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August 23, 2018

«Les jours rouges», de Ben Arès

Communiqué de presse
de la Bibliothèque malgache

À Toliara et alentours, Malgaches, Karana et Vazaha se croisent, se mêlent et s’emmêlent pour le meilleur et pour le pire. On nage. Dans le cours imprévisible, les remous, la mêlée, parfois hors des flots. On vit en ville comme au village. Dans les gargotes, sur les routes de goudron éclaté et les pistes de sable. Comme chez soi en dur, en tôles ou en vondro. Reclus ou en ribote. On improvise. Aux détours d’un zébu, d’un fou, d’un trépassé ou d’un éloquent soudard. Dans le charivari infernal, le vif des traditions locales, les êtres marchent au charbon ou flottent, dévient malgré eux de foutaises en désespoirs, de malentendus en traquenards ou états de grâce. On se chamaille. On palabre pour un bien commun, un canard qu’on déplume ou un sort venu de nulle part. On s’étripe pour le sel et la terre, on rouscaille, chante la guigne ou la poisse, on s’esclaffe, se dégage, rit de l’homme, la femme qui n’a pas fini d’en voir. Et si au final les genres, les classes, les origines se confondaient pour laisser planer tous les doutes ? Et si, pétris et navigués, dénudés, au lieu de fuir, nous acceptions que tous étions du même cru, de la même trempe, sans distinction ? Qu’il en déplaise à Dieu, aux illustres Aînés, aux arrogants et férus du langage sinistré, il nous est offert de boire la vie jusqu’à la lie, la lune nouvelle et l’art de résonner du tsapiky au soleil de l’amour noir.
B. A.

Mise en vente le 23 août 2018
Édition exclusivement numérique, 3,99 € (12.000 ariary à Madagascar)
ISBN : 978-2-37363-074-9


Les premières lignes

Nous l’attendions, elle si rare, si précieuse dans notre sud aride, déshérité par les eaux divines et les coins de verdure. Depuis des lunes et des lunes, pas une goutte n’était tombée des cieux ! Les prières des plus grands sorciers, de nos plus illustres ombiasy n’étaient, semble-t-il, point entendues.
Le soleil, chaque jour, nous assommait, conduisait nos corps de commerçants des rues – gargotiers, vendeurs de soupes, d’ailes ou de cuisses grillées, tireurs de posy posy, conducteurs de charrettes à bras ou à zébus, réparateurs de bicyclettes ou de chaussures, porteurs, légumières, bouchers de saucisse, de porc ou de bœuf et poissonnières étalant des crabes, poulpes, crevettes, calmars, mérous, cabots, thons, marguerites et capitaines parmi les colonies de mouches tournoyant autour des jus, du sang, de la saumure et des sueurs, charbonniers parmi les sacs, le charbon étendu pour être débité, trié à proximité du tas d’ordures, dépotoir fumant du quartier, vendeuses de mangues, citrons, sambos ou ces beignets triangulaires fourrés d’oignon, de pomme de terre et de viande hachée, soky ou pâtés d’oursin, démerdeurs, ivrognes, filles traînant ci et là à l’affût de quelque picaille – à l’état d’inertie.

L’auteur


Ben Arès est né le 28 mars 1970 à Liège en Belgique. Dans les années 2000, il attacha beaucoup d’importance à la place du poète dans sa ville et fut l’animateur de revues littéraires et de lectures publiques en divers viviers de la cité avec David Besschops et Antoine Wauters. Fin 2009, sous l’impulsion d’une motivation singulière et intime, il quitta la Belgique pour aller vivre à Toliara au sud-ouest de Madagascar où une vie au corps à corps l’attendait. Il partage désormais son temps entre l’enseignement de l’Histoire-Géographie et des Arts plastiques au Collège Français, sa vie de famille dense, pleine de surprises, et l’écriture. Il est soucieux de plus en plus de dépeindre les tableaux de la vie courante et les sentiments des êtres appelés à s’en sortir par-delà le Bien et le Mal.


Ses livres

Aux secrets des lèvres, poésie, Tétras-lyre, Liège, 2006
Eau là eau va, poésie, éditions (o), Bordeaux, 2007
Entre deux eaux avec C. Decuyper, poésie, Le Coudrier, Bruxelles, 2007
Rien à perdre, poésie, La Différence, Paris, 2007
Ne pas digérer, roman, La Différence, Paris, 2008
Là où abonde le sel, récit, Boumboumtralala, Liège, 2009
La déferlante, poésie, Maelström, Bruxelles, 2009
Cœur à rebours, poésie, La Différence, Paris, 2009
Sans fil, poèmes, L’Arbre à paroles/Bibliothèque malgache, Amay/Antananarivo, 2009
Ali si on veut, récit, avec Antoine Wauters, Cheyne éditeur, 2010
Naître, adieu, une fuite, compte d’auteur, Tana, 2010
Aux Dianes, long poème, Tétras-lyre, Bruxelles, 2012
Mon nom est Printemps, un triptyque, L’Arbre à paroles, Amay, 2013
Tromba, une transe, Maelström, Bruxelles, 2013
Je brûle encore, nouvelles, Dodo vole, Caen, 2017

May 11, 2015

Kidd le pirate, son trésor et Washington Irving

L'information a fait le tour du monde en quelques heures, la semaine dernière. Le trésor du Capitaine William Kidd aurait été retrouvé. On a vu, à cette occasion, combien ce genre d'histoire passionnait encore. Les légendes de pirates et la littérature ont en effet toujours fait bon ménage, puis le cinéma a poursuivi le travail d'imprégnation auprès d'un large public. Kidd le pirate tel que le décrivit Washington Irving, son trésor (réel ou imaginaire) tel que les Américains en ont rêvé sur leur sol, tel est l'objet de ce livre numérique qui vient de paraître (au prix modique de 1,99 euros). En voici la préface.

Il est loin, le temps où les chasseurs de trésors opéraient dans la discrétion, soucieux de préserver le fruit de leurs recherches. Celles-ci, coûteuses quand elles les entraînent dans de longues expéditions sous-marines, sont maintenant financées par des chaînes de télévision comme Discovery Channel. Barry Clifford, archéologue américain né il y a 70 ans au Cap Cod, fort d’une découverte majeure en 1984 – l’épave du Whydah, coulé plus de deux siècles et demi auparavant avec une fortune à bord – travaille ainsi pour une société de production qui réalise des films sur ses travaux.
October Films avait obtenu, le 20 mars 2015, l’autorisation de tourner, pendant six semaines, un film documentaire dans les fonds proches de l’île Sainte-Marie de Madagascar. Cette autorisation a été retirée moins d’un mois après, quand le ministère de la Culture et de l’Artisanat a eu vent de l’utilisation d’une motopompe par l’équipe de Barry Clifford. L’engin est en effet peu susceptible de servir pour réaliser de belles images mais se révèle en revanche très utile pour des fouilles musclées. L’UNESCO alertée, les travaux sur site se sont cependant, semble-t-il, poursuivis puisqu’ils ont débouché sur la mise au jour d’un lingot d’argent d’une cinquantaine de kilos. Barry Clifford croit qu’il appartient au trésor de William Kidd, un pirate dont le navire, l’Adventure Galley, avait coulé dans ces eaux à la fin du 17e siècle. Et à la recherche duquel l’archéologue américain s’était déjà lancé lors de deux autres expéditions en 1999 et 2000.
Malin, et probablement coutumier des divergences d’intérêts dans les mers où il plonge, Barry Clifford a mis sa découverte en scène : le bloc d’argent sorti de l’épave a été présenté au public le jeudi 7 mai. Le président de la république malgache, Hery Rajaonarimampianina, avait fait le déplacement pour l’occasion, en compagnie des ambassadeurs des États-Unis et de Grande-Bretagne. Brigitte Rasamoelina, ministre de la Culture, et l’UNESCO sont d’un faible poids face au prestige du moment.
Aux riches heures de la piraterie traditionnelle, Madagascar, avec ses presque 5 000 kilomètres de côtes et ses baies sans nombre, a été, essentiellement sur la côte est, c’est-à-dire du côté où se trouve l’île Sainte-Marie, un point d’attache familier aux forbans, corsaires et boucaniers de tout poil. On trouve encore, dans certains villages, des cimetières dits « des pirates » où l’état des tombes, aux inscriptions généralement illisibles, laisse une belle place à l’imagination. Daniel Defoe avait ainsi situé à Madagascar, à la fin du 17e siècle, une république utopique créée par des pirates et baptisée Libertalia, dont les chercheurs s’accordent à penser qu’elle relève de la fiction. Mais dont des passionnés cherchent encore les traces dans le nord de l’île. Aujourd’hui, Libertalia est, plus prosaïquement, le nom d’une bière locale lancée, il y a quelques années, par une publicité télévisée simulant un abordage…
Tout n’est cependant pas fictif dans les relations entre Madagascar et les pirates et la figure du Capitaine William Kidd s’est inscrite dans l’histoire de la flibuste. Condamné à la peine capitale en 1701 à Londres, pour meurtre et piraterie, il a été pendu cette année-là, le 23 mai. Deux fois : à la première tentative, la corde s’était rompue. Son procès et sa vie sont documentés avec précision, un ouvrage de Cornelius Neale Dalton paru en 1911 reproduisant les pièces d’un dossier particulièrement lourd.
Né, selon ses propres dires, à Dundee (Écosse) en 1645, William Kidd est devenu pirate dans les Caraïbes. L’équipage franco-anglais de son bateau se mutine, rebaptise le bâtiment Blessed William et place Kidd au poste de capitaine. Écumeur de mers, s’enrichissant de ses prises, il se retrouve à Boston en 1695, avec la réputation qu’on devine. Ce qui incite le gouverneur Bellamont, nommé depuis peu, à lui confier une mission de nettoyage dans des mers où le commerce était rendu difficile par la présence des… pirates. « Il faut être fripon pour attraper les filous », commente l’écrivain Washington Irving dans un récit où il résume la vie de Kidd.
Mais, fripon un jour, fripon toujours : du côté des Indes occidentales, le voici qui se remet à attaquer d’autres navires, jouant le rôle du voleur plutôt que celui du gendarme pour lequel il avait été engagé. Sa carrière se termine en 1698 à Sainte-Marie de Madagascar, avec la perte de son bateau et de sa fortune. Quoique, s’agissant de celle-ci, les rumeurs les plus folles ont couru à propos de l’endroit où il l’aurait cachée après l’avoir sauvée.
Toujours est-il qu’il rentre alors, comme si de rien n’était, satisfait de son travail, à Boston où les informations sur ses exploits l’ont précédé. Il est arrêté et renvoyé vers l’Angleterre, pour connaître la fin que l’on sait.
Ce n’est pas terminé : il est devenu une figure mythique à travers Edgar Allan Poe ou Robert Louis Stevenson qui se sont inspirés du personnage. Tandis que Barry Clifford continue à fouiller les épaves.
Washington Irving (1783-1859), déjà cité, a utilisé le personnage de Kidd dans Tales of a Traveller, une suite d’essais et de nouvelles publiée en 1824 sous le pseudonyme de Geoffrey Crayon. M. Lebègue d’Auteuil se chargeait immédiatement de les traduire en français, « sous les yeux de l’auteur », ce qui justifierait les libertés prises avec le texte original. (Nous nous sommes donc permis, sans remords, de rétablir l’orthographe de quelques noms propres en suivant Irving plutôt que Lebègue d’Auteuil, et de moderniser quelques graphies.)
Les trois nouvelles réunies ici – encore la première a-t-elle plutôt la forme d’un bref essai – montrent la place occupée par William Kidd dans l’imaginaire américain de l’époque, une vingtaine d’années après sa mort.

March 23, 2015

Charles Renel, inoxydable écrivain de référence

On a toujours envie de revenir à Charles Renel, un des fonctionnaires coloniaux à avoir le plus écrit sur Madagascar. Charles Renel (1870-1925) y est resté présent puisqu’une école porte toujours son nom à Mahajanga, sur la côte ouest. Il fut directeur de l’enseignement dans la Grande Île au début du vingtième siècle. À côté du plus célèbre, Le décivilisé, citons La coutume des ancêtres, La fille de l’Île Rouge, L’oncle d’Afrique ou La métisse, ainsi que des Contes de Madagascar.
La Bibliothèque malgache, qui avait déjà réédité certains de ses livres, repasse les plats dans les formats devenus les plus populaires chez les lecteurs d'ouvrages numériques (epub et mobi), avec des versions une nouvelle fois corrigées. Mais, cette fois, payantes (bien qu'à prix modérés: moins de 2 euros le volume).
La race inconnue, édité en 1910 chez Grasset, est un recueil de nouvelles qui mêle l’inspiration du conte traditionnel à l’observation de la vie quotidienne des colons français de son époque.
Un affrontement est au cœur du roman La coutume des ancêtres : celui qui oppose la tradition et la nouvelle religion importée par les vazaha, le protestantisme. Deux petits villages proches de Tananarive ont fait des choix différents. Et le jeune Ralahy, dont le père possède une idole sacrée, souffre des deux côtés. La première jeune fille avec laquelle il a fait l’expérience de l’amour a été chassée selon la coutume parce qu’elle était stérile – elle vivra ensuite dans la capitale avec un vazaha. La seconde, fille du surveillant du temple dans le village voisin, est empêchée par son père de fréquenter un incroyant.
À cette trame sentimentale s’ajoutent des fléaux naturels ou humains ainsi que de multiples péripéties, au cours desquelles Ralahy fera un long voyage vers l’Ouest…

July 10, 2010

Natacha Andriamirado : J'écris pour mon chien

Un mois déjà que je n'ai pas donné de nouvelles. C'est bien long, même si c'est passé très vite. Je vous explique en deux mots: jusqu'à fin juin, j'étais littéralement submergé de travail. Même mon médecin insistait pour que je prenne un peu de repos. Je l'ai fait, deux semaines à Toliara, où j'ai quand même tenu à jour la bibliographie malgache sur Internet et avancé - doucement (je le précise pour le cas où mon médecin lirait ce blog) - sur quelques projets dont je vous reparlerai très vite. En attendant de concrétiser ceux-ci, je pense à tout ce dont je ne vous ai pas parlé et qui aurait mérité mon attention. Par exemple, les journées malgaches à l'Unesco. Ou le mois de la photo. Ou... bon, à l'impossible nul n'est tenu.

Me voici donc de retour pour découvrir que j'ai manqué, en octobre dernier, la sortie du premier ouvrage d'une nouvelle écrivaine malgache (qui écrit en français). Sur l'excellent site d'Africultures, Boniface Mongo Mboussa publie un entretien avec Natacha Andriamirado à propos de son recueil de nouvelles, J'écris pour mon chien.
Je vous renvoie à cet entretien pour en savoir plus sur cette collaboratrice de La Quinzaine littéraire puisque, malheureusement, je n'ai pas lu son livre. Dont je ne peux que vous proposer quelques lignes.

Je n'ai jamais vraiment répondu à ta question, je ne pouvais pas te dire que j'avais écrit toutes ces chansons parce que je t'aimais. Je n'avais pas le droit de te montrer ainsi mon amour. Parce que toi tu ne m'aimais pas. Je devais aussi t'inspirer un peu de dégoût. Alors je me suis excusée de t'avoir importuné. Et je suis partie. Je t'ai dit au revoir en prenant garde de ne pas me faire de croche-pieds ou de te tomber dessus. Et j'ai pensé à nouveau à ta question. Pour qui j'écris, si ce n'est pour l'amour que je te porte et dont tu ne veux pas?

June 6, 2010

En librairie : Visages d'exclusion dans la société malgache contemporaine

Dans la collection "Espaces interculturels", un ouvrage d'Anne Marie Ricaldi Coquelin, Visages d'exclusion dans la société malgache contemporaine, dont je donne copie de la quatrième de couverture.
Entre tradition et modernité, la société malgache vit, en ce début du XXIe siècle, une époque charnière de son histoire.
Elle est en mutation et nul ne sait aujourd'hui ce qu'il restera des traditions et de l'organisation sociale avec l'arrivée espérée du développement économique.
Cet ouvrage explore ces mutations au travers des témoignages de ceux qui sont pris au piège de ces transformations profondes et se retrouvent en situation d'exclusion. Il décrit leur stratégie de vie et souvent de survie. Enfin, des suggestions sont formulées pour améliorer le sort de ceux qui, à ce moment de l'histoire sociale malgache, n'ont pas encore retrouvé de véritable place dans leur société.
Anne-Marie Ricaldi Coquelin est docteur en Sciences de l'éducation; elle a passé la plus grande partie de sa carrière dans des pays en voie de développement. Elle a, en outre, travaillé cinq ans en Thaïlande auprès des populations cambodgiennes, six ans au Vietnam et sept ans à Madagascar comme chef de projet pour la coopération française et conseiller du ministre de la Population.
Elle a conduit cette recherche en collaboration avec les jeunes chercheurs du Centre d'Analyses et de Prospectives pour le Développement à Madagascar, rattaché à l'Institut du Travail Social de Tananarive.

Par ailleurs, un recueil de nouvelles sur lequel j'ai peu de renseignements mais qui comporte au moins un sujet malgache vient aussi de paraître, dans une collection qui semble orientée vers les adolescents. Il s'agit de Il ne fait jamais noir en ville, par Marie-Sabine Roger.
Une employée modèle et dévouée se découvre égoïste et révoltée lorsqu’elle adopte un chat. Une femme libre et célibataire toujours réquisitionnée pour les corvées familiales en oublie sa vie. Un vieux voisin maniaque terrifie sa voisine de palier. La garde alternée c’est une semaine vide pour ce père solitaire. Un couple de mariés valse, tendrement enlacé sous le regard goguenard des convives: ils ont les tempes blanches. La charge est lourde pour ce conducteur de pousse-pousse à Madagascar, sa cliente est pleine de sentiments contradictoires quant à sa présence sur cette île si pauvre. Comment faire ses adieux à un père tendrement aimé qui vient de mourir. Quitter sa maison pour toujours, abandonner la campagne, le jardinage pour un appartement en ville où la vie est si facile. Dix nouvelles, l’écriture précise et évocatrice de l’auteur, le ton tour à tour tendrement humoristique léger et grave, les chutes inattendues, font de ce recueil de nouvelles un beau voyage au pays des mots.
Marie-Sabine Roger est née en 1957. Elle vit ici et là entre Madagascar, le sud de la France et la Réunion. Après avoir été enseignante en maternelle pendant plusieurs années, elle se consacre aujourd'hui à l'écriture.

May 1, 2010

En librairie : trois ouvrages sur Madagascar

Je vais commencer par ceux que j'ai lus, il me sera plus facile d'en parler. D'abord, un recueil de nouvelles de Didier Daeninckx, auteur de nombreux romans noirs, grand pourfendeur des inégalités et de la droite extrême, attaché à remettre en lumière des épisodes peu glorieux de l'Histoire. Il le fait une fois encore dans le premier texte de Rue des Degrés, qui va chercher la clef d'une énigme policière du côté de Madagascar en 1947.
Au début de La couleur du noir, on trouve le cadavre d'un éditeur de polars, dans la pièce où sont stockés les manuscrits qui lui ont été envoyés - et dont la plupart ne paraîtront jamais. La belle organisation de la maison permet de constater la disparition de trois textes, dont l'un, intitulé Kiangara, met l'enquêteur sur une piste fructueuse.
Il m'est interdit de vous en dire trop, parce que le montage est une mécanique de précision où chaque engrenage est à sa place. Si je vous fournis une pièce, vous risquez de perdre le plaisir de la découverte. C'est parfait, en tout cas.
Quand même, quelques lignes qui ne nuiront pas au suspense:
Un professeur de lettres à la retraite qui s'intéresse de très près à l'Afrique, Pierre David Luchon, écrit un roman d'amour mâtiné de policier dont le cadre est Madagascar en proie à l'insurrection, en 1947.
...
Maryvette Balcou a publié - fin 2008 déjà, mais je viens seulement de le découvrir - Le racommodeur de poussières, titre énigmatique pour un roman qui nous promène de la Sicile à Madagascar.
Un homme a presque tout perdu dans un tremblement de terre - sous les éboulis, une voix continue de se faire entendre, pensée d'une épouse morte qui suivra Azzo dans le voyage qu'il entreprend. Chargé d'une vieille chaise et d'un violon, celui qui se dit maintenant racommodeur de poussières, sans savoir à quoi cela correspondra, débarque à Ivato pour entreprendre un parcours initiatique à la recherche de lui-même. L'aventure le guette dans le sud, du côté de Toliara...
Il y a de belles pages. D'autres où les phrases coincent. De la poésie et du trivial (le trivial peut devenir poétique, je sais, mais ce n'est pas le cas ici). Des remarques pertinentes et d'autres qui dénotent une vision pour le moins schématique du monde malgache...
Vous l'aurez compris, je ne suis qu'à moitié emballé.

Pour finir aujourd'hui, voici un livre que je n'ai pas lu - mais dont je vous avais annoncé la parution en anglais, sa langue originale, il y a quelque temps: Le grand livre des épaves de Madagascar, par Pierre van den Boogaerde. Sur son site, l'éditeur fournit ce commentaire, signé par de mystérieuses initiales, P. M.-R.:
Jamais un livre n'avait été écrit sur les épaves qui entourent la Grande Île et, Dieu!, qu'elles sont nombreuses. Pierre van den Boogaerde en a recensé 269... De toutes les époques, de toutes les nationalités, certaines localisées, d'autres pas. De plus, la bibliographie est un modèle... Une mine pour les chercheurs, un filon pour les rêveurs. Allez, je vous en donne une pour la bonne bouche, la plus fameuse, celle qui a fait, fait et fera fantasmer tous les plongeurs: le Soleil d'Orient, un navire qui mériterait à lui seul tout un roman tant sa cargaison est riche (on parle de 1,5 million de millions de dollars tout de même...). Comme conclut l'auteur: "So far the wreck has not been found." Quand je lis ça, personnellement, j'ai envie de faire mon sac de plongée... Pour l'Aventure.

March 24, 2009

Trois nouveautés en librairie

Belle moisson, après une semaine pendant laquelle je n'avais pas eu l'occasion de faire ma récolte...

Je commence avec la littérature, vous connaissez mes goûts.
Dominique Ranaivoson édite, trois ans après les Chroniques de Madagascar, où douze auteurs étaient présents avec chacun une nouvelle, un nouvel ouvrage dans la même veine: Nouvelles chroniques de Madagascar ne rassemble cette fois que quatre écrivains,mais leur laisse davantage d'espace.
Au sommaire:
Hery Mahavanona. Au nom du père
Johary Ravaloson. Antananarivo, ainsi pendant les jours pluvieux. Chroniques de vies ordinaire
Désiré Razafinjato. Tahiry. De Madagascar au djebel algérien, l'amère-patrie
Cyprienne Toazara. Doublement un
Et voici la présentation de l'éditeur:
À la suite des 12 nouvelles des "Chroniques de Madagascar", ces quatre récits sont à mi-chemin entre le roman, le conte et la nouvelle. Dans la ville d’Antananarivo, les villages tsimihety de l’Ouest et en Algérie, ils mettent en scène des personnages à la vie à la fois ordinaire et fascinante. Le lecteur accompagnera paysans, citadins et soldats dans leurs dilemmes et leurs découvertes grâce à des écritures qui mêlent habilement le rêve et la réalité. Loin des caricatures exotiques, ces textes malgaches attestent du dynamisme d’une langue française résonnant de multiples échos.

Dans un autre registre qui m'est cher, celui des textes anciens sur Madagascar (même s'il s'agit plutôt ici de l'Océan Indien), voici les recherches historiques du Dr Honoré Lacaze sur L'Ile Bourbon. L'Ile de France et Madagascar. L'auteur ne vous est pas inconnu si vous suivez les productions de la Bibliothèque malgache puisque j'ai déjà réédité, sous forme de livre électronique gratuit, ses Souvenirs de Madagascar, publiés en 1881, soit un an après cet ouvrage.
L'éditeur moderne le présente ainsi:
La collection «Introuvables de l’Océan Indien» se propose de restituer, sous une forme commentée, des ouvrages qui n’ont jamais été réédités, de grand intérêt historique ou littéraire.
Ce livre est à la fois un recueil de documents, et un document en lui-même.
En l’écrivant, son auteur, le Dr Lacaze, père du futur amiral, a d’abord voulu faire le point sur ce qu’on savait de l’histoire de La Réunion, à son époque: il déroule le récit et l’émaille de nombreuses citations d’auteurs anciens, ce qui en fait une précieuse compilation sur La Réunion, au début de sa colonisation, et sur sa colonie-mère, Madagascar.
Puis Lacaze arrive à la période dans laquelle il vivait, et l’ouvrage historique se transforme en document économique, social, voire politique. En effet, dans les années 1880, La Réunion est plongée dans une crise dont on ne sait pas à quel point elle sera longue et terrible. Misère, famine, maladies se conjuguent pour écraser la population. Lacaze observe, analyse, commente, avec un regard certes un peu conservateur, mais avant tout profondément scientifique.
Autant d’éléments qui font de cet ouvrage, jamais réédité, un atout précieux dans la connaissance de La Réunion.
L’auteur, né à Saint-Pierre, médecin, avait 64 ans quand il a publié cet ouvrage. Il est par la suite parti gérer une léproserie aux Antilles, où il serait mort, à une date inconnue, après avoir signé différents autres livres à caractère documentaire ou scientifique.
Cette réédition est précédée d’une présentation de l’auteur, de son œuvre et du contexte historique de celle-ci, et accompagnée de nombreuses notes.
Directeur de collection, auteur de la préface : Daniel Vaxelaire.

Enfin, troisième ouvrage pour aujourd'hui, Les cinémas de Madagascar (1937-2007), de Karine Blanchon.
Karine Blanchon est docteur en Lettres, diplômée de l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) à Paris. Elle travaille sur les cinémas de l'océan Indien occidental.

Ce livre dresse un panorama inédit de la richesse et de la diversité de la céation cinématographique et audiovisuelle à Madagascar. Dans un contexte de production souvent difficile, ces films relaient les espoirs et les doutes d'une société tiraillée entre son attachement profond à l'héritage traditionnel et sa volonté de s'intégrer à la mondialisation. La mise en lumière de ce patrimoine méconnu pose aussi la question de la représentation de soi et de l'autre et propose une réflexion sur l'importance de l'image dans l'expression de la culture malgache contemporaine.

January 25, 2008

Bibliothèque malgache / 38 : Boutou-Kely, par Robert Dumeray

Un nouvel ouvrage paraît dans la Bibliothèque malgache électronique (dont je rappelle qu'elle est gratuite) : Boutou-Kely, par Robert Dumeray.
Ce texte assez peu connu n’a, à ma connaissance, jamais été publié en volume. Je l’ai repéré grâce à ces quelques lignes du Bulletin du Comité de Madagascar d’avril-mai 1895 :
« Sous le pseudonyme de Robert Dumeray, un homme fort au courant des choses de Madagascar et qui joint, à une connaissance exacte du pays, toutes les qualités d’un styliste des plus spirituels et des plus fins, publie dans la Revue des Deux-Mondes du 1er mai un article intitulé : Boutou-Kely, Souvenirs de la vie malgache. Ce simple récit en dit plus que tout un ouvrage sur les mœurs et habitudes des Malgaches, particulièrement des Hovas. »
Bien qu'ignorant totalement son identité, je soupçonne l’auteur d’avoir été membre du Comité, tant sont nombreuses les thèses défendues par celui-ci à apparaître en filigrane dans la longue nouvelle. Un vazaha y adopte un petit garçon malgache et tente de lui inculquer les bases de la civilisation européenne…
Tous les préjugés de l’époque sont évidemment présents.

October 27, 2006

Bibliothèque malgache

Je n'ai encore rien écrit sur mon séjour à Mahajanga. Non qu'il n'y ait rien à dire. Mais je suis passé à côté du but du voyage, pour des raisons que je raconterai un de ces jours - le plus vite sera le mieux.
En attendant, j'ouvre sans grand bruit la "Bibliothèque malgache" dans laquelle j'ai la volonté de rendre disponible, sous une forme lisible, un certain nombre de textes appartenant à l'histoire du pays, quand bien même la plupart des premiers de ceux que j'ai sous la main appartiennent à l'époque coloniale. Après tout, c'est de l'histoire, et on ne peut pas ne pas en tenir compte.
Le premier volume est disponible sous forme de livre électronique. La race inconnue, de Charles Renel, est un recueil de nouvelles qui est déjà paru en feuilleton à Tana dans Les Nouvelles. Le voici sous une forme plus présentable.
Comme je n'ai pas encore trouvé un hébergement pour la collection qui débute, je ne peux actuellement qu'envoyer le livre en fichier attaché à ceux qui m'en feront la demande. Bien entendu, c'est gratuit.
Les lecteurs intéressés peuvent donc m'écrire à l'adresse maury@wanadoo.mg
en précisant en objet:
- Charles Renel. La race inconnue. Version Word (602 Ko)
ou:
- Charles Renel. La race inconnue. Version PDF (813 Ko)
Bonne lecture.