June 26, 2013

Il y a 100 ans : Les missions catholiques à Tamatave (3)

(Suite.)
Auteur de travaux géodésiques (exécution d’un réseau trigonométrique ininterrompu d’une superficie de 32 000 kilomètres carrés), ses cartes ont été de la plus grande utilité au corps expéditionnaire, lors de l’insurrection et pour l’organisation de la colonie-campagne de Madagascar. Aumônier militaire volontaire. Quelques faits de guerre. A reconstruit l’Observatoire de Tananarive en 1898. Correspondant du bureau central météorologique de Paris depuis vingt ans, à titre gratuit. À l’approche des cyclones sur les côtes de Madagascar, a toujours prévenu à l’avance le gouvernement et la colonie. A reçu du général Gallieni cinq lettres de félicitations pour services importants rendus à la colonie. Huit fois officiellement chargé de missions scientifiques. Trois fois proposé pour la Légion d’honneur. Onze fois récompensé pour ses travaux à Madagascar par les Sociétés savantes de France et par le gouvernement de la République.
L’œuvre accomplie là-bas par le missionnaire est grande.
Pendant un ou deux mois, le missionnaire parcourt le pays.
Une fois par mois, par les belles avenues montantes de Tananarive, on voit arriver à la cathédrale, sur de mauvais mulets ou de piètres chevaux, couverts d’une soutane dont le noir tire sur le vert ou le jaune, les missionnaires des campagnes ou de la brousse, aussi efflanqués que leurs montures.
Durant un jour plein, ils se concertent, reçoivent les instructions de l’évêque, refont leur provision de courage et de joie, de quinine et de quincaillerie, puis repartent ouvrir un nouveau sillon…
Certains coloniaux parlent de ces « négrophiles » avec ironie et raillent les missionnaires qui appellent les Malgaches « leurs frères ».
Les missionnaires, en effet, restent fidèles à leurs ouailles et les aiment.
Ils savent leurs efforts et leurs vertus. Ils voient le dévouement de ceux qui les aident. Ils se souviennent qu’absents de Madagascar pendant les deux guerres, ils ont retrouvé, fidèles, ceux qu’ils y avaient laissés.
(À suivre.)

La Croix

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June 25, 2013

Il y a 100 ans : Les missions catholiques à Tamatave (2)

(Suite.)
En 1906, Augagneur, gouverneur général, prit un arrêté bâillonnant la liberté d’enseignement.
Malgré toutes les vexations, les vaillants missionnaires ont continué leur œuvre civilisatrice.
Dans l’Imérina, le Betsiléo, etc., 80 apôtres évangélisèrent les Malgaches, et on compte actuellement plus de 200 000 chrétiens.
Aussi vient-on, à Rome, de fonder un nouveau vicariat à Madagascar, mais l’argent manque aux missionnaires pour faire l’œuvre de la France là-bas ! Et ce sont les missionnaires plus fortunés que les missionnaires catholiques de France qui garderont longtemps la prédominance dans beaucoup de centres.
Ailleurs – mais c’est le gouvernement anglais aux Indes – on accorde aux Jésuites français des secours abondants.
Le seul fait d’être missionnaire français et missionnaire Jésuite vaut, aux yeux du gouvernement anglais, tous les diplômes des Universités, et donne droit à toutes les faveurs administratives.
C’est que nos voisins d’outre-Manche sont de parfaits colonisateurs, tandis que le gouvernement français cherche à créer de nouvelles entraves à l’enseignement libre de la colonie. Enseignement qui a rendu des services signalés au jour de la conquête.
À côté des écoles, un vieux missionnaire venu du fond de la Pologne vient de mourir après avoir construit pour les malheureux un établissement modèle : la léproserie de Fianarantsoa, où tous les soins nécessaires sont prodigués aux malheureux.
Puis mon interlocuteur, en des termes admiratifs, me vante l’œuvre du P. Colin (1888-1908) :
R. P. Colin, fondateur et directeur de l’Observatoire de Tananarive, auteur de travaux météorologiques et de plusieurs études sur les phénomènes atmosphériques à Madagascar.
Auteur de travaux atmosphériques (détermination des jonctions géographiques de 17 stations, 7 latitudes et 2 longitudes isolées par un total de 2 072 observations). Auteur de travaux magnétiques (levé des trois éléments de déclinaison, d’intensité et d’inclinaison en 187 points de la grande île) ; publication de 15 notes sur ce sujet adressées à l’Académie des sciences.
(À suivre.)

La Croix


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June 24, 2013

Il y a 100 ans : Les missions catholiques à Tamatave (1)

Le R. P. Falgueyrettes – frère de M. Émile Falgueyrettes, président des Comités libéraux de la circonscription de Carmeaux, – supérieur de mission à Madagascar, après une absence de seize années, est revenu faire une courte visite au pays natal.
Le R. P. Falgueyrettes a bien voulu me confier ses espoirs en l’œuvre que les humbles soldats du Christ ont entreprise là-bas.
Le R. P. Falgueyrettes me raconte :
À Andevorante, on reprend l’œuvre de 1851. Peu après on ouvre des écoles. Les débuts furent modestes.
Quelques années après, les Frères de la Doctrine chrétienne ouvrirent une autre école à Tananarive et s’établirent à Tamatave.
Après la guerre, les officiers comme les administrations diverses trouvèrent dans ces écoles des jeunes gens qui leur servirent d’interprètes.
Les officiers du corps d’occupation et les divers chefs de service qui se sont succédé à Madagascar n’ont pas hésité à dire les secours qu’ils en ont retirés.
Les écoles des Frères de Tananarive comptent encore aujourd’hui 800 élèves, celles des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny, 1 300 élèves qui reçoivent l’instruction rudimentaire.
Et le Révérend Père me parle avec enthousiasme de ses petits protégés malgaches.
— Et comment êtes-vous traités par le gouvernement ?
— Nous n’avons pas à nous plaindre…
J’aurais dû me douter de cette réponse et savoir qu’un missionnaire ne se plaint jamais !…
Mais heureusement que j’ai en mains de quoi compléter la réponse, grâce à l’obligeance d’un colon qui, lui aussi, connaît bien le pays.
Ce fut le 11 juillet 1898 que le vicariat septentrional fut constitué. Le vicariat méridional avait été formé le 16 février 1896.
Le succès de l’enseignement catholique déplut aux sectaires de la métropole, qui parvinrent, en 1903, à faire rompre le contrat signé par le général Gallieni et à introduire à Madagascar l’école laïque.
Le gouverneur interdit aux élèves de la mission comme, du reste, à toutes les écoles privées, l’accès aux Écoles de médecine, professionnelle et administrative ; sans doute à cause de la neutralité tant proclamée.
(À suivre.)

La Croix


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June 21, 2013

Il y a 100 ans : Un grand mariage à Tamatave

S’ils se marient par un temps pluvieux,
Les époux seront toujours heureux !
Si ce vieux dicton ne ment pas, il faut convenir que Me Dupré, le distingué avocat-défenseur du barreau de Tamatave, qui a épousé samedi, 14 courant, la charmante Mademoiselle Camille Saurin, a du bonheur « sur la planche » et pour bien longtemps, car à l’heure fixée pour la cérémonie, une trombe d’eau, comme on en voit parfois à Tamatave, s’est abattue sur notre bonne ville, au point que les indigènes eux-mêmes n’osaient se risquer dans les rues.
Enfin une éclaircie est venue permettre aux futurs époux et à leurs invités de se rendre sans trop de mal à la Mairie et à l’église.
Malgré ce contretemps et l’éclaircie s’étant accentuée, le tout Tamatave avait envahi l’église, ses alentours, et débordait même dans la rue.
C’est donc au milieu d’un concert unanime de sympathies que se sont déroulées les diverses phases de la cérémonie.
La jeune mariée portait une ravissante toilette d’une grâce et d’un goût parfaits. Le léger voile qui retombait sur ses épaules ennoblissait encore sa fine silhouette, et la longue traîne de sa robe était supportée par deux adorables petits pages qui se sont consciencieusement acquittés de leur grave fonction.
Quant aux invitées, le reporter du Tamatave se borne à dire que toutes portaient de superbes toilettes, sans s’aventurer à préciser davantage, dans la crainte que son incompétence absolue en la matière ne l’induise à commettre, bien qu’involontairement, des erreurs et des oublis.
Pour tout dire en un mot, ce mariage comptera parmi les plus sensationnels et les plus beaux de l’année.
Le Tamatave

Vol avec effraction

Tandis que la police escortait de brigade en brigade les funérailles civiles du Dr Andrianavony, un vol avec effraction se perpétrait dans la nuit du 10 au 11 courant au domicile de M. Even, sous-intendant militaire, à Antanimena. Divers objets de valeur ont disparu.
La victime serait mal venue à se plaindre, la police à Madagascar servant à tout autre chose qu’à prévenir les crimes ou délits.

Le Progrès de Madagascar


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June 19, 2013

Il y a 100 ans : L'occupation militaire à Madagascar (2)

(Suite et fin.)
Ces 400 000 francs bien employés permettraient d’organiser un corps de troupes noires grandement capable d’assurer la police et la tranquillité intérieures.
En supprimant le corps d’occupation, on supprimera surtout cette floraison brillante, mais coûteuse d’officiers hors rang, d’états-majors inutiles, ce gaspillage de soldes élevées pour des services infimes ! Je ne veux en citer qu’un exemple, en terminant, c’est celui du corps de santé militaire. À Tananarive, le nombre des médecins militaires est hors de proportion avec les besoins. En dehors du service hospitalier et de la place, combien sont embusqués à la direction du service de santé, combien professeurs à l’école de médecine, combien inspecteurs de l’assistance médicale indigène ? Il y en a même un qui occupe l’emploi de chef de clinique attaché au directeur de l’école de médecine ! À Diégo-Suarez, il y a 1 médecin principal, 3 majors de 1re classe, 1 médecin de 2e classe, 1 major de 2e classe et 2 aides-majors du corps de santé militaire.
À Majunga, pour 74 hommes de garnison européenne (officiers et sous-officiers compris), il y a : 2 majors de 1re classe, 1 major de 2e classe et 2 aides-majors.
Alors que l’ambulance militaire qui reçoit les civils des deux sexes en traitement compte, à l’heure actuelle, 54 malades (51 civils et 3 tirailleurs indigènes !!!), il y a 4 médecins militaires : 2 à 4 galons, 1 à 3 galons et 1 à 1 galon. Le quatrième est chargé du service de la place. On peut calculer, en totalisant les soldes de ces 4 médecins militaires, à combien revient la journée de malade. Cela fait une proportion de 1 médecin pour 14 soldats et 1 médecin pour 13 militaires à l’ambulance ! Nous sommes loin des chiffres de France où un régiment entier compte 1 médecin major et 1 aide-major. Par ces exemples on peut juger de l’incurie et du gaspillage qui fleurissent dans notre belle colonie.
Le diable boiteux.

Les Annales coloniales

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June 18, 2013

Il y a 100 ans : L’occupation militaire à Madagascar

On nous écrit de la Grande Île :
Majunga, 1er mai 1913.
Est-il nécessaire, ou seulement utile que la France consacre 13 millions annuellement, à entretenir un corps d’occupation à Madagascar ? Non, c’est absolument inutile, car au point de vue de la sécurité intérieure, les troupes blanches ne sont d’aucun secours. La garde civile, milice indigène, accrue, bien recrutée et encadrée, suffit et suffirait largement. Le Malgache est un être doux, inoffensif, qui n’a rien d’un combattant. Justement et humainement traité, il est le plus docile des sujets et… des contribuables. Il sait apprécier ce que la France, l’affranchissant de l’esclavage et du lourd joug que faisait peser sur lui la royauté Hova, a fait pour lui ; il a gagné au change et il le sait, il nous en est reconnaissant.
Au point de vue de la défense de l’île contre une agression venue du dehors, notre occupation militaire actuelle est encore plus inutile car je ne pense pas que jamais un gouverneur même général, ni un général ont osé escompter une résistance efficace contre un ennemi étranger. La lutte et le danger pour la France n’est pas au dehors, il est en France même, et c’est au moment où, menacés par nos voisins de l’Est, elle est amenée à faire un effort énorme, à augmenter ses effectifs et ses dépenses militaires, elle a besoin de toutes ses ressources, qu’elle doit envisager la possibilité de les augmenter en supprimant à Madagascar 13 millions de dépenses inutiles, et rappelant ses troupes dans la métropole. Leur utilisation, au Maroc, par exemple, rendrait libre et disponible une partie des troupes métropolitaines qui y guerroient actuellement, fécondant de leur sang ce vaste champ de graines d’épinards et de croix !
Du même coup, la colonie économiserait les 400 000 francs qu’elle verse à la métropole, comme faible part contributive aux charges militaires.
(À suivre.)
Les Annales coloniales


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June 17, 2013

Il y a 100 ans : Le crime de Menarano

Un domestique de la victime est condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité. L’assassin ou les assassins restent encore inconnus.
On nous écrit :
Le tribunal d’Andevorante a condamné hier à la peine des travaux forcés, à perpétuité, le nommé Rainiasy, pour avoir participé à l’assassinat du nommé Maro, riche notable, qui a eu lieu le 16 février à Menarano, et a acquitté 7 indigènes innocents, mais accusés faussement par le nommé Rainiasy (accusation forgée et forcée).
Le condamné est domestique de la victime, et malgré la plaidoirie spontanée et gratuite de M. E. Vally (l’agent d’affaires très connu, planteur à Menarano), toutes preuves matérielles démontrent sa culpabilité.
Jusqu’à ce moment il n’a pas dénoncé ses complices ou le vrai auteur de l’assassinat.
Nous espérons fermement que l’intelligence et l’expérience qu’a notre bon juge aboutiront sans retard à la découverte de ce complot, et que cette affaire aussi impressionnante que L’arriviste (de F. Champsaur) sera mise à jour pour l’honneur de la justice.
Le Progrès de Madagascar

Dentelles malgaches

L’Administration française avait créé, bien avant l’arrivée de M. Picquié à Madagascar, des écoles de dentellières, car il avait été constaté que les petites ouvrières malgaches excellaient dans l’art du point à l’aiguille. Ces écoles font merveille.
Les dentellières de Tananarive, de Majunga et de Fianarantsoa se sont appliquées avec tant de zèle et de goût au point d’Alençon, au cluny et aux valenciennes, que l’art de la dentelle est, là-bas, en pleine floraison.
Et ce sera bientôt une surprise vraiment charmante de voir les Parisiennes s’approvisionner à Madagascar des guipures, des festons et des broderies les plus rares.
Les Annales coloniales

Chemin de fer d’Antsirabe

Les travaux de la construction du 4e lot du chemin de fer de Tananarive à Antsirabe entre le pont de Tsinjonikely et la gare de Behenjy seront incessamment mis en adjudication. L’importance de ces travaux est évaluée à la somme de 430 000 francs.

La Quinzaine coloniale


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June 15, 2013

Il y a 100 ans : Le docteur Andrianavony

Au bruit de la mort subite du docteur Andrianavony, survenue dans la matinée du 10 juin, la foule malgache vivement émue se pressait aux abords de son domicile, malgré la présence insolite de la police dont l’attitude faisait l’objet de tous les commentaires.
Le docteur Andrianavony qui, la veille au soir encore, prodiguait ses soins aux malades traités dans sa maison de santé, avait été frappé d’une hémorragie cérébrale ; en quelques heures, en dépit des soins dévoués de ses collègues, les docteurs Ranaivo et Randrianjafy, accourus à la première alarme et secondés par le distingué praticien qu’est le docteur Fontoynont, Andrianavony succombait.
Le lendemain, les obsèques civiles avaient lieu à Ilazaina, au milieu d’un concours extraordinaire de la population qui tenait à marquer sa reconnaissance à l’homme de bien qui venait de disparaître.
Plusieurs Européens avaient tenu à affirmer par leur présence la grande estime qu’ils avaient pour ce précurseur de la nouvelle génération malgache, libre-penseur avéré dans un pays que se disputent encore les missionnaires des diverses sectes ; de magnifiques couronnes avaient été envoyées par la Mutuelle des Amis laïques et les collègues d’Andrianavony.
Sur la tombe, plusieurs discours furent prononcés à la mémoire du défunt : le docteur Ralarosy retraça la vie toute d’activité et d’ardeur scientifique de son ami ; M. Razanamahery, secrétaire général de la Société des Amis laïques, son zèle et son dévouement à la cause laïque, affirmant qu’Andrianavony « revit, non dans un paradis hypothétique, mais dans le cœur reconnaissant de tous ses amis qui lui gardent un souvenir attendri ».
Et la foule s’éloigna lentement et à regret. Le docteur Andrianavony, âgé de 55 ans, avait exercé sa profession sous l’ancien gouvernement malgache ; après l’occupation française, il avait tenu à compléter ses études à Montpellier et en avait rapporté le diplôme de docteur.
Le Progrès adresse ses condoléances à la famille et aux amis du défunt.

Le Progrès de Madagascar


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June 13, 2013

Il y a 100 ans : Le Congrès des Chambres d’agriculture et de commerce de la Réunion et de Madagascar

M. Garbit, gouverneur de la Réunion, a été directeur des finances à Madagascar et gouverneur général par intérim de la Grande Île ; se souvenant de ses hautes fonctions, M. Garbit comprit bientôt, quand il eut fait connaissance avec le nouveau pays confié à ses soins, qu’il y aurait grand intérêt pour les deux colonies françaises à ne se point ignorer. Pour arriver à ce résultat, pour établir les liens étroits entre les deux îles, pour faire tomber aussi certaines préventions, M. Garbit songea à organiser un Congrès des Chambres de commerce et d’agriculture de Madagascar et de la Réunion. Cette idée fut très favorablement accueillie de part et d’autre et, en novembre 1912, le congrès se réunissait à Saint-Denis, capitale de l’île de la Réunion. Nous avons aujourd’hui sous les yeux le compte rendu des travaux de ce congrès, et quand on a parcouru ce compte rendu,  on demeure convaincu qu’il y a eu là une initiative heureuse qui doit être féconde.
La Réunion importe de l’extérieur la plus grande partie des matières premières nécessaires à son alimentation : riz, farines, grains de toute sorte, saindoux, salaisons, etc. Or, Madagascar tend à devenir chaque jour un gros producteur de ces matières ; elle a donc à sa portée un pays français pouvant servir de débouché à son agriculture et à son industrie naissantes, de même qu’elle peut lui prendre les sucres, les rhums, les tapiocas qu’elle ne produit pas encore.
Pour que des liens étroits s’établissent entre les deux pays, le congrès a décidé d’instituer une délégation permanente des Chambres d’agriculture et de commerce des deux îles, qui échangeront désormais un bulletin commercial contenant les renseignements économiques utiles.
M. Picquié, gouverneur général de Madagascar, a fait suivre les travaux du congrès par un délégué, et il est à espérer qu’avec le concours de l’administration cette manifestation produira des effets très utiles propres à jeter un nouveau lustre sur la colonisation française.

La Quinzaine coloniale

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June 12, 2013

Il y a 100 ans : Le mérite administratif (2)

(Suite et fin.)
Elle eût été mieux inspirée de demander à son interlocutrice de quoi elle se mêlait et d’où lui venait l’infaillibilité de jugement, qui lui faisait déclarer « sa ramatoa hors de pair » sans avoir examiné le travail des autres exposantes. La Présidente, puisque présidente il y a, aurait même pu ajouter que les concours agricoles sont institués pour primer les meilleurs objets destinés à la vente, pour récompenser une industrie ou un essai d’industrie, non pas pour primer, avec l’argent des contribuables, un travail fait à la tâche dans une maison particulière, cette maison fût-elle la résidence.
Quoi qu’il en soit, nous sommes d’avis que l’Administrateur, chef de la Province, n’est pas, nécessairement, responsable des écarts de langage de sa femme, et que l’incident que nous relatons eût été, simplement, comique, s’il n’avait pas eu d’autres suites. Mais un sous-ordre, fonctionnaire, a interrogé diverses personnes, de telle manière que ses investigations ressemblent singulièrement à une enquête, pour savoir si le jury n’avait pas obéi à des incitations étrangères aux raisons qui devaient le guider dans son choix. Notons qu’il s’agit d’un écart de cent sous entre le premier et le second prix et que, pour un résultat irrégulier, il aurait fallu suborner, pour obtenir la majorité, quatre membres du jury sur six. Malgré tout, pour l’honneur de l’administration, nous voulons penser qu’il n’y a là qu’un geste procédant d’une non-connaissance absolue des faits, mais comme nous avions raison de le dire en commençant qu’on ne peut rien espérer en ces sortes d’affaires, hors la consécration du mérite administratif !
Le Progrès de Madagascar

Élevage de l’autruche

Pour développer l’élevage de l’autruche à Madagascar, le gouvernement de la Colonie met, chaque année, en vente aux enchères publiques, les oiseaux en surnombre dans ses autrucheries. La prochaine vente aura lieu cette année à Tuléar dans le courant du mois de juin.
La Quinzaine coloniale


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June 11, 2013

Il y a 100 ans : Le mérite administratif

Je reprends ici, avec un jour de décalage, les chroniques publiées du lundi au vendredi dans le quotidien Les Nouvelles depuis fin mars. L'ensemble, avec en supplément des articles qui n'ont pas trouvé place dans le rythme et le format imposés, sera publié en volume avant la fin de l'année.

En France, on reconnaît, officiellement, le loyalisme des travailleurs de la terre, en leur accordant le mérite agricole, vulgairement appelé poireau. À Madagascar il serait normal d’appeler « Palmarès du mérite administratif », la liste des récompenses octroyées à la suite d’un concours agricole. Ce n’est pas nous qui le disons, mais c’est Madame M., cheffesse de Province, qui le laisse clairement entendre.
Il y avait, au concours agricole de Fianarantsoa, une section des dentelles et broderies. Quand le jury eut terminé ses opérations, celle qui le présidait eut de la peine à revenir de sa stupéfaction, de s’entendre, en public, en plein cercle français, interpeller de la façon suivante par Mme M. : « Où est le prix de ma ramatoa ? (C’est-à-dire la ramatoa qui brode à l’ordinaire pour Mme M.) – « Quelle ramatoa, répondit l’autre, je ne la connais point !
— Vous connaissez bien ma ramatoa et elle n’a qu’un second prix ; c’est absolument incompréhensible ; c’est inadmissible. Ce ne peut être que le résultat d’une erreur ou d’une injustice.
— Madame, le jury a fait son devoir et je ne suis d’ailleurs pas la seule à avoir choisi les lauréates.
— Vous êtes la présidente et, par conséquent, seule responsable. Vous aviez des auxiliaires indigènes, qui étaient de parti-pris. »
La Présidente, dont il s’agit, répondit un peu vivement que, de parti-pris, il n’y en avait point eu, contrairement ce qui s’était passé à une fête récente, où Madame l’administratrice, après avoir pris l’avis des personnes présentes, avait fait exactement le contraire de ce qu’elles préconisaient ; qu’au surplus, il était cinq heures du soir et qu’elle avait travaillé à l’examen des denrées de sa section, depuis six heures du matin, sans discontinuer ; qu’on ne la remercierait, vraisemblablement, jamais pour cette besogne qu’elle eût pu ne pas accepter ; qu’en définitive elle demandait qu’on lui… laissât la paix avec les broderies et les dentelles.
(À suivre.)
Le Progrès de Madagascar


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March 31, 2013

Rijasolo, le jour et surtout la nuit

J'ai découvert Rijasolo par ses photographies. Superbes et vraies. Mais je ne l'avais pas encore rencontré quand j'ai écrit la préface de Madagascar, nocturnes. La rencontre s'est faite un peu plus tard, quand il a fait ce qu'il appelle, dans son jargon de photographe, un "shooting portrait" pour le roman que je sortais dans la même maison d'édition. C'était bien - la rencontre, et les photos aussi.
On le retrouve sur RFI.


CAP OCÉAN -31/03- MADAGASCAR Rijasolo
(05:40)

March 14, 2013

Il y a 100 ans : L’arrivée à Tananarive


L’arrivée à Tananarive fut plus heureuse que celle de Tamatave ; le train n’avait guère plus de 2 h. ¼ de retard, que les personnes qui attendaient passèrent d’autant plus gaiement qu’elles restèrent longtemps dans l’obscurité.
Tout pour l’extérieur, tout pour frapper l’œil, attirer l’attention ; tel était le mot d’ordre ; aussi la gare ruisselait-elle de lumière sur la façade, mais, à l’intérieur, c’était la nuit.
Enfin le train entra en gare à la vitesse pédestre de son principal voyageur, Dieu qu’il allait lentement, et Micromégas parut ; il avait sa figure des mauvais jours, est-ce pour cela que personne ne le salua ? Toujours est-il qu’il traversa la gare au milieu d’une foule compacte dont le silence était impressionnant, monta dans sa voiture, et fila sans qu’un cri ait été poussé, même celui de Vive la République, qui eût été encore un hommage à lui rendre et que la population tananarivienne lui a même refusé.
Mais, après son départ, cette morne tristesse fut vite transformée en gaieté, d’abord par la retraite, ensuite par la panne des colis de Micromégas.
Car, cette fois, Micromégas avait pris ses précautions et ses approvisionnements furent, à l’arrivée, dirigés sur la Résidence, dans un tombereau traîné par une mule pensionnaire du palais.
Or, quand celle-ci vit apparaître un de ses amis de la résidence, elle se débattit pour le retrouver, cassa harnais et brancard et courut le rejoindre.
Pendant ce temps-là, les bagages restèrent sur place, sous l’œil vigilant d’un boto.
Ne croirait-on pas à un vaudeville à la lecture de toutes les péripéties de cette inauguration. Quel beau metteur en scène qu’est Micromégas !
Le Progrès de Madagascar

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March 13, 2013

Il y a 100 ans : Le banquet de Brickaville


Le banquet du 6 mars a réuni environ 90 personnes dont 20 hovas, 14 baras et pas plus de 40 fonctionnaires. Les colons étaient donc peu nombreux. Nos lecteurs savent la cause de cette abstention tant à Tananarive qu’à Tamatave. M. Picquié pouvait être tranquille : aucun sceptique n’assistait à son battage.
Ci-dessous nous publions quelques notes de notre correspondant particulier.
Service et menu à la hauteur, mais chaleur épouvantable que l’absence de glace a rendu plus sensible encore.
Au champagne, discours :
Le Directeur des Travaux Publics fait l’historique du chemin de fer, met en valeur les avantages qui en sont résulté pour le commerce et ceux qui en résulteront du fait de son prolongement jusqu’à Tamatave.
Il élogie les deux gouverneurs généraux, M. Augagneur, auteur du prolongement sur Tamatave, et M. Picquié, promoteur du prolongement sur Antsirabe.
Il développe les principes de l’Étatisme qui ont guidé la Colonie dans l’exploitation du T. C. E. et il souhaite qu’elle continuera à les appliquer quand il s’agira d’exploiter le port de Tamatave. Les 6 250 000 fr. qui ont été demandés pour la construction du chemin de fer Brickaville-Tamatave ne sont pas dépensés. Il reste fr. 300 000 qui sont réservés pour la gare de Tamatave.
Le Gouverneur Général répondit immédiatement.
Il commença par couvrir de fleurs le Directeur des travaux public, les Officiers du génie qui étudièrent et construisirent le tronçon inauguré. Il s’appesantit sur les services éminents rendus par l’arme du génie à la Colonie de Madagascar et rappela le souvenir du colonel, depuis général, Roques et du colonel Ozil.
Il exposa que sa politique à Madagascar n’a été que la continuation de celle de ses éminents prédécesseurs Gallieni et Augagneur. Il fit connaître également que le général Gallieni avait laissé la Colonie avec un commerce de 50 millions, Augagneur 67 millions et que sous lui, le commerce avait dépassé 100 millions.
Il déclara que la Colonie sera bientôt dotée d’un beau port à Tamatave, pendant que le rail sera poussé jusqu’à Antsirabe, que Majunga aura aussi son port, que Tamatave aura sa voie de communication sur Ambatondrazaka ; que les routes construites maintenant ne seront plus empierrées pour y faire circuler les autos ; mais qu’elles seront exploitées par des tramways jusqu’au moment où le trafic y sera devenu suffisant pour y faire circuler une voie ferrée d’un mètre.
M. le Général Riou ayant, au nom de l’autorité militaire, remercié le Chef de la Colonie des compliments adressés aux officiers du génie en service à Madagascar, MM. Frappart et Baillet ont pris la parole ; ils sont d’accord pour constater que Madagascar est en croissance de développement économique visible pour les plus incrédules et les plus sceptiques. Monsieur Baillet en remercie tous les Gouverneurs Généraux qui se sont succédé à Madagascar. M. Frappart tient à exprimer sa reconnaissance à M. Picquié de tout ce qu’il a fait pour la Grande Île, et de ce qu’il a promis de faire pour elle (!!!).
Le Consul Britannique manifeste en termes choisis et dans le langage de Mme de Sévigné, sa joie des immenses progrès qu’il constate de jour en jour. Il élogie le Gouvernement de la République et son représentant à Madagascar.
Rasanjy lit en français un long long discours – discours vieux jeu malgache.
Un Chef Bara fait un petit kabary en malgache. Il est heureux d’être là, de constater ce qu’il a vu. Il prie le Gouverneur Général de prendre acte que lui et ses camarades ne songent plus au passé qu’ils désirent voir oublier par tout le monde et que dorénavant ils marcheront dans la voie du bien, du progrès et tutti quanti.
L’assistance écoute sans doute avec le plus grand plaisir l’ultime déclaration de M. Picquié, que la colonie « exploitera elle-même le port de Tamatave » ; qu’il est du reste ennemi de toute conception et du principe des monopoles. Dont acte.
Sur ce, ban général des invités mis en gaîté. Le départ effectué un peu en retard, n’a permis au train gouvernemental d’arriver à Tamatave qu’à sept heures.
(Du Journal de Tamatave)
Le Progrès de Madagascar

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March 12, 2013

Il y a 100 ans : Inauguration du chemin de fer de Brickaville à Tamatave


Une croyance populaire veut qu’une entreprise ne réussisse bien qu’autant que ses commencements auront été durs et auront éprouvé des difficultés. À tel point que, sacrifiant à ce préjugé, dans les noces juives, par exemple, la plus jeune sœur de l’un des époux est chargée, à la fin de la cérémonie, de jeter à terre un vase ou un verre, et s’il se brise en mille morceaux, le bonheur futur des nouveaux mariés est assuré.
Nous en tenant à cette croyance, nous pouvons affirmer hautement que l’avenir du Chemin de fer qui vient d’être inauguré sera des plus brillants. Pour prédire cela nous avons en plus d’autres motifs bien plus sérieux, dont le principal est le développement prodigieux que prend la colonie. C’est là un pronostic qui ne trompe pas et ne peut pas tromper.
Nous reportant à la croyance populaire ci-dessus, les augures de prospérité n’ont pas manqué au nouveau chemin de fer.
Qu’on en juge.
La Réunion avait été invitée à nous envoyer des Délégués pour assister aux fêtes. Ceux-ci ont pris passage sur le Djemnah qui devait arriver à Tamatave le 4 courant. Or un ras de marée a embouteillé ce paquebot dans le Port de la Pointe des Galets, à moins que… mais non ! Nous sommes, il est vrai, sans nouvelles de lui, mais il faut bien espérer que la série noire à laquelle les M. M. viennent de payer une si large contribution, est enfin terminée.
Encore une fois, si nous avions la ta télégraphie sans fil, nous saurions à quoi nous en tenir sur leur compte, et si des secours leur étaient nécessaires, nous aurions pu leur en envoyer ; dans tous les cas nous serions rassurés.
Et d’un.
Les invités de Tananarive devait nous arriver à 7 h. 52 le mercredi soir 5 courant.
Après la tentative de boycottage tentée par nos quatre mousquetaires, la population entière de Tamatave, en manière de protestation, s’était portée aux abords de la nouvelle gare, gracieusement illuminée, pour fêter et Monsieur Picquié et les personnes distinguées qui l’accompagnaient.
Eh bien ! il a fallu que le plus vulgaire des accidents vînt se mettre en travers, et le train officiel n’est arrivé à Tamatave qu’à quatre heures du matin le lendemain. De nombreux habitants de Tamatave ont eu la constance d’attendre jusqu’au milieu de la nuit, ne voulant pas manquer l’occasion de saluer le cortège officiel.
Voici ce qui était arrivé.
Dans la journée, un train de service remontant vers Brickaville avait rencontré une vache arrêtée sur la voie, en deçà d’Ankarefo.
La machine, n’ayant pu être arrêtée à temps, heurta l’animal qui fut tué, mais elle-même, du choc, fut renversée sur le côté droit, laissant malheureusement son arrière engagé sur les rails. La circulation restait interrompue et les voyageurs du train officiel durent rester à la gare d’Ankarefo, où une large hospitalité leur fut offerte… à la belle étoile, et sur le frais gazon, heureusement sec. Par hasard il faisait beau temps.
Les secours n’arrivèrent que dans la nuit, et à la clarté de quelques lanternes, on dut établir une voie latérale raccordée à la voie principale pour permettre aux trains de circuler.
Et de deux.
Le programme des fêtes portait que le train des invités partirait de Tamatave le jeudi 6, à 8 heures du matin.
Malgré les fatigues de la veille et le très court repos qu’avaient pu prendre les voyageurs de Tananarive, le train des invités s’ébranlait à 8 h. précises.
En approchant d’Ankarefo les voyageurs purent contempler les victimes de la veille, du moins la locomotive étendue sur le flanc, et à peu de distance, sur une pelouse, contemplant d’un air atone ce qui se passait, un jeune veau noir réclamant sa mère d’un cri plaintif. Pauvre orphelin !
Mais la voie ferrée, entre la lagune d’Ampanotomisy et la mer, nous réservait des surprises d’un autre genre, histoire de rompre la monotonie d’un long voyage à travers la brousse déserte.
C’était la mer qui, sur plusieurs centaines de mètres, déferlait par-dessus la dune étroite, (quelques mètres à peine) qui la sépare de la voie ferrée, et qui par endroits, dégarnissait les rails, et par d’autres les noyait sous les sables.
Une équipe d’ouvriers a réussi à mettre les choses en état, et avec une bonne demi-heure de retard nous sommes enfin arrivés au buffet de Brickaville, où nous attendait un succulent repas, royalement servi par M. Martel de Tananarive, qui ne pouvait faillir à sa longue réputation.
Dire qu’on n’y a pas fait honneur serait une inexactitude énorme ; il ne faut pas oublier que les voyageurs de la capitale n’avaient dîné la veille que d’une banane chacun, frugalité compensée par le confortable de la salle où ils se trouvaient et la splendeur de l’éclairage que leur fournissait, gratis, un ciel bien étoilé.
Après le repas, nous avons été régalés par une série de discours, tous de haute volée, surtout celui de Monsieur le Gouverneur Général et qu’ont savouré et chaleureusement applaudi tous ceux qu’intéressent, peu ou prou, les choses de la colonie et sa prospérité.
Comme ils ont traité des questions de très haute importance et dans un moment solennel pour Madagascar, nous ne voulons pas les dénaturer par un simple résumé ; nous tâcherons de les donner, in extenso, dans notre prochain numéro.
Le retour à Tamatave s’est effectué dans les mêmes conditions et avec les mêmes péripéties que l’aller, avec cette différence qu’après le bon repas servi par Martel, nous avons pu contempler, sans impatience, les beautés que présente la mer irritée et les vagues énormes qui venaient déferler jusque sous les wagons.
En résumé, – abstraction faite de la chaleur qui s’était mise de la partie sans qu’on l’invite, –cette fête a été on ne peut mieux réussie, et Monsieur le Gouverneur Général a tout lieu d’en être fier. Dans les témoignages de sympathie qui lui ont été prodigués il a trouvé une large compensation aux quatre abstentions des obstructionnistes de Tamatave et aux quatre abstentions de Tananarive, qui, elles, ne visaient pas M. Picquié et dans les motifs desquelles nous n’avons pas à intervenir.
Viator.
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March 5, 2013

Il y a 100 ans : Le Coche et la Mouche


Le public tananarivien n’ignore pas que M. Picquié avait préparé une mise en scène aussi ingénieuse que brillante pour exalter sa falote personnalité lors de l’inauguration du tronçon Brickaville-Tamatave.
Dans ce but, la presse officieuse avait commencé à le louer pour l’achèvement d’une voie conçue, entreprise et imposée par le prédécesseur exécré. Qu’il nous soit permis, à ce sujet, de rappeler que M. Augagneur eut à lutter, non seulement contre le Cie des Pangalanes, exaspérée d’entrevoir la fin prochaine d’un fructueux monopole, mais encore contre le ministre lui-même dont le siège avait été habilement fait par les monopoliseurs.
Il se produisit alors des scènes d’un haut comique : le ministre circonvenu envoyait dépêches sur dépêches, dénonçant au Chef du Contrôle financier l’entreprise du Gouverneur tenace ; et le Chef du Contrôle faisait en toute circonstance des représentations respectueuses et désespérées : « La route entreprise est la plateforme d’une voie ferrée », criait M. Lebureau. « C’est une route, répondait, impassible, le Gouverneur ; personne n’a le droit de changer ce qualificatif. »
Et, en fait, la voie entreprise resta route jusqu’au jour où elle devint plateforme par l’autorisation de l’achèvement du T. C. E.
Cette autorisation ne fut arrachée que par le renouvellement du mandat législatif à l’ancien Gouverneur de Madagascar : l’interpellation était en perspective, M. Lebureau capitula, et la Colonie put enfin développer l’entreprise si courageusement commencée.
Combien sont lointaines ces luttes homériques : Lebureau a émigré du ministère des Colonies et c’est lui qui, au gouvernement de Madagascar, préside actuellement à la distribution des menues et grandes consolations réservées à la Cie des Pangalanes !
Mais revenons à nos moutons : conscient de la grandeur du résultat atteint, M. Picquié avait imaginé de s’en attribuer le mérite.
Il avait fait battre la grosse caisse, et, comme pour donner raison au proverbe qui veut qu’il n’est festins que de gens chiches, il annonçait des réjouissances extraordinaires : invitations aux corps constitués de Tananarive et de Tamatave, voire même à quelques rares habitants de la Réunion, banquets à Brickaville, à Tamatave, à Tananarive, et, pour achever l’apothéose, un dîner à la Résidence (!), représentation théâtrale, courses hippiques, sans oublier le mât de cocagne.
Restait à payer la carte.
À cet effet, Micromégas, qui avait pris l’initiative des invitations et de l’ordonnance des fêtes, fit appel au public sous couvert d’un Comité des fêtes.
Et ce brave Comité des fêtes, composé des délégations de corps constitués ou non constitués comme la Philarmonique et l’Estudiantina, commença par emboîter le pas.
Mais advint que M. Picquié voulut forcer son talent, chose toujours périlleuse : à son instigation les délégués de quatre groupes, Chambre Consultative, Comice Agricole, Commission Municipale et Chambre des Mines se réunissent le 28 février afin de désigner le porte-voix de la population.
Des indiscrets, des colons toujours enclins à l’émancipation, eurent l’exorbitante prétention de vouloir indiquer le caractère du discours : manifestation économique, exaltation des forces vives de la Colonie, peu ou point d’encens officiel et de circonstance.
Là-dessus, beau tapage et des invectives rappelant les fameuses apostrophes : « Qui t’a fait comte ? – Qui t’a fait roi ? »
Du coup, une scission se produisait, deux des groupes refusaient de s’associer, les yeux fermés, à une pure manifestation officielle. Et la combinaison tout entière tombait à l’eau.
Nous sommes avisés que les mêmes incidents se sont déroulés sous une forme peu différente à Tamatave et que le résultat fut le même : les représentants qualifiés des deux centres refusent d’apporter à M. Picquié un mérite qui ne lui appartient pas.
Et voici qu’à la dernière heure un appel sur affiches tricolores est fait aux hommes de bonne volonté : c’est la Sultative qui marche sous cette bannière indépendante. On peut être assuré qu’un nombre respectable de fonctionnaires répondra à l’appel gouvernemental et soulignera de bravos nourris les harangues officielles.
Quant à l’immense majorité des Colons, pour qui la vie est autre chose qu’un enchaînement de fêtes, elle célébrera le très gros événement qu’est l’aboutissement du Chemin de fer à la mer par la glorification de notre jeune et ardente Colonie, ce qui vaudra infiniment mieux que le pénible repêchage d’un Gouverneur disqualifié.
Le Progrès de Madagascar

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