January 11, 2013

Il y a 100 ans : La station de Nanisana


M. le gouverneur général Picquié a visité longuement, le 6 novembre dernier, la station d’essais de Nanisana.
Nanisana est un petit village situé au nord et à quelques kilomètres de Tananarive. Le jardin d’essais qui y a été installé en 1897 par la colonie était au début destiné à renseigner les colons et les indigènes sur toutes les questions intéressant l’agriculture. La station, qui devait centraliser tous les renseignements et documents agricoles recueillis sur tous les points de la colonie, comprenait alors une section d’essais des cultures et une pépinière. Les essais effectués dans les cultures ne répondirent pas tout d’abord aux espérances. Les terrains de la station n’étaient pas d’assez bonne qualité et d’autre part leur mise en culture était trop onéreuse pour qu’il fût possible d’en tirer des données pratiques et profitables aux agriculteurs. La station fournissait aussi des plants d’ornement et des fleurs dont la culture fut abandonnée ensuite après l’installation à Tananarive de fleuristes indigènes. Toutes les variétés de légumes qui pouvaient réussir dans le pays furent également cultivées à la station qui forma pendant un certain temps des jardiniers indigènes.
La pépinière rendit de grands services. Dès l’année 1898, la station était en effet en mesure de fournir un grand nombre de jeunes arbres qui furent plantés sur les places publiques et promenades de Tananarive, ainsi que sur les routes de la province.
Le programme du Jardin d’essai s’agrandit du fait de la création d’une section séricicole et d’une école d’agriculture. La nécessité de substituer aux races de vers complètement dégénérées qui existaient dans le pays des espèces sélectionnées attira l’attention de l’administration. Des dispositions furent prises pour établir le grainage par cellules, mais le petit nombre des magnaneries et des plantations de mûrier ne permit ni de faire de grandes éducations, ni de suffire aux demandes de cellules de plus en plus nombreuses. D’autre part les procédés de grainage, satisfaisants pour quelques centaines de pontes, ne répondaient plus aux besoins grandissants et demandaient à être transformés pour satisfaire tous les sériciculteurs.
Une filature destinée à dresser des élèves fonctionna quelques années, mais la faible qualité des cocons qu’elle avait à traiter ne fut pas suffisante pour l’alimenter ; en outre la station devait, d’ailleurs, comme à l’heure actuelle, consacrer au grainage la plus grande partie des cocons récoltés.
Les élèves de l’école agricole et séricicole passaient deux années à la station. La durée des études, beaucoup trop longue pour apprendre aux jeunes indigènes l’élevage du ver à soie, était par trop restreinte pour permettre de former de bons agriculteurs. À leur sortie les élèves s’adonnaient à tout autre chose qu’à l’agriculture et à la sériciculture.
Depuis l’arrivée de M. le gouverneur général Picquié, la station de Nanisana a subi de grandes transformations qui l’ont mise en mesure de répondre d’une façon plus appropriée aux besoins actuels de la colonisation. Les essais de grande culture ont été transportés sur des champs d’expérience dans divers points de la colonie. Les pépinières ont été agrandies dans de très grandes proportions et si la partie ornementale a été supprimée, parce qu’elle était représentée dans le commerce, les espèces fruitières les plus diverses de France, des colonies françaises, du Japon et du Cap ont été multipliées par le greffage.
Le greffage a permis à la station de livrer chaque année des quantités considérables de plants. Les cours de greffage institués à Nanisana ont permis de mettre à la disposition des colons des indigènes capables et experts. Sur les instructions de M. le gouverneur général Picquié, les variétés d’arbres nécessaires au reboisement ont été multipliées. Chaque année elles sont répandues par milliers, si bien que les pépinières de la colonie fournissent à l’heure actuelle aux administrations provinciales les jeunes plants nécessaires au reboisement. C’est aussi dans ce but que de nombreuses espèces de conifères ont été récemment introduites, ainsi que des variétés de platane, de cèdre, de micocoulier, de séquoia, de rhus.
Au point de vue séricicole les muraies ont été agrandies et permettent déjà la livraison aux Européens et aux indigènes de plus de 200 000 plants par an. Ces distributions gratuites, qui constituent une prime d’encouragement au développement de la sériciculture, sont très appréciées des indigènes. L’importance des demandes, chaque année plus nombreuses, en fournit la preuve manifeste. Les systèmes d’éducation et de grainage cellulaire ont été modifiés. Dans les mêmes locaux où l’on ne pouvait produire que 30 000 à 40 000 cellules, on en récolte actuellement 500 000.
La station séricicole de Nanisana est devenue un établissement de grainage des plus sérieux. Grâce à ses méthodes particulières d’élevage, elle est parvenue à produire des quantités importantes de cocons exempts de maladie. Elle présente toutefois cette particularité qu’elle doit produire elle-même ses cocons de grainage. Il est en effet difficile sinon impossible de trouver chez les éleveurs des cocons aptes à produire de la graine sélectionnée et il n’est pas plus aisé de s’approvisionner à l’extérieur de la Colonie. Aussi la question de la production de la graine pour première éducation (celle de septembre-octobre) est-elle fort délicate.
Le système qui consisterait à faire à Nanisana une grosse éducation pendant les mois de juillet et d’août n’est guère possible, les mûriers se dépouillant de leurs feuilles à cette époque de l’année. Pour obvier à cet inconvénient, on a essayé, à l’instar de ce que l’on fait en France, de conserver par le froid les cocons et les graines. Mais ce procédé n’a pas donné, avec les races spéciales de vers malgaches, les résultats que l’on pouvait espérer. On a songé alors à faire des éducations dans les régions plus chaudes que les Hauts-Plateaux et où les mûriers conservaient leurs feuilles. Les tentatives qui ont été faites à ce sujet à la station de l’Ivoloina, près de Tamatave, ont donné de bons résultats.
Les recherches se poursuivent de ce côté et M. Picquié fait à l’heure actuelle procéder à des recherches en vue de l’installation dans une région assez proche de Nanisana d’une magnanerie qui pourrait faire de grosses éducations pendant les mois de juillet et d’août.
L’école agricole et séricicole d’autrefois est devenue une école exclusivement séricicole. La durée des études, réduite à 4 mois, est suffisante pour former de bons sériciculteurs.
Les colons de la colonie trouvent néanmoins les bons contremaîtres de culture dont ils peuvent avoir besoin parmi les ouvriers de la station. Ces derniers, prenant part pendant plusieurs années à tous les travaux de culture, sont en effet mieux à même que les élèves agriculteurs d’autrefois de rendre de grands services.
Le grenier à riz de Nanisana est une dépendance de la station. Il permet de distribuer des riz sélectionnés et les indigènes viennent en grand nombre y emprunter des semences. Les essais de riziculture qui y sont poursuivis et qui portent sur des variétés diverses ont en vue la production des riz de valeur commerciale.
La station comporte aussi un laboratoire de recherches agricoles qui comprend une section de pathologie végétale et une section de chimie agricole. Le laboratoire poursuit des recherches sur les maladies signalées, sur les plantes cultivées, sur la valeur des engrais, sur la constitution des sols et la composition des terres.
Depuis deux ans la station de Nanisana fournit aux colons et aux indigènes, et aux prix les plus réduits, des arbres fruitiers, ainsi que des plantes économiques des variétés les plus diverses, elle distribue gratuitement aux sériciculteurs des plants de mûrier et toutes les cellules dont il a besoin, enfin elle procure à l’administration tous les plants nécessaires au reboisement.
Il reste encore à poursuivre d’autres améliorations. Parmi les plus importantes, nous citerons l’aménagement de nouveaux terrains sur lesquels il sera possible de suivre utilement diverses cultures et les travaux d’adduction d’eau qui permettront de parer aux inconvénients de la sécheresse qui, cette année, s’est fait sentir d’une manière plus fâcheuse que les années précédentes.
Dès que ces modifications auront été apportées, la station de Nanisana rendra de grands services, à condition que la direction en soit confiée mois à des théoriciens qu’à des agriculteurs pratiques.
La Quinzaine coloniale

Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Janvier 1913.
L'ouvrage est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).

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