14 décembre 2010

Lémuriens, + 1


Et celui-là, vous le connaissiez? C'est le petit dernier de la famille - ou plutôt, le plus récemment découvert par Russ Mittermeier, spécialiste des primates et président de Conservation International. Il y a quinze ans déjà, se promenant dans les bois - on sait qu'un scientifique ne se promène pas comme vous et moi, il a l'œil à l'affût et ressemble plutôt à un enquêteur sur une scène de crime -, il avait aperçu cette bestiole inconnue au bataillon. Mais il n'avait pas le temps de s'en occuper. Avec de la suite dans les idées, il est revenu cette année dans la forêt de Daraina (du côté de Vohemar), a retrouvé le petit lémurien, l'a endormi, décrit, filmé, lui a ponctionné un peu de sang et attend les résultats définitifs des analyses pour le baptiser. Il faut être certain qu'il s'agit d'une nouvelle espèce. Russ Mittermeier en a l'intime conviction et prépare un nom de baptême décliné d'une organisation qui travaille à la préservation de la forêt de Daraina: Fanamby.
Pour en savoir plus, c'est aujourd'hui à la télévision (BBC2, 20 heures - heure britannique).

9 décembre 2010

Visiter Tana sans être touriste, avec Dany Be


Sur cette capture d'écran, les mains de Dany Be sont floues. Forcément: il n'arrête pas de les bouger quand il parle. Parce que tout ce qu'il dit est vécu de l'intérieur, et sort accompagné par le corps. Un emmerdeur, Dany Be, disent certains - le genre d'emmerdeur dont la race, je l'espère, n'est pas en voie de disparition. Cette qualité (car c'en est une) n'est pas la seule: l'homme de 77 ans et le reporter photographe qu'il est depuis 1959 (si je ne me trompe pas), cette unique personne est aussi une personne unique capable de nous conduire dans les rues de Tana comme aucun touriste n'aura jamais l'occasion de les voir.
C'est donc une excellente idée qu'a eue une équipe de télévision de filmer, pour Arte, une balade en compagnie de Dany Be. Chez lui, où il conserve des trésors en images, dans un combat de coqs, à un match de rugby, avec des briquetiers, chez le dessinateur Doda, dans un "looks" (une gargote), ou même aux urgences. La vraie vie, en somme.
Bien sûr, quand on termine au Café de la Gare pour s'entendre dire (par le patron?) que c'est un endroit populaire, il faut conclure que nous ne donnons pas tous le même sens au mot "populaire" - quelqu'un d'autre corrigera, involontairement sans doute, en affirmant qu'on n'y croise que des VIP. Le monde est bien fait...
Tout à la fin, Dany Be va dormir. Moi aussi.
Non sans avoir donné le lien où l'on peut voir ce film. Il est aussi possible de le podcaster à partir de cette page.

28 novembre 2010

Pour saluer Elie Rajaonarison

Ceux qui me connaissent savent que je sors peu et que, par conséquent, le cercle de mes relations n'est pas très large - ou, plus exactement, que je vois assez rarement les personnes qui continuent à appartenir à ce cercle. Elie Rajaonarison, dont nous avons appris la mort hier, était de ces hommes avec qui j'aimais discuter longuement, sans être du même avis que lui sur tout, d'où l'intérêt de ces conversations. J'aurais aimé, il le savait, qu'il s'engage davantage dans l'écriture, terrain sur lequel, me semble-t-il, il n'a pas donné sa pleine mesure - quelle était cette mesure? nous l'ignorerons toujours. J'ai gardé l'impression (peut-être fausse) qu'il était l'homme d'un seul livre, Ranitra. Mais mon incapacité à lire le malgache m'a probablement tenu éloigné d'autres textes.
Il est vrai qu'il a traduit, avec Ranöe, Prévert en malgache - et ce n'est pas rien. Je me souviens d'ailleurs d'une séance de lectures, à la Tranompokonolona d'Analakely, d'extraits du recueil Anjambolana, reçus avec ferveur par un public très réceptif.
La présence d'Elie dans Sandratra, association de poètes de langue malgache, a dû aider à la naissance de nombreuses vocations. J'ai présenté un jour au CCAC cette association, dont le refuge naturel est le Cercle germano-malgache. Là aussi, c'était impressionnant. La salle était trop petite pour accueillir tous les amateurs de poésie.
Je me souviens aussi du livre qu'il a écrit avec Agnès Joignerez, Voyage en terre malgache. Le cœur de l'Imerina, de toutes les informations qu'il contient et de toutes les balades qu'il propose - dont je m'étais promis de faire l'une ou l'autre, vœu pieux... En revanche, nous nous sommes promenés un peu sur les hauteurs de Tana - ou plutôt de bas en haut. C'était aussi fatigant qu'instructif.
La dernière fois que nous avons eu une de ces conversations que j'aimais, il y a quelques années déjà, il venait d'embrasser un nouveau métier, le journalisme, et son enthousiasme faisait plaisir à voir. En fait, ce ne devait pas être la dernière fois, puisqu'il a encore, un peu plus tard, proposé de me donner une préface à des rééditions de Jean-Joseph Rabearivelo pour la Bibliothèque malgache électronique. Il n'écrira jamais cette préface. Il nous manquera, lui que l'on reconnaissait tout de suite, même de dos, grâce à la touche personnelle de sa coiffure, petite coquetterie qu'il appelait sa "queue de rat".
En 2002, il avait séjourné quelques mois aux Etats-Unis et je m'étais entretenu avec lui par email, pour la Lettre d'information culturelle malgache que je tenais alors. Je vous redonne ce dialogue, qui était aussi paru dans L'Express de Madagascar. Et j'y joins une photo d'Elie Rajaonarison en compagnie de Samoëla (photo de Boné Masikita publiée sur le site tanalife.com).


Elie Rajaonarison, vous séjournez actuellement aux Etats-Unis. Dans quel cadre et dans quel but?

L'University of Iowa organise pour la 35ème année consécutive une rencontre d'écrivains du monde entier intitulée International Writing Program (IWP) dans cette charmante petite ville universitaire qu'est Iowa City. Créé en 1967 par l'écrivain Paul Engle, l'IWP vise a encourager la créativité des écrivains et la traduction de leurs œuvres par un environnement privilégiant la rencontre et l'enrichissement mutuel des cultures. Durant trois mois, des lectures poétiques, des ateliers de traduction, des conférences-débats sur les arts et les lettres, des discussions impromptues sur tel livre ou tel auteur, des rencontres et des visites, un cadre de vie convivial, tout est fait pour que l'écrivain crée et écrive! Cette fois-ci, nous sommes 36 poètes, romanciers, dramaturges et nouvellistes de 30 pays des 5 continents. Madagascar y participe pour la première fois en étant le 118ème pays à y envoyer un représentant. Je suis heureux d'être le premier écrivain poète malagasy a être invité au IWP, et peut-être aussi le premier à être spécialement invité aux Etats-unis en tant que poète. J'ai noté que l'IWP donne la priorité à ceux qui écrivent dans leur langue maternelle. Nous restons à Iowa City du 26 août au 4 novembre, avec des virées à Chicago et à Des Moines. Puis voyage personnel de 10 jours du 4 au 13 novembre. Pour ma part, j'irai à Memphis, la ville natale du blues de B.B King et du rock 'n'roll d'Elvis Presley, sur les rives du Mississipi de Mark Twain… Puis Washington DC pour la dernière semaine, du 14 au 20 novembre. Avec l'aide d'une Irlandaise étudiante en traduction, j'ai commencé la traduction en anglais de certains de mes poèmes, et la traduction en malagasy de certains poèmes en anglais. La traduction de Prévert m'a donné un avant-goût, ce séjour-ci m'a fait mieux apprécier encore et la traduction et sa nécessité, surtout dans notre contexte.

Qu'entendez-vous exactement par: "la traduction et sa nécessité, surtout dans notre contexte"?

Dans la préface que j'ai écrite pour Anjambolana (Ed. Tsipika, 2001), notre traduction des poèmes de Jacques Prévert, je dis: "Puisse cette première tentative en entraîner d'autres afin d'ouvrir Madagascar à la culture universelle, aussi bien par la traduction des littératures étrangères en langue malgache que par la traduction des créations littéraires malgaches en langue étrangère. C'est là une manière de participer positivement a la mondialisation tout en encourageant les auteurs à écrire dans leur langue nationale." Je crois que mes convictions se trouvent confortées quand je constate en étant ici combien des pays comme nos voisins la Zambie et le Zimbabwe sont mieux connus que nous parce qu'ils écrivent et/ou sont traduits dans la langue prédominante du centre qu'est l'anglais. La plupart des pays présents ici font l'effort de traduire leurs œuvres, de les intégrer aux mainstreams culturels de notre temps. Notre contexte insulaire ne doit pas être perçu comme négatif. Au contraire. Nous avons la chance d'avoir le sens de l'enracinement en même temps que du voyage comme tous les insulaires. Le questionnement identitaire est déjà bien engagé, il doit continuer de nous interpeller. Il est temps maintenant de "voyager". Le temps est venu d'aller voir ailleurs et de nous faire voir ailleurs (sans jeu de mot malvenu), en deux mots: d'exister! Figurer en bonne place sur la carte littéraire mondiale. Nous avons tous les atouts pour réussir ce pari: une littérature en langue nationale bien établie et qui ne cesse de se développer, la maîtrise de la langue française que l'intelligentsia s'est appropriée, le penchant "naturel" des Malgaches à apprendre les langues étrangères et notamment l'anglais, le développement des Ntic dont la jeunesse urbaine branchée est friande mais qui va s'étendre à toutes les couches sociales et dans toutes les régions. Autant d'atouts, autant d'essais qu'il s'agit maintenant de transformer par la traduction de nos œuvres en langues étrangères car le Monde nous attend et il a besoin de nous pour exister, lui aussi.

Quels sont les poèmes que vous traduisez en malgache? Un ou des auteurs de prédilection depuis longtemps, ou des découvertes récentes?

Bien sûr, il est dans mes projets de traduire des poètes américains que j'apprécie comme Robert Frost, E.E Cummings ou d'autres encore. Mais en arrivant ici, j'ai découvert d'autres talents comme celui de Christopher Merrill, le poète universitaire en charge de l'IWP, qui est un homme d'une grande sensibilité. J'ai fini de traduire un de ses poèmes qui commence comme ceci : "Satria natopan'ny Ranomasina Maty imorona izay nateliny / mitsiro sira sy fanody ary lay... " Poème tout en ellipse et musical comme je les aime. Je suis en train d'étudier un poème de Sunny Ayewanu, beaucoup plus prosaïque mais proche des poèmes dits "engagés" de chez nous. Sunny est un jeune poète du Nigeria. Certains poèmes du poète irlandais Seamus Heaney aussi m'inspirent, nous verrons bien. Chaque fois que j'entre dans une bibliothèque ou une librairie, j'en découvre de nouveaux…

Côté "tourisme", si j'ose dire, vos choix en rapport avec Elvis Presley et Mark Twain sont-ils liés à votre histoire personnelle?

Pourquoi Memphis, alors qu'il y a de nombreux endroits beaucoup plus attirants? Peut-être, mais moi j'aime les lieux riches de leur histoire et j'aime aussi le blues, le country et le rock 'n'roll. Il se trouve que le Tennessee est, avec Nashville et Memphis, la terre natale de ces genres musicaux. Ma jeunesse s'est abreuvée à l'écoute de ces musiques. Je pense que mes écrits sont aussi imprégnés de leurs mots et de leurs senteurs. Il est donc normal que, durant un séjour américain consacré à la littérature, je sacrifie à une visite au berceau de l'une de mes sources d'inspiration: le blues, le country et le rock. J'irai donc à Memphis et je passerai à Nashville. De même, originaire du Lac Alaotra, les fleuves et les rivières m'ont toujours enchanté. Le poème n'est-il pas comparable à un fleuve de mots, de musique et d'images où souffle l'esprit? J'irai donc à Memphis pour vivre le Mississipi, un des plus grands fleuves du monde, où Tom Sawyer et Huckleberry Finn ont vécu leurs belles aventures.

Avez-vous le sentiment qu'à votre retour à Madagascar, quelque chose aura été modifié dans votre perception du monde et/ou de la littérature?

Il est difficile de sortir indemne d'une aventure, quelle que soit son envergure. Une entreprise, une démarche culturelle est et doit être vécue comme une "aventure" au sens d'aller à la rencontre de l'inconnu. Non pas un voyage vers l'inconnu mais un "vrai voyage": aller à la découverte de ce qu'on n'a pas encore vécu ni connu, oser se mettre en danger et se remettre en question pour mieux approcher et vivre sa Vérité. Comme j'aime à le dire souvent: "Se perdre, mais vraiment se perdre pour mieux se retrouver." Ma venue aux Etats-unis s'inscrit dans une démarche culturelle mûrement réfléchie et passionnément vécue. Comme à chaque fois dans de telles circonstances, j'assume que quelque chose aura évolué dans ma perception du monde, de la littérature ainsi que dans ma poésie. Mais à dire vrai, je n'y pense même pas car c'est devenu pour moi un mode de vie: chaque pas, chaque regard, chaque rencontre, chaque lecture, chaque désir n'est-il pas un voyage, le début ou la suite d'une aventure… culturelle?

26 novembre 2010

Pov à l'honneur

Pov a changé d'île, passant de Madagascar à Maurice. Il n'a rien perdu du talent qu'on lui a connu dans Midi Madagasikara en travaillant pour L'Express et L'Express dimanche. La preuve: il avait obtenu le prix francophone de la liberté de la presse en 2003, dans la catégorie dessin de presse, avec ce "strip" paru dans Midi.

Il vient d'obtenir le même prix, sept ans plus tard, pour cet autre dessin paru dans L'Express dimanche.

Félicitations, Pov! (Ou William Rasoanaivo, si l'on préfère son véritable nom au pseudonyme qui l'a rendu célèbre.)
Il ne s'arrêtera pas là, puisqu'il fait des projets:
"Je vais encore essayer de participer à des concours. Il y a la rencontre du dessin de presse à Nantes où j’irai en janvier. Depuis quelque temps, j’ai commencé à mettre mes pattes dans la bande dessinée. C’est une autre discipline tout aussi intéressante. Dans une semaine je vais sortir un petit essai avec l’Harmattan. C’est une BD de 12 pages sur le reportage d’Albert Londres «Congo-Océan». Je vais continuer sur cette lancée à faire de la BD, c’est dur mais ça vaut le coup."

12 novembre 2010

Connaissez-vous le code de la route?

Protégeons nos routes: "La pression exercée sur le sol par un véhicule ne doit, à aucun moment, pouvoir excéder 150 kilogrammes par centimètre de largeur du bandage".
Permettons aux passants de nous voir: "Aucun véhicule marchant isolément ne peut circuler, pendant la nuit dès la tombée du jour, sans être signalé vers l'avant par au moins un feu blanc."
N'attendons pas pour prendre la route: "Tout indigène conducteur d'une voiture attelée doit être âgé d'au moins seize ans".
N'oublions pas le contrôle technique: "Aucun véhicule à traction animale servant au transport des marchandises ne peut être mis en circulation sans une autorisation délivrée par le chef de circonscription administrative, après avis favorable de la commission d'examen".
Soyons respectueux des oreilles des autres: "L'automobile doit être muni [sic] d'un dispositif d'échappement silencieux. L'emploi de l'échappement libre est interdit."
Soyons prudents: "La vitesse maxima des véhicules de toute catégorie ne devra pas dépasser 15 kilomètres à l'heure dans la traversée des agglomérations".
Obtenons le permis dans les règles: "Les candidats au permis de conduire subissent, devant un expert faisant partie de l'administration, une ou plusieurs épreuves directes, permettant d'apprécier leur aptitude à conduite et à manœuvrer les véhicules auxquels s'appliquera le permis."
Prenons nos aises dans les transports publics: "Les compartiments des voitures publiques seront disposés de manière à satisfaire aux conditions suivantes: Largeur moyenne des places: 0m. 48 centimètres. Largeur des banquettes: 0m. 45 centimètres."
Etc.
C'est le Code de la route publié par la Direction des Travaux Publics de Madagascar et Dépendances en... 1926.
Et l'un des nouveaux documents, parmi d'autres, disponibles sur Internet (celui-ci chez Gallica) - tous répertoriés dans le Supplément permanent à la bibliographie Madagascar sur Internet.
On y trouve par exemple aussi, bien de saison en cette proximité de célébration du 11 novembre, une Circulaire au sujet des militaires indigènes rapatriés et libérés.

11 novembre 2010

Séance de rattrapage en librairie

La saison des prix littéraires français est, en ce qui concerne mon emploi du temps, une véritable horreur. (C'est bien amusant aussi, par ailleurs.) Les journées sont trop courtes. Alors, je note sur des petits papiers qui parsèment l'espace entre le clavier et l'écran de mon PC, au fur et à mesure que je les rencontre, des références de livres concernant Madagascar. Je vais vous les donner aujourd'hui sans autres informations que celles des éditeurs, je reviendrai sur certains ouvrages quand je les aurai lus. (Et j'espère que cela ne tardera pas.)

Je commence par un rappel, puisque j'ai déjà signalé l'existence de cet ouvrage très important que j'ai à peine commencé à explorer: le premier volume des Oeuvres complètes de Jean-Joseph Rabearivelo.
A ce propos, un rendez-vous est fixé le samedi 20 novembre à 10h30 au CCAC pour un forum littéraire. D'ici là, je vous en aurai dit davantage sur le livre, présenté ainsi par la quatrième de couverture:
Imaginez en ce début du XXe siècle un jeune "indigène" d'une île soumise à la prestigieuse culture française et se découvrant le don d'écrire. Jean-Joseph Rabearivelo (1903-1937) se veut le "contemporain capital" de sa nation. Déclinée en formes multiples, son œuvre s'inscrit dans la confluence périlleuse des sources natales et du médium étranger choisi. La lecture de son journal, les Calepins bleus, de sa correspondance et d'autres textes autobiographiques révèle l'âpre et parfois capiteuse nudité de cette quête, vécue jusqu'au suicide, dans le flux des jours écrits avec la constante exigence de l'artiste.
On reste en littérature avec le premier roman de Johary Ravaloson, Géotropiques. Lui aussi sera l'invité d'un forum littéraire au CCAC, le samedi 18 décembre à 10h30 - mais avec Sophie Bazin, et à propos d'un autre ouvrage que je vous ai déjà présenté, Zahay Zafimaniry.
Géotropiques, dont vous avez ci-contre la couverture de l'édition française, est aussi édité à Madagascarn dans une autre présentation, chez Dodo vole. Aujourd'hui, la présentation de l'éditeur français:
«Je», surfeur devant l’Éternel et dans l’océan Indien, Malgache vivant à La Réunion, avec son grand amour, B. L’histoire commence légère, facile, comme une vague, sous le soleil et le vent docile. Mais la rugosité de la vie s’en mêle. « Je » lit les carnets laissés par Andy. Carnets qui racontent l’histoire d’amour entre B., la Française, et Andy, le Malgache, sur fond de manifestations d’étudiants à Paris, puis d’un retour à Madagascar. Des sensibilités se heurtent, des individualités se découvrent…
Un premier roman publié d’un auteur malgache, loin de tous clichés concernant cette grande île si méconnue. Dans un style enlevé, rapide, comme le mouvement d’une vague, le ressac de la mer, Johary Ravaloson raconte une histoire d’amour et de mort, met en scène une génération portée par l’espoir et nourrie par les désillusions.
Littérature encore, mais du côté de la poésie, avec un duo d'auteurs belges, Ben Arès et Antoine Wauters pour Ali si on veut.
À la recherche de tout ce lait perdu, le ventre
battu par les sentiers, au cuir la terre brûlée, aux
lézards, makis entre les lunes, à celle qui porte, se
décarcasse, aux progénitures dévouée, secrets
qu’on n’ébruite pas, à l’aplomb, fêlures gardées,
Ali si on veut.
*
Sensible aux pouls, aux chocs, ressorts des
salives. Et ses mains, ses longs doigts fouisseurs,
et sa chemise à pans pour taillader la terre,
pleurer des pourpres et de petites lamelles de
chaux. Et ses yeux, des insectes, deux jeunes
taons de voltige, deux mouches pour perdre pied.
Ben Arès est né à Liège en 1970. Responsable de la revue Matières à poésie et du projet de lectures publiques du même nom. Depuis 2008, coéditeur de la revue Langue vive, avec Antoine Wauters notamment. A publié une dizaine de livres, dont Ne pas digérer, roman, et Cœur à rebours, poésie, (La Différence, 2008 et 2009).
Antoine Wauters est né à Liège en 1981. A publié quatre livres, dont Debout sur la langue (Maëlstrom, 2008) qui lui a valu le prix Polak de l’Académie belge en 2008.
Ali si on veut est le premier livre que les deux auteurs publient à Cheyne.
Du père Pedro, Journal de combat. Missionnaire à Madagascar est réédité au format de poche.
40 ans d'action au service des pauvres: un missionnaire à Madagascar...
À Madagascar, le Père Pedro et sa communauté Akamasoa ont sauvé des dizaines de milliers d'enfants et de familles pauvres, en tentant par tous les moyens de les réinsérer dans la vraie vie. Mais la misère peut resurgir devant chaque porte...
Dans son Journal de combat, le Père Pedro raconte avec une extrême précision comment chaque matin il trouve la force de se battre contre des ennemis jamais terrassés: la faim, la maladie, l'égoïsme, le découragement, la démission des parents... Et il faut croire en l'homme en toutes circonstances pour l'aider à retrouver sa dignité.
Un témoignage humain d'une grande force, une aventure pleine d'espoir qui nous incite à penser qu'un monde plus juste et fraternel demeure possible.
Victor Augagneur, qui fut gouverneur de Madagascar de 1905 à 1910 (il succédait à Gallieni), a écrit Erreurs et brutalités coloniales, réédité dans un volume qui rassemble d'autres textes.
Les textes reproduits dans ce recueil sont tous favorables au colonialisme qu’ils veulent civilisateur et, à terme, émancipateur. Le premier, qui donne son titre au volume, narre la répression inintelligente d’une révolte en 1904 à Madagascar, avant que son auteur, jusque-là maire radical de Lyon, ne prenne le gouvernement de l’île.
Le français tel que le parlent nos tirailleurs sénégalais (1917 & 1918) délivre aux cadres blancs de l’armée une savoureuse méthode d’enseignement du «petit-nègre», fondé en fait sur la syntaxe du bambara et le lexique du français.
Le Manuel élémentaire à l’usage des officiers… (1923) propose une typologie racialiste des peuples de l’Afrique occidentale, entrevus en fonction de leurs capacités respectives à fournir des soldats à l’armée française, que ce soit pour servir de chair à canon dans les tranchées ou pour réprimer les révoltes, en Afrique ou ailleurs.
A leur manière, et sans toujours s’en rendre bien compte, ces monographies, instructives par ailleurs, livrent un témoignage aussi précieux qu’irréfutable sur les méthodes du colonialisme français.
La nature malgache n'ayant pas fini de susciter des ouvrages, voici Lémuriens, seigneurs, savants fous et rois aux sagaies. Petite histoire de Berenty à l'extrême sud de Madagascar, par Alison Jolly, traduit par Emmanuelle Grundmann.
Il était une fois un bout du monde: l'extrême sud de la grande île rouge, Madagascar. Ici, personnages humains et animaux entremêlent leurs histoires dans la réserve naturelle de Berenty. Ce récit est le témoignage d'un passé tumultueux depuis l'esclavage précolonial jusqu'au néocolonialisme de la Banque mondiale. Mais la vraie histoire de Berenty est celle des naissances, mariages et empoisonnements au goût amer. Ici, il y a des combats de sagaies, des batailles puantes et des tombes tandroy décorées de crânes de bétail sacrifié. On y rencontre "On ne peut mettre à terre", "N'a jamais tété", Robin le jeune esclave anglais, Alisson l'Américaine ou encore Hanta la diplômée de Moscou. Et bien sûr, il ne faut pas oublier les lémuriens "Frightful Fan" et "Chou à la crème".
Par-dessus tout, vous allez rencontrer une famille obstinée et entêtée, tant dans les moments de faste luxueux que dans le désarroi: les seigneurs du heaume qui, malgré la mondialisation galopante, tentent de préserver intact leur pacte avec les Tandroy.
Alison Jolly débuta ses études sur les lémuriens sauvages en 1963. Elle poursuivit ses recherches à la réserve naturelle de Berenty durant quatre décennies avec ses collègues et étudiants. Auteur de douze livres sur l'évolution du comportement animal et sur la conservation, elle conte ici ses propres aventures et celles de ses amis de l'extrême sud de Madagascar.
Après avoir étudié les orangs-outans à Bornéo, Emmanuelle Grundmann s'est tournée vers l'écriture et le journalisme et a écrit plusieurs livres sur la déforestation, les primates et la biodiversité. La traduction du livre d'Alison Jolly lui a permis de retrouver les lémuriens et Madagascar qui l'ont toujours fascinée.
Pour Vanille. La route Bourbon, Philippe Aimar, photojournaliste, a requis les connaissances de Jean Mèze, ingénieur en agronomie tropicale et a complété sa propre démarche par celle Reno Marca et Mariana Bonet, auteurs d'un carnet de voyage.
Au début du 16e siècle, la vanille donna la fièvre à tous les souverains d'Europe. Aussi lorsque Cortez eut l'occasion de déguster son fameux «chocolat vanille», on imagine avec quel empressement il pensa à un juteux commerce. Son premier objectif fut donc d'envoyer au plus tôt un chargement de gousses en Espagne. Charles Quint fut certainement le premier souverain d'Occident à goûter la vanille. La route de la vanille venait d'être ouverte...
Aventurier, photographe et journaliste, Philippe Aimar inscrit son travail dans la lignée des grands écrivains voyageurs. Depuis plus de 20 ans, Il parcourt la planète à la rencontre de peuples, de cultures et de saveurs pittoresques. Véritable magicien des mots et des images, il fige à travers son objectif des instants qu'il transforme, tout au long des pages de ses livres, en moment d'éternité. Ce qui le caractérise, c'est qu'il veut tout voir et tout savoir pour fixer au mieux les événements dont il est le témoin privilégié. Chacune de ses aventures se transforme ainsi en carnet de voyage insolite, en témoignage unique. Avec un tel parcours, rien d'étonnant à ce que cet infatigable baroudeur ait consacré une grande partie de son travail à l île de Madagascar et à l'un de ses joyaux: la vanille. La culture de cette épice aromatique qui suscite plaisir et convoitises nécessite en effet des soins longs et attentifs. Il fallait donc un artisan du journalisme et de la photographie pour expliquer son histoire et comprendre pourquoi elle fascine à ce point les hommes.
Pour changer un peu, une bande dessinée de Denis Vierge, Vazahabe! (tout le monde aura compris). Présentation à l'italienne, comme on dit dans le langage de la mise en page, pour faire penser à un carnet de voyage...
Guy Camier, la soixantaine bedonnante, débarque à Madagascar à la recherche de sa femme, une Malgache épousée par l’intermédiaire d’une agence matrimoniale. Retournée pour un temps dans sa famille, elle a disparu. Accident, enlèvement, fuite?
Devant le mépris des services diplomatiques, il se fera aider d’un expatrié français, et d’un chauffeur malgache pour essayer de la retrouver…
C’est une histoire de vengeance, de revanche sociale et affective… Mais aussi la découverte d’un pays et d’une culture. Et l’affirmation que le voyage ne permet de découvrir que soi-même. Au mieux.
Beaucoup plus sérieux - mais le droit n'est peut-être pas absent de la bande dessinée ci-dessus, le professeur Alisaona Raharinarivonirina se voit offrir des mélanges, genre prisé dans les milieux universitaires: Regards sur le droit malgache. J'aurais voulu vous en donner le texte de quatrième de couverture, mais la définition de l'image est si mauvaise que je me contente de quelques lignes pêchées sur le site de l'éditeur. (Je tiens à mes yeux, ils peuvent encore servir.)
Tel est le but de cet ouvrage: rendre hommage à celui qui a été l'un des bâtisseurs et pionniers du droit au sein des universités de Madagascar, au sortir des années 60, quand le temps était alors à l'incertitude et aux tâtonnements. L'entreprise ainsi menée se veut le symbole d'une saine transmission des valeurs et des connaissances à travers des générations de juristes qui ont contribué et qui participent encore au développement de la faculté de droit de l'Université d'Antananarivo.
Enfin, j'allais oublier un recueil collectif de nouvelles qui rassemble des textes de Raharimanana, Jean-Pierre Haga, Alexandra Malala, Johary Ravaloson, Esther Randriamamonjy et Magali Nirina Marson, Nouvelles de Madagascar.
Pour qui a arpenté les hauts plateaux de l’Imérina, sillonné ce pays de rizières, de forêts peuplées d’une faune fabuleuse, pour qui a côtoyé jour après jour les Malgaches des villes (Antananarivo, Mahajanga, Antsirabe, Antsiranana [Diego Suarez], Tamatave, Tulear, etc.) et ceux des campagnes, l’énigme de cette île enchanteresse est encore plus grande. La littérature malgache d’aujourd’hui s’écrit en malagasy, ou, vestige de l’histoire coloniale, en français. Elle demeure aussi souvent orale, c’est la littérature dite des Anciens par laquelle se perpétuent les traditions.
Ce recueil, avec des nouvelles inédites d’auteurs vivant à Madagascar ou en Europe, tous hantés par leur île, ses sortilèges, son histoire ancienne et tous soucieux de son devenir, est une photographie de l’île aujourd’hui. La pauvreté, celle des campagnes et celle des villes, l’exode, le tourisme et ses terribles conséquences, la corruption, l’instabilité politique, mais aussi le passé prestigieux, Antananarivo la grouillante «Ville des Mille»: tels sont les sujets de ces textes qui permettent d’aborder la réalité malgache; ou plutôt quelques-unes des multiples facettes de la réalité de l’immense Île rouge.

22 octobre 2010

Danse l'Afrique danse ! Une forte délégation malgache à Bamako

Les nostalgiques de Sanga, c'est-à-dire des trois éditions malgaches des Biennales africaines de danse contemporaine (j'en suis, de ces nostalgiques) peuvent mettre le cap sur Bamako, au Mali, pour en retrouver l'ambiance dans une huitième édition intitulée Danse l’Afrique danse! Du 29 octobre au 5 novembre, ils ne devraient pas être trop dépaysés: la présence de Madagascar est importante, nous l'allons montrer tout de suite.
Puisque Bamako, c'est un peu loin, je pioche dans le programme illustrations et textes à propos des danseuses et danseurs malgaches.

Julie Iarisoa - Cie Anjorombala
Sang couleur
(Concours - pièces collectives)


«Mon sang n’a pas de couleur, mais il a du goût», dit en exergue Julie Iarisoa, chorégraphe de ce quatuor pour danseurs portant jupes et perruques blanches, «qui évoque le respect réciproque en acceptant les différences». Un travestissement qui s’insinue dans leur manière de se mouvoir, poupées aux gestes un peu raides, bondissant sur leurs fesses pour traverser le plateau. Les mains claquent, les pieds frappent le sol et les danseurs se divisent par couples, échafaudant l’art de la chute sur des portés audacieux. Vissés au sol, les corps font les toupies et donnent à voir une break dance au rythme ralenti qui en accentue la fluidité. Souvent de dos, les quatre s’amusent de leurs tenues, se retrouvent en jupon et plongent leurs mains dans des pots de peinture pour recouvrir un tableau noir, puis leur peau, de coulées blanches et crayeuses. De l’action painting dansé bien dans le ton de la gestuelle, à la fois expressionniste et abstraite.

Harimalala Angela Rakotoarisoa - Cie Soranihafa
Sora
(Concours - pièces collectives)


«Toute chose a son origine. L’homme, la nature et l’être vivant. Sora le souffle de vie, mais Sacrifice pour l’homme qui est prêt à chercher son origine afin de protéger ce qui a déjà existé», dit en exergue la chorégraphe Angela Rakotoarisoa. Le décor est posé, baigné d’une lumière rose comme l’aurore: un long tube de tissu qui traverse verticalement le plateau, un lit suspendu et le reflet mat d’un rond de métal posé sur un socle, écran aveugle d’une danse offrande, avant d’être saisi et secoué par les danseurs, zébrant l’air de ses vibrations sourdes. L’homme et la femme occupent des espaces distincts. A lui, le sol d’où il surgit, s’extrayant du tube de tissu pour nous convier à la naissance du geste. A elle, le lit suspendu qui bouge au rythme de ses gestes. Tous deux, corps chrysalides, soumis à la métamorphose par la grâce du mouvement, d’une parade amoureuse à la vigueur acrobatique à un pas de deux où se dépose l’instant de la rencontre.

Junior Zafialison
Ail ? Aïe ! Aïe !
(Concours - solos)


Un titre programmatique qui fait référence aux vertus médicales de l’ail sans négliger ses désagréments pour dire ce qu’il en est de la dualité intrinsèque de l’homme. Assis sur un plateau nu, Junior Zafialison pile l’ail dans un mortier et de ce coup frappé, répétitif, s’élance le premier geste. Lent, délié et souple, le bras se soulève et entraîne le corps dans une lutte où les bras se resserrent sur la gorge. La danse, traversée de multiples influences, du port des bras classique à l’accent mis sur l’arrondi d’une épaule ou la qualité des sauts et le travail au sol, explore aussi toutes les dimensions de l’espace. Alors, le mur du plateau où il se plaque, dos au public, devient comme la page blanche où le danseur écrit sa danse et l’espace d’un changement de perspective.

Ariry Andriamoratsiresy & Gaby Saranouffi - Cies Rary et Vahinala
Fangalapiery
(Hors concours)


Contraste entre modernité et tradition, entre le rouleau de plastique rouge déroulé sur le sol pour dessiner une trajectoire ou servant de costume à Gaby Saranouffi qui s’y enroule lentement et le chant de Sana, musicienne du Sud de Madagascar, réputée pour son rôle de gardienne des coutumes ancestrales. Contraste entre la danse aux ressorts dynamiques d’ Ariry Andriamoratsiresy et la forme sculpturale et contemplative de celle de Gaby Saranouffi qui finit par retirer son enveloppe plastique, plaquée au mur, gestes secs et danse exacerbée par l’urgence. Un va et vient permanent entre deux extrêmes : «Un monde très coloré et artificiel illustré par la scénographie et le son vibrant et poignant offert par Sana qui rappellent l’omniprésence des attaches de chacun.»

19 octobre 2010

Jean Joseph Rabearivelo : Œuvres complètes, tome 1

L'événement est de taille - et j'y reviendrai quand j'aurai pris connaissance du volume: le premier tome d'une édition critique des Œuvres complètes de Jean Joseph Rabearivelo est (si j'ai bien compris quelques articles sur une conférence de presse qui s'est déroulée hier et à laquelle je n'étais pas présent) sur le point de paraître. La date officielle de sortie en France est le 28 de ce mois, et le mois prochain à Madagascar.
Il s'agit d'un épais volume - 1280 pages - coordonné par Serge Meitinger, Liliane Ramarosoa et Claire Riffard, qui reprend les textes du diariste (les mythiques Calepins bleus), de l'épistolier et du moraliste. C'est-à-dire la part de son œuvre la plus mal connue, au contraire des poèmes qui l'ont rendu célèbre dans le monde entier.
Je vous le disais, j'y reviendrai.

14 octobre 2010

Archives sonores de Madagascar

C'est une collection de disques que les spécialistes connaissent, j'imagine, mais que pour ma part je découvre grâce à la mise en ligne d'une partie d'entre eux sur le site de Gallica. Si je comprends bien, le Musée de la Parole et du Geste de l'Université de Paris a réalisé ces enregistrements à l'occasion de l'Exposition coloniale internationale de 1931. Plusieurs d'entre eux viennent d'être mis en ligne - d'autres étaient peut-être déjà disponibles. Une recherche sur l'ensemble et le mot "Madagascar" fournit vingt résultats aussi divers que des chants de piroguiers, de lutte ou de travail.
Admirez l'état d'un disque avant de l'écouter - vous accepterez dès lors sans problème le grésillement qui accompagne ces vieux 78 tours.

Et voici une image qui accompagne une de ces réalisations.


12 octobre 2010

Trois photographes à Ilakaka

Si, comme moi, vous étiez passé sur la Nationale 7 avant et après la découverte du saphir à Ilakaka, près du parc de l'Isalo, vous avez vu la différence... Depuis une bonne décennie, cette ville surgie au milieu de nulle part est devenue le symbole d'un Far West malgache. Elle a souvent attiré des journalistes et des photographes. Afriphoto vient d'en rassembler trois dont les regards se complètent pour rendre ce lieu plus familier sans rien lui enlever de sa bizarrerie.
Sans commentaires, voici trois exemples. Les liens renvoient non aux galeries du terrain inlassablement creusé par les chercheurs de saphirs, mais aux galeries des photographes.






10 octobre 2010

BNM : la Bibliothèque Numérique Mauricienne

Un site qui met en vedette la Bibliothèque malgache électronique a tout pour susciter de ma part, vous le comprendrez aisément, un préjugé favorable.
C'est donc avec grand plaisir que je salue la naissance d'un site cousin du mien, la Bibliothèque Numérique Mauricienne.


Son concepteur, Stéphane Sinclair, me dit en outre que ma démarche l'a inspiré. Tant mieux! D'autant qu'il est parti sur les bases d'une présentation beaucoup plus claire que la mienne. (J'avais pensé réorganiser tout le site en juillet, et puis je n'en ai pas eu le temps - ce sera pour la prochaine plage de temps libre, ou relativement libre).
Vous l'aurez compris, j'aime ce site d'une île voisine, où tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'Océan Indien trouveront une matière riche, déjà abondante et dont la vocation est d'offrir une documentation en expansion.
Un fil RSS (auquel je me suis abonné sans attendre) permet de ne rien manquer des prochaines nouveautés du site.

7 octobre 2010

Lire et voir : colonie et indépendance (?)

Donc, 2010 était - est encore, puisque l'année n'est pas finie - une date anniversaire essentielle, puisqu'un demi-siècle s'est écoulé depuis la décolonisation de Madagascar et de beaucoup d'autres territoires occupés auparavant par la France. France qui a célébré, laissez-moi rire, l'événement en pompe moyenne plutôt que grande. Chez nous, c'était un peu compliqué, en raison du climat politique.
Ce n'est pas une raison pour ne pas en parler quand des documents sortent à cette occasion, comme La fin de l'empire colonial, le numéro hors-série des Cahiers de l'Express daté d'octobre-novembre. On y trouve, entre autres choses, un long article de Jean Fremigacci intitulé Madagascar de la première à la seconde indépendance 1960-1973. Je ne possède pas la compétence nécessaire pour juger du contenu de cet article, mais voici, pour le plaisir, une photo qui l'illustre. Elle a été prise lors de la Fête de l'Indépendance du 26 juin... 1960!


Dans la foulée, j'ai cherché d'autres documents, et j'ai trouvé une mine que certains d'entre vous connaissent probablement, le site de l'INA sur lequel une simple recherche donne accès à 75 vidéos concernant Madagascar. Allez-y voir, vous ne perdrez pas votre temps. (Pour ma part, j'ai cru que j'allais y passer la journée.)
On y apprend qu'on extrait du pétrole depuis longtemps à Madagascar. Que deux cosmonautes américains sont passés par Antananarivo. Que Philibert Tsiranana reçoit chez lui en toute simplicité. Avant de connaître une fin de règne agitée. Que les grandes secousses connues depuis l'Indépendance ont trouvé place dans les médias français, de 1972 à 2009.
Des documents dont nous connaissons certes l'origine (et il ne faut jamais l'oublier), mais qui n'en sont pas moins précieux.

6 octobre 2010

Citation : comment devenir française en épousant un Malgache

Je viens seulement de lire Infrarouge, le roman de Nancy Huston paru en mai. Je ne le regrette pas: non seulement le livre est excellent, mais en outre il me permet de renouer avec mes chères citations, le mot clé étant cette fois plutôt "Malgache" que "Madagascar".
Rena Greenblatt, d'origine canadienne, et à la vie amoureuse, disons... compliquée, se trouve avec son père et l'épouse de celui-ci en Toscane, où elle leur a offert une semaine de vacances. Les choses ne se passent pas trop bien, mais elles sont surtout pour elle l'occasion d'opérer des retours en arrière dans son existence. Et d'expliquer par quels détours compliqués elle a obtenu la nationalité française.
Or j’avais acquis la nationalité française par mon mariage avec Fabrice qui, bien qu’haïtien de naissance, avait lui-même été naturalisé lors de son premier mariage avec une Malgache ayant précédemment épousé un Basque; ce genre de chaîne d’entraide était plus facile à réaliser dans les années 1980 que de nos jours…
Amusant, non?

25 septembre 2010

En librairie : cuisine et lémuriens

Non, il ne s'agit pas de cuisiner des lémuriens, comme on a pu le voir il n'y a guère dans des images que les amateurs de la nature malgache ont trouvé révulsantes. Mais (ouf!) de deux livres différents et sans le moindre rapport entre eux. Sinon qu'ils concernent, évidemment, Madagascar.
Comme chaque fois que je n'ai pas lu le livre dont il est question, la présentation est celle de l'éditeur.

William Chan Tat Chuen. Ma cuisine de Madagascar

«La mer est la limite de ma rizière» (ny ranomasina no valamparihiko) aurait dit le grand roi Andrianampoinimerina qui lança l’unification de l’île à la fin du XVIIIe siècle. La cuisine malgache d’origine, avec le zébu, le riz et les brèdes, s’est enrichie pendant son histoire de plusieurs traditions culinaires telles: la chinoise, l’indienne, et la française.
Dans ce nouvel ouvrage, William Chan Tat Chuen nous offre un itinéraire gourmand à travers les saveurs d’une île, qui lui rappellent à la fois son enfance, et des traditions culinaires qui marquent une identité malgache plurielle et ancestrale. À la fois parcours anthropologique et gourmand son récit nous expose toute la richesse d’une île dont les spécialités ne manquent pas de piquant! Des recettes de zébu, aux différentes variantes de rougails et d’achards, c’est toute une géographie gustative qui nous est dévoilée ici. Mais aussi la cuisine malgache au-delà de la nécessité de répondre et de satisfaire la population est une cuisine qui accompagne les rituels de la vie; les croyances, les interdits (les fadys), et nous laisse entrevoir une culture complexe et très influencée par les superstitions.
Avec de nombreuses recettes, l’auteur nous révèle les mœurs et l’histoire d’un pays aux multiples facettes, où l’on n’est pas étonné de déguster du foie gras, des nymphes frites, de nombreux poissons et où l’on trouve aussi du vin, une très bonne bière et où l’on a renoncé à manger de la tortue de mer puisqu’elle est devenue une espèce protégée.

Après de nombreux ouvrages consacrés à la culture chinoise, et en particulier à la gastronomie, À la Table de l’empereur de Chine (2002) et récemment À la table du «Rêve dans le Pavillon Rouge» (2010), William Chan Tat Chuen, sinologue et spécialiste des cultures et rituels alimentaires, nous invite à travers Ma Cuisine de Madagascar à partager avec lui les saveurs de son pays natal.

Jean-Marie Defossez et Fabien Mense. Les Sauvenature, tome 10: Le refuge des lémuriens

Les Sauvenature participent à un atelier écologique à Madagascar et apprennent que les lémuriens sont menacés par la déforestation. Il entreprennent d'une part de sauver une femelle brûlée par un incendie et de trouver d'autre part une solution alternative pour que les habitants de l'île n'aient plus à brûler les forêts.

Après les tortues, les dauphins, les éléphants, etc., cette série de romans écologiques pour jeunes lecteurs s'intéresse donc aux lémuriens...

19 septembre 2010

Thalassa et la vanille de Madagascar


Fidèle à Madagascar depuis des années, l'émission Thalassa trouve encore des sujets sur la Grande Ile. Prochaine émission ce vendredi 24 septembre à 20h35 sur France 3, avec quatre sujets dont l'un, pendant treize minutes, montre Christelle sur la route de la vanille. Présentation:

Christelle explore toujours la grande île de Madagascar. Après la rencontre avec les Vezos, le peuple de la mer, elle s’intéresse à la récolte et à la transformation de la vanille. La vanille, cette orchidée merveilleuse qui offre ses gousses parfumées, est une épice que Madagascar exporte massivement. Christelle va suivre la route de la vanille qui la mènera en bateau vers le grand port de Tamatave.

16 septembre 2010

Ben Arès, une (re)naissance

C'est un texte court et dense, dans lequel la phrase halète, où se joue une naissance, prolongée les jours suivants dans l'écriture. Le poète n'est pas étranger à sa propre vie. Celle-ci bat en mots qui se déversent sur les pages, flux tendu, flux des corps, premier éclat quand tout se joue en un instant entre l'eau et l'air, dans l'accompagnement du sang, dans l'accomplissement de ce qui se renouvelle à chaque instant un peu partout sur Terre et qui, pour le père, la mère et l'enfant, reste unique.
Ben Arès, entre ses travaux d'écriture plus amples, aime donner de petits livres en guise de signes. Je ne vous oublie pas, semble-t-il dire, ne m'oubliez pas non plus, et voici ce qui m'arrive...
Outre d'être frappé par la force de ces quelques pages, on pourra donc les prendre aussi comme le faire-part de naissance de Shaina, pourquoi pas?

L'ouvrage est en vente dans les principaux lieux de vente de livres, qui ne sont pas que des librairies, à Toliara. Et, à Antananarivo, dans les librairies Lecture & Loisirs (Tana Water Front), Md Paoly (Analakely), ainsi que chez Ethnik sarl (Isoraka, boutique Kudeta).

4 septembre 2010

Mahaleo - 1 : veloma, Raoul !

Encore une mauvaise nouvelle, qui m'emplit de tristesse: Raoul, un des sept membres du groupe Mahaleo, n'est plus. Je n'ai pas vraiment envie d'en dire davantage, tant la seule rencontre que j'ai faite avec lui respirait la générosité. On n'oubliera pas que ce musicien était aussi médecin, et qu'il a à ce titre soulagé autant de peines que sa musique et celle de ses copains ont pu le faire.
Pour la musique, le site de Mahaleo (le film) vous en met plein des oreilles, et cela fait toujours autant de bien. Pour écouter Raoul parler des ateliers qu'il animait à l'Alliance française de Toamasina en septembre 2005, quand je l'ai interviewé pour Un quart culture, l'émission que je réalisais alors sur l'antenne d'Alliance 92, c'est à télécharger ici. Un quart d'heure avec lui (malheureusement interrompue par une chanson d'Alain Souchon, dont je venais de recevoir le nouveau disque à ce moment, et j'aimais proposer de la musique qui n'était pas encore beaucoup programmée par les radios malgaches - vous me pardonnerez, je l'espère).

2 septembre 2010

Zafimaniry un jour, Zafimaniry toujours


Sophie Bazin et Johary Ravaloson semblent n'en avoir pas fini avec les Zafimaniry, auxquels ils avaient déjà consacré un beau livre, Zafimaniry intime. Cet ouvrage était bilingue. Ils font mieux aujourd'hui avec un livre trilingue: Zahay Zafimaniry / Nous, Zafimaniry / We; Zafimaniry. Il est vrai qu'il n'y avait pas trop de texte à traduire: une dizaine de lignes, produites lors d'un atelier d'écriture à Antoetra. Elles sont évidentes comme lorsqu'un travail aboutit à la simplicité de dire.
Je ne comparerai pas cette simplicité à la complexité du travail artistique des Zafimaniry. Le registre de ceux-ci est évidemment très différent, dans le détail des nervures, des volutes et des symboles gravés sur le bois. On retrouve ce détail dans les photos de Sophie Bazin. Une œuvre face à une scène de vie ou un paysage - ce qui est un peu la même chose, le paysage étant façonné par l'homme. Et on y entre par une fenêtre, seul le centre de l'image étant visible d'un côté, comme le montre cette double page:


Le cache bascule, on passe de la vie au travail, du travail à la vie, sur du carton épais comme dans un livre pour enfants. "Ce livre est moins lourd qu'une chaise", nous dit-on. Et presque aussi beau.
Il est disponible dans les principales librairies de Tana. A l'étranger, si vous ne le trouvez pas, vous pouvez toujours le commander ici. (Et c'est sur cette page que j'ai trouvé la vidéo.)




1 septembre 2010

La culture... du jeu vidéo

J'aime bien les bonnes nouvelles. Désolé, celle-ci n'en est pas une.
Je lis dans le Courrier de Madagascar un article dont l'auteur, Rindra R., donne son point de vue dès le titre: Scandaleux! L'Espace Rado devient une salle de jeux vidéo. Si l'information est exacte, et je n'ai aucune raison de penser qu'elle ne l'est pas, c'est en effet un scandale.
A priori, je n'ai rien contre les jeux vidéo. Encore que... Quand je tombe par hasard sur une séquence télévisée qui présente les nouveautés du genre, j'hésite le plus souvent entre m'enfuir en courant et exploser la télé. (Vous me direz que, raisonnablement, je peux aussi changer de chaîne, mais comment être raisonnable dans ces moments-là?) C'est généralement si bête, si violent, si mal foutu...
Les jeunes Tananariviens manqueraient-ils de salles de jeux vidéo? Il en fleurit à tous les coins de rue dans chaque quartier.
Alors, installer cette horreur dans l'Espace Rado du Ministère de la Culture, oui, du Ministère de la Culture, et dans l'Espace Rado, Rado comme Rado, le poète... Vous vous rendez compte?
Scandaleux, c'est le moins qu'on puisse dire.

21 août 2010

Le coeur transpercé de Madagascar dans le "National geographic"

On reparle du bois de rose, cette fois dans le National Geographic, prestigieux magazine de langue anglaise (mais peut-être l'édition française aura-t-elle droit à une traduction du reportage). Pas seulement du bois de rose, d'ailleurs. Le long article qui paraît dans la livraison de septembre aborde aussi d'autres blessures faites à la nature du pays. Je prends pour exemple, ci-dessous, une photo de la plaie tracée à travers la forêt par le pipeline de l'exploitation de nickel à Ambatovy.
On peut lire en ligne Madagascar's pierced heart, accompagné d'une galerie de photos et d'une carte interactive situant quelques-unes des richesses naturelles de la Grande Île.


19 août 2010

Les baobabs de Madagascar dans "L'Express"


Ce sont deux pages dans l'hebdomadaire français L'Express cette semaine: un reportage sur une mission scientifique chargée d'étudier de plus près ces arbres que, pour six des huit espèces connues, le monde entier nous envie. On a beau les avoir vus mille fois, les baobabs fascinent toujours. Et on apprend, dans l'article d'Eric Lecluyse, que tous leurs mystères ne sont pas encore percés.
Autre mystère (moins fascinant): le changement de titre de l'article. Dans la version papier, c'est: Baobabs. Sur la piste des géants. Dans la version en ligne, il devient: Les baobabs, grands corps fragiles. Et s'accompagne d'un joli diaporama.

Patrick Cauvin, auteur de "Villa Vanille", est mort

L'écrivain Claude Klotz, mieux connu sous son pseudonyme Patrick Cauvin, est mort la semaine dernière à l'âge de 77 ans. Un de ses romans n'est pas passé inaperçu à Madagascar. Villa Vanille, en effet, évoquait les événements de 1947. Le livre était paru en 1995 et, à l'époque, Patrick Cauvin n'avait jamais mis les pieds à Madagascar. Quand il y est venu présenter son livre, les choses se sont, semble-t-il, mal passées. Dans la notice que lui consacre Wikipédia, on trouve d'ailleurs une allusion à son passage dans la capitale: "Le séjour s’avère être cauchemardesque pour l’écrivain. Il découvre, une fois sur place, que la presse locale est unanimement négative à son égard et passe, de peur d’être la cible de bandits de grands chemins, ses journées confiné dans sa chambre d’hôtel."
Je n'étais pas, à cette époque, installé à Madagascar - et rien ne me laissait supposer que cela arriverait un jour. J'avais donc rencontré Patrick Cauvin pour le faire parler de Villa Vanille sans connaissance particulière du sujet qu'il y abordait.
Je vous restitue l'article que j'avais publié le 14 avril 1995 suite à cette rencontre.

Villa Vanille, le nouveau roman de Patrick Cauvin
Madagascar, 1947: la fiction pour restituer la réalité. Patrick Cauvin réécrit et fait découvrir un épisode peu connu de l'histoire coloniale française.
Les pays occidentaux ont tendance, souvent, à minimiser voire à évacuer complètement les pages de leur histoire qui ne les montrent pas sous leur meilleur jour. Pour peu qu'il soit possible d'oublier sans culpabilité, voilà tout un passé jeté à la trappe! Il en va ainsi de la sanglante répression que les colonisateurs français imposèrent à Madagascar en 1947: qui a été marqué par ce que n'en disent pas les ouvrages de référence, dans leur très grande majorité? Cent mille morts, compte Patrick Cauvin, qui n'a pas pu résister à l'envie de raconter cela. Il a découvert son sujet en le confrontant à sa propre expérience:
En 1960, je sortais de la guerre d'Algérie et je suis devenu professeur dans un CET de banlieue. Là, j'ai rencontré un autre professeur, d'origine malgache, qui, au bout d'un mois, m'a dit: Tu ne parles jamais de l'Algérie... Lui ne parlait jamais de Madagascar, mais il a fini par me raconter la répression de 1947. J'y pense depuis trente ans... J'ai été très impressionné par ce sujet, et j'avais envie de faire un roman à l'intérieur de ce cadre.
C'est Villa Vanille, un gros livre qui ne ressemble pas trop à la production habituelle de Patrick Cauvin chez qui on a coutume de trouver des histoires tendres, de l'amour servi en grandes quantités, mais guère de réflexions sur la manière dont tourne le monde. Notre métier, c'est de surprendre, dit-il. Sans doute, ce livre-ci va-t-il troubler le lecteur de Cauvin. Mais je ne sais pas si c'est un tournant pour moi, je ne crois pas aux tournants. Cela dit, il y a quand même une histoire d'amour. Cauvin oblige!
Les colons tentent, dans Villa Vanille, de préserver leur pouvoir et leurs privilèges, dont la plupart d'entre eux ne comprendraient pas la disparition. Ils ne craignent pas d'utiliser pour cela les moyens les plus violents, d'enrôler des milices qui effectuent le sale travail. C'est vrai qu'il y a aussi de l'amour dans ce roman. Mais on mentirait en essayant de faire croire que c'est le thème le plus présent à l'esprit du lecteur. Et ce qui est le plus personnel à l'auteur est aussi le plus fort. Si je n'avais pas fait l'Algérie, je n'aurais pas écrit ce livre. J'ai connu des colons, j'ai senti chez eux cette impression d'un paradis perdu. Mais il y avait différentes espèces de colons...
Au fond, on pourrait se demander pourquoi ce n'est quand même pas l'Algérie qui a été le cadre historique choisi par Cauvin, pourquoi il est allé chercher si loin, dans un pays où il n'a jamais mis les pieds (Je me suis privé des paysages, dit-il), un sujet qu'il aurait pu rapprocher de ce qu'il connaissait mieux.
Quand un moment comme celui-là est ainsi occulté, c'est le rêve pour le romancier. Il est très libre, ce qui n'aurait pas été le cas face au mythe colonial indochinois ou algérien. L'équivalent n'existe pas à Madagascar, pour des raisons économiques. Madagascar, c'était la vanille... Alors, les journaux de l'époque en parlaient très peu, ça n'intéressait personne.
Il y a du souffle dans cette grande aventure terrible, vécue sous plusieurs angles à la fois par les différents personnages. Ils se déchirent, se rapprochent, rencontrent l'horreur qui les marquera pour toujours. Sous la forme d'un roman populaire qui se lit à toute allure, Patrick Cauvin fait ici ce qu'on peut appeler une œuvre de salubrité publique. Il faut lui en savoir gré.

Trois ans plus tard, quand l'adaptation télévisée du roman est sortie, j'étais ici, et donc mieux placé pour comprendre l'accueil plutôt glacial réservé au livre. Paradoxe: le téléfilm a été diffusé peu de temps après à la télévision malgache (sur TVM, si je me souviens bien). J'ai donc écrit un autre article, paru le 6 juillet 1998, que voici.

Cinquante ans après, un souvenir toujours douloureux à Madagascar
Les îles de l'océan Indien se trouvent actuellement placées dans une grande période de commémorations. Cette année, comme dans d'autres parties du monde, on y célèbre le cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage. L'an dernier, à Madagascar, on se souvenait des tragiques événements de 1947, peu présents dans les manuels d'histoire de France, mais très marquants en revanche dans le chemin vers une indépendance enfin acquise en 1960. C'est dans ce cadre que se situe Villa Vanille qui, avant d'être un téléfilm, fut un roman de Patrick Cauvin.
Les troubles de 1947, le colonisateur les appelle une révolte. Les Malgaches récusent le mot et lui préfèrent celui d'insurrection. Les points de vue, à l'époque, étaient tellement peu conciliables qu'ils ont provoqué des combats violents, une répression d'une brutalité insensée et ont débouché sur la mort de 90.000 à 100.000 personnes, selon les chiffres les plus fiables. On comprend que cela puisse laisser des traces. Et que la démarche de Patrick Cauvin ait été accueillie, à Madagascar, avec circonspection.
Mettant en scène des personnages essentiellement français, Patrick Cauvin a, aux yeux des Malgaches, perpétué un mensonge historique. Cela dit, une universitaire malgache, Nivoelisoa D. Galibert, auteur d'un savant ouvrage consacré à la littérature qui s'est écrite à propos de son pays, faisait récemment remarquer que, sur le sujet, les écrivains nationaux avaient de leur côté gardé le silence. Celui-ci vient certes d'être brisé par Raharimanana dont le nouveau recueil de nouvelles, Rêves sous le linceul (Le serpent à plumes), évoque la répression de 1947. Il le fait, bien entendu, en termes beaucoup plus durs que Patrick Cauvin.
Celui-ci, pourtant, était convaincu de rendre justice à un peuple alors opprimé. Mais comment restituer une telle violence inscrite, à l'époque, dans la logique de la colonisation?
Il convient donc de savoir que, pour être pétri de bonnes intentions, Villa Vanille passe à côté de son sujet. A moins que celui-ci soit l'histoire de ces hommes auxquels les Malgaches reprochent leur attitude...

18 août 2010

Citation : Madagascar, au loin...

Les habitués de ce blog le savent: chaque fois que je trouve une allusion à Madagascar dans un ouvrage de littérature, je la donne ici. Quelqu'un m'a dit un jour que cela avait une utilité très réduite. Comme je tiens compte des remarques, j'y ai réfléchi. Et je continue. Car il me semble quand même fournir ainsi, en vrac, une base d'informations à travers laquelle se dessine une sorte d'image collective, bien que fragmentaire, de Madagascar.
En ces temps de rentrée littéraire, les romans ont parfois un rapport, le plus souvent lointain, avec Madagascar. Comme dans Le premier mot, de Vassilis Alexakis, qui sort aujourd'hui.
L'argument du livre est la quête inachevée de Miltiadis, professeur de littérature comparée. Il rêve de trouver le premier mot prononcé par l'homme dans quelque civilisation lointaine. Et, alors qu'il en est à vivre ses derniers jours, sa sœur est contaminée par son obsession, prolongée au-delà de la mort de Miltiadis et mêlée de souvenirs autant que de faits présents.
Elle observe Aliki, l'épouse de Miltiadis, d'abord dans l'intimité du couple, puis dans la manière dont elle survit à son mari. De brèves notations donnent à penser qu'Aliki pourrait se tourner vers Madagascar pour y trouver un nouveau départ. La première fois, c'est le réveillon de Noël et Miltiadis est toujours vivant. Aliki est au téléphone.
Aliki conversait avec un architecte qui l’avait employée dans le passé et qui habite aujourd’hui Madagascar.
La veuve en reparle après la mort de Miltiadis.
- Après la messe anniversaire qui aura lieu en février, à Saint-Étienne, je pense faire un voyage à Madagascar. J’ai un ami architecte là-bas.
Puis la décision est prise.
Elle ira à Madagascar à la fin du mois. Je suppose que c’est son ami qui prendra en charge le billet.
Madagascar comme une sorte d'antithèse de la Grèce?

16 août 2010

En boutre, une Belge du bout du monde, côte ouest


Quand on lui demande combien de Belges vivent à Madagascar, Laetitia Wittock répond comme moi qu'il y en a environ 400. Comme moi, elle en connaît peu - ils sont dispersés dans toute l'île, et même sur les eaux qui l'environnent, dans son cas particulier.
Arrivée dans la région de Morondava il y a quelques années avec ses fils qui tournaient un film comme travail de fin d'études, elle y est restée. Elle s'est retrouvée à la direction de TV Soa Menabe, qui fait de l'éducation au service du développement dans le coin, puis s'est mis en tête de faire construire un boutre à Belo-sur-mer. Elle l'a baptisé Nofy-be et, depuis, elle navigue en compagnie de ceux qui aiment ça. Du tourisme nautique, hors des sentiers battus.
Elle racontait cela, et bien d'autres choses, dans une émission de la RTBF, Les Belges du bout du monde, qui était diffusée hier sur la Première (radio) et qu'on peut maintenant écouter en podcast.
(Message personnel à Adrien Joveneau, qui anime l'émission: la dernière fois que nous avons parlé ensemble, c'était il y a très longtemps, et à propos du Rwanda. Pour Madagascar, c'est quand tu veux.)
Cette émission est aussi l'occasion d'entendre une partie de la famille Njava, elle aussi entre la Belgique et Madagascar...