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August 22, 2019

Une révolution manquée à Madagascar, par Aurélie Champagne

Après avoir tracé une longue diagonale du sud-ouest au nord-est de Madagascar, je m’étais posé quelques jours, au début du mois d’août, dans une ville côtière plus célèbre pour la vanille qui s’y produit que pour sa participation aux événements de 1947. La vision quotidienne, près du port, d’une stèle en hommage aux martyrs de cette révolte, me renvoyait sans cesse au premier roman d’Aurélie Champagne, Zébu Boy, ancré dans un moment d’Histoire dont les protagonistes n’ont pas gardé le même souvenir.
A Madagascar, le 29 mars, date en 1947 des premiers affrontements contre les colons et, dans la foulée, du début d’une sévère répression, est aujourd’hui encore un jour férié pendant lequel la vente d’alcool, comme lors des élections, est interdite et l’occasion de cérémonies commémoratives dont le centre est plus souvent à Moramanga, dans l’est, qu’à Antananarivo, la capitale où l’on ne manque cependant jamais de se souvenir.
En France, rien ne signale dans le calendrier ce qui semble avoir été un lointain soubresaut de l’épopée coloniale au moment où le prestige de celle-ci vacillait. Jacques Chirac, lors d’une visite officielle à Madagascar en 2005, avait néanmoins évoqué cette page sombre dans les relations entre les deux pays et dénoncé, sans s’attarder sur les détails, « caractère inacceptable des répressions engendrées par les dérives du système colonial ». L’acte de contrition avait été fait, cependant, en d’étranges circonstances. Le lieu, d’abord, s’y prêtait mal, d’une part parce que Mahajanga, sur la côte ouest, se situe bien loin des régions où les combats avaient eu lieu, d’autre part parce que cette même ville avait été, en 1895, le théâtre du débarquement des troupes françaises qui entamaient la « conquête » de l’île. Ensuite, le président malgache Marc Ravalomanana avait évacué la question en rappelant qu’il n’était pas né en 1947…
Des historiens malgaches et français ont néanmoins, et très rapidement après les événements, abordé le sujet – qui reste d’ailleurs polémique. Si des écrivains malgaches, au premier rang desquels Raharimanana, en faisaient un des moments fondateurs de leur imaginaire, la littérature française y a peu puisé. En 1995, Patrick Cauvin avait publié Villa Vanille, un roman pétri de bonnes intentions mais qui passait à côté du sujet. Plus récemment, en 2012, Pierre d’Ovidio avait envoyé, pour la deuxième enquête d’une série de « grand détective », l’inspecteur Maurice Clavault à Madagascar au moment où éclataient les troubles de 1947. Ce n’était guère plus convaincant.
Aurélie Champagne, dans son premier roman, choisit un Malgache comme personnage central. Ambila a été rapatrié après avoir combattu dans la Meuse et avoir été capturé par les Allemands. Depuis six mois qu’il est rentré, il ne supporte plus d’être redevenu « le pauvre indigène qu’il était avant guerre ». Il n’est même plus vraiment le Zébu Boy dont la réputation s’était construite sur son habileté à renverser les bœufs lors des savika, les combats traditionnels. Il est prêt à sauter sur la première occasion d’occuper la place qu’il mérite dans la société. Et, précisément, sa route l’entraîne vers Moramanga au moment où éclate la rébellion.
La biographie fournie par votre éditeur signale un séjour de six mois à Madagascar en 1998. Etait-ce la toute première fois ? Et y partiez-vous dans un but précis ?
A 20 ans, après deux intenses années de classe préparatoire, j’ai eu envie de prendre le large et de sortir de mes livres. J’ai économisé et me suis offert un aller-retour à Madagascar. A l’époque, il n’y avait pour moi aucune autre terre à fouler. Je porte un double nom : Champagne-Razafindrakoto et je n’avais jusque-là aucune image, ni aucun vécu à mettre derrière ce nom malgache, hormis de vagues histoires d’orphelinat, de Reine et de privation. La mythologie familiale, chez moi, racontait en outre que ce nom de « Razafindrakoto » signifiait « Fils de Prince » et laissait entendre que nous avions peut-être des ascendants royaux. Autant dire que la première personne à Madagascar à qui j’ai raconté cette histoire a éclaté de rire. D’une certaine manière, ma quête des origines s’est arrêtée net ce jour-là, en apprenant que le nom que je portais équivalait plutôt à « Dupont » ou « Durand ». Ca a laissé de la place pour le reste, et alors c’est le pays, dans toute sa splendeur qui m’a saisie.
A quel moment avez-vous commencé à vous intéresser à l’insurrection de 1947 ? L’idée d’un roman dans ce contexte a-t-elle germé rapidement ? Ces événements avaient-ils une raison particulière de vous toucher ?
Je gardais un souvenir refroidi de l’insurrection de 1947. A peine une ligne dans un manuel d’histoire de classe de terminale. Or, à Madagascar, j’ai eu la chance de faire un petit bout de chemin avec un universitaire qui m’a raconté les Tabataba. Nous étions en 1998, au lendemain du cinquantenaire. J’ai découvert à quel point cette mémoire était vivante. A quel point elle battait encore au sein de certaines familles.
Le livre repose sur des documents écrits, et vous fournissez d’ailleurs un  embryon de bibliographie. Avez-vous utilisé aussi des témoignages oraux ?
Zébu Boy s’appuie sur un travail de documentation mais il est avant tout un roman avec un héros fictionnel. Ce n’est pas un livre d’histoire. Seulement, pour raconter la destinée romanesque d’un ancien des combats de France, rentré au pays et presque aussitôt happé par les événements, j’avais besoin de documenter le contexte historique. J’ai donc lu au fil des années toutes sortes de documents, sans vraiment me préoccuper de méthodologie. Je lisais tout ce que je trouvais : thèse, actes de colloques, témoignages, notes issues des Archives nationales d’Outre-mer à Aix, et autres sources primaires, documentaires, fictions, journaux de missionnaires ou de colons issus de l’administration… Le plus souvent, une lecture soulevait plusieurs questions, pour lesquelles j’allais chercher des réponses dans d’autres lectures. D’autres avant moi ont eu à cœur de collecter des témoignages oraux et l’ont fait merveilleusement : de l’auteur Jean-Luc Raharimanana à la documentariste Marie-Clémence Paes avec son récent Fahavalo, en passant évidemment par les historiens Faranirina Rajaonah ou Jean Fremigacci, pour ne citer qu’eux. Ces deux derniers m’ont d’ailleurs fait l’amitié de relire le roman, et de formuler des observations qui, recoupées avec celles de Françoise Raison, Martin Mourre et Jean-Noël Gueunier, ont été très précieuses pour le texte.
Si l’on comprend bien, Zébu Boy est la troisième version de ce livre. N’avez-vous pas eu envie de passer à autre chose ou bien le thème vous habitait-il au point qu’il était nécessaire de mener ce projet à son terme, c’est-à-dire jusqu’à la publication ?
Disons qu’il m’a fallu écrire plusieurs histoires pour trouver celle que j’avais réellement envie de raconter. L’intrigue s’est d’abord formulée le temps d’une nouvelle, inspirée d’une anecdote trouvée dans la thèse de Jacques Tronchon. Puis la narration s’est déployée sur quatre générations, de l’immédiat après-guerre au tournant des années 2000. Avant de se recentrer à nouveau sur 1947. Au fil des allers et retours, je me suis découragée plusieurs fois et j’ai eu effectivement envie de passer à autre chose. C’est même ce que j’ai fait : mon activité de scénariste notamment m’a donné à plusieurs reprises l’occasion d’aller me dégourdir les méninges dans d’autres univers. Mais je suis toujours revenue à 1947.
Votre personnage principal s’appelle Razafindrakoto. On suppose que ce n’est pas par hasard…
Effectivement. Razafindrakoto est en effet un clin d’œil à ma grand-mère malgache. Mais il suffit de consulter des archives du ministère de l’armée et sa base « mémoire des hommes » par exemple, pour croiser des dizaines de Razafindrakoto morts au combat ou des suites de maladie, pendant la seconde guerre mondiale.
Au fond, il n’est pas très sympathique. Pilleur de cadavres, avec toujours en tête un mauvais coup à jouer à son compagnon d’aventures, c’est un opportuniste embarqué dans l’action un peu par hasard. Ou bien on se trompe ?
Zébu Boy est un combattant hors pair, que la vie  a exposé à toutes sortes d’épreuves. Il les a toutes surmontées. Quand l’histoire commence, le héros continue à faire ce qu’il sait faire : survivre. Il épouse effectivement l’insurrection par opportunisme, plus que par idéologie et, chemin faisant, découvre ou croit découvrir sa véritable vocation.
Une anecdote en dit long sur les raisons (multiples) que peuvent avoir les Malgaches, en rentrant de la Seconde Guerre mondiale, d’en vouloir à leurs colonisateurs : ceux-ci reprennent leurs chaussures au retour. Elle est authentique ?
L’anecdote est authentique, oui. En juillet 1946, l’armée française a démobilisé 6000 Malgaches et Réunionnais. La guerre était finie depuis plus d’un an. Ces soldats comptaient parmi les derniers à rentrer. Beaucoup étaient restés dans des camps de transition, où les conditions de vie étaient déplorables, attendant pendant des mois un bateau pour les transporter. Quand ils sont enfin arrivés à Toamasina en août 1946, l’intendance militaire leur a retiré leurs chaussures pour reconstituer les réserves. Ce geste a été vécu comme une véritable humiliation.
Aviez-vous une intention particulière en parlant de cette époque, et de cette manière ?
Je crois qu’on parle souvent des révolutions avec un grand R : elles deviennent presque des abstractions, des concepts. Ce qui m’a d’abord fasciné a été la mécanique historique des événements de 1947. Mais au fil des années, le vécu des anciens combattants de métropole s’est éclairé. De même, la découverte de leur parcours au sein des frontstalags et leur retour dans l’île a contribué à ramener l’insurrection au sol. J’ai eu envie d’essayer de raconter les événements à hauteur d’homme, dans leur incarnation la plus prosaïque.

August 23, 2018

«Les jours rouges», de Ben Arès

Communiqué de presse
de la Bibliothèque malgache

À Toliara et alentours, Malgaches, Karana et Vazaha se croisent, se mêlent et s’emmêlent pour le meilleur et pour le pire. On nage. Dans le cours imprévisible, les remous, la mêlée, parfois hors des flots. On vit en ville comme au village. Dans les gargotes, sur les routes de goudron éclaté et les pistes de sable. Comme chez soi en dur, en tôles ou en vondro. Reclus ou en ribote. On improvise. Aux détours d’un zébu, d’un fou, d’un trépassé ou d’un éloquent soudard. Dans le charivari infernal, le vif des traditions locales, les êtres marchent au charbon ou flottent, dévient malgré eux de foutaises en désespoirs, de malentendus en traquenards ou états de grâce. On se chamaille. On palabre pour un bien commun, un canard qu’on déplume ou un sort venu de nulle part. On s’étripe pour le sel et la terre, on rouscaille, chante la guigne ou la poisse, on s’esclaffe, se dégage, rit de l’homme, la femme qui n’a pas fini d’en voir. Et si au final les genres, les classes, les origines se confondaient pour laisser planer tous les doutes ? Et si, pétris et navigués, dénudés, au lieu de fuir, nous acceptions que tous étions du même cru, de la même trempe, sans distinction ? Qu’il en déplaise à Dieu, aux illustres Aînés, aux arrogants et férus du langage sinistré, il nous est offert de boire la vie jusqu’à la lie, la lune nouvelle et l’art de résonner du tsapiky au soleil de l’amour noir.
B. A.

Mise en vente le 23 août 2018
Édition exclusivement numérique, 3,99 € (12.000 ariary à Madagascar)
ISBN : 978-2-37363-074-9


Les premières lignes

Nous l’attendions, elle si rare, si précieuse dans notre sud aride, déshérité par les eaux divines et les coins de verdure. Depuis des lunes et des lunes, pas une goutte n’était tombée des cieux ! Les prières des plus grands sorciers, de nos plus illustres ombiasy n’étaient, semble-t-il, point entendues.
Le soleil, chaque jour, nous assommait, conduisait nos corps de commerçants des rues – gargotiers, vendeurs de soupes, d’ailes ou de cuisses grillées, tireurs de posy posy, conducteurs de charrettes à bras ou à zébus, réparateurs de bicyclettes ou de chaussures, porteurs, légumières, bouchers de saucisse, de porc ou de bœuf et poissonnières étalant des crabes, poulpes, crevettes, calmars, mérous, cabots, thons, marguerites et capitaines parmi les colonies de mouches tournoyant autour des jus, du sang, de la saumure et des sueurs, charbonniers parmi les sacs, le charbon étendu pour être débité, trié à proximité du tas d’ordures, dépotoir fumant du quartier, vendeuses de mangues, citrons, sambos ou ces beignets triangulaires fourrés d’oignon, de pomme de terre et de viande hachée, soky ou pâtés d’oursin, démerdeurs, ivrognes, filles traînant ci et là à l’affût de quelque picaille – à l’état d’inertie.

L’auteur


Ben Arès est né le 28 mars 1970 à Liège en Belgique. Dans les années 2000, il attacha beaucoup d’importance à la place du poète dans sa ville et fut l’animateur de revues littéraires et de lectures publiques en divers viviers de la cité avec David Besschops et Antoine Wauters. Fin 2009, sous l’impulsion d’une motivation singulière et intime, il quitta la Belgique pour aller vivre à Toliara au sud-ouest de Madagascar où une vie au corps à corps l’attendait. Il partage désormais son temps entre l’enseignement de l’Histoire-Géographie et des Arts plastiques au Collège Français, sa vie de famille dense, pleine de surprises, et l’écriture. Il est soucieux de plus en plus de dépeindre les tableaux de la vie courante et les sentiments des êtres appelés à s’en sortir par-delà le Bien et le Mal.


Ses livres

Aux secrets des lèvres, poésie, Tétras-lyre, Liège, 2006
Eau là eau va, poésie, éditions (o), Bordeaux, 2007
Entre deux eaux avec C. Decuyper, poésie, Le Coudrier, Bruxelles, 2007
Rien à perdre, poésie, La Différence, Paris, 2007
Ne pas digérer, roman, La Différence, Paris, 2008
Là où abonde le sel, récit, Boumboumtralala, Liège, 2009
La déferlante, poésie, Maelström, Bruxelles, 2009
Cœur à rebours, poésie, La Différence, Paris, 2009
Sans fil, poèmes, L’Arbre à paroles/Bibliothèque malgache, Amay/Antananarivo, 2009
Ali si on veut, récit, avec Antoine Wauters, Cheyne éditeur, 2010
Naître, adieu, une fuite, compte d’auteur, Tana, 2010
Aux Dianes, long poème, Tétras-lyre, Bruxelles, 2012
Mon nom est Printemps, un triptyque, L’Arbre à paroles, Amay, 2013
Tromba, une transe, Maelström, Bruxelles, 2013
Je brûle encore, nouvelles, Dodo vole, Caen, 2017

September 4, 2015

Madagascar dans la rentrée littéraire (3) Michaël Ferrier

Photo C. Hélie Gallimard

Y a-t-il longtemps que Madagascar compte dans votre vie ?
C’est à Madagascar que j’ai appris à lire, à écrire, à compter. J’ai passé une grande partie de mon enfance à Antananarivo, à Mahajanga, à Nosy Be aussi. Mon père est né à Madagascar, toute ma famille du côté de mon père et, ensuite, j’y suis retourné très souvent. Aujourd’hui, j’ai encore de la famille à Madagascar, mais plus éloignée. Mes oncles et mes tantes sont partis soit vers la France, soit vers la Réunion ou d’autres pays. Mais j’y ai passé beaucoup de temps.
Vous vivez depuis une vingtaine d’années au Japon, une grande île, comme Madagascar. Y a-t-il des rapprochements à faire entre les deux pays ?
Je pense qu’il y a un lien quelque part. Il y a le lien de la langue puisque, selon les spécialistes, la langue malgache et la langue japonaise font partie d’un même groupe linguistique. Par ailleurs, j’invite souvent des écrivains créoles à l’université, des écrivains de l’océan Indien mais pas seulement. Et on découvre avec étonnement qu’il y a des affinités électives entre la Réunion, Madagascar et l’archipel japonais. C’est un gigantesque chantier, seulement esquissé depuis une quinzaine d’années, qui est la question de la créolisation au sens où l’entend Edouard Glissant.
Saviez-vous depuis toujours que vous alliez écrire sur Madagascar ?
Oui, c’était évident. Parce que ça vient de l’enfance, de très loin. C’est très profond et, plus c’est profond, plus ça remonte fort au bout d’un moment.
Cependant, cela a mis du temps. Pourquoi maintenant ?
C’est une question difficile. Il y a longtemps, plus de dix ans, que le roman est en gestation. Pourquoi maintenant ? Peut-être parce que j’arrive à la cinquantaine. Ecrire sur sa famille, ce n’est jamais facile, parler de gens qui ont été vivants et qui le sont toujours pour certains, ce n’est jamais évident. Même lorsque l’on en dit du bien, il y a toujours une part de violence parce que l’image qu’on se fait de soi-même n’est jamais celle qu’on retrouve dans un livre. Donc, il y fallait un peu de maturation, peut-être de maturité même si je ne pense pas être arrivé à un grand degré de maturité. Mais, en tout cas, ça fait longtemps que ça travaille et ça surgit au moment où ça doit surgir, sans doute.
Vous ouvrez Mémoires d’outre-mer par l’image de trois tombes au cimetière de Mahajanga. Elles y sont vraiment ?
Oui, elles sont là. Elles ne sont pas toujours faciles à trouver, parce le cimetière est assez grand et il était, la dernière fois que je l’ai vu, il y a quelques années, assez mal entretenu. Une fois qu’on connaît l’emplacement des trois tombes, très blanches, elles prennent toute la place.
Ces trois tombes sont très importantes, elles vous permettent de décrire le décor, la lumière. Et il y, jusqu’à la fin du roman, une interrogation, sur l’une d’elles puisqu’on ne sait pas qui y est enterré.
Oui, c’est un peu une structure de roman policier, sans que ce soit une base trop importante. Il y avait d’autres choses à dire sur Madagascar et sur ces personnages. Mais, à la fin, la résolution de l’énigme est typique d’un roman policier, puisqu’elle ne résout rien.
Un des deux récits qui traversent le roman est l’enquête du narrateur sur son grand-père. Ce narrateur, c’est vous sans être vous ?
Oui, c’est un roman. Je ne voulais pas en faire une saga familiale ou un pèlerinage, même s’il y a cette dimension dans le livre. Je voulais donc briser la chronologie et montrer la complexité, la richesse de l’océan Indien qui est un espace multiple, un espace pluriel, d’une grande diversité. J’ai essayé de montrer cet espace d’échanges, de rencontres, avec des temporalités et des territoires qui s’enlacent, qui se superposent, qui s’opposent quelquefois. Le cirque et l’acrobate se prêtaient bien à cela puisque le narrateur jongle avec plusieurs histoires qui viennent s’intercaler de temps en temps.
Autour de Maxime Ferrier, le grand-père, il y a une foule de personnages. Son ami Arthur, bien sûr, dans la tombe d’à côté, et tout le reste du cirque. Avez-vous retrouvé leurs noms ?
J’ai changé quelques noms pour montrer quand même que c’était une fiction. Mais le nom de mon grand-père était bien Maxime Ferrier, y compris dans toutes ses déclinaisons. Ces gens n’ont pas laissé des traces institutionnelles très fortes, c’étaient des saltimbanques, et j’ai reconstitué beaucoup de choses.
La patronne du cirque est un personnage assez étonnant…
Oui, et très moderne. C’était une femme de tête qui menait son cirque à la baguette et qui, en même temps, l’a abandonné sans vergogne. Il y a des personnages assez hauts en couleurs, qui ont tous existé mais qui n’ont pas laissé beaucoup de traces. C’est un aspect qui m’intéresse, et que j’ai creusé dans un livre précédent, Sympathie pour le fantôme, à propos de personnages un peu oubliés de l’Histoire de France.
Les a-t-on oubliés parce qu’ils n’appartenaient pas à l’Hexagone et qu’on oublie souvent l’outre-mer ?
Nous vivons des temps où le repli sur soi est très important, où la peur et la frilosité semblent gagner toute l’Europe. Nous vivons des temps, aussi, où l’appartenance plurielle semble être un problème plus qu’un atout. C’est quand même tout à fait étonnant. Quand on appartient à plusieurs cultures, à plusieurs langues, quand on a grandi, vécu dans un espace pluriel, on est riche de cette diversité-là. Or il semble qu’aujourd’hui c’est l’inverse, on fait des regroupements par nation, par culture. Ces regroupements me semblent inopérants pour penser le monde dans lequel nous vivons. Et, là, nous avons quelque chose à apprendre de l’océan Indien.
A travers le roman, vous faites d’ailleurs passer quelques idées…
Oui, ce n’est pas un essai mais une des idées qui me tiennent à cœur c’est que l’océan Indien préfigure ce qu’on appelle aujourd’hui la mondialisation…
Un espace expérimental ?
Voilà : c’est un espace expérimental, qui tient une place si minorée non seulement dans la littérature française mais dans bien d’autres domaines, et qui a beaucoup de choses à nous apprendre. Il est porteur de propositions concrètes dont on ne tient pas assez compte à notre époque.
Madagascar colonie française, c’est-à-dire le régime qu’a connu Maxime pendant une longue période de sa vie, était aussi un pays où, écrivez-vous, les Malgaches n’avaient pas leur place.
Je me suis beaucoup documenté pour ce livre et, curieusement, il y a peu de choses qui ont été écrites sur le sujet. C’est la même chose pour le Projet Madagascar, évoqué souvent de manière partielle alors qu’il y a là quelque chose qui nourrit tout l’imaginaire du 20e siècle, du point de vue des races, de la spatialisation des problèmes.
Le Projet Madagascar, si on ne le sait pas, était le plan nazi de déportation des Juifs européens vers l’île de l’océan Indien, avant l’application de la Solution finale. Mais, quand les lois de la France sous Pétain s’appliquant aux Juifs de Madagascar, on en trouve vingt-six !
Oui, et cela n’empêche pas de les pourchasser. Cela nous en apprend beaucoup sur l’antisémitisme, qui est un délire. Un délirant n’a pas besoin d’avoir un objet très précis pour délirer. Ce qui est amusant, pour moi qui suis au Japon, c’est de découvrir que le Japon a développé aussi un antisémitisme pendant la Seconde Guerre mondiale alors qu’il y avait également très peu de Juifs.
Vous posez la question dans le livre : sait-on pourquoi les gens s’en vont ? Avez-vous répondu pour vous-même à cette question ?
Non, et je pense que, le jour où j’arriverai à y répondre, il sera peut-être temps de revenir. Il y a un mystère là-dedans : on part pour partir, finalement, c’est assez rimbaldien comme attitude. Ceux qui partent pour une raison précise, que ce soit pour faire de l’argent ou pour rejoindre quelqu’un, finissent par boucler la boucle. Mais il y a, et ce sont les gens que j’évoque, des aventuriers qui partent pour partir. C’est le mouvement même de la course qui les intéresse, plus que la destination. Je suis sensible à cette trajectoire : on part, et on ne sait pas quand on reviendra, si on revient jamais.
C’est la question annexe : sait-on pourquoi les gens restent, comme Maxime Ferrier est resté ?
Il y a quand même une réponse évidente, en tout cas pour moi au Japon : on reste parce qu’on est bien.
Vous décrivez, pendant la Seconde Guerre mondiale, Maxime Ferrier comme un possible, ou probable, résistant : des ponts qui sautent sur la Betsiboka, la radio… Cela m’intéresse, le moment où la petite histoire, l’histoire des gens, rencontre la grande Histoire – avec sa grande hache, comme disait Perec. La grande tragédie rencontre les drames individuels. Dans le cas de Maxime, c’est exactement ça, il est arrivé à un moment de sa trajectoire où tout va assez bien mais où il va éprouver le besoin de lutter contre cette ignominie pétainiste. Il lutte à sa manière et c’est ça qui précipite sa chute tout en faisant que sa trajectoire est belle. C’est l’acrobate : il va jusqu’au bout de la volte, et peu importe le prix à payer. Il est vertigineusement libre, cet homme, c’est ça qui m’a fasciné.

September 3, 2015

Madagascar dans la rentrée littéraire (2) Douna Loup

Photo Elisa Larvego

La première chose qui frappe dans votre roman, c’est l’écriture, poétique, pleine de ruptures. Pourquoi avoir choisi ce type d’écriture ?
C’est venu en partie du sujet, du fait que mes deux personnages sont des poètes. J’avais donc envie d’amener l’écriture de plus en plus vers la poésie, que le rythme et les sonorités soient très importants. Et j’ai cherché à rejoindre l’oralité de la poésie malgache.
Le titre, déjà, possède une charge poétique. Avez-vous réussi à imposer facilement L’oragé à votre éditeur ?
J’ai peut-être de la chance avec mon éditrice, elle a tout de suite aimé ce titre. Il est venu plutôt tardivement, une fois que j’avais fini le livre. En cours d’écriture, j’avais un titre de travail en malgache.
Vous étiez venue à Madagascar avant de penser à écrire ce roman ?
Oui, à dix-huit ans, en 2000-2001, j’y ai passé six mois en bénévolat, en grande partie à Tana et un peu sur la côte, dans des orphelinats. C’était mon premier contact avec Madagascar.
Avez-vous découvert Rabearivelo à ce moment, ou plus tard ?
Je ne l’ai pas découvert à mon premier voyage, ça a été quelques années après. Je suis revenue à Madagascar en 2007, j’avais entre-temps noué d’autres liens avec le pays, parce que mon mari est malgache. Mais il ne vivait plus à Madagascar quand nous nous sommes rencontrés, au cours d’un voyage. Nous sommes revenus avec notre première fille, puis je suis revenue en 2012 dans l’idée du projet autour de Rabearivelo. Je l’ai découvert dans la bibliothèque de mon mari, en fait.
C’est plus compliqué, probablement, pour Esther, qui est beaucoup moins connue ?
Oui, elle est arrivée alors que j’étais déjà dans le projet autour de Rabearivelo. C’est dans Les Calepins bleus, qui ont été publiés il n’y a pas très longtemps, que j’ai découvert Esther. Il a traduit quelques-uns de ses poèmes, il a écrit sur elle. Il y avait assez peu de choses mais je me suis assez vite intéressée à elle. J’ai beaucoup inventé, mais c’est ce qui me plaisait, parce que cela reste un roman.
On a l’impression qu’à ce moment, votre projet a basculé et qu’elle est devenue le personnage principal…
Oui, elle a pris de plus en plus d’importance, elle est un peu le centre même si Rabearivelo reste le point de départ et le point d’arrivée. On sait que Rabearivelo s’est suicidé mais je me suis dit assez vite que je n’allais pas traverser toute sa vie en un roman. Il fallait que je choisisse une période.
Ils ont deux démarches assez différentes : il lit beaucoup les poètes français, il publie en français à l’étranger ; elle est, au contraire, dans une radicalité qui lui interdit d’écrire en français.
C’est ça aussi qui m’a intéressée. Il y a des années que j’ai envie d’écrire sur la période coloniale à Madagascar. On connaît finalement très peu cette histoire et Rabearivelo incarne quelqu’un qui n’est pas anticolonial, qui a une double appartenance entre la langue française et la langue malgache et qui, à mes yeux, contient toute cette ambivalence. Il y a, surtout à la fin de sa vie, un désespoir devant l’absence de reconnaissance. Il symbolise beaucoup d’éléments de cette période. Esther a, en effet, une position complètement différente.
Leurs différences ont-elles apporté une complémentarité dans le regard sur l’époque ?
C’était une façon de questionner l’époque à travers deux positions différentes, oui.
Pendant la colonisation française, l’instruction des Malgaches était considérée comme un danger…
En effet, j’ai lu beaucoup de journaux de l’époque et j’ai utilisé des extraits d’articles.
Esther est transgressive aussi parce qu’elle est homosexuelle. Avez-vous découvert ce thème en cours de route ou bien aviez-vous l’intention de l’introduire d’une manière ou d’une autre ?
Non, au départ, je n’avais pas l’intention de l’introduire. En fait, sur Esther, je n’affirme rien, je ne sais pas ce qui est réel ou non. C’est venu par une allusion que fait Rabearivelo dans ses Calepins bleus et, vu le parcours que j’avais envie de creuser avec Esther, par rapport à l’écriture et à un positionnement transgressif, il y avait une quête dans l’intime qui s’est imposée au fil du temps.
Votre roman occupe le territoire. Antananarivo est évidemment le lieu principal mais on passe aussi par l’ouest et l’est de Madagascar. Etiez-vous habitée par ce qu’on pourrait appeler un sentiment géographique ?
J’avais envie de faire exister une géographie. Je n’avais pas l’intention d’écrire un roman historique traditionnel, mais je voulais faire sentir une époque et une géographie, tout en étant très proche de personnages avec lesquels on est plutôt sur des thèmes très intimes. Esther avait passé quelque temps à Mahajanga, puis cette autre femme est venue de l’est, donc cela permet de traverser l’île.
La maturation de ce roman, jusqu’à la fin de l’écriture, a-t-elle pris beaucoup de temps ?
L’idée d’un livre sur Madagascar, cela faisait longtemps. Le projet s’est précisé en 2011, l’année suivante j’étais vraiment dans les recherches, les lectures, j’ai rencontré du monde, et j’ai commencé à écrire en automne 2013. J’ai mis du temps à me sentir légitime, c’est-à-dire d’avoir suffisamment intégré toute cette matière pour me sentir libre d’inventer. Et j’ai mis à peu près une année et demie à l’écrire.
Vous citez, dans le roman, un article d’Esther écrit en français. Il n’y a rien d’autre ?
Cet article, c’est moi qui l’invente.
Avez-vous encore des projets littéraires liés à Madagascar ?
Je suis partie dans l’idée qu’il y aurait plusieurs livres autour de la vie de Rabearivelo, sur différentes périodes. Ce n’est pas vraiment une suite, mais avec un autre personnage, peut-être. On verra si l’idée se concrétise…

Demain, l'entretien avec Michaël Ferrier.

September 2, 2015

Madagascar dans la rentrée littéraire (1)

Le hasard fait bien les choses : Douna Loup et Michaël Ferrier ont sorti la semaine dernière leurs nouveaux romans, qui tous deux ont Madagascar pour cadre. Madagascar sous régime colonial, pour l’essentiel, bien que Michaël Ferrier prolonge son récit jusqu’en 1972 tandis que Douna Loup l’arrête en 1924.
Nous les avions interrogés sur leurs livres, avant leur parution. Douna Loup était dans la Drôme, Michaël Ferrier à Tokyo. Mais qu’importent les distances puisque Madagascar réunit, par le biais de la fiction, ces deux auteurs qui ne se connaissaient pas. (Ils se rencontreront la semaine prochaine, réunis à la Librairie Gallimard à Paris.)
L’oragé, de Douna Loup, met en scène un Rabearivelo plein de fougue et d’ambition. Dans une belle langue poétique, entrecoupée d’extraits d’articles contemporains du roman, l’écrivaine fait le portrait vivant d’un jeune homme appelé par la passion de la littérature. Les années de formation, replacées dans le contexte local, modifié par les événements internationaux – la Grande Guerre –, sont envisagées rapidement mais avec lucidité. Puis un deuxième personnage entre en scène : Esther, qui signe Anja-Z les textes qu’elle écrit en malgache, exclusivement en malgache, devient le centre du livre. Elle éclaire Rabearivelo, avec qui elle nouera une belle complicité humaine et littéraire bien que leurs points de vue sur le monde s’opposent parfois.

Dans Mémoires d’outre-mer, Michaël Ferrier part de l’histoire de son propre grand-père, enterré à Mahajanga où il était arrivé en 1922 avec le Cirque Bartolini dans lequel il était acrobate. Il va y passer un demi-siècle pendant lequel l’écrivain en profite pour jongler, comme un artiste de cirque lui aussi, avec quelques éléments d’information sur Madagascar, l’océan Indien et les circonstances historiques qui pèsent sur la région. On y apprendra bien des choses sur le Projet Madagascar, par exemple, ou sur la résistance qui s’organise du côté de Mahajanga pendant la Seconde Guerre mondiale. Surtout, on suit la trajectoire sautillante d’un homme dont la vie était un roman – il suffisait de l’écrire, c’est fait et avec talent.

Demain, l'entretien avec Douna Loup.

August 17, 2012

Madagascar dans la rentrée littéraire

En fouinant dans la masse des romans de la rentrée, il faut bien qu’on tombe sur quelques mentions de Madagascar, même si aucun livre, apparemment, n’est centré sur la Grande Île. Apparemment, car nous n’avons survolé qu’un quart des ouvrages annoncés, et quelque chose a pu nous échapper.
Mais pas Peste & Choléra (Seuil), où Patrick Deville raconte la vie d’Alexandre Yersin, découvreur du bacille de la peste en 1894 à Hong Kong, alors qu’il était attaché à l’Institut Pasteur et qui, ensuite, passe un peu de temps à Madagascar. On lui a demandé de « partir aussitôt que possible pour Diego-Suarez étudier le microbe des fièvres bilieuses ». Il y a quelques jours, Patrick Deville évoquait pour nous, par téléphone, ce bref épisode (un peu plus d’une page) qu’il juge révélateur du bonhomme : « En fait, c’est un moment assez intéressant dans sa vie. Yersin, c’est l’exemple même du type qui très vite en a marre. Après Hong Kong, on a l’impression qu’il fait ça pour faire plaisir aux pasteuriens et qu’ils arrêtent de l’emmerder. Alors que c’est immense : il est le premier homme à faire l’étiologie de la peste, qui n’est pas rien. Et, donc, à ce moment-là, il ne rentre même pas en Europe, il envoie des bacilles dans des fioles et il écrit même à Roux et à Calmette, c’est dans le livre : je pense que vous arriverez bien à vous démerder avec ça. Il n’a pas du tout envie de continuer et on l’envoie en mission à Madagascar où il va en traînant les pieds. Il prétend que ça n’a pas d’intérêt, qu’il n’y a rien, que ce n’est certainement pas de la fièvre bilieuse, etc. En fait, il détourne complètement sa mission scientifique et bactériologique et il s’intéresse beaucoup plus, à Madagascar, à l’agriculture et à l’arboriculture. Il prépare sa prochaine carrière… »
Madagascar, c’est une flore exceptionnelle. La vanille chez Franck Andriat (Bart chez les Flamands, Grand miroir) : « mirabelles flambées au rhum et vanille de Madagascar ». La vanille aussi, malgré le titre, chez Olivier Bouillère (Le poivre, P.O.L.), où se développent des projets de vanille soluble : « Elle est heureuse pour Grégory s’il aime son succès, s’il peut continuer à passer du temps à Madagascar qu’il a toujours adoré et ça semble être le cas, avec une femme qui soit pour lui. »
Un autre produit de l’agriculture est à l’honneur pour Régis de Sa Moreira (La vie, Au diable vauvert), mais sur un marché où la narratrice achète des haricots, des concombres, des figues et des petits fruits succulents : « Ça s’appelle des lychees. Je n’en ai pas remangé depuis mon séjour à Madagascar. »
Et les vertus des plantes médicinales ont leur réputation dans La véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment, de Francis Dannemark (Laffont), où Muriel, endocrinologue, n’est pas de bonne humeur : « Je ne sais pas ce qui m’a énervée le plus aujourd’hui, dit-elle, les patients qui ne viennent pas sans prévenir, ceux qui viennent mais pour me demander si on peut se procurer ici un mélange de plantes malgaches et magiques qui fait perdre dix kilos en une semaine ».
Quelques personnages de Malgaches passent par là. Pendant la Seconde guerre mondiale : les bataillons de soldats français venus d’Afrique, en première ligne, sont décimés. Morts, blessés et prisonniers : « Les nègres, les Malgaches et les Indochinois y sont les plus nombreux. » (Tierno Monénembo, Le terroriste noir, Seuil.)
Ou à travers la gentillesse d’une femme qui « laissait passer les bouteilles » dans Escalier F, de Jeanne Cordelier (Phébus) : « Derrière la vitre une négresse, comme dit Andrée, tout habillée de blanc, nous a ouvert. On se connaissait toutes les deux, elle était de Madagascar ».
Il est question de relation conjugale chez Lorenzo Cecchi (Nature morte aux papillons, Castor astral). Il attribue à Dresler, personnage secondaire, une « “vie sentimentale difficile” qu’il mène avec sa jeune Malgache, récemment épousée via une agence matrimoniale spécialisée en compagnes fidèles, aimantes et dans la misère noire ; qui, naturellement, est folle de lui… »
Et d’enseignants chez Maryse Condé, dans La vie sans fards (Lattès), où son parcours personnel d’enseignante expatriée la fait participer à une réunion de professeurs organisée au collège de Bellevue, en Guinée : « C’était tous des “expatriés”. On comptait un fort contingent de Français communistes, des réfugiés politiques de l’Afrique subsaharienne ou du Maghreb et deux Malgaches. » Maryse Condé évoque aussi, brièvement un épisode de l’Histoire du Maroc, « l’exil du sultan en Corse, puis à Madagascar ».
Dans Avancer (Gallimard), Marie Pourchet fait bouger la géographie sur une carte de « l’empire colonial » revue et corrigée par un personnage appelé le Petit : « La Corse dépend toujours, il ne faut pas exagérer, mais de beaucoup plus loin, en devenant Madagascar. Certes le trait est imprécis, les distances bizarrement transposées, il y a moins d’angles, et la France en Afrique a des proportions napoléoniennes. »
On trouve un peu de politique encore chez Charly Delwart (City Park, Seuil) qui raconte, sous un autre nom (le Kamcha du Nord), la Corée du Nord depuis que le petit pays au régime autoritaire s’est détaché de son voisin du Sud. A la capitale duquel, Séoul, les Jeux olympiques ont été attribués en 1988, provoquant évidemment le boycott du Nord et de quelques alliés : « boycotter les jeux Olympiques de Sagisan […] n’a eu aucun effet même si par solidarité, Cuba, l’Éthiopie et le Nicaragua n’ont pas fait le voyage. D’autres délégations non plus, Madagascar, l’Albanie, les Seychelles, mais pour des raisons qui restent obscures ».

(Article paru aujourd'hui dans Les Nouvelles.)