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February 27, 2018

La mort d'Alain Jeanpierre

Un auteur de la Bibliothèque malgache vient de disparaître et la maison est bouleversée. Alain Jeanpierre est mort en France le 16 février, à 77 ans. Il était né près de Paris le 26 septembre 1940 et était installé à Madagascar depuis 1989. Dans sa retraite active à Toliara, la grande ville du sud-ouest, il terminait une maison qui reflétait son bon goût d’architecte sans diplôme et continuait à élargir son immense culture doublée d’une prodigieuse mémoire.

Son livre unique, Pochades, est composé de deux longues nouvelles dont la première, « Cyclone sec », se déroule – sans le dire explicitement – à Madagascar. Charles y arrive pour la première fois, en visite chez son ami Antoine. Il découvre les plaisirs du coup de foudre et les désagréments de ses conséquences.
La seconde, « Suzanne et ses vieillards », raconte sur un ton enjoué le vilain tour que montent des copains de bar afin de protéger la petite-fille de l’un d’eux, trop jeune pour être dévorée par un agent immobilier entreprenant.

Dans Roman vrac (Bibliothèque malgache pour l’édition numérique, No Comment pour l’édition papier), où Jean-Claude Mouyon (mort en 2011) faisait entrer ses plus proches amis dans sa belle galerie de personnages, Alain Jeanpierre y était l’Archi. Décrit avec la liberté que donne la fiction :

L’Archi, depuis quelques temps il a la barbe grisonnante, le menton inquiet et l’œil rigolard. La trilogie de l’existence. Il vient de nous faire le coup du papa cinquantaine. Alors il construit à tout va pour la descendance. Il échafaude volumes et plans avec baignoires à tous les étages, panneaux solaires et éoliennes, balcons aux quatre coins cardinaux, nurserie aérienne, salons et bibliothèques, bar central, cuisines extérieures et chambres amovibles. Il en est à son dixième cahier. En ce moment il attaque le ponton et le bateau qui va avec. L’Archi, si on le laisse faire il va nous chambouler la brousse. Nous mettre le lagon dans une bulle. Il faudrait le calmer, lui trouver une autre occupation tant qu’il n’a pas l’argent pour acheter son terrain. Putain de soleil.

April 1, 2015

Jean-Claude Mouyon, quatre (et une) fois

Au moment où no comment® éditions réédite, sur papier, Roman Vrac, premier roman de Jean-Claude Mouyon, la Bibliothèque malgache reprend en édition numérique les quatre fictions d'un écrivain pour qui le grand Sud de Madagascar était non seulement un lieu de vie mais aussi - et surtout - une source d'inspiration. Auteur de pièces de théâtre et radiophoniques, Jean-Claude Mouyon a été journaliste et s'est consacré à l’écriture dans le sud-ouest de Madagascar où il avait posé son sac. Il est mort le 22 décembre 2011.

Roman Vrac - Il faut les voir ces perdus de l’existence, Tai Be, l’Archi, LR, Caca Citron, le narrateur et tant d’autres… les voir pour croire en leur destinée au fin fond de nulle-part-sur-rien dans le sud squelettique de Madagascar. En prise directe avec le quotidien de leurs amis autochtones et la réalité abrupte d’un pays à la fois magique et désespérant. Une relation passionnelle. Ces trois courts romans réunis sous le titre générique de Roman Vrac, drôles, mordants, tragiques, reflètent les affres mais aussi les joies que connaissent les étrangers du monde entier. Et comme dit l'autre, si on n'est pas entrés dans l'histoire on reste becs et ongles bien ancrés dans la vie. Et qu'on se marre!

Beko ou La nuit du Grand Homme - Pratiqué dans les régions Sud de Madagascar, le beko est un chant polyphonique a capella généralement interprété par un groupe d’hommes, nommés sahiry, composé d’un récitant et de choristes. Perpétué depuis la nuit des temps par les ethnies du Grand Sud, le beko fait résonner sa litanie répétitive et gutturale durant les nuits où amis et famille du défunt sont réunis devant des feux et des bassines de rhum pour accompagner l’esprit du mort dans sa marche vers l’Est, là où vivent les ancêtres. Beko, le roman, n’est en rien une explication ethnologique du culte des ancêtres mais l’appropriation d’un fait social et culturel qui m’a permis de bâtir une fiction à partir de la structure rythmique et narrative d’une cérémonie revisitée en présence de ses acteurs : Grand Homme, le défunt ; les sahiry ; les vivants. Sur le thème d’une histoire policière inspirée d’un fait divers réel, Beko ou La nuit du Grand Homme se veut aussi un chant, une musique à la fois tendre et violente dédiée à l’extrême Sud de Madagascar et aux hommes libres qui y vivent, ceux qui souffrent mais ne pleurent jamais. (Jean-Claude Mouyon)

Carrefour - Carrefour est un livre bref, mais sa petite centaine de pages est bourrée de dynamite. Il se passe au cœur du cœur d'une ville dont le nom n'est pas donné (mais il est sur toutes les lèvres), c'est-à-dire près d'une gare routière, à la fin d'une route nationale que croise une rue plus locale grouillant de vie. Particulièrement ce jour-là, puisque s'y déroulent en même temps la préparation d'une campagne électorale et l'arrivée d'un reggaeman de réputation internationale. Jean-Claude Mouyon lâche les mots au rythme d'une mitrailleuse. Il multiplie les situations improbables. Et son humour fait mouche à chaque page. On sort de Carrefour essoufflé et heureux d'avoir vécu des moments inoubliables. Voici comment l'auteur présente lui-même son texte: Cette histoire je l'ai voulue joyeuse, jouissive, violente, excessive, habitée d'une tendre tristesse proche de la désespérance paradoxalement heureuse d'une population admirable. C'est l'histoire de la vie d'un carrefour sublime sans rond-point ni sens interdit où tout semble permis. Un carrefour fréquenté par des riverains exubérants qu'on n'invitera jamais à celui de l'Odéon ni au rond-point qui mène à l'Élysée. Mais là n'est pas le propos. Quoique… Ici aussi les personnages existent, le pays et les événements également mais ne comptez pas sur moi pour dénoncer qui que ce soit. Ainsi va la vie…

L'Antoine, idiot du Sud - Les trois courts textes qui constituent la trilogie de L’Antoine, idiot du Sud ont pour particularité d’être en apparence inachevés. Disons qu’ici l’auteur s’est amusé à jeter les bases de ce qui aurait pu constituer un seul roman, à jeter des fils et brouiller les pistes pour au final laisser le lecteur face à une œuvre abandonnée à son propre devenir. Un personnage et ses proches. Le Sud. Le quotidien. Trois ingrédients récurrents dans chacune de ces histoires qui sont autant de déclinaisons d’une idée romanesque reposant sur un unique socle. L’idée étant d’en avoir plusieurs et d’en proposer autant… Le concept aurait pu se dérouler à l’infini dans une série intitulée « Les aventures d’Antoine » mais trois longues nouvelles ou trois courts romans, au choix, c’est déjà bien suffisant, non ? Puisse la présence d’Antoine (dit l’idiot du Sud) tisser un lien de complicité avec ses lecteurs lesquels, je crois le savoir, ne sont avares ni de sens de l’humour ni de celui de gravité. Merci. Je vous laisse car Baba vient d’ouvrir. (L'auteur)

6,99 euros le volume
Beko ou La nuit du Grand Homme est disponible en édition papier dans toutes les bonnes librairies de Madagascar
BekoCarrefour et L'Antoine sont disponibles en édition papier, sur commande, chez Lulu

December 28, 2011

Jean-Claude Mouyon, vu par Ben Arès

Jean-Claude Mouyon est mort, dit-on, il y a quelques jours à La Réunion. Il est toujours bien sûr. Pour ceux qui le portent dans leur cœur. Au-delà de l’écriture, au-delà de l’écrivain quelque peu reconnu ici à Madagascar, injustement méconnu en dehors.
On oublie trop souvent qu’écrire est un travail sérieux. De chaque heure, chaque minute. On oublie bien souvent qu’écrire n’est pas de tout repos et qu’écrire ce n’est pas qu’écrire mais avant tout vivre, éponger et s’imprégner, être sur le fil, jouer avec les feux et les diables, courant parfois les risques de dérives ou de noyades, avant de jeter son dévolu sur le métier. L’écriture c’est la vie, l’homme et l’écrivain ne font qu’un : une idée qu’on ne pourrait prêter mieux qu’à ce type qui s’est efforcé de rester authentique, proche de ces êtres qu’il aimait, dont il parlait, qu’il faisait parler dans ses écrits. Et ce n’est pas peu de le souligner, dans un contexte économique, un pays, où les moyens de nourrir son homme, sa famille, sont loin d’être aisés.
Il est de bon ton de rappeler le rituel de ce travailleur. Il était debout chaque jour à trois heures du matin pour véritablement composer ses phrases, rythmées, et créer une histoire truffée toujours de rires, de rebondissements. Plus tard dans la matinée, il faisait son petit tour Chez Baba, son bar favori. Il s’attablait, prenait son verre d’Ambilobe, écoutait, regardait, prenait des notes, celles dont il pouvait se servir le lendemain bien avant le chant du coq. Il se plaisait à capter des bribes de conversation, un riff de tsapiky, les variations de tons, les intonations. Il cherchait la couleur, le tempo et tentait de saisir la mentalité, l’esprit autant que possible de ces gens du sud de l’île. Par-delà les mots, entre les mots jetés sur la page dans un flux à nul autre pareil. Il avait une haute estime pour l’Imprévisible, une soif absolue pour toute situation déjantée. Ce qui le captivait c’était le climat, l’ambiance, l’atmosphère, une situation prise sur le vif. Il ne manquait pas de dire « On n’est auteur que grâce à la vie, aux autres, à ceux qui nous entourent. » Il n’est possible aujourd’hui de trouver langue plus actuelle sur le contexte qui est celui du sud malgache. À cheval sans doute, entre deux cultures sans doute. Je pourrais simplement dire qu’il avait su créer une langue bâtarde, digne de ce pays si métissé, sans s’assoir sur des vérités absolues ou des finalités mensongères.
J’ai eu la chance énorme de le rencontrer, l’écouter, le lire. Moi qui ai jeté mon dévolu sur Toliara, y résidant depuis près de trois ans à peine. Moi qui ai tout apprendre encore sur un terrain toujours déconcertant. Moi qui, rétif parfois, aux remontrances, aux sermons des « mieux expérimentés », étais probablement perçu par moments par lui comme un blanc-bec, un insolent. Il avait, certes, son autorité d’aîné, mais aussi des acquis, une longue vie déjà dans le pays, qui ne pouvait que me la boucler. Comme il était sain, en fin de compte, nous eûmes des accrocs, des engueulades, nous nous lançâmes des injures. Rien jamais n’était ruminé et, en finalité, après s’être séparés un jour bien fâchés, nous nous retrouvions le lendemain ou surlendemain en train de rire autour des verres de l’amitié. J’ai eu l’occasion, bien souvent, de repenser à ces propos, à ses visions qu’auparavant je ne pouvais entendre ou accepter.
Si Toliara est aujourd’hui la ville où je vis, c’est certes un peu grâce à son éditeur Pierre Maury, porteur d’eau de tous les liens, mais aussi grâce à lui. Moi, sans doute, parmi quelques autres. Sans Jean-Claude, il n’y eût point de Toliara plus longtemps, des Lalin, Patrice, Jacques, Bernard, Eric, Alain Jean Pierre ou Jean François, Moustou, Mamod, Baba, Riri ou Le Marin ou des farfelus, déboussolés, hauts en couleur, hors pistes, de tous les carrefours. Sans Jean-Claude, il n’y eût pour moi de souffle et d’avenir ici. Même si d’autres facteurs ont, certes, influé. Sans Jean-Claude, il n’y aurait pas eu mon amour du pays. Si le quotidien, ici, n’est pas du petit rhum toujours, il apporte aussi son lot de situations cocasses non négligeables. Pour moi, Toliara, c’est en somme du Mouyon de corps et d’esprit à chaque coin de rue.
En finalité, au-delà des frontières, bien au-delà des questions de terres et de cultures, des lopins qu’on n’est pas aptes à maîtriser, à comprendre, comme il le disait, cet homme reste pour moi un être doué d’un sens aigu de la réalité de l’instant. Bien au-delà de nos limites géographiques et idéologiques, il est et reste du pur bœuf ou du zébu de vraie vie, et l’Europe, la vieille, n’a qu’à bien se tenir ! Par-delà le foutre et la merde, et, bien au-delà de toute usure...
Ben Arès

December 25, 2011

Une page consacrée à Jean-Claude Mouyon

Dès lors que la Bibliothèque malgache est sortie de son premier champ d'activités, les ouvrages libres de droit, Jean-Claude Mouyon s'est trouvé au cœur de ce que j'ai appelé la Bibliothèque malgache contemporaine.
Les quatre romans dont je vous rappelais rapidement l'existence jeudi vont, à l'évidence, survivre à leur auteur. Il m'appartient de fournir au plus grand nombre possible de lecteurs le bonheur de les rencontrer.
J'ai donc ouvert une page spéciale du site de la Bibliothèque malgache, entièrement consacrée à l’œuvre de Jean-Claude Mouyon.
Vous trouverez là tous les liens susceptibles de vous faire découvrir ses livres, sous toutes leurs formes. En version papier, comme c'est le cas depuis le début et, c'est nouveau, en version EPub pour à peu près toutes les manières de lire sur écran.
Jusqu'au 31 janvier, Roman vrac est disponible gratuitement en livre électronique. Ensuite, il sera vendu, comme le sont déjà les trois autres romans de Jean-Claude, 4,99 €.
Et, puisque la nostalgie, contrairement à ce que disait Simone Signoret, est toujours ce qu'elle était, je republie ici une émouvante archive: l'affichette qui annonçait la présentation de Roman vrac il y a quatre ans, presque jour pour jour...



December 24, 2011

Hommages à Jean-Claude Mouyon

Décidément, tout le monde l'aimait, cet homme - et tout le monde avait bien raison.
Je reçois, de partout, des témoignages de celles et ceux qui l'ont connu, ou qui l'ont manqué. Aujourd'hui qu'il a été inhumé, j'aimerais vous faire partager quelques-unes de ces réactions.

Merci de me faire connaitre lui et ses œuvres. Surtout que je suis trop addicted du Sud de Mada. [...] Il est parti comme les abeilles en laissant de la douceur.
Rondro

Je viens d'en avaler la moitié d'une traite... [Il s'agit de Roman vrac.] Saisissant...
Jean-Marc

[A propos d'une vidéo partagée sur Facebook.] Très belle cette vidéo pierre, très touchante...
Laura

Monsieur de Malgachie, j'ai été faire un tour sur le blog. J'en ressors un peu triste. J'aurais vraiment aimé rencontrer Jean-Claude Mouyon :-(
Vahömbey

C'est un choc. Le personnel de la Médiathèque Ifm Madagascar se remémore avec émotion le Forum littéraire avec Jean-Claude le 8 mai de l'année dernière. Nous perdons non seulement une plume qui savait si bien parler de Madagascar, avec réalisme et sensibilité, mais aussi un homme d'une gentillesse extrême.
Médiathèque IFM Madagascar

J'ai beaucoup ri avec Roman vrac, également avec Beko, beaucoup appris ... Jean-Claude Mouyon va manquer à la littérature malgache d'expression française.
Johary

C'est bizarre, je parlais précisément de lui avec Mic hier. Et je lui disais combien je regrettais de ne pas l'avoir rencontré avant mon départ de Madagascar. C'est lui qui est parti maintenant. Je bois un verre à sa mémoire, et je pense bien fort à toi.
Alexis

J'en oublie certainement. Du moins sommes-nous tous réunis en pensant à Jean-Claude et à ses proches.
Il s'agit maintenant de lire ses livres. Je vous en reparle demain.

December 23, 2011

Une heure avec Jean-Claude Mouyon

Ceci n'est pas une véritable vidéo, mais le son d'un forum dont Jean-Claude Mouyon était l'invité, en mai 2010, au CCAC (actuellement IFM). Je réécoutais cela tout à l'heure et, même si certains d'entre vous l'ont déjà entendu, il me semble utile d'y revenir.


December 22, 2011

Jean-Claude Mouyon, mon héros, mon frère

D'apprendre, ce matin, la mort de Jean-Claude Mouyon, m'a donné un sacré coup de vieux. Un coup douloureux sur la tête, aussi. Je vais tenter, malgré tout, et sachant que je ne serai pas à la hauteur de son talent, de dire deux ou trois choses que je pense essentielles sur lui - l'homme et l'écrivain.
Quand je l'ai croisé pour la première fois, en 2001 ou 2002, c'était par hasard. Non, il n'y a pas de hasard. Il écrivait, je lisais - je ne savais pas encore que je monterais une maison d'édition -, il était assez naturel que nous ne soyons pas indifférents l'un à l'autre.
D'autant que j'avais eu l'occasion de me convaincre de son talent - en même temps que d'une propension certaine à le gâcher parfois, abandonnant un texte en cours de route alors qu'il était encore à l'état de brouillon. C'est dans cet état que j'avais lu pour la première fois Roman vrac, cette trilogie foutraque dont je me suis bien demandé alors ce qu'il allait pouvoir en tirer. Il y avait là de toute évidence un tempérament, et tout aussi évidemment un tempérament mal maîtrisé.

Puis, quand j'ai eu l'inconscience de me lancer (à Madagascar, faut-il être fou!) dans l'édition de livres papier, je me suis quand même, bien entendu, tourné vers Jean-Claude. Je me disais qu'il avait, entretemps, peut-être écrit autre chose. En effet. Mais, heureuse surprise, il avait aussi retravaillé Roman vrac, qui était devenu, mieux qu'un livre, un emblème. Quand, fin 2007, entre Noël et Nouvel An, lui et moi avons placardé un peu partout à Toliara des affichettes qui annonçaient la sortie du livre, je n'étais pas peu fier du slogan que j'avais imaginé - non parce qu'il était neuf, mais parce qu'il était vrai. "Le Sud comme vous ne l'avez jamais lu."
En effet. Il y a dans ces pages une manière d'envisager l'humain, et en particulier la part d'humain qu'il côtoyait, qui était la sienne, à mes yeux (de grand lecteur) totalement inédite. Jean-Claude était devenu précieux, non seulement pour moi mais aussi, comme j'allais le constater dans les endroits les plus improbables, pour tous ceux qui, découvrant sa trilogie romanesque, la feraient lire à leur tour, transmettant leur enthousiasme avec un coeur immense.
Jean-Claude n'était pas l'homme d'un seul livre. Il en avait écrit avant Roman vrac, il en écrirait dès lors d'autres. Depuis 2007, lui et moi, surtout lui bien sûr, n'avons pas cessé de travailler sur ses manuscrits. Mes séjours, une ou deux fois par an, à Toliara, n'avaient d'autre but que celui-là. Rectifier des fautes d'orthographe (il était fâché, une fois pour toutes, avec certains aspects de l'orthographe), redresser quelques phrases tout en gardant le savoureux déhanché de son écriture, son invention verbale, tout ce qui faisait, fait encore puisque ses livres sont là, un écrivain.

Il y a eu ensuite Beko ou La nuit du Grand Homme, un roman plus travaillé dans sa structure, dans lequel la voix des sahiry répondait à un récit plus classique, digne d'un polar contemporain - et du Sud, forcément du Sud. Il y fallait de la finesse. Jean-Claude la possédait à un degré qu'il ne montrait pas toujours, même si la lecture ne trompait pas. Il n'essayait pas de se faire passer pour un Malgache, il n'était pas le "décivilisé" (pour reprendre un mot de Charles Renel) que certains croyaient voir en lui. Il était le vazaha, avec ses antécédents et sa culture - immense, sa culture, car s'il ne lisait pas énormément, il assimilait ses lectures comme le fait un écrivain. Je me souviendrai toujours de nos conversations sur, par exemple, Antoine Blondin, qu'il me reprochait, en rigolant, d'avoir eu la chance de rencontrer (et d'avoir bu avec lui un ou deux coups de trop). Le vazaha, disais-je, mais acharné à comprendre le monde où il avait choisi d'être - et presque de mourir, mais cela, il ne le savait pas encore. Il en parlait parfois, cependant, comme Beko parle de la mort. Comme si c'était, pour les autres, toujours l'occasion d'une fête qui se superpose à la tristesse pour faire oublier celle-ci. On va la faire, Jean-Claude, la fête, on n'en sera pas moins triste pour autant!

Mais, pour gommer la tristesse, nous n'utiliserons pas que le rhum et la THB. Nous relirons Carrefour, ce moment inoubliable où un quartier de Toliara titube entre fête et folie à l'occasion de la rencontre entre un rastaman de renommée internationale et une campagne électorale comme il n'en existe que chez nous - non, bien entendu, il en existe ailleurs, d'aussi pittoresques et peu démocratiques, mais celle-ci nous appartient puisque Jean-Claude l'a racontée.
De tous ses livres publiés, il m'a semblé que c'était le plus abouti, le plus cohérent. J'ai cru, peut-être un peu naïvement, qu'il suffirait à imposer Jean-Claude auprès d'une grande maison d'édition française. Cet échevèlement si personnel devait marquer les esprits, trouver d'autres défenseurs que moi et se propager au-delà de nos rivages. Il s'en est fallu de peu, plusieurs fois. Mais chaque fois la décision a été négative. Excessif, Jean-Claude Mouyon? Probablement. D'un excès salutaire - sauf pour sa santé, bien sûr -, du genre qui balaie les clichés et remet les choses à leur place, c'est-à-dire cul par-dessus tête. Là où elles doivent être. Mieux: là où elles sont. Jean-Claude ne faisait pas de rangement (il fallait voir son bureau!), il racontait comment c'était, et tant pis si cela ne plaisait pas toujours.

Son dernier roman paru à la Bibliothèque malgache, L'Antoine, idiot du Sud, est, comme le premier, une trilogie. Je me flatte d'y faire une apparition - Pierrot, l'éditeur. Il y a aussi une voiture pourrie et des trous dans la rue du front de mer à Toliara, il y a des personnages hauts en couleurs (je ne parle pas de moi, là), il y a cet élan vital avec lequel Jean-Claude rencontrait les protagonistes de ses livres comme s'il leur tapait dessus jusqu'au moment où ils avoueraient même ce qu'ils n'avaient pas fait, parce que de toute manière la réalité dépasse la fiction et qu'elle est si invraisemblable qu'il vaut mieux en rester à la fiction.
Je crois que j'aimais Toliara avant de connaître Jean-Claude. Il y a quelque chose de tellement décalé dans cette ville qu'elle devait me plaire. Mais ses livres me l'ont fait découvrir encore d'une autre manière, ils m'ont fait rencontrer en chair et en os, autour de quelques verres, du genre que quand on aime on ne compte plus, ceux qui peuplaient ses pages. Ils les peuplaient si bien qu'ils en débordaient. Comme je déborde d'affection pour ce type à nul autre pareil, titubant certains jours sur ses jambes mais mieux campé sur le sol poussiéreux que personne.

Jean-Claude, mon héros, mon frère, je te déteste de nous avoir abandonnés. Mais je t'aimais et je t'aime. Et nous n'en avons pas fini, nous deux!

July 11, 2010

Le quatrième roman de Jean-Claude Mouyon

La Bibliothèque malgache est heureuse et fière d'éditer le nouveau livre de Jean-Claude Mouyon. Comme Roman Vrac, le premier roman paru à cette enseigne, L'Antoine, idiot du Sud, est une trilogie. On y retrouve un humour et une écriture capables de restituer comme, je crois, nul autre écrivain ne l'a fait, le grouillement si particulier du Sud-Ouest malgache.
L'ouvrage est disponible sur commande à partir de cette page (15 € + frais de port).
Innovation: le texte en paraîtra en feuilleton dans le quotidien Les Nouvelles, dans quelques jours.
Sans attendre, voici la présentation qu'en fait l'auteur en quatrième de couverture.

Les trois courts textes qui constituent la trilogie de L’Antoine, idiot du Sud ont pour particularité d’être en apparence inachevés. Disons qu’ici l’auteur s’est amusé à jeter les bases de ce qui aurait pu constituer un seul roman, à jeter des fils et brouiller les pistes pour au final laisser le lecteur face à une œuvre abandonnée à son propre devenir. Un personnage et ses proches. Le Sud. Le quotidien. Trois ingrédients récurrents dans chacune de ces histoires qui sont autant de déclinaisons d’une idée romanesque reposant sur un unique socle.
L’idée étant d’en avoir plusieurs et d’en proposer autant… Le concept aurait pu se dérouler à l’infini dans une série intitulée Les aventures d’Antoine mais trois longues nouvelles ou courts romans, au choix, c’est déjà bien suffisant, non?
Puisse la présence d’Antoine (dit l’idiot du Sud) tisser un lien de complicité avec ses lecteurs lesquels, je crois le savoir, ne sont avares ni de sens de l’humour ni de celui de gravité.
Merci. Je vous laisse car Baba vient d’ouvrir.
L’auteur


May 17, 2010

Une heure avec Jean-Claude Mouyon



A la demande générale (de quelques-uns qui ne pouvaient pas être présents le 8 mai au CCAC mais auraient bien voulu y être), je fournis le son du forum littéraire où Jean-Claude Mouyon était interrogé par Jean Mamy Andrianjaka Rakotomanana.
Je n'en ai ôté que les lectures de textes faites par l'animateur - vous avez, dans des notes précédentes, des liens vers des extraits des trois romans de l'auteur.
Cette heure d'entretien, à laquelle j'ai pris soin de ne pas donner un "poids" excessif sans nuire à la qualité du son (c'est un fichier de 23 Mo), est téléchargeable ici.
Bonne écoute.

May 7, 2010

Lire Jean-Claude Mouyon : Carrefour

Avec Carrefour, pas encore publié à Madagascar mais disponible sur commande chez Lulu.com, nous terminons ce petit parcours à l'intérieur des romans de Jean-Claude Mouyon. Qui présente lui-même ce livre:

Cette histoire je l’ai voulue joyeuse, jouissive, violente, excessive, habitée d’une tendre tristesse proche de la désespérance paradoxalement heureuse d’une population admirable. C’est l’histoire de la vie d’un carrefour sublime sans rond-point ni sens interdit où tout semble permis. Un carrefour fréquenté par des riverains exubérants qu’on n’invitera jamais à celui de l’Odéon ni au rond-point qui mène à l’Élysée. Mais là n’est pas le propos. Quoique… Ici aussi les personnages existent, le pays et les événements également mais ne comptez pas sur moi pour dénoncer qui que ce soit. Ainsi va la vie…

Comme pour les deux premiers ouvrages présentés ces derniers jours, je vous propose d'en découvrir un extrait.

Pour en savoir plus, le rendez-vous n'a pas changé: il est fixé à demain samedi, 10h30, au Centre culturel Albert Camus d'Antananarivo, pour le forum littéraire qui accueille Jean-Claude Mouyon, animé par Jean Mamy Andrianjaka Rakotomanana. L'entrée est libre.

May 6, 2010

Lire Jean-Claude Mouyon : Beko

Je continue à vous proposer, en préface de la rencontre avec Jean-Claude Mouyon (samedi à 10h30 au CCAC), la découverte de quelques pages de ses livres.
Aujourd'hui, donc, le deuxième ouvrage de cet écrivain publié par la Bibliothèque malgache, Beko ou La nuit du Grand Homme.
Le début de ce roman est à télécharger ici au format PDF.
Il est disponible en librairie à Madagascar et sur commande pour tout le monde.
On le trouvera, comme Roman Vrac, à l'entrée et à la sortie, samedi, du forum littéraire.
Et voici la fiche du livre.

May 5, 2010

Lire Jean-Claude Mouyon : Roman Vrac

Avec toujours à l'esprit la rencontre de samedi (CCAC, 10h30) avec Jean-Claude Mouyon, je vous propose, ces jours-ci, des extraits de ses romans publiés par la Bibliothèque malgache.
On va, logiquement, commencer par le commencement, c'est-à-dire la trilogie de Roman Vrac qui a été son premier ouvrage édité par mes soins. Plus de détails sur cette page.
Et le début du livre est téléchargeable (au format PDF) ici.
Roman Vrac est disponible dans les principales librairies malgaches ainsi que, pour celles et ceux qui n'ont pas la chance d'habiter ou de fréquenter Madagascar, sur commande.
Il sera, bien entendu, en vente samedi à l'occasion du forum littéraire dont Jean-Claude Mouyon est l'invité.

May 4, 2010

Samedi, c'est Jean-Claude Mouyon au CCAC

J'ai l'intention, cette semaine, de vous fournir quelques éléments permettant, même si vous n'avez pas (encore) lu les livres de Jean-Claude Mouyon, de faire connaissance avec son œuvre. Vous serez ainsi mieux préparés, samedi matin, pour la rencontre avec l'écrivain qui se tiendra au Centre culturel Albert Camus d'Antananarivo à partir de 10h30.
Aujourd'hui, deux minutes vingt-sept de bonheur avec une vidéo où Jean-Claude Mouyon parle de ses romans.



September 1, 2009

La vidéo de Jean-Claude Mouyon

Samedi après-midi, Jean-Claude Mouyon et moi étions à l'Alliance française de Toliara. Nous y avons présenté la Bibliothèque malgache dans son ensemble, puis plus particulièrement Beko ou La nuit du Grand Homme, disponible, comme vous le savez, dans les librairies d'Antananarivo - et de Toliara.
L'ambiance était sympathique. L'assistance, en grande partie constituée d'étudiants, a semblé très intéressée - c'est toujours agréable.
Le lendemain, nous nous sommes retrouvés, auteur et éditeur, dans un petit bar, où nous avons enregistré quelques images pour que tous ses lecteurs (y compris ceux à venir) découvrent le visage de Jean-Claude Mouyon et quelques propos qu'il peut tenir sur ses livres.
Ce n'est pas un clip professionnel, je l'ai réalisé avec les moyens du bord. Mais le voici quand même, au bout de ce lien.

August 13, 2009

Deux rendez-vous dans le sud

La Bibliothèque malgache, dont le catalogue ne s'intéresse pas qu'à la capitale, fait mouvement vers le sud de la Grande Ile.



La semaine prochaine, je serai à Tolagnara pour présenter l'ensemble des travaux éditoriaux de cette petite maison d'édition à l'Alliance française. Je ne sais pas encore exactement quel jour cela se passera mais, si vous passez dans le coin, il y aura bien l'une ou l'autre affichette pour vous en informer.



La semaine suivante, même programme, ou presque, à Toliara. Cette fois, la date est connue: ce sera le samedi 29 août à 17 heures. Et nous profiterons de la présence sur place de Jean-Claude Mouyon pour explorer son œuvre un peu plus en détail, avec en particulier Beko ou La nuit du Grand Homme dont cette séance sera en quelque sorte le lancement officiel - je vous rappelle néanmoins que ce roman est en librairie, à Tana et à Toliara, depuis quelques semaines.
Ces deux rendez-vous seront aussi pour moi l'occasion de présenter la deuxième version du CD de la Bibliothèque malgache électronique. Cette petite galette de plastique contient, mine de rien, l'intégralité des titres déjà publiés sous forme de livres électroniques, soit 54 ouvrages en deux formats (DOC et PDF), ainsi que deux autres livres numérisés en mode image pour la Bibliothèque malgache et les catalogues des éditions papier. De quoi négliger les difficultés de connexions parfois laborieuses...


July 16, 2009

En librairie à Madagascar : le deuxième roman de Jean-Claude Mouyon

Après Roman vrac, paru au début de l’année dernière, l’écrivain Jean-Claude Mouyon publie à la Bibliothèque malgache un deuxième roman qui prolonge et enrichit sa vision du Sud. Il allie une connaissance intime des mentalités et des coutumes à un regard sans complaisance mais empreint d’une sincère humanité.
Ses personnages, dont certains sembleront familiers aux lecteurs de son précédent livre, sont plongés dans deux histoires croisées. Elles sont habitées par une musique que Mikea promène ces temps-ci dans le monde entier. Preuve, s’il en était besoin, de ce que l’ancrage profond dans une terre peut conduire à l’universalité.
En quatrième de couverture de l’ouvrage actuellement en vente dans les principales librairies de la capitale et de Toliara, l’auteur présente lui-même le roman:
Pratiqué dans les régions Sud de Madagascar, le beko est un chant polyphonique a capella généralement interprété par un groupe d’hommes, nommés sahiry, composé d’un récitant et de choristes.
Perpétué depuis la nuit des temps par les ethnies du Grand Sud, le beko fait résonner sa litanie répétitive et gutturale durant les nuits où amis et famille du défunt sont réunis devant des feux et des bassines de rhum pour accompagner l’esprit du mort dans sa marche vers l’Est, là où vivent les ancêtres.
Beko, le roman, n’est en rien une explication ethnologique du culte des ancêtres mais l’appropriation d’un fait social et culturel qui m’a permis de bâtir une fiction à partir de la structure rythmique et narrative d’une cérémonie revisitée en présence de ses acteurs: Grand Homme, le défunt; les sahiry; les vivants.
Sur le thème d’une histoire policière inspirée d’un fait divers réel, Beko ou La nuit du Grand Homme se veut aussi un chant, une musique à la fois tendre et violente dédiée à l’extrême Sud de Madagascar et aux hommes libres qui y vivent, ceux qui souffrent mais ne pleurent jamais.
La Bibliothèque malgache contribue ainsi, selon un rythme soumis aux circonstances, à la découverte d’une voix singulière de la littérature de langue française.



July 4, 2009

Etienne Grosclaude : Un Parisien à Madagascar, en feuilleton et en livre papier

La Bibliothèque malgache électronique a réédité, il y a quelques mois déjà, le récit d'Etienne Grosclaude, Un Parisien à Madagascar. Gratuitement, comme de coutume.
Ce texte poursuit sa nouvelle vie, et à un double titre.
Il sera, dès la semaine prochaine, proposé en feuilleton, du lundi au vendredi, dans la quotidien malgache Les Nouvelles - où Jean-Claude Mouyon, auteur tout à fait contemporain celui-ci de la Bibliothèque malgache, poursuivra la publication de ses chroniques fantaisistes, Le jour où j'ai failli... (Pour lesquelles un livre est en préparation, à moins que cela... faillisse.)
Il est aussi, dès aujourd'hui, disponible en édition papier chez Lulu.com (272 pages, 18,15 € + frais de port).
Étienne Grosclaude (1858-1932) fut en son temps un célèbre humoriste, auteur de nombreux ouvrages et de chroniques parues dans différents journaux et magazines. Jules Lemaître se disait fasciné par son « irrévérence universelle », ses « inventions de fou dialecticien » et l’apparence d’« élégance imbécile » de ses  textes.
Grosclaude touchait à tous les sujets, et décida un jour d’aller en chercher un du côté de  Madagascar. Il raconta sur un mode plaisant les circonstances de son départ dans un texte appartenant à une anthologie de Paul Acker, Humour et humoristes (1899). C’est un autoportrait de l’auteur en situation. Que la Bibliothèque malgache a placé ici en guise d’avant-propos.
Embarqué le 10 août 1896 sur le Yang-Tsé en même temps que Gallieni, Grosclaude passe quelques mois sur la Grande Île d’où il rapporte un récit bien dans sa manière. L’humour y est omniprésent et le voyageur fait exception parmi les voyageurs de son époque en ironisant autant sur lui-même que sur les Malgaches. Sans se départir de l’idéologie dominante, il parvient à faire goûter ses traits d’esprit.
Un Parisien à Madagascar, publié en 1898, possède bien entendu des aspects irritants, en particulier pour le lecteur malgache qui y retrouvera tous les clichés de la colonisation à ses débuts. Mais, outre la valeur littéraire du texte, celui-ci est aussi un précieux documentaire. Il y est notamment question de l’exécution de Rainandriamampandry et de Ratsimamanga – Grosclaude avait assisté, semble-t-il, au procès puisqu’il en fit le compte-rendu dans Le Figaro en octobre 1896.
Tout humoriste qu’il était, l’auteur semble avoir été assez marqué par son voyage pour intégrer à son retour le Comité de Madagascar et aborder ensuite un sujet plus sérieux dans La France, la Russie, l'Allemagne et la guerre au Transvaal : une politique européenne, publié en 1899.
Il faut signaler que la réédition de ce texte n’aurait pas été possible sans l’amicale collaboration de Jean-Marie de la Beaujardière, qui a fourni les pages manquant à l’édition de référence. Rien de ce qui touche à Madagascar ne lui est étranger puisqu’il a créé et met régulièrement à jour un site indispensable : Encyclopédie de Madagascar et dictionnaire malgache.
Pour rappel, il existe sous forme de livre papier 16 autres titres de la Bibliothèque malgache, à commander chez Lulu.com à partir du catalogue.


December 30, 2008

Langue vive et Madagascar

Je reçois aujourd'hui le premier numéro de Langue vive, une revue littéraire liégeoise (donc belge, pour ceux qui ne situent pas Liège), à l'origine de laquelle se trouve notamment Ben Arès, l'écrivain dont je vous ai déjà parlé il y a quelques mois, quand il arpentait les terres malgaches en vue d'écrire un roman.
Sa revue s'appelait alors Matière à poésie et, après 21 numéros sous ce titre, elle vient d'être rebaptisée. Relookéée, aussi, oh! le vilain mot - mais le joli objet: sous un emboîtage sobre et élégant, chaque auteur fait l'objet d'un petit fascicule séparé.
Pour établir le sommaire avec ses complices David Besschops et Antoine Wauters, Ben Arès a fait une ample moisson à Madagascar.
On trouve donc, dans cette livraison de décembre 2008, Jean-Luc Raharimanana et Jean-Claude Mouyon, des noms familiers aux lecteurs de ce bongs.
Le premier donne Les cauchemars du gecko, treize pages extraites d'un travail futur avec le metteur en scène Thierry Bedard. Le texte s'ouvre sur une sorte de prolongement de Za:
Eskuza-moi ai-je écrit. Eskuza-moi. Car je me sens encore de vous. Lié. La corde au cou. Eskuza-moi, je m'enlève de là. Bien que je vous aime. Bien que je suis de vous. Encore. Toujours. De vous, je le suis. Le serai toujours. Je me tire. Vrillant ma corde. Reniant l'imposture collective. Je m'enlève de là. Je me tire oui, je me vire, la mort de tout côté, la sombre histoire que l'on se conte, vertige de nos mensonges: contrôler la vie, organiser nos jours, et faire croire que tout va bien, tout ira bien dans l'occultation de nos nuits et la bascule dans les lunes millénaires. Politisons. Politis. Réglons la cité. Réglons l'incapacité de l'homme à n'être pas homme pour l'homme, prédateur...
De Jean-Claude Mouyon, Langue vive publie un extrait de la deuxième partie de Roman vrac. Que vous connaissez probablement. Mais voici comment l'auteur introduit le texte, à l'usage de ceux qui n'ont jamais rencontré ses livres:
Ca fait drôle de rencontrer des écrivains à Tuléar où les lecteurs ne remplissent pas les doigts des deux mains alors que les autres occupent la planète, hormis les salauds qui nous gouvernent.
Ben Arès est passé par là. Il vient de lire Roman vrac que Pierre Maury a publié dans sa Bilbiothèque malgache, une entreprise littéraire de fou, autant dire de passionné (et pardon pour le pléonasme). Voyez-vous, le sable, la poussière, la latérite et l'immensité n'empêchent pas d'écrire. Les sons, la lumière, les couleurs, les filles et la musique nous y obligent. La bière et le rhum, aussi. Qu'on est loin de la Hongrie même si on est gaulois. Roman Vrac a été écrit sous Chirac et Ratsiraka. Le temps a passé sur eux, il passera sur nous. On pourra tous dire: "j'y étais." Est-ce pour cela qu'il fallait écrire cette première trilogie?
Allez, c'est pas grave, on fera mieux la prochaine fois. Salut Ben, bises et bénédiction animiste du grand Sud pour ta poésie et la revue Langue vive.
Et puis (je vais le dire tout bas), Ben a jugé bon de publier aussi quelques pages de moi, le début d'un recueil de poèmes qui s'appellera, le jour où il verra le jour, Dix figures d'un récit en mouvement. Merci, Ben. (Il fait ce qu'il veut, non?)

December 26, 2008

Jean-Claude Mouyon, troisième !

De son Sud qu'il affectionne, Jean-Claude Mouyon continue à nous donner des nouvelles. Après Roman Vrac (disponible aussi en librairie) et Beko ou La nuit du Grand Homme (disponible sous peu en librairie), la Bibliothèque malgache est fière d'éditer, par l'intermédiaire de Lulu, son troisième roman.

Carrefour est un livre bref, mais sa petite centaine de pages est bourrée de dynamite. Il se passe au cœur du cœur d'une ville dont le nom n'est pas donné (mais il est sur toutes les lèvres), c'est-à-dire près d'une gare routière, à la fin d'une route nationale que croise une rue plus locale grouillant de vie.
Particulièrement ce jour-là, puisque s'y déroulent en même temps la préparation d'une campagne électorale et l'arrivée d'un reggaeman de réputation internationale.
Jean-Claude Mouyon lâche les mots au rythme d'une mitrailleuse. Il multiplie les situations improbables. Et son humour fait mouche à chaque page.
On sort de Carrefour essoufflé et heureux d'avoir vécu des moments inoubliables.

Voici comment l'auteur présente lui-même son texte:

Cette histoire je l’ai voulue joyeuse, jouissive, violente, excessive, habitée d’une tendre tristesse proche de la désespérance paradoxalement heureuse d’une population admirable. C’est l’histoire de la vie d’un carrefour sublime sans rond-point ni sens interdit où tout semble permis. Un carrefour fréquenté par des riverains exubérants qu’on n’invitera jamais à celui de l’Odéon ni au rond-point qui mène à l’Élysée.
Mais là n’est pas le propos. Quoique…
Ici aussi les personnages existent, le pays et les événements également mais ne comptez pas sur moi pour dénoncer qui que ce soit.
Ainsi va la vie…
Bonne lecture.

November 15, 2008

Mikea, le beko, RFI et... Jean-Claude Mouyon

Honneur au beko lors de la finale du prix RFI Découvertes puisque le groupe malgache Mikea, qui pratique celle musique, est le lauréat 2008.
Sur le site du Conseil francophone de la chanson, Mikea est décrit ainsi:
La musique des Mikea se caractérise par une harmonisation très particulière basée sur le beko: une incantation a cappella, à l’origine en solo ou en duo.
Voix chaleureuse et saisissante, venue de loin, tel est le style vocal des Mikea. C’est cette voix reconnaissable entre toutes, unique et envoûtante, que Théo, le lead vocal, nous fait découvrir par son groupe.
Le deuxième roman de Jean-Claude Mouyon, Beko ou La nuit du Grand Homme, en appelle aux mêmes rythmes, à la même musique, comme l'explique le texte en quatrième de couverture:
Pratiqué dans les régions Sud de Madagascar, le beko est un chant polyphonique a capella généralement interprété par un groupe d’hommes, nommés sahiry, composé d’un récitant et de choristes.
Perpétué depuis la nuit des temps par les ethnies du Grand Sud, le beko fait résonner sa litanie répétitive et gutturale durant les nuits où amis et famille du défunt sont réunis devant des feux et des bassines de rhum pour accompagner l’esprit du mort dans sa marche vers l’Est, là où vivent les ancêtres.
Beko
, le roman, n’est en rien une explication ethnologique du culte des ancêtres mais l’appropriation d’un fait social et culturel qui m’a permis de bâtir une fiction à partir de la structure rythmique et narrative d’une cérémonie revisitée en présence de ses acteurs : Grand Homme, le défunt ; les sahiry ; les vivants.
Sur le thème d’une histoire policière inspirée d’un fait divers réel, Beko ou La nuit du Grand Homme se veut aussi un chant, une musique à la fois tendre et violente dédiée à l’extrême Sud de Madagascar et aux hommes libres qui y vivent, ceux qui souffrent mais ne pleurent jamais.
Vous le saviez déjà si vous êtes fidèle à ce blog. Mais la mise à l'honneur du beko par le prix RFI Découvertes valait bien un petit rappel. Le roman est actuellement disponible sur commande par l'intermédiaire de cette page. Il sera prochainement disponible à Madagascar dans une édition produite localement, comme l'est le précédent livre de Jean-Claude Mouyon, Roman Vrac. (Disponible aussi sur commande.)