de demander 3 francs de location d’un outillage qui lui avait été précédemment loué à lui-même 4 francs, et un chef de service qui n’a su prévoir l’utilisation d’un matériel deux ans avant le commencement de l’entreprise !! C’est évidemment fort grave et l’on voit bien que les méninges du rédacteur occasionnel de la Tribune ne se ressentent d’aucune fatigue.
Cependant, une chose nous étonne : puisque le chapitre des économies administratives le touche à ce point, pourquoi n’avoir pas relevé le coûteux étalage de la publicité officielle faite dans la Tribune ? Ce serait assurément une économie de 600 francs par mois ; or, cette dépense somptuaire n’a d’excuse ni dans les travaux ni dans l’intérêt publics.
Qu’en pense le directeur de la Tribune ?
Le Progrès de Madagascar


February 13, 2013

Il y a 100 ans : Lettre ouverte à Monsieur l’Administrateur Chef de la Province de Vatomandry


Monsieur,
… Vous dites : ces co…. de Journalistes, n’ont donc rien à faire, pour s’occuper ainsi de nous !!!…
Cette boutade grossière, qui sent en plein « son ancien paysan mal éduqué » ne saurait nous émouvoir, ni même nous atteindre ; – j’ajoute, qu’un jugement sain de votre part, nous eût au contraire singulièrement étonné, car, illustre Monsieur, nous savons depuis longtemps que les bonnes manières et des paroles polies, ne sauraient sortir de votre cru !
Du reste,… tournez,… tempêtez,… bondissez… Défoncez le billard à coups de poings, tout à votre aise ; la Presse continuera toujours son petit rôle, celui de flétrir et de dénoncer à l’opinion publique, les abus, les gaffes, le favoritisme des fonctionnaires, qui pour être agréables et défendre les intérêts d’un seul, nuisent, en tout et pour tout, à la collectivité.Comprenez-vous ?
J’ai lieu d’en douter… Cependant je sais une chose c’est que la plus grande partie des colons d’ici, (les petits principalement), n’entendent nullement se laisser plus longtemps bafouer, par vos refrains de gascon et par vos actes irréfléchis… Si dans votre magistrale cervelle, vous les dédaignez, et les traitez de quantités négligeables, ils se sentent assez résolus, soyez-en sûr, pour ne pas se laisser « boycotter » par vos allures de matamore, et vos sarcasmes à l’esprit lourdaud.
Je vais vous citer un exemple (je pourrai en citer cent).
– Un petit colon, vient-il vous demander respectueusement s’il ne lui serait pas possible d’acquérir un terrain en ville… D’un air narquois, vous répondez : « si vous voulez obtenir ce terrain, je vais le mettre en adjudication »,… puis d’un geste martial vous lui faites comprendre qu’il est temps de rompre les rangs et de prendre la porte !…
… Survient-il votre Ami ?… votre Grandissime Ami ? ah ! tout change,… pour lui, pas d’adjudication, pas de temporisation, de suite, de suite, tout lui est accordé en Concession !…
Voyons, intègre Cartron n’en fut-il pas ainsi pour ce terrain en pleine ville, près de la douane ? Ne fallut-il pas l’intervention d’un colon, qui en demanda la mise en adjudication, et en référa au Gouvernement Général, pour empêcher cet acte de favoritisme de s’accomplir ?
Vous aimez le billard, les cartes, et que sais-je encore ; ce n’est pas un mal mais ce qui en est un c’est que par votre incurie administrative, notre ville de Vatomandry a plutôt l’air d’un cloaque empesté que d’un lieu habité !… allez jusqu’au bazar, pénétrez sur la pelouse nord, vous en reniflerez du propre, et pendant ce temps-là vos prisonniers se tournent les pouces rendant grâce à votre… je m’enfoutisme !
Et les impôts ? jamais notre Province n’avait autant possédé de sans-cartes, que sous votre abracadabrante administration ! Tous les chemins regorgent de Malgaches qui placidement s’en vont à la maraude ; pourquoi se gêneraient-ils ? Ils savent posséder deux retraites sûres, la première, votre bienveillante administration, la deuxième, la propriété et les chantiers de votre favori, où, là, ils se savent en lieu sacré !!!
Oh ! si les sans-cartes se réfugiaient chez les petits colons ! quelles rafles ! vous vous y connaissez, mon brave !… Combien n’en avez vous pas fait exécuter, par le Gouverneur de Sauvaza, les chefs de canton d’Ambotrotroka et d’Ambinandrano,… pour diriger par bandes les indigènes, sur les chantiers de votre illustre ami ?
Les autres colons, qui jadis s’approvisionnaient dans ces régions, n’ont plus qu’une seule ressource à tenter : prendre eux-mêmes l’angady, ou attendre que leurs cultures soient étouffées sous les herbes et aller benoitement se recommander à vous pour l’obtention d’un billet de rapatriement ! quelle douce perpective pour les colons ! mais quel débarras pour vous, n’est-ce pas ? À vous voir agir, l’on croirait volontiers que notre province n’est plus Vatomandry mais bien… mais bien… la Grande Comore, (par vous tant regrettée) et que nous autres, nous ne sommes plus Français mais des malotrus Comoriens !! Heureux Cartron ! – et dire que ce sont nos deniers (et ceux des Malgaches) à nous qui suons et qui peinons, que ce sont nos deniers dis-je, qui vous permettent tant de parties d’écarté, tant de bonnes parties de billard… et tant de goulots de bouteilles de Champagne, débouchés en l’honneur de votre ami !
Allons colons, mes frères, prenons la pioche, notre seigneur et maître nous le prescrit et nous vivons dans l’espoir qu’un jour peut-être « l’Eminence grise » ne pouvant plus occuper les centaines et centaines de travailleurs qu’on lui amène « Elle » voudra bien se défaire de quelques estropiés et nous les octroyer à titre de bienveillance !
Maintenant terminons notre petite missive : Vous vous vantez d’avoir reçu carte blanche de M. Picquié, pour agir selon les caprices de votre cervelle !… Nous voulons bien vous croire, car réellement pour agir ainsi que vous le faites, il faut que vous soyez assuré de toute impunité ! – Réfléchissez pourtant !… La majorité des colons, si dédaignés par votre grandissime personne, n’est pas décidée du tout à se laisser manœuvrer comme un simple peloton de miramilas ! et en fait de rompre les rangs vous serez peut-être le premier à les rompre, mon cher Monsieur.
Un colon.
Vatomandry le 1er février 1913.
En écrivant les lignes ci-dessus, le Colon de Vatomandry ne croyait sans doute pas être un aussi bon prophète. Selon ce que nous apprend la Tribune, M. Picquié toujours préoccupé de rendre justice aux colons, envoie M. Cartron à Mayotte. Ainsi tout le monde sera satisfait.
Le Tamatave

Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Février 1913.
(A paraître dans quelques jours)
Janvier 1913 est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).

February 12, 2013

Il y a 100 ans : Paroles d'un profane


J’ai plus de chance qu’Hégésippe Moreau lequel écrivait, dans une diatribe célèbre :
« Je lance des crachats aux Goliaths des cours :
Un Maire et son adjoint vont s’essuyer la joue ! »
Moi, je relate les hauts faits de ce que j’appelle, en l’ignorance du langage administratif, un chef du service local, et ce modeste fonctionnaire, méconnaissant ses propres mérites, va, partout, disant, dans la bonne ville d’Ambositra : « Ce n’est pas à moi que ce dithyrambe s’adresse, mais au chef au service régional, auquel j’obéis. Rendons à César ce qui appartient à César ! »
Hélas, j’ai le regret de le dire, mes éloges ne visaient point aussi haut. César, pour cette fois, commande en sous-ordre ; César n’étend son empire que sur le chétif territoire d’une province. L’œuvre, au surplus, qu’il y poursuit, suffirait à sa gloire. Chaque jour, les entrepreneurs, les commerçants, les vagues colons, quelques indigènes, tous ceux qu’émeut la singulière ampleur de sa renommée, sachant que j’écrivaille quelquefois, viennent me dire : « Parlez-nous de lui, grand-père, parlez-nous de lui ! »
Si j’hésite, on me raconte son histoire. Son étoile brilla, paraît-il, d’un incomparable éclat, lorsqu’aux méandres de Vatoavo, s’incrustaient le semblant de route, qui conduit les Ambaniandro vers les terres promises d’Ambalavao. C’est là que furent creusées des tranchées, commencées par les deux bouts, dont les tronçons ne se rencontraient pas au milieu (il ne s’en fallait que de quelques dizaines de mètres). C’est là que furent engloutis, aux rouges profondeurs du sol ingrat, pour cause d’erreur dans les visées, nombre de précieux sacs de mille de la princesse. C’est là qu’un entrepreneur, naïf, laissa le plus clair de ce qu’on lui avait prêté, pour avoir, d’abord, exécuté les ordres de service du grand-homme, et pour s’être, ensuite, laissé persuader que les promesses (de juste indemnité) de M. Picquié, gouverneur général de Madagascar et Dépendances, pourraient avoir une réalisation.
Les hommes de Dieu, qui protègent, avec tout le dévoûmemt dont ils sont capables envers un affilié, l’auteur de toutes ces merveilles, obtinrent qu’il allât, quelque cent cinquante kilomètres plus au Nord, exercer ses mirifiques talents. Comme Mac-Mahon conseillait au nègre de le faire, il a continué : les routes dont il fit, aux environs d’Ambatorahana, proche Ivato, en d’autres lieux, le tracé, ont des sinuosités inattendues. Leurs méandres leur donnent l’allure de serpents malades, de serpents piteux, de serpents inquiets, qui ne sauraient comment faire, pour redresser leur échine. À cheminer sur ces chemins, on se prend à rêver, à ces parcs anglais, où les pas du promeneur promènent une rêverie sans but, des songes sans réalité.
L’auteur de ces lignes, qui voyage pour ses affaires, n’aime pas beaucoup le temps perdu. Il a le tort de s’insurger, quelquefois, contre les kilomètres inutiles. Mais il demeure absolument incapable de protester, quand il lui est donné de constater ce qu’il a vu, pas plus tard que quinzaine passée. Les lecteurs du Progrès n’ignorent pas comment le très distingué chef du service local, dont je les entretins, voici peu, classe les entrepreneurs en bons et mauvais, critérium infaillible, dit-il, pour la réception des ouvrages. Or, sur la route d’Ambatofinandranana, s’écroulent, l’un après l’autre, à la mode des bonshommes de neige, qu’édifient, chaque hiver, les enfants, les ponts construits par le mieux noté des tâcherons indigènes, que connaisse l’Administration. Ils s’écroulent, après s’être déjà, l’an passé, écroulés, une première fois. Et, sans doute, s’écrouleront-ils, tous les douze mois, jusqu’à la consommation des siècles, ainsi que dirait la Sainte Ecriture. Ils furent reçus, sans l’ombre d’une difficulté, comme une œuvre qui ne peut contenir, en soi, la malfaçon.
Considérant, de la coupure de la route, au niveau du village d’Ilanzana, le platelage emporté à 1 500 mètres en aval (il n’y a que les actions de Micromégas qui remontent), par une crue qui n’avait rien de surnaturel, je songeais qu’il est des hommes aimés des dieux, et que Ralitera, auteur du travail, pouvait se féliciter, d’avoir été payé, sans retard, alors que des Européens, dont les ouvrages ne bougèrent point, et, parmi eux, le nouveau Christ, Garalon, attendent, en peine d’argent, que ce bon fanjakana veuille bien leur payer ce qui est dû.
Si le temps ne me manquait pas, je vous parlerais de la façon, dont, après l’article du Progrès, on essaya de retaper la Maternité, ce sera pour une autre fois. Dites-vous, en attendant, que, pour tâcher de masquer l’étendue du mal de cette construction on y applique divers cataplasmes dont la recette n’est un secret pour personne.
Le Progrès de Madagascar

Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Février 1913.
(A paraître dans quelques jours)
Janvier 1913 est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).

February 11, 2013

Il y a 100 ans : Madagascar et Réunion


La logique et le bon sens prendraient-ils enfin le dessus sur la fantaisie et le sentiment irréfléchi ? Il semble qu’à la Réunion, les esprits commencent à envisager, sans répugnance systématique, sans parti-pris, les projets déjà anciens de réunion des deux îles voisines, dans le gouvernement général de l’Afrique Orientale.
Dernièrement, à Saint-Denis, s’est tenu un congrès des Chambres d’agriculture de Madagascar et de la Réunion. L’assemblée a mis en présence les agriculteurs des deux pays ; ils ont échangé leurs vues, reconnu combien ils gagneraient à rendre leurs relations plus étroites. De là à comprendre l’utilité d’un gouvernement commun, il n’y a qu’un pas, et j’espère qu’il ne tardera pas à être franchi.
Comment cet état d’esprit nouveau chez les Réunionnais s’est-il constitué ? Le facteur politique n’y est pas étranger. Les plus fougueux adversaires de la fusion étaient les conservateurs. Avec un gouvernement particulier, ils pouvaient espérer, en séduisant ou persécutant le gouverneur à l’aide des conseils élus, éterniser, dans leur petite patrie, la politique conservatrice et coloniale. Le gouverneur, neuf fois sur dix, désirait avant tout ne pas avoir d’affaires ; il cédait aux influences locales prépondérantes. S’il résistait, c’était la guerre sans merci là-bas, la guerre au couteau comme elle se fait aux colonies, ne ménageant ni l’homme privé, ni sa famille. Ainsi traité, le représentant du gouvernement n’avait qu’un désir : s’en aller au plus vite, n’importe où. Pendant que le malheureux se débattait contre les difficultés de tous genres, les députés conservateurs de la colonie faisaient le siège du ministère. Souvent le ministre avait la même âme que son subordonné : lui, non plus, ne voulait pas d’affaires. Suivant les circonstances, le gouverneur était rappelé, placé ailleurs, avec ou sans avancement.
Le parti conservateur, longtemps maître de la Réunion, tenait à l’autonomie administrative de l’île. Le gouverneur générai de l’Afrique Orientale eût été interposé entre le gouverneur de la Réunion et le ministre, les députés n’eussent pas exercé sur lui une influence directe, l’administration eût été soustraite en partie à l’action de la faction dominante.
Depuis quelques années, les choses ont changé à la Réunion. Le parti conservateur a enregistré des défaites, il n’est plus aussi sûr du lendemain, qui paraît promis à ses adversaires. Dans ces conditions, le rattachement à l’Afrique Orientale, non seulement ne lui enlèvera plus rien, mais lui sera une sauvegarde contre les retours du sort, contre les agissements de ses adversaires triomphants s’il leur plaisait de suivre ses exemples.
Le Parti républicain n’a pas à l’égard de la fusion de sentiments hostiles. Il est un peu engagé par son attitude passée : au moment où les réactionnaires exerçaient un véritable despotisme, il s’était prononcé ouvertement pour la réunion à Madagascar. Il y voyait le moyen le plus efficace d’échapper à la tyrannie locale. D’autre part, le parti républicain réunionnais, en communauté de vues avec les républicains de France, n’a pas, comme les cléricaux, à cultiver, sous le couvert de l’autonomie administrative, un esprit réactionnaire autonome. La fusion n’a pas pour les démocrates, d’inconvénient politique, au contraire.
Cette direction nouvelle des esprits a été, il faut le reconnaître, secondée par le gouverneur intérimaire, actuellement en fonctions, à la Réunion. Il s’est efforcé de rapprocher les habitants de Madagascar et de la vieille Bourbon ; et il y a réussi.
Jusqu’ici les gouverneurs de la Réunion étaient hostiles à la fusion. Quelques-uns, parfaits réactionnaires, avaient les mêmes idées que leurs administrés, et voyaient, dans l’autonomie, la défense de ces idées. D’autres ne renonçaient pas aisément à leur indépendance administrative, ne se résignaient pas, de gouverneurs, à devenir lieutenant-gouverneurs. Autour d’eux, tout le monde, les chefs de service, directeurs, etc., etc., se disait que la fusion réduirait forcément le nombre des fonctionnaires multipliés à l’envi par les comités politiques maîtres de l’administration. Tels personnages, aujourd’hui chefs de service, tomberaient en sous-ordre. Les intérêts s’agitaient, le gouverneur, en défendant l’autonomie, défendait « son personnel ». L’administration était tout à fait hostile à la fusion, qui trouvait des adversaires jusqu’au ministère. Que deviendrait le bureau de la Réunion, si l’île n’était plus qu’aux dépendances de l’Afrique Orientale, le gouvernement général de Madagascar ?
Le gouverneur intérimaire de la Réunion. M. Garbit, venant de Madagascar, ne pouvait suivre ces traditions, et son influence heureuse s’est déjà manifestée.
Je salue, pour ma part, comme un événement heureux, les symptômes d’un revirement dans l’opinion de la Réunion, par son entrée dans le gouvernement général de Madagascar. La réalisation s’en impose dans l’intérêt de nos possessions de l’Afrique orientale. Il y a six ans, les Comores, Madagascar, la Réunion formaient autant de gouvernements autonomes. Ce qu’il a fallu lutter, discuter, pour que les Comores soient réunies à Madagascar ! Ce que de ridicules objections, des intérêts mesquins ou méprisables ont pu retarder une décision, que le bon sens commandait de prendre immédiate, sans discussion !
Il faudra que la même solution s’impose pour la Réunion.
Nos possessions de l’Océan Indien doivent faire un tout, un bloc. Administrées avec une communauté totale de vues, elles deviendront fatalement un centre économique, entraînant dans leur orbe les Seychelles et Maurice ; elles pourront s’imposer, se défendre commercialement en face des colonies anglaises, du Cap et du Natal. Isolées elles sont une poussière aux éléments incohérents, agités, dispersés au premier souffle d’orage : fortement réunies par un lien administratif solide, elles pourront avoir une vie propre et active.
Enfin, la suppression de services généraux, concentrés au gouvernement général au lieu d’être constitués pour chacune des îles, donnera aux budgets une souplesse qui leur fait défaut.
Victor Augagneur.
Député du Rhône.
Le Progrès de Madagascar

Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Février 1913.
(A paraître dans quelques jours)
Janvier 1913 est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).

February 10, 2013

Il y a 100 ans : L'aménagement des forêts


Les massifs forestiers de la colonie de Madagascar renferment de très nombreuses essences qui sont utilisées dans l’ébénisterie et dans l’industrie.
Les bois d’ébénisterie qui comprennent les essences précieuses, bois d’ébène, bois de rose, santal, palissandre trouvent dans la fabrication et le placage des meubles de luxe un placement facile. Leur exportation atteint chaque année 200 000 francs. Les bois d’industrie sont représentés par le gaïac, le teck, l’hazomalanga, le palétuvier.
La difficulté des transports, le petit nombre des voies de communication et surtout le manque d’aménagement des forêts qui ne réunissent pas en un seul point les mêmes essences, n’ont pas encore permis à la forêt malgache de prendre l’importance qu’elle doit atteindre. Pour trouver dans les forêts de Madagascar les bois propres à certains emplois, on est, actuellement, obligé, en raison de cette dissémination des essences, de parcourir de grandes surfaces. Aussi, la colonie doit-elle, chaque année, importer de France, du Natal et des Comores un approvisionnement important de bois équarris ou sciés.
Par un autre côté, l’activité qui se développe à Madagascar dans toutes les branches du commerce et de l’industrie augmente dans de grandes proportions et occasionne chaque année la création de besoins nouveaux. L’industrie réclame des poteaux de mine, des poteaux télégraphiques, des bois de construction, de charronnage el de chauffage. Pour remédier à cette situation, l’administration a fait exécuter de grands travaux d’aménagement dans les stations forestières de la colonie. Depuis deux années, des périmètres de reboisement ont été créés dans divers centres, des recherches ont été faites sur la nature des essences à introduire et sur les meilleurs modes de plantation et d’exploitation. Des pépinières ont été installées dans chaque périmètre et les opérations d’aménagement commencées en 1910 se trouvent déjà terminées sur de grandes surfaces. Des semis d’eucalyptus ont été faits, qui sont destinés à servir d’essence de couverture, en même temps que l’on procédait à des plantations d’essences de fond appelées à régénérer la forêt malgache.
Les travaux effectués à la station d’Analamazaotra ont montré la possibilité de retirer avec méthode et profit tous les produits nécessaires au commerce et à l’industrie. L’excellent résultat qu’ils ont donné a amené l’administration à étendre ce même système d’aménagement à d’autres régions de l’île.
L’administration s’est aussi préoccupée des mesures à prendre en vue de la multiplication en forêt des lianes et arbres à caoutchouc que les indigènes exploitent souvent d’une façon abusive.
Des semis effectués en pépinière ont donné de belles collections de lianes qui ont été mises en place et qui auront pour effet de répandre les meilleures espèces.
La Quinzaine coloniale

Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Février 1913.
(A paraître dans quelques jours)
Janvier 1913 est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).

February 9, 2013

Il y a 100 ans : Le prix de la viande à Tamatave


Nous recevons d’un habitant de Tamatave la lettre ci-après avec prière de la publier. Nous le faisons volontiers sans rien y changer, laissant à qui de droit le soin de porter remède, – si cela est possible, – à la situation qu’il indique.
Tamatave, le 1er février 1913.
Monsieur le Rédacteur du journal Le Tamatave.
Monsieur le Rédacteur,
Ce matin, une pauvre veuve s’en allait avec une pièce de cinquante centimes, qu’une personne charitable lui avait donnée, pour y acheter de quoi pour elle et ses deux jeunes enfants ; chemin faisant, elle se disait : « J’achèterai comme avant-hier, une livre de viande 25 centimes, qui nous fera comme toujours, deux jours, et avec le reste j’achèterai autre chose des plus indispensable pour manger. » Mais combien grands furent sa surprise et son désappointement, quand elle apprit que le bœuf était à cinquante centimes au lieu de vingt-cinq, comme il y a deux jours.
Le fait est, monsieur le Rédacteur, qu’il y a de quoi être surpris et désappointé devant pareille chose ! Pourquoi cette hausse formidable d’un jour à l’autre ? Ah ! vous ne le savez pas ? Eh bien ! c’est parce que l’indigène vous tient par le bon bout, et alors, ils font la pluie et le beau temps ; je me suis laissé dire qu’à Tananarive, ils avaient voulu jouer de ces tours-là, mais qu’ils ont été mis au pas, et qu’il y a un tarif, principalement sur cet article. Pourquoi ne le fait-on pas ici ? Ah ! veinards de Malgaches ! avec vos airs de ne pas y toucher, vous nous roulez dur et sec, et combien de nous voudrions être à votre place ! où tous vos produits sont arrachés à des prix très rémunérateurs, alors que vous n’avez aucun besoin, que vous n’achetez rien, que vous empochez tout le temps.
Si vous voulez bien insérer cette lettre dans votre journal, vous arriveriez peut-être à adoucir la situation de bien des malheureuses gens, et il n’en manque pas, et vous en remercieront.
Agréez, monsieur le Rédacteur, mes salutations empressées.
Anacaona.
Le Tamatave

Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Février 1913.
(A paraître dans quelques jours)
Janvier 1913 est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).