October 17, 2017

Le livre sur la peste à Madagascar (1898-1931) est arrivé


Sa mission à Madagascar est davantage politique que scientifique et Yersin n’est pas dupe. C’est la grande histoire de la colonisation. C’est l’image de la France qu’on l’envoie répandre, comme on enverra Lyautey la répandre au Maroc. Dans les gardes à vue au commissariat, se succèdent le dur et le gentil. Si la présence de Yersin ne suffit pas à convaincre les Malgaches on enverra Gallieni.
Et comme le Malgache fait sa mauvaise tête on envoie Gallieni.
Patrick Deville, Peste & choléra.
 
« Rien de plus désolant que l’histoire de la peste à Madagascar ! » L’expression ouvre un article de L’Aurore malgache en… 1931. Son auteur néglige pourtant de faire remonter la présence de la maladie à ses débuts, en 1898, et se limite à commenter dix années pendant lesquelles l’administration coloniale n’a pas réussi à éradiquer le mal.
On lit ce dossier en 2017, à un moment où la peste frappe une nouvelle fois Madagascar et où des communiqués quotidiens font le compte des décès, des cas avérés ou douteux, des guérisons. Venue du fond des temps (une manière bien peu scientifique de s’exprimer, certes), la peste est aujourd’hui encore une grande peur de l’humanité. Alexandre Yersin avait isolé le bacille de la peste en 1894, prolongeant immédiatement ses recherches par la mise au point d’un vaccin et d’un sérum. L’année suivante, il est envoyé à Madagascar pour y étudier des cas de fièvre bilieuse. Il ne croisera pas la peste sur la Grande Île, le bacille qui portera son nom attend qu’il n’y soit plus pour débarquer…
La chronologie est implacable.
Pendant trois années consécutives, la peste s’installe à Toamasina, ou Tamatave comme se nommait la ville côtière et portuaire pendant la colonisation : 206 décès en 1898, une quarantaine l’année suivante, huit seulement en 1900. La ville s’assainit, on brûle les maisons contaminées, il est possible d’espérer la fin de l’épidémie. Mais, surveillée à l’est, elle surgit à l’ouest en 1902 : 141 morts à Mahajanga (Majunga). Le Supplément commercial (Tamatave et Côte Est) du Journal officiel de Madagascar et dépendances et La Revue de Madagascar nous racontent les premiers épisodes, le Docteur Fontoynont, qui avait lui-même séjourné au lazaret d’Ivondro en 1899, donne un aperçu général des quatre contaminations presque consécutives.
En 1907, un hebdomadaire de Mahajanga, L’Action à Madagascar, est en première ligne pour décrire la nouvelle épidémie qui frappe la ville. Ses lecteurs ne doivent d’abord pas s’inquiéter outre mesure : « La population européenne et bourbonnaise n’a pas été atteinte jusqu’à ce jour : le fléau choisit ses victimes dans les quartiers où la malpropreté règne en souveraine maîtresse. » Mais les répits sont brefs et les craintes seront longues.
La prudence s’installe ensuite, la présence de la peste à Maurice crée une proximité désagréable qui annonce peut-être le pire. Mais, bon, le pire viendra de la grippe espagnole en 1919, c’est une tout autre histoire.
L’histoire de la peste recommence à Toamasina en 1921. L’épidémie est bubonique. Quand elle atteindra Antananarivo (Tananarive), elle se transformera en peste pulmonaire. Le journal Le Tamatave relate les événements, les Docteurs Goyon et Gouzien les analyseront avec le recul scientifique dans le Bulletin de la Société de Pathologie exotique.
En 1930, lors d’une nouvelle poussée de la maladie, un nouveau titre de presse est né, d’où venait la première phrase de cette présentation. Il s’appelle donc L’Aurore malgache, il est farouchement anticolonialiste et met en évidence les différences de traitement subies par les Malgaches non naturalisés français : elles s’apparentent à des brimades, les exemples abondent.
Ce dossier, qu’il fallait bien clore, ne nous conduira pas au-delà de 1931 avec, en guise de conclusion, des communications faites à la deuxième Conférence internationale et congrès colonial du rat et de la peste. L’histoire ne s’arrête pas pour autant, on le sait.
L’affaire est sérieuse, toutes les sources l’attestent. Le passé fournit-il des leçons pour notre temps ? Ce n’est pas certain : la science a évolué, heureusement. Mais la mémoire de la peste est inscrite aussi profondément dans les esprits que le « fléau » lui-même dans les organismes. En voici quelques témoignages.
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