October 31, 2014

Il y a 100 ans : La sécurité à Tamatave

Samedi dernier, 3 courant, vers huit heures du soir, un horrible assassinat a été commis, en pleine ville de Tamatave, sur la personne de M. Chabas.
C’est une hache à fendre le bois qui a servi à commettre ce crime, et le cadavre de la victime a été trouvé le lendemain seulement au matin, caché sous des débris, dans la cour, devant ses ateliers de chaudronnerie.
Cet assassinat, d’une audace inouïe, a naturellement impressionné la population qui se demande avec anxiété si la série des crimes qui, il y a peu d’années, a affligé notre ville, ne va pas recommencer.
Au cimetière, M. de Laborderie, notre sympathique Administrateur-Maire, se faisant l’interprète des sentiments de la population, a salué, en termes qui partaient du cœur, la dépouille mortelle de l’infortunée victime, et a donné comme exemple sa vie d’honnête labeur qui, tout en lui procurant l’aisance, lui avait attiré l’estime, la sympathie et la considération de ses concitoyens.
Pour ne pas gêner, en quoi que ce soit, l’action de la justice, nous nous abstenons pour aujourd’hui de donner d’autres détails. Mais nous y reviendrons.
Le Tamatave

La situation à Madagascar

Marseille, 6 octobre.
Le courrier de Madagascar est arrivé ce matin à Marseille par le paquebot Paul-Lecat, venant de Melbourne.
Une lettre particulière confirme que tout continue à être calme dans la colonie de Madagascar. À Tananarive, un Hova, Ralambo, le bien nommé puisque son nom signifie ra (sang) et lambo (cochon), a donné un grand banquet où il a eu l’audace de porter un toast en faveur des Allemands. Il fut aussitôt appréhendé et condamné à cinq ans de travaux forcés et à la confiscation de ses biens.
Les travaux agricoles continuent normalement.
Une souscription a été ouverte à Tamatave pour venir en aide aux soldats blessés pendant la guerre. Les listes se couvrent de signatures. Les indigènes et les Asiatiques sont très empressés.
Des secours sont distribués aux familles des mobilisés et le prix des vivres est réglementé.

Le Temps


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October 29, 2014

Il y a 100 ans : De la pudeur S.V.P. (3)

(Suite et fin.)
Donc, qu’on le sache bien : le gouvernement de Bordeaux mettra de côté les questions si complexes qui se rattachent à la défense nationale, remettra à plus tard la lecture des rapports du généralissime Joffre et, toute affaire cessante, s’occupera, dare-dare, de la « protestation des commerçants » (au pluriel) Déchavanne-Jullien. Cela va mettre en jeu le sort de l’Europe !… Brrr… ça donne froid rien que d’y penser !…
Ah ! les temps ne sont plus où le commerçant Jullien allait auprès de M. le Gouverneur Général Picquié protester de son respectueux dévouement à sa personne pour qu’il le nomme membre de la commission municipale. Également son ami, l’administrateur Berthier, le fantoche malfaisant, a quitté Tamatave. Et alors c’est par la menace qu’il veut imposer sa personne. Le geste ne serait que ridicule s’il n’était odieux.
*
Un petit bouquet pour finir. Un commerçant nous apprend que quelques-uns de ses confrères, dont les articles à vendre s’épuisent, auraient demandé à l’Administration locale la permission d’acheter à la maison O’Swald les articles qui leur manquent.
Naturellement cette affreuse, cette criminelle Administration locale a refusé. Inde Iræ !
Le Journal de Madagascar, mieux renseigné cette fois, serait bien aimable de nous faire connaître le nom de ces commerçants évincés.
Enfin, notre éminent confrère termine en adjurant les Tamataviens de ne plus acheter, de ne plus consommer de produits allemands.
Pour ne pas trop froisser l’amour-propre de ses amis d’hier, il n’a pas osé dire : la camelote allemande.
Pécaïre ! mais il n’y a presque plus que de la camelote allemande sur la place de Tamatave. Presque tous les magasins en ont été inondés. Notre confrère en sait quelque chose et certaines maisons pour qui il fait de la réclame seraient bien empêchées s’il leur fallait jeter à la mer les produits allemands qu’elles vendent.
*
Les choses ainsi remises au point, tirons le rideau et, élevant nos regards loin des vilénies ci-dessus, que notre pensée se reporte à la frontière vers nos petits soldats qui versent leur sang pour le salut de la France et le triomphe de la civilisation.

Le Tamatave


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October 28, 2014

Il y a 100 ans : De la pudeur S.V.P. (2)

(Suite.)
S’il se fût renseigné à la Douane – ce qui était bien simple –, il se fût évité d’énoncer comme vrai, un fait absolument faux.
De même il serait bien en peine de désigner « les tierces personnes chargées de vendre ces marchandises non consommables, pour le compte de ladite maison. » Qu’il les nomme !
Pour éclairer la question, quelques explications sont nécessaires.
Les internés de l’Îlot Prune ne sont ni des prisonniers de guerre, ni des détenus politiques, ils ne sont internés que par mesure de prudence et de sécurité.
Ils auraient pu quitter Madagascar par l’Oxus ou autre navire qui les aurait déposés en pays neutre.
On ne les a gardés que sur leur demande formelle et à la condition qu’ils pourvoiraient de leurs propres deniers à leur entretien et à leur nourriture. La colonie ne leur doit rien que la sécurité de leurs personnes.
Ils ont donc le droit de recevoir ou de retirer de leurs magasins les marchandises consommables dont ils ont besoin. Ce qu’ils consomment, encore une fois, ce sont eux qui le paient.
L’argent qu’ils possédaient leur a été saisi et déposé en compte courant au C.N.E. d’où ils ne peuvent le retirer qu’à mesure de leurs besoins constatés par le visa de l’Administration.
Les dernières marchandises arrivées, non consommables, ont été mises en dépôt, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur leur destination par le gouvernement de Bordeaux, car il y a là une question de droit international à résoudre.
Que les Allemands en Europe se soient mis au ban des nations par leur mépris le plus absolu du droit des gens et par des actes inqualifiables de barbarie, ce n’est pas une raison pour que nous descendions à leur niveau en les imitant.
Alors à qui rime cette sortie en guerre du Journal de Madagascar ?…
Nos lecteurs l’ont deviné. Il fallait trouver un prétexte, n’importe lequel, pour tomber sur M. Picquié.
Sous l’apparence de patriotisme, l’occasion lui a paru propice.
Aussi M. Picquié n’a qu’à bien se tenir, car Déchavanne et Jullien lui notifient « qu’ils attendent avec calme, sachant qu’en France il aura des explications à fournir sur son attitude de ces temps derniers »…
 (À suivre.)

Le Tamatave


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October 27, 2014

Il y a 100 ans : De la pudeur S.V.P. (1)

Pour certains personnages, à mentalité spéciale, la gravité de l’heure présente n’existe pas.
Alors qu’à ce tournant si tragique et si douloureux de notre histoire, tout ce qui porte le nom de Français fait taire ses ressentiments antérieurs, oublie ses divergences d’opinions, en un mot met de côté tout antagonisme, pour ne penser qu’aux souffrances de la patrie, au danger commun, et se presser, avec une entente parfaite, autour du drapeau glorieux que nos vaillants soldats, par leur héroïsme admiré de l’univers entier, honorent si bien et portent si haut, en face de l’ennemi, il est, à Tamatave, des gens qui donnent l’écœurant spectacle de laisser déborder le fiel dont leur âme est remplie et de chercher à assouvir de mesquines et basses rancunes.
C’est un article publié, le 29 écoulé, par notre confrère du Boulevard du Cimetière, sous le titre : Nouvelle protestation, qui soulève notre indignation comme elle soulèvera l’indignation et le mépris de tout honnête homme.
Car tout ce qu’allègue cette prétendue protestation est faux depuis le premier mot jusqu’au dernier, et constitue une odieuse calomnie.
Ainsi le premier mot : « Commerçants », étant au pluriel, vous vous imaginez qu’il s’agit de tous les commerçants de Tamatave, ou au moins de la majeure partie d’entre eux ? Erreur ! Erreur profonde !… Le « factum » dont s’agit ne porte qu’une seule signature, celle de Jullien, de la firme Déchavanne et Jullien.
Il dénonce que la maison O’Swald, bien que ses employés soient internés à l’Îlot Prune, continue ses opérations commerciales, par l’intermédiaire de l’Administration locale qui se substitue à eux pour des opérations.
C’est là une allégation aussi fausse qu’absurde.
Outre que dès les premiers jours toute licence leur a été retirée, nous mettons le journal de Déchavanne et Jullien au défi de préciser une opération, une seule, concrète, que l’on puisse contrôler.
L’auteur du « factum » continue et dit qu’il a « appris avec stupeur (oh ! combien !) que de nombreuses marchandises débarquées par le Natal, l’Île de la Réunion et le Djemnah, adressées à O’Swald, qui devaient être mises sous séquestre, ont été dédouanées et expédiées immédiatement à l’Îlot Prune. »
(À suivre.)

Le Tamatave


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October 25, 2014

Il y a 100 ans : Le chef de cabinet de M. Garbit

C’est M. Hesling qui, tout en conservant ses fonctions de Directeur des affaires civiles, a été appelé par M. Garbit comme chef de son cabinet.
Les colons ne pouvaient désirer un choix qui leur fût plus agréable, car de longue date, ils connaissent, pour les avoir vus à l’œuvre, les hommes à qui sont confiées les destinées de la colonie. M. Picquié peut aller se reposer tranquille, assuré que son œuvre non seulement ne subira pas de temps d’arrêt, mais en outre qu’elle recevra une impulsion plus grande encore si possible. C’est le cas d’appliquer à ces hommes l’axiome anglais : « The right man, in the right place. »
Le Tamatave

Arrêté promulguant dans la colonie de Madagascar et Dépendances le décret du 31 juillet 1914 interdisant la navigation aérienne dans toute l’étendue du territoire national.

Le Gouverneur Général de Madagascar et Dépendances, commandeur de la Légion d’honneur,
Vu les décrets des 11 décembre 1895 et 30 juillet 1897 ;
Vu les décrets des 28 décembre 1895 et 9 juin 1896, portant organisation de la justice à Madagascar ;
Vu l’arrêté du 3 août 1914, promulguant dans la colonie de Madagascar et Dépendances, et notamment dans la province des Comores, le câblogramme ministériel n° 136, du 2 août 1914,
Arrête :
Art. 1er. – Est promulgué dans la colonie de Madagascar et Dépendances, et notamment dans la province des Comores, le décret du 31 juillet 1914 interdisant la navigation aérienne dans toute l’étendue du territoire national.
Art. 2. – Un numéro du Journal Officiel de la Colonie, contenant le texte dudit décret, sera déposé dans les greffes des tribunaux pour être tenu à la disposition des justiciables.
Art. 3. – M. le procureur général, chef du service judiciaire, est chargé de l’exécution du présent arrêté qui sera inséré au Journal Officiel de la Colonie et publié ou communiqué partout où besoin sera.
Tananarive, le 24 septembre 1914.
Albert Picquié.

Journal officiel de Madagascar et Dépendances


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October 23, 2014

Shenaz Patel à Madagascar

La Mauricienne Shenaz Patel a publié, cette année, Paradis Blues, un texte bref et percutant. Elle est surtout connue pour son roman, Le silence des Chagos, paru en 2005. On ne peut évidemment la réduire à ces deux livres et une occasion est donnée aux Tananariviens (ou aux curieux de passage) de la découvrir mieux ce samedi 25 octobre à 10 heures à l'Institut français de Madagascar lors d'une rencontre animée par Magali Marson. En attendant ce rendez-vous, et en guise de préparation, quelques mots sur les deux ouvrages cités...



Parmi les épisodes silencieux de l’histoire des hommes, ces épisodes dont on ne parle guère et qui font à peine la matière de quelques notes en bas de page dans de rares livres, le destin des anciens habitants de Diego Garcia mériterait une attention plus soutenue.
Dans les années 1960, l’île Maurice, jusqu’alors possession britannique avec quelques autres îles de l’océan Indien, dont Diego Garcia (pourtant située à 2000 kilomètres de Maurice), dans l’archipel des Chagos, se préparait à l’indépendance. Les Américains passèrent un accord avec les futurs ex-propriétaires afin d’installer à Diego Garcia une base militaire qui a, depuis, beaucoup servi. Il y avait un problème : l’île n’était pas déserte et ses habitants encombraient. Problème résolu avec plus de volonté que de diplomatie : le dernier voyage du bateau qui ravitaillait les îliens servit à les éloigner d’un lieu destiné à un usage plus rationnel. Car, enfin, a-t-on idée de laisser prospérer, sur une petite terre dont la géopolitique a décidé de l’importance, une population qui pouvait se contenter de pêche et de cueillette pour vivre simplement ?
De cette déportation collective et pourtant contemporaine, la Mauricienne Shenaz Patel a fait un roman dans lequel les faits ne sont présents qu’en filigrane – mais sont présents, avec indignation. Elle s’attache plutôt à quelques figures dont elle retrace la déchéance imposée par les grands stratèges qui ne se soucient évidemment pas des individus. Parmi elles, Charlesia est une égarée, attachée au port où elle avait débarqué comme par un cordon dont elle seule ne sait pas qu’il est rompu depuis longtemps.
Le silence des Chagos enferme, dans de subtiles vibrations, tout ce qu’on ne dit pas, ou peu, sur le sujet. Traduit les colères rentrées et les désirs essoufflés. Le retour vers Diego Garcia est presque impossible, cela n’empêche pas d’y rêver encore et toujours. De faire vivre en soi le souvenir. Et peut-être même de le transmettre, pour que d’autres, plus tard, réussissent à retourner sur la terre des ancêtres.
Mais les Américains ont signé, en 1966, pour cinquante ans. Et leur « bail » est renouvelable vingt ans…


Les pays tropicaux n’apportent pas toujours le bonheur à ceux qui y vivent. Moins encore aux femmes. Celle-ci raconte une existence de contraintes. La famille, le couple, le travail, tout passe à la moulinette du désespoir. Certaines cherchent des contacts en Europe. La narratrice ne compte que sur elle-même pour sortir de la cage où la société l’a enfermée. Une écrivaine mauricienne dit l’envers du paradis que les touristes voient dans son île. 

October 22, 2014

Il y a 100 ans : Un séjour à Madagascar de 1822 à 1825 (10)

(Suite et fin.)
« Tout cela fut sans aucun effet, tant les préjugés des gens étaient enracinés dans leur esprit. Les membres de la députation continuèrent à attendre, espérant quelque chose de plus de la part du missionnaire ».
« M. Jeffreys leur fit alors observer que, s’ils n’étaient pas satisfaits de sa réponse, ils pouvaient s’adresser aux juges et au roi à Tananarive. “Si l’ordre lui était donné par ces hautes autorités d’observer le repos du vendredi il n’y résisterait pas, mais alors il chercherait un autre endroit où il lui serait loisible de travailler comme il lui semblait bon”. Ce dernier argument parut les toucher, ils craignaient la colère du prince, s’ils forçaient l’Européen à quitter la région ».
« Pourtant, continue le récit de Mme Jeffreys[1], ils montèrent à Tananarive, et allèrent consulter les magistrats ; accompagnés d’un de ces derniers, ils se dirigèrent vers le palais, et ayant présenté le don usité en pareille circonstance, ils développèrent leur requête. Quand ils eurent fini, le roi, souriant, leur rendit leur cadeau et leur dit : “Retournez chez vous et laissez l’Européen agir en paix, il a bien le droit d’observer le jour qu’il lui plaît”. »
« Nous fûmes très heureux de l’attitude du roi et remerciâmes le Seigneur dans la main de qui sont les cœurs des princes. Mais en dépit du peu de succès de la démarche faite, l’ascendant des prêtres sur les esprits est tel, qu’on condamna à mort les trois hommes qui avaient travaillé chez nous au jour interdit. Cela nous jeta un instant dans une grande angoisse ; pourtant, comme nous savions que les sacrifices humains n’étaient plus permis par la loi, nous espérâmes qu’ils n’oseraient pas mettre leur sentence à exécution. Nous apprîmes plus tard que ces hommes avaient imploré publiquement le pardon de l’idole, acceptant d’être livrés à la mort s’ils recommençaient à travailler le vendredi ».
Ces quelques détails, sans être bien nouveaux, apportent quelques précisions au sujet de coutumes anciennes déjà connues, et ont, en tous cas, l’attrait que présente toujours un témoignage direct. C’est à ce titre que nous avons cru devoir les signaler à l’attention de ceux qui s’intéressent à l’ethnographie malgache.
G. Mondain.
Bulletin de l’Académie malgache



[1] Page 158.


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October 21, 2014

Il y a 100 ans : Un séjour à Madagascar de 1822 à 1825 (9)

(Suite.)
« Un jour le village se rassemble pour une de ces sortes de proclamation publique connues sous le nom de Kabary. M. Jeffreys s’y rend comme il le faisait d’habitude : tout le monde se disperse. Un peu inquiet de cette marque de défiance, le missionnaire rentre chez lui. Derrière lui un des principaux du village arrive et l’informe qu’on a décidé de faire un service solennel en l’honneur de l’idole, afin d’apaiser la colère qu’elle a ressentie en le voyant lui et ses serviteurs travailler avec des outils de fer le vendredi. Le dimanche d’après personne ne vint au culte : la terreur semblait s’être s’emparée des gens ».
« Le jeudi suivant, raconte Mme Jeffreys[1], trois des ouvriers employés au nivellement de notre jardin exprimèrent le désir de travailler le lendemain, vendredi (jour sacré)[2]. M. Jeffreys leur répondit qu’il les laissait libres de faire ce qu’ils voulaient. Le lendemain ils vinrent et travaillèrent toute la journée ».
« Le samedi matin, quatre des chefs de village vinrent en députation, nous saluèrent avec force discours où se mêlaient les noms du roi, de sa mère, de sa famille, de M. Jeffreys et des siens, et nous déclarèrent enfin que le vendredi étant leur jour sacré, ils ne faisaient jamais rien avec un outil de fer ce jour-là. Ayant vu que M. Jeffreys travaillait lui-même ce jour-là et surtout qu’il avait fait travailler des indigènes, ils venaient lui faire des observations à ce sujet : le temps était mauvais depuis quelque temps, le vent violent, et l’oracle avait déclaré que tout le riz serait perdu et les maisons brûlées, si l’on continuait à employer la bêche le vendredi ».
« M. Jeffreys répondit qu’il avait vécu plusieurs mois à Tananarive, et que là, ni lui ni ses compagnons n’avaient reçu aucun ordre du roi, ni des nobles, ni des magistrats, touchant certains jours sacrés ; envoyé à Ambatomanga par Radama, il n’en avait reçu non plus aucune instruction sur l’observation du vendredi… Il chercha ensuite à raisonner avec eux et à leur montrer l’absurdité qu’il y avait à supposer que le travail du vendredi pût avoir quelque influence sur le vent ou le feu ».
(À suivre.)
G. Mondain.
Bulletin de l’Académie malgache



[1] Page 155.
[2] Sur ce jour sacré de l’idole d’Ambatomanga, voir Idées religieuses des Hova avant l’introduction du christianisme, page 95.


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October 20, 2014

Il y a 100 ans : Un séjour à Madagascar de 1822 à 1825 (8)

(Suite.)
« Rien là de surprenant d’ailleurs quand on considère la puissante influence qu’ont les prêtres sur l’esprit des gens et le fait que ces croyances sont la source même des revenus des gardiens d’idoles. Le prêtre demande toujours un tribut aux propriétaires des champs qu’il protège[1]. Il exige très souvent qu’un bélier noir soit sacrifié, et qu’on répande son sang sur une pierre spéciale, tandis qu’il se réserve pour lui la chair. »
« Un jour[2], tandis que nous habitions encore tout près de la maison de l’idole, on entendit au loin la grêle arriver… “Ne vous effrayez pas, dit un indigène, la grêle ne peut arriver ici à cause du Dieu”. “Nous n’en croyons rien, dîmes-nous, aussi nous allons nous réfugier en bas car le toit est trop mauvais ; vous pouvez rester ici si vous voulez”. Nous quittâmes la place ; quelques minutes après l’orage fut sur nous, et le pauvre garçon fut tout heureux de venir nous rejoindre. “Eh bien, que pensez-vous de cela, dit M. Jeffreys… Votre Dieu est parti ?” “C’est bien de la grêle, répondit-il, je suppose que l’idole est fâchée de ce que vous soyez ici et dites du mal d’elle”. Et il nous quitta irrité ».
« L’idole[3] est aussi un charme contre le feu. Les indigènes ont l’habitude de suspendre un morceau de bois sacré dans leurs maisons, pour se protéger contre l’incendie ».
Nous citerons enfin un dernier trait tiré du petit livre de Mme Jeffreys, nous permettant d’en abréger sensiblement le récit.
(À suivre.)
G. Mondain.
Bulletin de l’Académie malgache



[1] Actuellement, il en est toujours de même : à deux heures à l’Est d’Ambatomanga vit un de ces gardiens d’idole qui reçoit annuellement une vata de riz de tout chef de famille de la région censée protégée de la grêle, sans compter les cadeaux de volaille ou d’argent. Il reçoit bon an mal an environ 1 200 francs à 1 500 francs en nature ou en espèces. Le riz n’est pas dû si la grêle tombe.
[2] Page 148.
[3] Page 149.


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October 18, 2014

Il y a 100 ans : Un séjour à Madagascar de 1822 à 1825 (7)

(Suite.)
« Le Dieu et sa femme[1] étaient de même grandeur : tous deux peints en noir et ressemblant à nos poupées, mais pas si polies ; deux petits morceaux d’argent formaient les yeux ; une tache rouge et blanche indiquait la place du nez et de la bouche. Leur cou et leur corps étaient couverts de petites pièces de bois, enfilées comme des perles, toutes de différentes grandeurs ».
« Quand je voulus toucher l’idole, l’homme m’en empêcha disant : “N’y touchez pas, sinon le Dieu cesserait d’être saint”… »
« M. Jeffreys lui demanda l’utilité des morceaux de bois suspendus sur le corps du Dieu et de sa femme. Il répondit que c’étaient des remèdes contre les coups de feu, contre la grêle et le danger d’incendie… »
« Un matin[2] que les soldats habitant notre village étaient appelés par le roi, je vis un des chefs entrer dans la case de l’idole pour acheter un morceau de bois sacré ; la porte se referma derrière lui. Un de nos domestiques écouta à la porte et nous rapporta que le chef avait prié l’idole de le protéger lui et ses hommes de tout danger pendant la guerre, et qu’il avait fait emplette d’un des morceaux de bois attachés au corps de l’idole, pour écarter les balles sur le champ de bataille ».
« Voici comment on procède en cas de grêle[3]. Quand le mpisorona[4] ou prêtre aperçoit un nuage menaçant, il attache un morceau de bois sacré au haut d’une longue perche, et sortant de la maison, considère les progrès de l’orage, en secouant la perche dans la direction du nuage, comme s’il espérait que ses menaces pouvaient arrêter la tempête dans sa marche. Bien que l’inutilité de ces pratiques ait plusieurs fois été démontrée par le fait de la tombée de la grêle juste à l’endroit qu’on prétendait protéger, le peuple semble peu disposé à abandonner sa foi dans ses superstitions. »
(À suivre.)
G. Mondain.
Bulletin de l’Académie malgache



[1] La description de cette idole d’Ambatomanga, que les indigènes appellent Rahodibato, a été faite d’après les traditions des gens de l’endroit dans notre livre sur Les idées religieuses des Hova avant l’introduction du christianisme, page 85.
[2] Page 145.
[3] Page 147.
[4] Écrit par Mme Jeffreys, Panousourana.


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October 17, 2014

Il y a 100 ans : Un séjour à Madagascar de 1822 à 1825 (6)

(Suite.)
« Je l’arrêtai et lui dis : “Vous devez être grandement honorée d’avoir à garder le Dieu chez vous ; naturellement vous vous estimez à l’abri de toute calamité”. “Certainement, répliqua-t-elle, notre maison ne peut prendre feu, et la grêle ne peut atteindre le sommet de ce rocher ; nous-mêmes sommes préservés de toute maladie mortelle, tant que le Dieu demeure chez nous”. “Vraiment, dis-je, ce Dieu doit être quelque chose de bien étonnant. Je suis souvent peu bien ; pensez-vous que je trouverais quelque soulagement si l’idole était portée chez moi”. “Vous voulez vous moquer, car vous ne croyez pas en notre Dieu… Mon mari est furieux contre le vôtre, parce qu’il parle contre notre Dieu chaque dimanche”. “Qu’il ne se fâche pas, repris-je, mais qu’il vienne parler avec M. Jeffreys. Dites-moi qui a fait le ciel et la terre ?… Est-ce votre Dieu ?…”. “Non, mais le Dieu qui habite au-dessus des cieux… Nous prions notre Dieu seulement de nous envoyer la pluie et de nous préserver de la grêle… Notre Dieu et sa femme sont en bois, mais ils ne peuvent jamais brûler”. “Pourrions-nous, M. Jeffreys et moi, voir cette idole ?”. “Je demanderai à mon mari, mais je ne pense pas qu’il vous le permettra ; en tous cas, on ne peut venir la voir que le vendredi, qui est son andro fady (ou jour de repos), car c’est le seul jour où l’on sorte le Dieu de sa boîte”.
« À ma grande surprise, le vendredi suivant, la femme vint nous inviter à voir ses fétiches… Nous trouvâmes dans la case l’homme, sa femme, quatre enfants, six moutons, un cochon et plusieurs poules, entassés dans une misérable pièce… Espérant voir quelque chose d’extraordinaire, nous regardions de tous côtés, sans rien apercevoir. Nous demandâmes où était le Dieu. L’homme étendu sur sa natte et qui n’avait pas bougé à notre entrée, se leva alors et nous montra l’idole… »
(À suivre.)
G. Mondain.

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October 16, 2014

Il y a 100 ans : Un séjour à Madagascar de 1822 à 1825 (5)

(Suite.)
« En ce qui concerne[1] l’état de l’âme après la mort, les Malgaches paraissent avoir des idées assez confuses. Quelques-uns croient à son immortalité, mais non aux rétributions futures. Un pauvre homme, tout cassé par l’âge, vint, un dimanche soir, chez nous et nous parla des cultes que nous faisions. Il se déclarait charmé du chant, mais il désirait des éclaircissements sur ce qui avait été dit des récompenses et des châtiments attendant l’âme au-delà du tombeau. “Je ne demande pas mieux que de vous instruire sur ce point, dit M. Jeffreys, mais je voudrais d’abord connaître votre opinion sur cette âme des hommes”. “Il répondit qu’il ne savait guère qu’en penser : les opinions là-dessus sont très diverses ; selon les uns, toutes les âmes s’en vont sur une grande montagne non loin d’ici, où elles demeurent de longues années avant d’en pouvoir sortir librement ; selon d’autres, elles vont dans le vent, errant avec lui de place en place. Quand le vent mugit, c’est que les âmes des morts se disputent”. “Mais croyez-vous personnellement à la survivance de l’âme, reprit M. Jeffreys ? ”. “Oui, répondit-il, car l’âme ne peut pas mourir”[2] ».
Ce qui est peut-être le plus digne d’être recueilli dans ce chapitre sur les superstitions malgaches, ce sont les détails donnés sur l’idole particulière d’Ambatomanga.
« Peu de temps[3] après notre arrivée à Ambatomanga[4], où nous avions été fixer notre résidence sur le désir du roi, j’appris, dit Mme Jeffreys, que dans une maison voisine de la nôtre se trouvait l’idole du lieu, et je cherchai à la voir. La case où se tenait le fétiche s’appelait Tranon’Andriamanitra[5] ou maison du Dieu. Un soir, juste après le coucher du soleil, la femme de celui qui vivait dans cette remarquable demeure vint à passer, portant son enfant sur le dos. »
(À suivre.)
G. Mondain.
Bulletin de l’Académie malgache



[1] Page 134.
[2] Le texte malgache de cette réponse est donné dans la relation : Tsy mety maty ny fanaky.
[3] Page 139.
[4] Orthographié : Ambatoumanga.
[5] Orthographié : Tranou Anadriamanitra.


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