Showing posts with label émeutes. Show all posts
Showing posts with label émeutes. Show all posts

January 28, 2009

2009 n'est pas 2002

Sept ans après, donc, tout recommencerait? Les Malgaches auraient décidé que tout était à refaire, et qu'il fallait à nouveau passer par la case manifestations de rues pour encaisser les bénéfices d'une nouvelle tendance démocratique? (Quels bénéfices, d'ailleurs?)
Je ne crois pas.

Si les événements que nous vivons ces jours-ci sont nés d'exigences liées à la politique, celles-ci n'ont pas tardé à être balayées par d'autres priorités.
Passons sur les bandes de casseurs organisées, financées ou non (et par qui?), qui ont probablement ouvert la voie à tous les débordements. Il y a des bandits partout, Madagascar ne fait pas exception à la règle. Partout aussi, il y a des voyous, prêts à suivre le mouvement et à profiter de la situation en toute impunité (au moins pendant les premières heures, lundi, des violences, car les choses ont changé dans la journée d'hier et peut-être le couvre-feu instauré pour la nuit à Tana aura-t-il ramené un peu de calme).

Mais on a assisté à des scènes qui ne s'expliquent pas par la seule participation d'un noyau dur à la "récupération" des marchandises dans les grandes surfaces et les boutiques.
S'il y a une revendication du peuple à entendre, elle s'est manifestée par une large adhésion au vol systématique et au recel tout aussi général.
Les produits de première nécessité emportés à dos d'homme ou les biens plus luxueux chargés sur des charrettes et des camions se sont trouvés d'un coup, d'un seul, à portée de main. Soit en s'y mettant soi-même, soit en attendant que le produit des pillages soit mis en vente à bas prix dès les portes des magasins franchies, et en les achetant.
L'écart entre des espaces où les marchandises s'entassent à profusion et le quotidien des Malgaches est trop grand.
Quand on achète les cigarettes par tige, le riz par kapoaka ou l'huile par fond de bouteille, imaginer qu'il existe des endroits où tout est disponible en quantités astronomiques et qu'il existe aussi des personnnes capables d'acquérir sans compter finit par engendrer un sentiment de frustration qui, lundi et mardi, a provoqué l'explosion.

C'est du moins mon analyse - et je la partage. Elle est probablement influencée par ma propre attitude vis-à-vis des grandes surfaces, ces temples de la consommation dans lesquels je ne me suis jamais senti chez moi. Sentiment exacerbé encore depuis la bonne dizaine d'années que je vis à Madagascar, avec les Malgaches.
Ceci pour dire que les manifestations suivies d'émeutes de 2009 n'ont rien à voir avec les manifestations sans émeutes de 2002. Les circonstances sont différentes, les aspirations aussi. Il ne s'agit pas (seulement) de changer les dirigeants, il s'agit surtout de tout obtenir tout de suite. Les promesses sont liées à des objectifs trop lointain. Quant aux revendications politiques... quelle politique?

Pour en venir à la situation sur le terrain, un mot seulement. L'embrasement est quasi général dans toute l'île, et seule la ville d'Antsiranana semble échapper à la contagion. De Diego via Paris, une explication m'a été fournie aujourd'hui: un navire de croisière se trouvait à quai hier avec 1500 touriste à bord, une aubaine pour tout le monde. Aujourd'hui, ce pourrait être une autre histoire...

Enfin, on parle ici ou là de guerre civile. Mais il faudrait deux camps pour en arriver là. Et, si mon raisonnement est le bon, il n'y en a qu'un: tous les Malgaches qui voudraient vivre mieux.

January 27, 2009

Quelques nouvelles fraîches et peu rassurantes

Ce que j'ai vu et entendu, d'abord.
Ce matin, vers 6h15, avenue de l'Indépendance, l'étage au-dessus de Samckova brûlait, dans l'indifférence générale.
Vers 10 heures (bruit venant du téléphone d'un copain qui s'y trouvait, et explication donnée par lui), on brise tout au rez-de-chaussée à Tsaralanana, du côté de l'hôtel Mellis. Puis on tire en l'air pour disperser les casseurs. (Je ne parviens plus, même en y mettant beaucoup de bonne volonté, à les appeler des manifestants.)
Vers 14 heures, nombreux tirs et rafales entendus de chez moi, vers l'est, pendant au moins un quart d'heure. J'ai l'impression que cela vient du côté de Betongolo, mais un voisin qui rentre à ce moment me dit qu'il s'agit du nouveau Shoprite à Ankoroahatra, ou dans les environs (le dessin de ce quartier n'a jamais été très clair à mes yeux).

Et puis, le reste, avec une seule certitude: le mouvement se répand dans le pays comme un feu de brousse, et fait des dégâts du même genre.
Les coups de chaleurs atteindraient ainsi Mahajanga, Toliara, Sambava, Toamasina, Ambositra, Antsirabe, j'en oublie peut-être tant la liste des villes touchées s'allonge d'heure en heure. (Informations non recoupées et à prendre avec prudence.)
Selon plusieurs sources, après le refus de la rencontre entre le maire et le président, suite aux conditions posées par le premier et apparemment non acceptées par le second, celui-ci serait actuellement à Morondava...

Les appels au calme se multiplient de la part de toutes les autorités. Mais il semble ne plus guère y avoir d'autorités, et celles-ci se manifestent de toute manière un peu tard.

Le scénario catastrophe d'un mauvais film, écrit par des scénaristes médiocres, semble en place.

Madagascar : faits et rumeurs

Vous le savez, bien sûr, puisque vous vous intéressez à Madagascar (sinon, que faites-vous ici?): la journée d'hier est la pire qu'Antananarivo ait connue depuis très longtemps.

Depuis le matin, les signes avant-coureurs ne trompaient pas. Il y avait de la tension dans l'air.
Vers 6 heures, alors qu'un barrage de bacs poubelles avait été installé entre Ambanidia et la Haute Ville, il a été forcé par deux véhicules de l'armée, dont un blindé, que j'ai regardé passer avec un petit frisson désagréable - je buvais mon café, comme tous les jours, au marché d'Anjohy.
Une demi-heure plus tard, soit trois heures et demie avant le moment du rassemblement prévu par le maire de Tana place du 13 mai, un petit groupe d'une cinquantaine de jeunes se dirigeaient déjà, avec force cris et sifflets, vers le centre-ville...

C'est tout ce que j'ai vu, puisque je suis resté chez moi le reste de la journée, à travailler sur des choses sans aucun rapport avec les événements.
Le reste, je vous le fournis par recoupements entre diverses sources puisées sur Internet et dans la presse de ce matin (celle qui est déjà accessible... sur Internet).

Place du 13 mai, la manifestation s'est déroulée dans le calme. Mais le calme n'a pas duré longtemps. Les premiers actes violents se sont produits du côté de RNM, où pillage et incendie ont marqué le début d'une journée de folie furieuse et, comme on dit, de débordements incontrôlables.
Après la radio nationale, ce fut au tour de MBS, puis de différents magasins et stocks Magro, de l'auditorium d'Ankorondrana...
Et puis, et puis, l'appétit venant en mangeant, une partie de la population de Tana a continué à se servir sur les rayons d'autres grandes surfaces. La liste semble longue, des magasins et boutiques qui sont aujourd'hui rayés de la carte du circuit commercial tananarivien.
Cela n'avait plus rien à voir avec une manifestation politique, bien entendu. Casser et piller sont des tentations tellement naturelles quand le désordre est complet. Le jour va se lever dans une petite heure sur un spectacle désolant. Et qui place, une fois encore, les Malgaches dans une situation plus précaire qu'avant.
Personne n'aura gagné. Et tout le monde, perdu.

Les rumeurs les plus délirantes ont couru depuis le début de l'après-midi hier. Le président malgache aurait quitté la capitale, le pays. Le maire de Tana aurait été tué. On peut probablement, avec toutes les réserves d'usage, démentir: les deux hommes sont censés se retrouver aujourd'hui autour d'une table.
Quant au nombre de morts, il se situerait entre un et treize, je suis incapable d'en dire plus.
Une autre rumeur, elle, semble devoir se confirmer: la prison d'Antanimoro serait totalement vide, détenus et gardiens ayant déserté les lieux. Si c'est vrai, le climat d'insécurité, dont on parlait déjà beaucoup, n'a pas fini de peser sur nos épaules, bien davantage que le réchauffement de la planète...

Bref, c'est la pagaille, entretenue par la quasi absence de radios et de télévisions, les unes et les autres ayant successivement cessé d'émettre à l'exception, semble-t-il, de Radio Don Bosco, Radio Antsiva et RLI.
Les dernières rumeurs font état d'émeutes et de pillages à 67 Ha ainsi que de la tentation, côté militaire, de prendre les choses en mains...
Je précise: rumeurs...

Je ne sais pas si je vais continuer à vous tenir informés de l'évolution de la situation. Hier, j'étais même persuadé que je n'en parlerais pas du tout, parce que ce n'est vraiment pas le propos de ce blog. L'ampleur des dégâts m'a fait changer d'avis.
Pour la suite, on verra...