October 31, 2017

Il y a 100 ans : Joyeusetés coloniales (1)

Dans une compagnie d’infanterie coloniale servaient côte à côte un frêle Annamite et un grand diable de Malgache. Le hasard a de ces ironies !
Ils ne cessaient de se quereller et leurs camarades devaient souvent intervenir pour les empêcher d’en venir aux mains.
Le Malgache était le plus enragé. Un jour où il avait failli étouffer son minuscule adversaire en le serrant trop fort dans ses bras musculeux, il récolta de ce chef huit jours de prison, et, sa punition terminée, le capitaine le fit comparaître devant lui.
— Tu vas me dire pourquoi tu maltraites ainsi ton camarade.
Notre Malgache, un Sakalave à l’esprit assez borné, s’expliqua tant bien que mal, plutôt mal que bien, mais il réussit cependant à se faire comprendre de l’officier. Pour plus de clarté, je traduirai en français ses naïfs griefs contre l’Annamite.
— Ma capitaine, je suis bien content, comme tous mes camarades, de servir la France et de tuer beaucoup de Boches. Mais, vraiment, moi qui suis noir, je cours beaucoup plus de danger que ce jaune, et ça n’est pas juste.
— Es-tu fou ? Ne reçoit-il pas les obus, les balles et les coups d’épée, tout comme toi ?
— Non, ma capitaine, parce que lui est tout petit et que moi je suis trop grand. Ainsi, il faut qu’il se dresse pour mettre un œil au créneau du parapet. Ma tête, au contraire, dépasse et, tout le temps, j’entends les balles siffler autour de mon crâne. Dans les tranchées peu profondes, même en me courbant, je vois les Boches et eux aussi me voient. Aussitôt ils me tirent dessus. Le jeune, lui, haut comme ma cuisse, circule tout à son aise. Jamais une balle !
Dans les boyaux, je me cogne la tête contre tous les ponts en rondins ou en rails de chemin de fer. Mon nez s’empêtre dans les fils téléphoniques ! Bref, je dois ramper dans la vase si je veux éviter toutes les causes d’accidents dont le jaune se rit.
Un jour, nous transportions tous les deux des caisses de grenades. Naturellement, les miennes dominaient les siennes de 35 centimètres puisque j’ai 35 centimètres de plus que lui. Un artilleur boche m’aperçoit et se dépêche de m’envoyer un obus qui tombe tout près de moi.
(À suivre.)

Le Courrier colonial

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