Showing posts with label Johary Ravaloson. Show all posts
Showing posts with label Johary Ravaloson. Show all posts

December 18, 2019

Quatre écrivains malgaches vus par Jean-Louis Cornille

Après Le murmure des îles indociles, Jean-Louis Cornille donne, aux mêmes Éditions Passage(s), un nouvel ouvrage dont le sujet nous touche de près : Lémures, sous-titré Hantologie de la littérature malgache en français. Hantologie, une coquille ? Que nenni ! Pour l’auteur, les écrivains étudiés dans son essai sont littéralement hantés par la littérature française – ou traduite en français. Qu’ils s’en imprègnent comme Rabemananjara ou Rabearivelo, qu’ils la bousculent comme Raharimanana, qu’ils la tiennent à distance comme Ravaloson, elle est le point de repère constant.
Le livre s’ouvre sur la Lucarne de Raharimanana, son premier recueil de nouvelles (mot que Cornille place, à juste titre, entre guillemets, tant l’imprégnation poétique est forte), on reviendra au même écrivain avec, précisément, Revenir (comme Ulysse), avant la « So(r)tie » et après avoir traversé les vers de Rabemanjara, les romans de Rabearivelo, les nuits de Ravaloson.
Le choix est (volontairement) restreint, l’essayiste a malgré tout fait du chemin depuis son livre précédent, il y a deux ans – il reconnaît volontiers ici qu’il lui restait, à l’époque, beaucoup de lectures à découvrir et il s’est bien rattrapé. Mais les cinq chapitres sont fouillés, bourrés de références extérieures (l’inflation de celles-ci est un passage obligé, probablement, pour un universitaire) parfois tordues avec enthousiasme pour coller au propos. C’est très conscient : « Nous sommes tantôt le chien qui ne lâche pas son os, tantôt le pou qui s’incruste sous le poil de la bête. » Pareille justification fait pardonner ce qui semble quand même, de temps à autre, une entreprise de brouillage plutôt que d’élucidation.
Superposer une nouvelle de Le Clézio à une autre de Raveloson, est-ce encore lire celle de l’écrivain malgache ? Poser la question n’est pas y répondre, d’autant moins que les liens créés avec d’autres œuvres révèlent un goût très sûr dans les choix littéraires. Cette nouvelle de Le Clézio, par exemple, « Villa Aurore », tirée de La ronde et autres faits divers est lumineuse et puissante. La fréquentation des chiens « féraux » par Jean Rolin a donné le splendide Un chien mort après lui. Du coup, voici de belles pistes ouvertes pour les lecteurs et lectrices désireux d’élargir leurs horizons.
Et puis, ce que l’essai pourrait avoir de lourdeur universitaire est compensé par de belles éclaircies dont Jean-Louis Cornille pourrait prendre conscience afin de donner, un jour peut-être, une étude plus dégagée des contraintes, dans le genre de ces lignes (on aurait pu en citer d’autres) : « Les livres, qui ne s’écrivent jamais seul, se parlent par-dessus nos têtes, conversent à notre insu, tels des fantômes : nul n’est à l’abri de leurs visitations. Un texte s’avère toujours plus intelligent que celui qui s’en proclame l’auteur et qui ne fait en réalité souvent qu’en accompagner le dire secret. »

February 5, 2016

Johary Ravaloson court et fait courir

Je cherche dans ma bibliothèque, et malheureusement ne retrouve pas, La Porte du Sud, la nouvelle publiée par Johary Ravaloson il y a une douzaine d'années, qui avait reçu le Prix de la nouvelle de l'Océan Indien. Je reprends donc ce que j'en écrivais à un moment où je l'avais sous les yeux.
Il y relate une course de dahalo (des voleurs de zébus) dans le sud de Madagascar, sur le plateau pelé de l'Horombe. Il s'agit presque, comme on le sait, d'un sport traditionnel qui n'exclut pas pour autant la violence, surtout quand il s'agit de s'emparer d'un troupeau et pas seulement de quelques têtes de bétail.
Avec ses complices, le narrateur remonte vers le nord, ils poussent les bêtes devant eux dans la poussière, formant un convoi furieux sous la menace des gendarmes à leur poursuite avec des hélicoptères. S'ils arrivent à La Porte du Sud, ils pourront entrer dans le massif de l'Isalo et décourager les poursuivants avant d'aller vendre leur cheptel au marché d'Ambalavao.
Le récit est nerveux, entrecoupé de cris pour encourager les zébus à avancer, de pauses pour avaler du riz salé et de la viande boucanée, et aussitôt ça repart, avec cette impression de vitesse qui affole et disperse le regard.
On retrouve, dans Vol à vif, les mêmes dahalo poussant les mêmes zébus volés à travers les mêmes paysages et dans la même direction, poursuivis par des gendarmes qui sont les mêmes aussi, ou d'autres, mais alors très semblables. Les qualités déjà signalées à propos de la nouvelle se retrouvent dans le roman qui en est, d'une certaine manière, une amplification plutôt qu'une redite.
Il fallait bien, pour aborder de nouveau un sujet dont l'actualité souvent tragique de Madagascar nous fournit des éléments épars que l'observateur moyen ne parvient pas à relier les uns aux autres dans une image globale, inscrire les gestes des voleurs dans une geste épique appartenant elle-même à un environnement social particulier à la région, à l'ethnie bara et à ses coutumes, aux dérives d'un monde qui semble tourner follement sur lui-même jusqu'à risquer l'écroulement par implosion non maîtrisée...
Un oiseau plane au-dessus de destins courant à perdre haleine vers des points de convergence auxquels les rencontres sont des chocs imprévisibles, surtout pour les personnages - car le lecteur, lui, en a anticipé au moins un. La violence appartient au quotidien de ces hommes qui auraient pu connaître d'autres vies si les circonstances en avaient décidé autrement. Mais le romanesque est, parfois, si proche du réel...
Je voudrais signaler une intéressante particularité dans la façon qu'a Johary Ravaloson d'écrire les noms malgaches. Il en fait une approximative transcription phonétique qui gêne un peu l’œil du lecteur habitué à rencontrer ces noms dans leur orthographe d'origine mais qui, probablement, aidera celui qui y est moins accoutumé à les "entendre", serait-ce mentalement, dans la proximité de l'élocution. Quelques exemples: Ihosy devient Yous, l'Isalo, Yshal, les Bara, les Baar, etc.
Voici en tout cas un roman profondément imprégné des traditions transmises, en même temps que les légendes qui les accompagnent, depuis des générations, et pourtant d'une brûlante contemporanéité. Il ne se contente pas de nous emporter dans sa course, il nous aide à comprendre ce monde singulier.

Le roman de Johary Ravaloson est présenté par son auteur ce samedi 6 février à 10 heures à l'Institut Français de Madagascar, Antananarivo.

April 7, 2011

Johary Ravaloson, récompensé et démultiplié

Deux éditeurs pour un premier roman, Géotropiques, et maintenant un prix littéraire, celui de La Réunion des Livres, catégorie roman.
Johary Ravaloson a peut-être mis du temps avant de trouver une place visible en librairie. Il y a combien d'années, déjà, cette conversation chez Jean-Luc Raharimanana, en banlieue parisienne, où nous parlions précisément de la manière dont cela arriverait? Jean-Luc et moi, Johary non plus probablement, n'envisagions que ce serait si long.
Mais l'écrivain s'est accroché et il est maintenant bien présent dans le paysage éditorial, à travers ses publications chez Dodo vole mais aussi ailleurs.

C'est chez Publie.net, coopérative d'auteurs pour la littérature numérique, que sort (sous forme de livre électronique, donc) Antananarivo, ainsi les jours, recueil de six textes que l'on peut appeler, au choix, chroniques ou nouvelles, ancrés dans le quotidien d'une capitale dont les habitants sont soumis à rude épreuve depuis plus de deux ans. (Ne parlons que d'une époque récente.)
Parues pour la plupart ici ou là, dans des ouvrages collectifs ou des revues, ces pages écrites à vif font entendre des voix souvent peu audibles, précieux éclats arrachés au jour ou à la nuit, moments situés avec précision dans le calendrier d'une crise ou posés à n'importe quel endroit de l'écoulement du temps.
Une ville vit et meurt à chaque instant, prise au piège de ses contradictions et des jeux de pouvoir qui en ponctuent l'histoire...

Détaché de ce recueil, remis en page et complété, à l'usage des adolescents, de références haïtiennes, D'Antananarivo à Fierté Haïti fait le pont entre deux îles. Ce pont a été et est encore une source d'enrichissement pour Johary qui m'expliquait, il y a quelques jours (et devant un fond de calvados, on est multiculturel ou on ne l'est pas) combien la littérature haïtienne l'avait porté au-delà des rivages dont Andrianampoinimerina avait fait les frontières de son royaume. Ce qui correspondait à une extension autant qu'à une fermeture.
Nous sommes au contraire ici, avec ce bref récit, dans l'ouverture. Audace (?) bienvenue pour faire savoir au monde qui sont aujourd'hui les Malgaches, et aux Malgaches ce qu'est le monde...

January 13, 2011

Trois questions à Johary Ravaloson

Depuis le mois de novembre qu'il est paru, ou plutôt depuis le mois de décembre où je l'ai lu, je me promets de parler en détail du premier roman de Johary Ravaloson, Géotropiques. J'aurais voulu expliquer en détail ce qui m'y attache et les faiblesses que j'y trouve. Mais le temps me manque et, plutôt que d'attendre de le trouver, je publie les réponses que Johary a faites aux trois questions que j'avais posées à plusieurs écrivains de la rentrée littéraire (pour Le journal d'un lecteur).
Je signale aussi que l'édition dont je montre la couverture n'est pas disponible à Madagascar, où Dodo vole a publié le même livre dans une autre présentation, et où on le trouve donc en librairie.

Vous publiez, dans cette rentrée littéraire, Géotropiques. En même temps que 700 autres romans. Cette abondance ne vous effraie-t-elle pas?

Ces 700 ne sont rien au regard des rayons des bibliothèques que je fréquente. Ce qui m'effraie parfois c'est ma prétention à me faire une place dans cet univers en perpétuelle extension (sûrement fourmillant de tombes et d'autres rebuts).
Il y a quelques années quand j'ai annoncé à mon directeur de thèse que je ne ferais pas long feu dans la recherche et l'enseignement pour me consacrer à l'écriture, elle – c'est une grande dame du droit international, rigoureuse et généreuse à souhait - m'a demandé si j'estimais réellement avoir quelque chose à dire au monde. Je n'avais jamais réfléchi sérieusement à la question de la littérature sous cet angle. J'ai toujours aimé lire et, tout jeune, vers neuf/dix ans, je me disais que j'allais écrire aussi mes livres. C'était en même temps des copies, les 4 amis au lieu des Club des 5, des aventures avec des Dahalo, voleurs de zébus, au lieu des contrebandiers dans la Méditerranée, cependant le sentiment que mes histoires n'avaient jamais été écrites m'animait déjà. Par la suite, c'était devenu une conviction. J'écris à la marge de la périphérie. Et c'est peut-être ma chance! Quand j'ai connu la littérature des fils d'Afrique, de Harlem, de Haïti ou d'autres banlieues de la terre (Sony Labou Tansi, Kourouma, Chester Himes, J.E. Wideman, Glissant, Chamoiseau, Marie Vieux-Chauvet, Dany Laferrière, Marie N'Diaye, Rushdie, Naipaul, Kureishi, etc., il y en a plus de 700), la question du comment m'absorbait déjà davantage. Car il me semble finalement que c'est toujours la même histoire: moi et «la» femme, moi et mon rapport au monde!
Quant au pourquoi, c'est le plaisir pour dire vite. L'acceptation de soi que permet l'écriture. Puis ma culture malgache m'a aidé à répondre au reste. Je veux devenir ancêtre, l'ancienne solution d'être au monde, m'accrocher à la paroi pour ne pas disparaître trop vite. Parfois, comme dans Géotropiques, je réponds (j'espère correspondre) à certains auteurs que j'aime bien, une sorte de reconnaissance de dettes puisque c'est la lecture qui m'a amené à l'écriture. Et là, ce n'est plus une prétention mais un sentiment d'appartenance à une grande famille, même si je me perçois comme le vilain petit canard.

Quel a été le point de départ de votre roman? Une idée, une phrase, une image, que sais-je...?

Géotropiques est mon premier roman publié. J'en ai écrit auparavant deux autres avec des thèmes bien précis, des trames romanesques très élaborées - j'apprenais à écrire -, ils n'ont pas été publiés! Pour celui-ci, je ne voulais d'aucune règle - j'aspirais à devenir écrivain dégagé - et ne désirais parler que de ce qui m'intéressait (ce que j'aime et ce qui me fait peur).
Du surf, du sexe et de la mort. Rien que ça. A la fin de la première journée d’écriture, dans le premier chapitre initial (devenu premier chapitre de la deuxième partie), les personnages ont fait l’amour trois fois et assisté à un meurtre d'une violence préhistorique, j’étais très content de moi. Pour corser, j'ai ajouté un troisième personnage. Un autre homme derrière la femme. Puis des vagues. Quelques jours plus tard, un ami a trouvé la mort au Pic du Diable, un spot du sud de La Réunion que je fréquentais également tous les jours. Le requin-marteau qui a emporté le bras de Sébastien aurait pu emporter le mien, l'océan Indien en quelques minutes aurait absorbé tout mon sang. C’était la fermeture du Pic (titre initial). Alors un premier pourquoi a entraîné d'autres questions: qu'est-ce que je fais là à lambiner sur une planche? Le sens de tout ce cirque qu'est la vie, le bonheur, la recherche du bonheur si loin de chez soi pour un immigré comme moi, l'identité et le rapport à l'autre, la raison des attractions, du déplacement, le géotropisme!
Le sexe était devenu accessoire. Je parle, bien sûr, pour le livre. Demeurent néanmoins les questions. Par ailleurs, la façon dont Djian louange Bret Easton Ellis (très moderne, certes) ou Houellebecq, des auteurs qui jouent beaucoup sur le sexe, m’horripilait. Je voulais réagir. Tout le texte en effet on peut le voir comme une réaction (un tropisme). Sans vergogne.

Avez-vous été, dans votre travail, influencé par d'autres écrivains? Ou par d'autres artistes?

Bien sûr! Même si je ne peux pas rendre compte de tout ce qui a nourri mon écriture. Au départ, je me suis mis à l’ombre de Brautigan et me suis mis à parler fort sans que je m’en rende compte. D'autres auteurs que j'aime bien surgissent également dans le texte. Je peux citer au moins Laferrière pour la liberté de ton. Je dois évoquer également l'école de peinture impressionniste pour la façon dont j'ai livré Géotropiques. Je voulais éviter la chronologie et la description psychologique (évidemment, on ne peut pas s'en dégager tout à fait): j'avançais touche par touche pour dépeindre la vie et les rencontres des personnages, et vague par vague, mes idées - des vagues métaphoriques, le surf demeurant finalement la figure, le trope du roman. Géotropiques évoque en effet les attractions autrefois improbables ou réprouvées, devenues nécessaires sinon obligatoires à notre époque caractérisée par l'intégration globale, la vitesse et l'individuation... un monde de surfeurs.

September 2, 2010

Zafimaniry un jour, Zafimaniry toujours


Sophie Bazin et Johary Ravaloson semblent n'en avoir pas fini avec les Zafimaniry, auxquels ils avaient déjà consacré un beau livre, Zafimaniry intime. Cet ouvrage était bilingue. Ils font mieux aujourd'hui avec un livre trilingue: Zahay Zafimaniry / Nous, Zafimaniry / We; Zafimaniry. Il est vrai qu'il n'y avait pas trop de texte à traduire: une dizaine de lignes, produites lors d'un atelier d'écriture à Antoetra. Elles sont évidentes comme lorsqu'un travail aboutit à la simplicité de dire.
Je ne comparerai pas cette simplicité à la complexité du travail artistique des Zafimaniry. Le registre de ceux-ci est évidemment très différent, dans le détail des nervures, des volutes et des symboles gravés sur le bois. On retrouve ce détail dans les photos de Sophie Bazin. Une œuvre face à une scène de vie ou un paysage - ce qui est un peu la même chose, le paysage étant façonné par l'homme. Et on y entre par une fenêtre, seul le centre de l'image étant visible d'un côté, comme le montre cette double page:


Le cache bascule, on passe de la vie au travail, du travail à la vie, sur du carton épais comme dans un livre pour enfants. "Ce livre est moins lourd qu'une chaise", nous dit-on. Et presque aussi beau.
Il est disponible dans les principales librairies de Tana. A l'étranger, si vous ne le trouvez pas, vous pouvez toujours le commander ici. (Et c'est sur cette page que j'ai trouvé la vidéo.)




January 27, 2010

Le patrimoine au menu du Café de la Gare, vendredi


Vendredi 29 janvier de 17h30 à 19h30 au Café de la gare, Soarano (Antananarivo)
Le café littéraire vous invite à partager vos réflexions autour de la question suivante:
Faut-il défendre le patrimoine?
avec:
Serge Rodin: universitaire, responsable du parcours médiation culturelle, écrivain
Désiré Razafindrazaka: psycho-sociologue, Président de l'association des amis du patrimoine de madagascar (apm), Président du festival Madajazzcar
Johary Ravaloson: Chercheur, écrivain, juriste
animé par
Isabelle Motchane-Brun:
Directrice déléguée au journal l'Express
Michèle Rakotoson: , écrivain, rédactrice en chef du Magazine Challenger

August 20, 2009

Le prix du livre insulaire à "Zafimaniry intime"


Le quotidien Les Nouvelles annonce la... bonne nouvelle ce matin: dans la catégorie poésie, le Prix du livre insulaire a été attribué hier à Zafimaniry intime, l'ouvrage de Sophie Bazin et Johary Ravaloson dont il a déjà été question ici, en octobre 2008 et en juillet dernier.
La qualité des textes, des photographies et de la réalisation valait bien une telle récompense.
Et je me réjouis avec les lauréats de cette consécration.

July 30, 2009

Zafimaniry intime : deux vidéos

Je vous avais parlé, l'an dernier, de la rencontre au CCAC avec Johary Ravaloson à propos du livre qu'il avait écrit avec Sophie Bazin, Zafimaniry intime. Ces deux-là ont beau être quasiment mes voisins, ils ne sont pas du genre à se la jouer vedettes. La preuve: ils ne m'avaient rien dit (ou alors, en extrême fin de soirée, et je ne m'en souviens pas) de l'existence de deux vidéos en rapport direct avec ce livre. Et qui, pour autant que je puisse en juger (j'ai vu seulement cinq minutes de l'une d'entre elles - ah! les connexions!), sont réalisées avec goût. Bien qu'elles ne soient pas nouvelles, je vous les signale quand même.
La première, Antananarivo-Antoetra, est filmée sur le terrain (11'39'').
Retour à Antoetra, capitale du pays zafimaniry, pour y présenter le carnet de voyage "Zafimaniry intime / Zaho zafimaniry" produit de dix années de rencontres entre ces sculpteurs et les auteurs. L'occasion de pénétrer à l'intérieur des fameuses et bientôt rares maisons de bois qui ont valu aux Zafimaniry leur classement comme patrimoine immatériel de l'humanité.
La seconde, Zafimaniry intime: L'interview, est construite à partir de la rencontre au CCAC (et, désolé, j'y joue le rôle de l'animateur).
Johary Ravaloson est interviewé par le journaliste littéraire Pierre Maury pour le livre bilingue "Zafimaniry intime / Zaho zafimaniry", dans le cadre du forum littéraire au CCAC de Tananarive. L'interview est ponctuée d'incursions chez les Zafimaniry, ces sculpteurs au savoir-faire reconnu comme patrimoine culturel immatériel par l'Unesco. Johary Ravaloson explique pourquoi il se considère comme un écrivain dégagé.
A voir sans modération...




March 24, 2009

Trois nouveautés en librairie

Belle moisson, après une semaine pendant laquelle je n'avais pas eu l'occasion de faire ma récolte...

Je commence avec la littérature, vous connaissez mes goûts.
Dominique Ranaivoson édite, trois ans après les Chroniques de Madagascar, où douze auteurs étaient présents avec chacun une nouvelle, un nouvel ouvrage dans la même veine: Nouvelles chroniques de Madagascar ne rassemble cette fois que quatre écrivains,mais leur laisse davantage d'espace.
Au sommaire:
Hery Mahavanona. Au nom du père
Johary Ravaloson. Antananarivo, ainsi pendant les jours pluvieux. Chroniques de vies ordinaire
Désiré Razafinjato. Tahiry. De Madagascar au djebel algérien, l'amère-patrie
Cyprienne Toazara. Doublement un
Et voici la présentation de l'éditeur:
À la suite des 12 nouvelles des "Chroniques de Madagascar", ces quatre récits sont à mi-chemin entre le roman, le conte et la nouvelle. Dans la ville d’Antananarivo, les villages tsimihety de l’Ouest et en Algérie, ils mettent en scène des personnages à la vie à la fois ordinaire et fascinante. Le lecteur accompagnera paysans, citadins et soldats dans leurs dilemmes et leurs découvertes grâce à des écritures qui mêlent habilement le rêve et la réalité. Loin des caricatures exotiques, ces textes malgaches attestent du dynamisme d’une langue française résonnant de multiples échos.

Dans un autre registre qui m'est cher, celui des textes anciens sur Madagascar (même s'il s'agit plutôt ici de l'Océan Indien), voici les recherches historiques du Dr Honoré Lacaze sur L'Ile Bourbon. L'Ile de France et Madagascar. L'auteur ne vous est pas inconnu si vous suivez les productions de la Bibliothèque malgache puisque j'ai déjà réédité, sous forme de livre électronique gratuit, ses Souvenirs de Madagascar, publiés en 1881, soit un an après cet ouvrage.
L'éditeur moderne le présente ainsi:
La collection «Introuvables de l’Océan Indien» se propose de restituer, sous une forme commentée, des ouvrages qui n’ont jamais été réédités, de grand intérêt historique ou littéraire.
Ce livre est à la fois un recueil de documents, et un document en lui-même.
En l’écrivant, son auteur, le Dr Lacaze, père du futur amiral, a d’abord voulu faire le point sur ce qu’on savait de l’histoire de La Réunion, à son époque: il déroule le récit et l’émaille de nombreuses citations d’auteurs anciens, ce qui en fait une précieuse compilation sur La Réunion, au début de sa colonisation, et sur sa colonie-mère, Madagascar.
Puis Lacaze arrive à la période dans laquelle il vivait, et l’ouvrage historique se transforme en document économique, social, voire politique. En effet, dans les années 1880, La Réunion est plongée dans une crise dont on ne sait pas à quel point elle sera longue et terrible. Misère, famine, maladies se conjuguent pour écraser la population. Lacaze observe, analyse, commente, avec un regard certes un peu conservateur, mais avant tout profondément scientifique.
Autant d’éléments qui font de cet ouvrage, jamais réédité, un atout précieux dans la connaissance de La Réunion.
L’auteur, né à Saint-Pierre, médecin, avait 64 ans quand il a publié cet ouvrage. Il est par la suite parti gérer une léproserie aux Antilles, où il serait mort, à une date inconnue, après avoir signé différents autres livres à caractère documentaire ou scientifique.
Cette réédition est précédée d’une présentation de l’auteur, de son œuvre et du contexte historique de celle-ci, et accompagnée de nombreuses notes.
Directeur de collection, auteur de la préface : Daniel Vaxelaire.

Enfin, troisième ouvrage pour aujourd'hui, Les cinémas de Madagascar (1937-2007), de Karine Blanchon.
Karine Blanchon est docteur en Lettres, diplômée de l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) à Paris. Elle travaille sur les cinémas de l'océan Indien occidental.

Ce livre dresse un panorama inédit de la richesse et de la diversité de la céation cinématographique et audiovisuelle à Madagascar. Dans un contexte de production souvent difficile, ces films relaient les espoirs et les doutes d'une société tiraillée entre son attachement profond à l'héritage traditionnel et sa volonté de s'intégrer à la mondialisation. La mise en lumière de ce patrimoine méconnu pose aussi la question de la représentation de soi et de l'autre et propose une réflexion sur l'importance de l'image dans l'expression de la culture malgache contemporaine.

October 12, 2008

Johary Ravaloson au forum littéraire du CCAC

Hier, Johary Ravaloson se prêtait au jeu des questions et des réponses dans la cadre d'un forum littéraire au CCAC.
Avant de l'interroger, et comme c'est la coutume, j'ai tracé de lui un petit portrait (subjectif et incomplet).
Je vous en livre le texte tel quel, amputé seulement des quelques lignes qui, au début, avaient pour fonction de faire sourire le public.

Regardez bien Johary Ravaloson. Parce que, si vous le croisez en ville un jour de semaine, vous risquez de ne pas le reconnaître. Il ne sera pas habillé de la même manière. Le costard-cravate est de mise dans le milieu juridique où il travaille – je dois dire qu’il endosse cet habit de circonstance avec une élégance certaine. Johary est docteur en droit – mais tous les chemins mènent à l’art, à la littérature… et au pays Zafimaniry.
Il est né à Tana – j’allais dire tout bêtement – en 1965. Il s’est posé en France dans les années 80, puis à la Réunion à la fin du siècle dernier – si, si, on peut le dire ainsi. Entre-temps, il avait rencontré Sophie Bazin, le genre de rencontre qui change la vie et lui donne une nouvelle orientation.
Nouvelle orientation géographique, puisque le retour dans l’Océan Indien n’était qu’un prélude au retour à Madagascar, décidé cette année.
Nouvelle orientation artistique aussi, parce que le travail de l’un allait nourrir le travail de l’autre, à moins que ce soit le contraire – en tout cas, bien des entreprises ont été menées ensemble, y compris le livre qui est le prétexte à la rencontre d’aujourd’hui : Sophie a accompagné Johary sur les sentiers du pays Zafimaniry et a pris les photos qui illustrent l’ouvrage.
Et nouvelle orientation dans la vie privée, sur laquelle je ne m’étendrai pas, sinon pour dire que, quand Johary rentre chez lui, avant même d’enlever sa cravate et son costard, il devient mari et père, un rôle qui lui va bien si j’en juge d’après les réactions de Félix et Zoé l’autre soir.
La sphère privée n’étant pas le sujet de ce forum, j’en reviens à la partie visible de la vie de notre invité. Elle impressionne. La première fois que je l’ai rencontré, il y a cinq ans, il avait investi Tana avec Sophie et quelques autres complices. Rebaptisé TsyKanto sy Tsimaninona, le couple avait réalisé expositions, performances et installations à l’espace Rarihasina et au CCAC, dans la galerie du regretté Richard Razafindrakoto, les balais avaient dansé dans l’ancien tribunal, près du Rova, au rythme des percussions de Ricky… J’en oublie. Paradoxalement, parce Johary et Sophie aiment utiliser les négations pour mieux affirmer, l’ensemble de la manifestation s’appelait « Padar à Tana » - Padar en un mot, mais on voit ce que voulait dire, par l’action, TsyKanto sy Tsimaninona.
Le couple utilise d’autres noms : ils sont aussi Arius et Mary Batiskaf. Leur maison d’édition, dans laquelle ils publient notamment des livres pour enfants – et Zafimaniry intime – s’appelle Dodo vole. On voit combien les mots sont importants dans cette démarche.
Forcément : Johary Ravaloson s’exprime aussi (j’ai envie de dire : surtout, mais ce ne serait que l’expression de mon propre intérêt), s’exprime donc aussi par la littérature.
En 2003, il a publié La porte du sud, prix de la nouvelle de l’Océan Indien. Il y relate une course de dahalo (des voleurs de zébus) dans le sud de Madagascar, sur le plateau pelé de l'Horombe. Il s'agit presque, comme on le sait, d'un sport traditionnel qui n'exclut pas pour autant la violence, surtout quand il s'agit de s'emparer d'un troupeau et pas seulement de quelques têtes de bétail.
Avec ses complices, le narrateur remonte vers le nord, ils poussent les bêtes devant eux dans la poussière, formant un convoi furieux sous la menace des gendarmes à leur poursuite avec des hélicoptères. S'ils arrivent à La porte du sud, ils pourront entrer dans le massif de l'Isalo et décourager les poursuivants avant d'aller vendre leur cheptel au marché d'Ambalavao.
Le récit est nerveux, entrecoupé de cris pour encourager les zébus à avancer, de pauses pour avaler du riz salé et de la viande boucanée, et aussitôt ça repart, avec cette impression de vitesse qui affole et disperse le regard.
C’était un coup d’essai très prometteur. Pas vraiment un coup d’essai, d’ailleurs, puisqu’il avait été précédé, en 1996, du Prix du Centre régional des œuvres universitaires, à Paris, pour une autre nouvelle, Heurt-terres et frappe-cornes
Johary ne pouvait pas en rester là. La voie du roman s’ouvrait devant lui, avec l’exigence que représente la distance du genre, la nécessité d'une construction, l'importance des personnages...
Mais voilà. Il semble capable de tout, cet écrivain-plasticien-vidéaste: il écrit Les larmes d'Ietsé, présente le texte au jury qui l'a déjà couronné pour sa nouvelle, et, en 2005, décroche un nouveau Grand prix de l'Océan Indien. La même année, il reçoit aussi le prix Williams Sassine en Belgique, pour une nouvelle qui sera publiée dans un recueil collectif.
Collectif est un mot qui lui va bien, on l'a compris avec "Padar à Tana". C'est donc tout naturellement qu'il trouve sa place dans le recueil où Dominique Ranaivoson publie, il y a deux ans, douze écrivains malgaches sous le titre Chroniques de Madagascar - elle était venue nous le présenter ici.
En ce qui concerne le roman, on en attend encore la publication. Mais un extrait en est paru cette année dans L'archipel des lettres. C'est le début. Je vous le lis:
Depuis quelque temps, Ietsé se réveillait alors que rien vraisemblablement n'aurait dû troubler ses nuits. Souvent, à ces moments, aucun grillon ne stridulait, aucun hibou, chat-huant ne hululait. Les chauves-souris semblaient avoir interrompu leurs volettements voraces et ne produisaient plus ce flap-flap caractéristique de leurs ailes sans poils battant l'air. Il n'y avait même pas de brise qui aurait froissé quelque peu les feuillages des arbres. Le bois habituellement craquetant dans la vieille maison se taisait. Aucun frottement ni agitation ne se percevait sous les draps du lit conjugal. A croire que le silence le tirait du sommeil.
Il y a un autre roman, aussi - au moins un -, Géotropique, je pense qu'on aura l'occasion d'en parler plus tard, ainsi que de bien d'autres écrits. Car je pressens qu'on n'en a pas fini avec Johary Ravaloson et qu'il nous réserve encore bien des surprises - de bonnes surprises.
Aujourd'hui, donc, il y a ce Zafimaniry intime, un récit de voyage, une approche lente qui prend son temps puisqu'avec Sophie il a pris dix ans pour connaître la région, l'art, les hommes et les femmes.
Je vais vous avouer une chose que je n'ai pas osé lui dire encore: ce livre, je croyais qu'il ne l'écrirait jamais. Ou du moins qu'il ne serait jamais terminé. Il m'en parlait depuis longtemps, mais j'avais l'impression que les séjours chez les Zafimaniry étaient devenus plus importants pour lui que l'ouvrage auquel il avait pensé. Je m'étais trompé, et je m'en réjouis.
D'autant que le livre est beau. Pas seulement à cause du texte. Pas seulement à cause des photos. Mais aussi parce que le choix du format, la mise en page, la typographie, tout y a été réalisé avec un goût très sûr.
En outre, et c'est la deuxième fois que cela nous arrive en peu de temps, après Madagascar 1947 de Raharimanana dont nous parlions ici même en septembre, il s'agit d'un ouvrage bilingue, en français et en malgache. Je crois très sincèrement qu'il faut féliciter notre invité pour les choix qu'il a effectués, pour nous avoir donné ce livre, pour avoir passé du temps à chercher... à chercher quoi, au fait?
Peut-être va-t-il nous le dire, et même nous dire aussi ce qu'il a trouvé.

May 6, 2008

Zafinamiry intime, un nouveau livre sur Madagascar


Les Editions Dodo vole de la Réunion viennent d'annoncer la sortie d'un ouvrage qui était très attendu: Zafinamiry intime. Johary Ravaloson et Sophie Bazin, fondateurs et animateurs de cette maison, en parlent sur leur blog:
Carnet de voyage associant texte bilingue français-malgache et photographies en noir et blanc, préfacé par Juliette Ratsimandrava, cet ouvrage voit le jour après dix années de rencontres entre les auteurs, Johary Ravaloson et Sophie Bazin, et les sculpteurs Zafimaniry, isolés sur les Hauts-plateaux malgaches, au savoir-faire reconnu par l'Unesco depuis 2003.
Proposant une incursion dans les questionnements liés à l'identité autant qu'un voyage dans le temps, ce livre sera présenté en avant-première au Salon du livre de Caen, sur le stand des Editions Dodo vole.
Pour nous joindre : dodovole@yahoo.fr

Quelques photos supplémentaires sont présentes sur la page consacrée à l'ouvrage.