30 septembre 2014

Il y a 100 ans : Les crocodiles malgaches (3)

(Suite.)
Tant qu’ils n’ont qu’une taille médiocre et des dents d’une longueur insuffisante pour se défendre, les jeunes mènent une vie vagabonde au cours de laquelle ils sont souvent dévorés par les adultes, qui en font ainsi heureusement disparaître un grand nombre. Mais ils grandissent vite et trois ou quatre ans après leur naissance, ils sont devenus assez forts pour pouvoir enfin obtenir envers et contre tous une place au soleil. Sitôt que le jeune crocodile sait n’avoir plus rien à craindre de ses aînés, son premier acte est, en effet, de choisir dans la rivière une place qui n’appartiendra qu’à lui, du moins tant qu’un saurien plus fort ne l’en aura pas délogé. Cette place est toujours choisie avec soin et les meilleures – celles qui répondent le plus à l’idéal de ces bêtes, c’est-à-dire une eau profonde contenant abondante pitance avec une caverne sous la berge voisine et une plage de sable bien ensoleillée au voisinage – sont toujours la propriété exclusive des monstres de l’espèce.
Plage de sable, eau profonde et pitance sont fournies par dame nature, mais il n’en est pas de même de la caverne et de la berge que le crocodile ne doit qu’à son industrie. C’est une habitation étrange, essentiellement composée d’un boyau long de 4 à 6 mètres et terminée par une chambre circulaire juste assez grande pour que son propriétaire puisse y reposer en rond, la tête près de la queue. Cette caverne, que les indigènes appellent koji-mboay, est creusée dans des conditions bien définies. Son entrée est toujours au fond de l’eau, bien cachée sous une souche ou le rebord de la berge, mais, de là, le couloir se relève insensiblement de manière à ce qu’il n’y ait plus qu’un peu d’eau dans la chambre du fond, et cette disposition permet au maître de céans de rester indéfiniment caché sans risque de manque d’air et de narguer le chasseur novice qui attend patiemment sur la berge que la bête vienne respirer à la surface de l’eau.
(À suivre.)
Perrier de la Bathie.

Bulletin de l’Académie malgache


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29 septembre 2014

Il y a 100 ans : Les crocodiles malgaches (2)

(Suite.)
Par suite, les notes que je condense ici s’appliquent aux crocodiles malgaches en général et non à l’une ou l’autre espèce en particulier. Au fond d’ailleurs, cela n’a pas d’importance puisque, d’après nombre d’auteurs, les mœurs des deux espèces ne paraissent pas différer.
En malgache, le crocodile est appelé mamba ou voay. Le premier de ces vocables est plus souvent employé dans le centre, et le second chez les peuplades de l’Ouest, mais tous deux sont connus partout et certaines tribus de l’île désignent par mamba les crocodiles adultes et par voay ceux qui sont plus jeunes. Mamba ou voay sont abondants dans tout Madagascar. Il n’est pas de ruisseaux, d’étangs, de cours d’eau, de simples mares, pour peu que la profondeur en dépasse 1 mètre, qui ne soient habités par un ou plusieurs de ces sauriens. Ils abondent dans les grands lacs et les grands fleuves de l’Ouest, surtout dans les bassins de la Betsiboka et de la Tsiribihina, qui semblent bien être leur habitat de prédilection. Au reste, la distribution géographique de l’espèce dans l’île est facile à résumer en deux traits. Elle manque au-dessus de 1 000 mètres d’altitude et, plus bas, devient d’autant plus commune que les eaux douces et profondes sont plus abondantes et que la température est plus chaude.
Les œufs de crocodile sont généralement pondus aux premières chaleurs d’octobre, dès que les premiers orages de la saison chaude ont troublé l’eau des cours d’eau. La femelle alors sort de l’onde et recherche aux environs une plage de sable bien ensoleillée, que ne visitent pas trop les mâles de son espèce. Après plusieurs essais successifs, elle finit par creuser un trou de plus de 1 mètre de profondeur au fond duquel elle pond de douze à trente œufs. Elle rebouche ensuite soigneusement cette cavité, tasse le sable au-dessus en pesant de tout son corps, puis abandonne la couvée à elle-même, sans d’ailleurs s’éloigner bien loin. Quinze ou vingt jours après, les jeunes caïmans, qui ont alors 12 à 15 centimètres de long, sortent péniblement de leur tombeau de sable et se répandent dans les cours d’eau en évitant d’instinct les endroits trop profonds où leurs frères plus âgés les avaleraient sans remords.
(À suivre.)
Perrier de la Bathie.

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28 septembre 2014

Il y a 100 ans : Les crocodiles malgaches (1)

Après beaucoup de discussions, les naturalistes maintenant s’accordent à reconnaître que les crocodiles malgaches, vulgairement et à tort appelés caïmans, appartiennent à deux espèces différentes, l’une, le crocodilus robustus, plus grande et plus spéciale aux lacs de la région centrale, et l’autre, le crocodilus madagascariensis, plus abondamment répandue sur les côtes. Mais il est encore après tout possible que les naturalistes se trompent, que ce qu’ils ont pris pour caractères spécifiques ne soit que variation individuelle ou locale, d’âge ou de sexe, et que tous les crocodiles de Madagascar ne forment qu’une unique et seule espèce.
La forme et la couleur du crocodile malgache varient fort en effet au cours de sa vie. Tout jeune, il est agréablement paré d’une livrée grise et jaune qui s’efface avec les ans, et sa tête, d’abord très longue relativement à son corps, devient avec l’âge proportionnellement beaucoup plus courte et beaucoup plus massive, ce qui finit par donner aux individus très vieux un faciès tout particulier. À cela il faut ajouter : 1° que chez ces sauriens les caractères sexuels sont assez tranchés ; 2° que les caractères morphologiques, donnés comme distinctifs par les auteurs, sont peu constants ; 3° que l’on a jamais surpris chez ces animaux ces différences de mœurs, d’habitude, de faciès qui aident si souvent les naturalistes, travaillant sur le vif, à distinguer les vraies espèces des simples formes ou variations accidentelles, et enfin, en dernier lieu, que presque tous les types spécifiques malgaches, largement répandus dans l’île, ont des variétés ou des races spéciales à chacun des climats très divers de l’île.
Toutes ces raisons permettent évidemment de croire à l’unité spécifique du crocodile malgache, mais il se peut aussi que mon ignorance seule m’ait empêché de voir les vrais caractères distinctifs des deux espèces. Aussi, laissant à d’autres, plus savants que moi, le soin de résoudre un si litigieux problème, me contenterai-je d’avouer ici simplement qu’après avoir observé des crocodiles dans toutes les régions de l’île et en avoir examiné de très nombreux exemplaires, je n’ai jamais su voir entre eux des différences assez tranchées pour les séparer spécifiquement.
(À suivre.)
Perrier de la Bathie.

Bulletin de l’Académie malgache


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27 septembre 2014

Il y a 100 ans : L’enthousiasme à Madagascar (2)

(Suite et fin.)
Le Diégo-Suarez écrit, d’autre part :
« Nous devons, en toute confiance, envisager la situation actuelle, quelque grave qu’elle paraisse et puisse être. La France, notre belle patrie, notre mère est menacée ; ses enfants, tous les Français, voleront à son secours, et la victoire, s’il existe une providence pour défendre la justice, doit être à ceux dont on démembra le pays et qui eurent à supporter tant de malheurs et d’humiliations. »
La mobilisation des réservistes, tant européens qu’indigènes, se poursuivait avec le plus bel enthousiasme au moment du départ du courrier.
« Tout le monde, jeunes et vieux, écrit un de nos confrères locaux, se précipite vers les bureaux militaires pour y recevoir son affectation. C’est magnifique. »
Il est probable que, Madagascar ne courant plus le danger d’être attaqué par les navires allemands qui ont été chassés de la mer des Indes, et la population indigène s’étant révélée nettement loyaliste, notre grande colonie pourra envoyer dans la métropole un contingent appréciable de troupes vigoureuses et pleines d’entrain.

Une escadre anglaise à Diégo-Suarez

Dès le début des hostilités en Europe, une escadre, composée de trois navires anglais provenant de Maurice, se présenta devant le port de Diégo-Suarez. Seul le cuirassé Admiral Hyacinth entra dans la rade. L’amiral Herbert King, qui le commandait, descendit à terre, et rendit visite aux autorités avec lesquelles il s’entretint de la situation européenne.
Puis il reçut à son bord le consul britannique, les autorités civiles et militaires, envoya de nombreux câblogrammes chiffrés, et leva l’ancre pour aller rejoindre les deux autres navires restés hors de la passe.
Tous trois se dirigèrent ensuite sur Zanzibar, où se concentrait l’escadre de l’Océan Indien.
On sut plus tard que c’était ce même amiral Herbert King qui avait conduit son escadre à Dar-ès-Salam pour y détruire le poste de télégraphie sans fil, dont le rôle essentiel était, comme nous l’avons dit, d’envoyer de fausses dépêches dans les colonies françaises et anglaises d’Afrique, en vue de les affoler.

Le Courrier colonial


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26 septembre 2014

Il y a 100 ans : L’enthousiasme à Madagascar (1)

Les journaux de Madagascar reçus par le dernier courrier nous montrent que la nouvelle de la guerre a été accueillie dans la Grande Île avec un extraordinaire enthousiasme.
M. le gouverneur général Picquié, qui était en tournée dans les provinces, se hâta de rentrer à Tananarive : il y fut l’objet, à son arrivée, d’une manifestation grandiose.
Sur le quai de la gare, l’attendaient le général Rion, le commandant Koch, M. Valroff, directeur des postes et télégraphes, tous les chefs de service, toutes les notabilités de la capitale et un grand nombre de colons qui, déjà touchés par l’ordre de mobilisation, s’étaient empressés d’accourir de la brousse.
Quand le gouverneur général descendit du train, il fut salué d’un immense cri de Vive la France ! auquel firent écho les acclamations chaleureuses poussées par les indigènes, maintenus à grand’peine sur la place.
Bientôt après, M. Picquié apparaissait dans l’encadrement de la porte de sortie de la gare, entouré par les colons et par les fonctionnaires qui l’acclamaient. Ce fut ensuite le tour des indigènes. Dans une indescriptible ovation, ils agitaient leurs chapeaux de paille, leurs lambas dont la blancheur éclatait sous le grand soleil : « Vive la France ! Vive le Gouverneur ! Vivent les Français ! » criaient-ils.
Puis, un groupe de notables indigènes s’approcha et vint solliciter de M. Picquié l’autorisation de lui exposer un plan qu’ils avaient combiné entre eux : il s’agissait d’organiser immédiatement des corps de volontaires indigènes pour aller combattre en France, et ils promettaient des milliers d’engagements.
Profondément ému, le gouverneur général remercia les notables et leur donna rendez-vous pour le lendemain.
Son automobile eut toutes les peines du monde à se faire un passage à travers la foule qui l’acclamait toujours et qui l’accompagna jusqu’à la résidence.
« Nous sommes certains, dit la Tribune de Madagascar, que cette manifestation trouvera un écho dans tout le pays. Pour nous, Européens, unis dans une pensée de concorde, nous ne craignons pas d’affirmer que nous sommes prêts à répondre à l’appel du chef de la colonie. L’heure n’est plus aux dissensions. N’ayons plus qu’une pensée, qu’un cri de ralliement : Au drapeau ! »
(À suivre.)

Le Courrier colonial


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25 septembre 2014

Il y a 100 ans : Échos et nouvelles

Depuis quelques jours de nombreux oiseaux exotiques envahissent les jardins publics et les squares de Marseille dans lesquels jusqu’ici on ne voyait que des moineaux.
Voici la cause de cet envahissement anormal :
En cette époque de l’année chaque courrier de Chine, de Madagascar ou d’Australie apporte à Marseille des oiseaux qui passent en transit à destination de l’Allemagne. Or, par les deux derniers courriers de Madagascar et de Chine, sont arrivés près de 50 000 oiseaux divers, mis en route alors que la guerre n’était pas encore déclarée. Au débarquement à Marseille, nul oiseleur ne voulut acheter les oiseaux et courir le risque de les nourrir indéfiniment sans aucune chance, pour le moment du moins, de les revendre ; dans ces conditions tous les volatiles ont été rendus à la liberté et ce sont ceux-là que l’on retrouve installés dans les squares et les jardins publics, qu’ils égayent de leurs cris joyeux et de leur léger gazouillis.
Le Matin

Communiqué

M. le Gouverneur Général Picquié, titulaire d’un congé administratif de sept mois, quittera Tananarive le 1er octobre prochain pour rentrer en France.

Décret nommant le Gouverneur Général intérimaire de Madagascar

Le Président de la République française,
Vu le décret du 30 juillet 1907, instituant un Gouvernement Général de la colonie de Madagascar et Dépendances ;
Sur la proposition du ministre des colonies,
Décrète :
Art. 1er. – M. Garbit (Hubert-Auguste), gouverneur de 2e classe des colonies, directeur des finances et de la comptabilité à Madagascar, est chargé, par intérim, des fonctions de Gouverneur Général de Madagascar et Dépendances, pendant la durée de l’absence du titulaire
Art. 2. – Le ministre des colonies est chargé de l’exécution du présent décret qui sera publié au Journal Officiel de la République française et inséré au Bulletin Officiel du ministère des colonies.
Fait à Paris, le 5 août 1914.
R. Poincaré.
Par le Président de la République :
Le ministre des colonies,
Raynaud.

Journal officiel de Madagascar et Dépendances


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24 septembre 2014

Il y a 100 ans : Une réforme qui s’impose à Madagascar

Certaines coutumes indigènes, que nous avons respectées au début, afin de gagner la confiance de nos nouveaux sujets, sont devenues incompatibles avec le degré de civilisation atteint à un moment donné.
Non seulement elles choquent nos sentiments, mais elles sont même contraires aux intérêts des indigènes en ce sens qu’elles entravent leur évolution, Un fait, qui s’est produit récemment à Madagascar, en donne une preuve frappante.
Une jeune fille voulait convoler en justes noces avec un jeune homme qu’elle aimait.
Or, la famille, à l’instigation d’un individu rien moins qu’intéressant, avait projeté de l’unir au beau-frère du susdit individu.
Naturellement, la jeune fille ne voulut rien entendre.
Contrainte par les siens à accepter pour époux celui qu’on lui destinait, elle refusa par la suite de cohabiter avec lui.
On la menaça alors d’être rejetée de sa famille si elle persistait dans cette attitude.
Voilà donc une fille qui, pour un motif somme toute honorable, sera repoussée par sa famille, exclue de son foyer si elle ne veut pas cohabiter avec un individu qu’on l’a contrainte d’épouser et pour qui elle ne ressent que de l’aversion.
Elle pourra, à vrai dire, s’adresser à la justice, mais les tribunaux, qui ont à connaître de ces sortes de questions, comprennent deux assesseurs indigènes dont la partialité en pareil cas est singulièrement à redouter.
Le droit civil malgache ne répond plus aux nécessités de l’heure actuelle.
En le laissant subsister, nous reconnaîtrions l’inefficacité de notre œuvre dans la colonie, ce qui serait contraire à notre dignité comme à notre prestige.

Les tarifs exorbitants du T. C. E. à Madagascar

Les colons de Madagascar continuent à protester contre les tarifs trop élevés du T. C. E. Ainsi, les colis postaux transportés par le chemin de fer coûtent trois fois plus, à distance et à poids égaux, que par les Messageries Françaises, dont pourtant on se plaignait si fort.
Un de nos correspondants nous cite le cas suivant : il fit venir récemment par les Pangalanes un colis d’épicerie, expédié en petite vitesse de Tamatave ; ce colis était à quai à Andovorante en quarante-huit heures, et le transport coûtait la somme de 90 centimes.

Le Courrier colonial


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23 septembre 2014

Il y a 100 ans : Tananarive la nuit

De La Tribune de Madagascar :
À vingt et une heures précises, une main discrète (probablement intéressée) tourne le commutateur des lampes à arc et plonge la ville dans une demi-obscurité, propice au crime, à l’amour et à toutes autres choses qui demandent à être enveloppées de ténèbres.
Le défilé familier des tinettes (qui laissent de si agréables nuages, parfumés comme un souvenir), la galopade des gardes-chiourmes, signalée par le falot inquisiteur, doit être le code convenu entre les prêtres et prêtresses d’Aphrodite.
L’amour mercantile prend possession du quartier où de notables et argentés vazahas cherchent à combattre la neurasthénie.
Les rues barrées par de jeunes (quelquefois jolies) ramatoas ne sont franchies qu’avec difficulté sous l’œil amusé de nos braves agents.
Nous sommes les premiers à reconnaître que ce genre de commerce doit être libre. Malgré ses risques, il est même nécessaire.
Notre police tolérante ne pourrait-elle pas couvrir d’un voile un peu plus mystérieux cet amoureux négoce en assurant la libre circulation sur la voie publique et en donnant la chasse à ces dignes gentlemen, poissons entremetteurs, qui deviennent de plus en plus encombrants ?

Le Courrier colonial

Arrêté portant prohibition de l’exportation du numéraire hors de la colonie de Madagascar et Dépendances

Le Gouverneur Général de Madagascar et Dépendances, commandeur de la Légion d’honneur, […]
Arrête :
Art. 1er. – L’exportation du numéraire en dehors de l’île et de ses dépendances est provisoirement prohibée, sauf en ce qui concerne le service des mouvements de fonds.
Art. 2. – Toutefois, tout Européen ou assimilé quittant l’île et voyageant isolément aura droit d’emporter avec soi une somme de 1 000 francs en numéraire. Pour les familles, la somme pouvant être exportée est fixée à 1 000 francs pour le chef de la famille et 300 francs pour chacun des autres membres la composant.
Art. 3. – Toute infraction au présent arrêté sera punie de quinze jours de prison et de 100 francs d’amende au maximum.
Art. 4. – MM. le procureur général, le chef du service des douanes et les administrateurs chefs de province ou de district côtier sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté.
Tananarive, le 28 août 1914.
Albert Picquié.
Journal officiel de Madagascar et Dépendances


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22 septembre 2014

Il y a 100 ans : L’exode des Mauriciens vers Madagascar (3)

(Suite et fin.)
L’Angleterre arrivera-t-elle à ses fins ? C’est possible. Mais, si nous regrettons de voir disparaître de Maurice l’élément français, nous éprouvons quelque satisfaction à penser que Madagascar profitera de cet exode.
En effet, les Franco-Mauriciens, débordés, d’une part, par le flot hindou, écartés, d’autre part, dans leur propre pays, de l’administration locale, émigrent de plus en plus vers la Grande Île.
À vrai dire, les Mauriciens ont formé avec les Bourbonnais le premier noyau de la colonisation à Madagascar. Un assez grand nombre d’entre eux s’est empressé, dès le début, d’accourir dans la Grande Île, heureux de pouvoir retrouver ainsi leur nationalité française.
Leur expérience des cultures coloniales leur a permis de rendre de grands services à la colonie nouvelle.
Quiconque connaît les Mascareignes retrouve facilement maints Mauriciens en lisant les noms des membres des Comices agricoles et des Chambres consultatives de la Grande Île.
Le nombre de ces immigrants est destiné à s’augmenter par suite de l’exode actuel et nous ne pouvons qu’être heureux d’accueillir ces frères, longtemps séparés de nous, qui rentrent au bercail.
Aussi bien, de quelque côté qu’arrivent les bons éléments de colonisation, ils sont les bienvenus à Madagascar. Puisque notre trop faible natalité ne nous permet pas d’envoyer nos nationaux en nombre suffisant dans nos colonies, remercions l’Angleterre de favoriser l’exode des Mauriciens vers la Grande Île.
Ce n’est peut-être pas uniquement dans le but de nous être agréable qu’elle a adopté la politique dont nous signalons les heureux effets, mais le résultat est le même que si telle avait été son intention.
Francis Mury.

Une nouvelle province à Madagascar

On annonce que le district de Moramanga doit être, sous peu, érigé en province. Ce district fait actuellement partie de la province d’Andovoranto.
Au cas où cette transformation aurait lieu, la région d’Ambatondrazaka serait rattachée à la province de Moramanga.

Le Courrier colonial


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19 septembre 2014

Il y a 100 ans : L’exode des Mauriciens vers Madagascar (2)

(Suite.)
La lutte fut ardente entre le clan anglais et le gouverneur ; celui-ci réussit néanmoins à doter la colonie d’un Conseil législatif, partiellement élu, destiné à continuer son œuvre.
Il quitta Maurice après avoir subi une enquête royale dont il se tira à son honneur.
Après son départ, le Colonial Office, dans un but d’apaisement et sur les instances des nouveaux députés locaux, laissa ses successeurs continuer à nommer des Franco-Mauriciens aux emplois élevés dans l’administration.
Mais, depuis les dernières élections législatives qui ont donné lieu à des rixes sanglantes, les noirs ayant décidé de massacrer tous les blancs, qui échappèrent par miracle, la situation s’est modifiée.
Ce qu’on appelle à Maurice « le parti démocrate » réclama l’envoi dans l’île d’une commission royale d’enquête et les effets de la venue des commissaires royaux commencent à se faire sentir : peu à peu, les hauts fonctionnaires mauriciens sont remplacés par des Anglais, et déjà sont désignés les successeurs de ceux qui restent.
Pour justifier ce retour en arrière, le Colonial Office donne comme prétexte que les Mauriciens ne peuvent s’entendre entre eux : afin de les mettre d’accord, l’Anglais joue le rôle du… troisième larron ! On feint, à Londres, de ne pouvoir point distinguer entre les éléments d’ordre, constitués par la population blanche et la partie éclairée de la population de sang mêlé, d’une part, et les éléments d’anarchie composés de la masse des noirs et des Hindous dits mauricianisés, d’autre part.
L’Angleterre reprend son vieux rêve de rendre le séjour de l’île impossible à l’élément français ; n’ayant pu l’éliminer au bénéfice de l’élément anglais, elle tente de lui substituer l’élément hindou : aux british-born, tous les hauts emplois administratifs ; aux Hindous, le sol qu’ils accaparent peu à peu, grâce au concours des maisons de crédit anglaises qui leur facilitent l’achat des terres. Une statistique récente montre que les petits planteurs hindous possèdent déjà pour plus de 30 millions de biens fonciers ; ils cultivent surtout la canne à sucre qu’ils font traiter dans les usines voisines, en attendant qu’ils s’y installent eux-mêmes.
 (À suivre.)
Francis Mury.

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18 septembre 2014

Il y a 100 ans : L’exode des Mauriciens vers Madagascar (1)

Un assez vif mécontentement règne en ce moment dans la population blanche de Maurice, qui constate avec amertume la réapparition dans leur île de procédés vexatoires qu’ils espéraient abolis pour toujours.
On sait qu’après la prise de l’île par l’Angleterre en 1810, le gouvernement de Londres avait fait preuve d’un libéralisme… intéressé, respectant les coutumes locales et nommant des Mauriciens à de hauts emplois dans l’administration. Il espérait par ces faveurs faire des Mauriciens, hier encore Français, des sujets dévoués du gouvernement britannique.
Mais ce mariage de raison n’alla point sans heurt : en 1830, survint la crise de l’abolition de l’esclavage et l’Angleterre, n’ayant su s’assimiler ses nouveaux sujets par la douceur, prétendit se les assimiler par la force.
Ce fut une dure période de réaction au cours de laquelle les Mauriciens traités en « sujets » eurent à lutter contre leurs maîtres qui affichaient ouvertement l’intention de faire de l’ancienne île de France l’île d’Angleterre, en forçant les Franco-Mauriciens à s’expatrier et à céder leurs biens à des citoyens du Royaume-Uni. N’y ayant point réussi, l’Angleterre voulut les noyer dans un flot d’Hindous.
La lutte fut longue et tenace de part et d’autre, mais la population d’origine française conserva quand même sa prépondérance sociale et territoriale.
En 1883, le cabinet de Londres nomma gouverneur de l’île Maurice un Irlandais, sir John Pope Hennessy, qui, partout où il avait été jusque-là, s’était montré l’adversaire des fonctionnaires anglais et des colons et le protecteur des indigènes. Le Colonial Office espérait que sir John appliquerait à Maurice ces mêmes pratiques et qu’il viendrait à bout des planteurs franco-mauriciens.
Ce fut exactement le contraire qui se produisit : sir John Pope Hennessy, Irlandais nationaliste, avait pris ailleurs le parti des indigènes contre la classe dirigeante anglaise ; à Maurice, il prit le parti des Mauriciens contre les fonctionnaires anglais. Comme ceux-ci étaient, pour la plupart, des laissés pour compte de l’administration métropolitaine, il ne lui fut pas difficile de les prendre en faute, et il les remplaça par des Mauriciens.
(À suivre.)
Francis Mury.

Le Courrier colonial


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17 septembre 2014

Il y a 100 ans : Les Amis laïques de Madagascar

La fête annuelle de la Société mutuelle des Amis laïques, que nous avions annoncée, avait attiré au théâtre municipal de Tananarive un grand nombre de spectateurs.
Le programme, bien composé, comprenait une partie musicale et lyrique qui a été très applaudie.
M. Étienne Rajaona, secondé par le professeur assistant Bernardin Raveloson, a fait gracieusement les honneurs et reçu les invités parmi lesquels les délégués des assemblées élues de la colonie à la Chambre d’agriculture.
Le concert a été suivi d’un bal auquel a prêté son concours, jusqu’au matin, la musique du gouvernement général. Invités européens et malgaches avaient à leur disposition un buffet copieusement garni.
M. Picquié, qui avait accepté la présidence d’honneur, n’a pu assister à la fête, à son vif regret, mais il était retenu avec Mme Picquié à Ambositra, où il avait pris antérieurement l’engagement de présider la réunion de courses.

Le Courrier colonial

Arrêté retirant les exequatur délivrés aux consuls généraux, consuls, vice-consuls et agents consulaires austro-hongrois

Le Gouverneur Général de Madagascar et Dépendances, commandeur de la Légion d’honneur,
Vu les décrets des 11 décembre 1895 et 30 juillet 1897 ;
Vu les décrets des 28 décembre 1895 et 9 juin 1896, portant organisation de la justice à Madagascar,
Arrête :
Art. 1er. – Est promulgué dans la colonie de Madagascar et Dépendances, et notamment dans la province des Comores, le câblogramme en date du 17 août 1914 de M. le ministre des colonies, dont la teneur suit :
« Décret 13 août retire exequatur consuls généraux, consuls, vice-consuls et agents consulaires austro-hongrois. Promulguez Officiel colonies ». – Signé : Ministre colonies.
Art. 2. – Le présent arrêté sera déposé dans les greffes des tribunaux pour être tenu à la disposition des justiciables.
Art. 3. – M. le procureur général, chef du service judiciaire, est chargé de l’exécution du présent arrêté qui sera inséré au Journal Officiel de la Colonie et publié ou communiqué partout où besoin sera.
Tananarive, le 24 août 1914.
Albert Picquié.
Journal officiel de Madagascar et Dépendances


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16 septembre 2014

Il y a 100 ans : La mort de Mgr François-Xavier Corbet

Mgr François-Xavier Corbet est mort le  26 juillet à Diégo-Suarez (Madagascar).
Né à Hochfelden (Alsace), le 6 juillet 1836, il était entré dans la Congrégation du Saint-Esprit en 1860.
Après six années de professorat au petit séminaire de Cellule (Puy-de-Dôme), il avait été placé à la tête du Collège Sainte-Marie de Port-d’Espagne (Trinidad). De là, il fut envoyé en 1875, comme supérieur provincial, aux îles Bourbon et Maurice, puis, en 1879, nommé préfet apostolique à Pondichéry. Par suite de l’établissement de la hiérarchie catholique dans l’Inde, la préfecture apostolique de Pondichéry ayant été supprimée en 1887, il revint en France et fut chargé de la direction du séminaire des colonies à Paris.
Onze ans plus tard, un bref, daté du 5 juillet 1898, lui conférait le double titre d’évêque d’Obba et de vicaire apostolique de Madagascar Nord. Le 2 octobre suivant, dimanche du Saint-Rosaire, il recevait dans la chapelle de la Maison-Mère de la Congrégation du Saint-Esprit, rue Lhomond, 30, à Paris, l’onction épiscopale des mains du nonce, Mgr Clari.
Mgr Corbet meurt plein de jours et de mérites, âgé de 78 ans, après en avoir donné 36 aux missions, dont 7 à la Trinidad (Antilles anglaises), 4, à la Réunion, 1 à l’Île Maurice, 9 à Pondichéry, et 16 à Madagascar.
Partout où il a passé, Mgr Corbet, administrateur éminent, esprit distingué, caractère élevé et conciliant, s’est attiré le respect et l’affection de ceux qui l’ont connu.
La veille de sa mort, il put apprendre la nomination du coadjuteur qu’il avait demandé, le R. P. A. Fortineau, du diocèse de Nantes, et s’en aller à Dieu en répétant le cantique du saint vieillard Siméon : Nunc dimittis servum tuum, Domine, in pace !
Les Missions catholiques

Échos et nouvelles

Le Journal officiel du 22 août publie la nomination, que nous avions annoncée, de M. Garbit, comme délégué dans les fonctions de gouverneur général de Madagascar, en remplacement de M. Picquié, qui a demandé à rentrer en congé.

Le Courrier colonial


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