30 juin 2018

Il y a 100 ans : La crise du graphite


Notre excellent confrère P. Virelay nous donne, dans L’Action de dimanche 24 février, des détails fort intéressants susceptibles d’éclairer d’un jour tout nouveau la crise dont souffrent tous les producteurs de graphite et en particulier les petits.
À cette crise inexplicable, tout le monde se demandait comment on n’apportait pas le remède tout indiqué qui consistait à ouvrir librement le marché malgache aux Américains.
On avait cru d’abord à l’influence toute-puissante de la Morgan qui aurait trouvé le moyen de monopoliser à son profit les exportations de graphite sur l’Amérique.
Il est certain que cette société ne s’est pas privée de ce genre d’opérations et on ne peut lui en faire grief, mais il faut chercher autre part les raisons de l’interdit dont nous sommes frappés.
Il s’est formé à Paris, sous le nom d’« Union Coloniale », un consortium composé des principales maisons exportatrices de graphite de Madagascar. Ce consortium fait la pluie et le beau temps au ministère, prétendant représenter les intérêts des producteurs.
En réalité, cette association de « Caïmans » (comme les dénomme assez justement notre confrère) n’a jamais envisagé que l’intérêt particulier de ses membres qui, étant tous acheteurs, ont intérêt à prolonger le marasme pour acheter à vil prix.
Ce serait donc cette intéressante association qui aurait persuadé au ministère qu’il ne fallait pas accorder la libre exportation sur l’Amérique de nos graphites de Madagascar.
Leur jeu est bien clair. Il consiste tout simplement à acheter à un prix de famine et de revendre aux Américains avec 200 % de bénéfice. Car eux ils ont le droit d’exporter de France sur l’Amérique !
On se demande comment nos gouvernants peuvent prêter la main à de pareilles combinaisons.
Nous espérons que le gouvernement local saura prendre en main les intérêts des petits producteurs dont la ruine est imminente et que ces derniers sauront enfin se grouper pour faire entendre leurs justes revendications.
Le Tamatave


Deux volumes de compilation de la presse à propos de Madagascar il y a 100 ans sont disponibles. La matière y est copieuse et variée, vous en lisez régulièrement des extraits ici. Chaque tome (l'équivalent d'un livre papier de 800 pages et plus) est en vente, au prix de 6,99 euros, dans les librairies proposant un rayon de livres numériques. D'autres ouvrages numériques, concernant Madagascar ou non, sont publiés par la Bibliothèque malgache - 73 titres parus à ce jour.

26 juin 2018

Il y a 100 ans : Exagérations


On nous écrit :
Monsieur le Directeur,
Je veux croire que tous les journaux de la colonie reflétant dans leur ensemble l’opinion publique protesteront contre le maintien dans la colonie d’un nombre inusité de fonctionnaires de haut rang.
Il n’est pas admissible en effet que le nombre des administrateurs en chef aille sans cesse croissant alors qu’un certain nombre d’entre eux occupent des emplois que d’autres, moins hautement soldés, pourraient tenir avec tout autant de distinction. Ces charges lourdes qui pèsent sur la colonie sont presque choquantes si l’on tient compte que des agents du cadre inférieur ne reçoivent pas d’augmentation sous prétexte qu’il n’y a pas de disponibilités.
Sans doute l’avancement ne doit pas être retardé pour ceux qui stationnent depuis un certain temps déjà dans un même grade, mais dans ce cas qu’on dégage par en haut. Qu’est-ce qu’on penserait, en France, si tout d’un coup le ministre de l’Intérieur élevait un lot de préfets à la première classe, sans mettre à la retraite ceux qui y ont droit. Jusqu’ici nous n’avons vu qu’un seul fonctionnaire mis à la retraite : M. Pradon. N’y aurait-il pas d’autres droits auxquels il conviendrait de donner satisfaction ?
Je suis contribuable, Monsieur, et suis très heureux de savoir que mon argent est bien employé ; mais en ce moment il n’en est pas tout à fait de même. Le Ministère dispose d’un cœur léger, sans doute, de nos ressources budgétaires, sans profit pour la collectivité. Je me demande si, cette situation se perpétuant, je n’aurais pas le droit de refuser le paiement de mes impôts.
On vient d’augmenter nos charges parce que, sans doute, on a besoin d’argent pour notre pays lointain mais en même temps on alourdit notre budget de dépenses somptuaires. Je proteste et demande que l’on rétablisse l’équilibre.
M. Merlin voudra certainement transmettre nos doléances au ministre, elles seront justifiées.
Je vous parlerai un de ces jours des dépenses « superfétatoires » que nous causent encore quelques « pistonnés » qui ne doivent pas grand-chose à leurs mérites, mais beaucoup à la faveur.
Veuillez agréer ? etc.
C. Dupont-Durant,
Colon.
Le Tamatave


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25 juin 2018

Il y a 100 ans : Chronique tananarivienne


Le 6 courant paraissait l’Arrêté prononçant la réquisition générale des paddys et riz de récolte dans la province de Tananarive – sauf quelques localités que l’Arrêté détermine.
Il est encore trop tôt pour présager des effets de cette grave mesure, présage des difficultés des temps actuels. Il est certain que l’Administration va se trouver devant des difficultés matérielles qui vont surgir à mesure de la mise en application, et dont continueront de profiter, pendant quelque temps, les cacheurs de riz. Mais il est certain qu’elle améliorera son action au contact même de ces difficultés. En tout cas, le public est unanimement satisfait de cet acte ; tout était préférable à l’inaction.
Le 8 au soir, une affiche annonçait que la distribution de riz commencerait le lendemain pour les Européens, qui recevaient aussi leurs cartes de riz. Tout s’est très bien passé.
L’Administrateur Berthier, chef de la province, s’occupe aussi de mettre au point une organisation de Boucherie municipale qui est en projet depuis quelque temps déjà.
Je ne sais si cette intervention administrative pourra être étendue aux autres provinces ; il est vrai que toutes ne sont pas aussi peuplées, bâties et sillonnées de routes comme celle de Tananarive.
N’importe, il faut partout essayer de quelque chose ; notamment, votre province de Tamatave est relativement assez organisée pour qu’on intervienne.
Le sentiment unanime à la capitale est que, sans cela, les profiteurs continueront cette année de troubler le jeu normal du marché de riz malgache, au plus grave préjudice de la consommation et de l’exportation.

Mouvement administratif

Un mouvement administratif est en bonne voie. On n’attend plus que les intéressés soient disposés à se déplacer, les uns et les autres ayant de bonnes raisons à invoquer pour différer leur départ.
À vrai dire, les longs séjours effectués dans la colonie par quelques-uns, des considérations de famille respectables opposées par quelques autres, sont de nature à contrarier les décisions prises.
Les gouverneurs tout comme les simples mortels n’arriveront jamais à contenter tout le monde : fonctionnaires et colons d’une part, le ministre d’autre part.
Le Tamatave


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22 juin 2018

Il y a 100 ans : Quelques si ?…


Si… au lieu de l’inepte conception : un chemin de fer de l’État doit gagner de l’argent, nous passions à l’autre idée : le Tananarive-Côte-Est doit coûter de l’argent à la Colonie… il est infiniment probable qu’il rapporterait des millions à la colonisation.
Si… au lieu de rester campés, à la façon des Turcs en Europe, sur notre langue de sable tamatavienne, dans des cahutes en bois qui sont vétustes en moins de quinze ans, nous nous décidions à nous installer confortablement, tout le monde nous prendrait au sérieux et Tamatave entrerait en propriété de ce titre qu’elle ambitionne : la Métropole maritime de Madagascar.
Si… au lieu de « faire du bénéfice », le T. C. E. nous apportait tuiles, carreaux et briques de l’Émyrne cela serait !…
Du même coup, l’Émyrne doublerait son activité et le T. C. E., au lieu d’être un luxe, deviendrait un « outil » dans la bonne acception moderne de ce mot.
Si… au lieu d’essayer d’exposer des bateaux dans le petit gulf-stream qui, venant du large, longe le quai de la douane, nous installions un chapelet de turbines, sur apparaux flottants, le long de ce courant, instantanément la Fée électricité inonderait Tamatave de lumière, multiplierait les ventilateurs partout, lancerait les industries à domicile, en ferait une ville agréable, industrieuse, opulente, qu’on viendrait de très loin visiter, et où beaucoup décideraient de s’installer.
Si… au lieu de nous en tenir au passé, d’accuser l’administration – qui n’est en somme que le reflet de nous-mêmes –, nous voulions entrer dans le moderne et, sans copier servilement l’étranger, nous approprier ce qu’il y a de bon, de « fonctionnant » chez lui, instantanément nous obtiendrions des résultats merveilleux.
Mais… il est malheureusement probable qu’il passera encore pas mal d’eau inutile devant la Douane avant que ces choses-là s’accomplissent !

En mission

Nous apprenons avec plaisir que M. Carougeau, chef du service vétérinaire, rentrera en France prendre part au Congrès colonial.
Il sera vraisemblablement entendu par la commission du cheptel. Les renseignements qu’il fournira éviteront sans doute au gouvernement de commettre une erreur et de gaspiller les deniers des contribuables.
Le Tamatave


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21 juin 2018

Il y a 100 ans : Les lieutenances (2)


(Suite et fin.)
Le fonctionnaire échappe ainsi à la hantise d’une responsabilité moins lourde, étant partagée, et ils retrouvent peu à peu leur personnalité. Celle-ci s’épanouira davantage au contact de la fréquentation plus élargie des administrés. Voilà ce qu’est, voilà ce que nous voulons, Messieurs : c’est pourquoi je décide dans tel ou tel sens. Aucun colon ne sera plus fondé à soupçonner le fonctionnaire de parti pris ou d’indifférence.
Et alors, le Gouvernement Général sera libéré de ces mille et une questions locales, énervantes par leur diversité, dont le règlement absorbe tout son temps ; il pourra hausser son rôle d’un point de vue plus efficace ; il pourra gouverner véritablement.
L’apaisement des esprits viendra de là. Actuellement, nous en sommes vraiment à l’Administration secrète, analogue à cette diplomatie secrète que tous les peuples réprouvent, lui attribuant la responsabilité de la calamité universelle qui sévit depuis trois ans passés.
Enfin, reste l’objection que les groupements importants tels que ceux de Maroantsetra au nord, de Mananjary au sud pourront difficilement se rendre à Tamatave pour administrer les affaires de leurs régions. Mais, actuellement, les Chambres consultatives et les Comices peuvent encore moins se rendre à Tananarive, qui est tout à fait hors de portée ; ils arrivent cependant à faire entendre leurs doléances.
Tous les colons de l’Est, au-delà de Mananjary au sud et de Maroantsetra au nord, dépendent commercialement de Tamatave ; la plupart y ont en permanence des agents ou des représentants d’affaires et ils s’y rendent de leur personne à époques à peu près régulières de l’année ; c’est ce système que la force des choses a établi pour les affaires particulières qu’il s’agit de consacrer officiellement pour les affaires publiques.
Napoléon avait besoin de la centralisation pour soutenir son autorité précaire, d’aucuns disent usurpée.
L’immense Chine est ensevelie dans sa centralisation outrée ; au contraire, les États-Unis connaissent la plus grande prospérité parce que les États fédérés jouissent de la plus large autonomie.
Jean d’Ivondro.
Le Tamatave


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20 juin 2018

Il y a 100 ans : Les lieutenances (1)


L’idée que nous avons émise, l’autre jour, de constituer un sous-gouvernement de l’Est malgache, avec chef-lieu à Tamatave, ne rencontre pas d’opposition proprement dite ; il n’y est fait que quelques objections de forme, que nous allons examiner brièvement.
On dit que, du temps du Général Galliéni, il fut essayé de grands Commandements de l’Est, du Nord, du Sud, et que l’on dut y renoncer.
C’est tout simplement que c’était prématuré. C’était, comme on l’a si bien dit, « l’époque héroïque » ; l’Administration était encore obligée à des méthodes quasi militaires qui ne cadraient pas avec les besoins de la vie civile des colons.
Il s’agissait de « Commandements » et non de « Sous-Gouvernements » ; ces derniers entraînent à plus d’ampleur dans les conceptions de l’exploitation d’u pays donné, tout en facilitant la propagation des idées pratiques. Le principe d’Autorité n’en est atteint d’aucune façon, mais, au contraire, il s’étend et s’applique avec plus d’efficacité ; le détail n’est plus entièrement sacrifié à l’ensemble, ce qui est le mal dont tout le monde se plaint actuellement.
Il est bon de remarquer que le système de la « lieutenance » fait partie de la hiérarchie militaire elle-même.
Il y a deux sortes de généraux, deux sortes de colonels ; le capitaine commandant une compagnie délègue une partie de son autorité à son lieutenant et à un sous-lieutenant ; le caporal n’est pas autre chose que le lieutenant du sous-officier. Et qui contestera l’efficacité d’un système que, l’expérience de plusieurs siècles le prouve, fait donner tout son rendement au principe d’autorité, loin de l’affaiblir, si bien que toutes les nations militaires n’en ont pas d’autre ?
Après vingt ans d’expérience, les choses se sont fixées à Madagascar, en ce qui concerne l’Administration. L’espèce d’état d’hostilité qui régnait entre administrateurs et colons s’est de beaucoup amélioré. Ces derniers prennent une part de plus en plus importante à l’administration de la Colonie, ce qui est la logique même.
(À suivre.)
Le Tamatave


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19 juin 2018

il y a 100 ans : Potins de la rue


Depuis que le Gouvernement nous a fait connaître ses décisions concernant le Gouvernement Général de Madagascar, quelques personnes affirment que M. Schrameck ne viendra à Madagascar que pour apprécier la beauté de ses sites, l’absence de port à Tamatave et, après une saison à Antsirabe, s’en retourner en France occuper une place au Conseil d’État ou au Comité de Salut Public, laissant tout chaud le trône malgache à M. Garbit.
Disons tout de suite que de M. Garbit nous avons gardé un excellent souvenir, mais pour le cas où il reviendrait nous lui demanderions de nous expliquer pourquoi il créa une crise financière et monétaire qu’il aurait dû et pu éviter ; pourquoi il fit sortir de la colonie 20 000 hommes de plus qu’il n’aurait fallu dans l’intérêt même de la Métropole, à laquelle la colonie aurait pu, sans privation aucune, fournir des produits alimentaires aujourd’hui raréfiés ; pourquoi au point de vue indigène il se montra d’une faiblesse regrettable ; pourquoi enfin il crut devoir orner de rouge une boutonnière qui ne méritait pas cet excès d’honneur.
Il est probable que M. Garbit revenant à Madagascar, mais plus tard, plume blanche au chapeau, changera complètement sa manière. Madagascar, dit-il à Paris, est un pays où l’on fait fortune, il aurait pu ajouter : sans le concours de l’Administration. Et, si la politique indigène qu’il mit en pratique durant son dernier séjour était de nouveau mise en application, il pourrait dire qu’à Madagascar seuls les indigènes font fortune.
Et ce n’est pas la Banque d’émission préconisée à Paris par M. Garbit qui permettrait aux Européens de lutter avec avantage.
Laissons de côté les potins de la rue et quelques personnes prendre leurs désirs pour des réalités et souhaitons les étoiles à M. Garbit. Ce sera la seule manifestation de notre rancune à son égard.
Un Gouverneur est nommé qui n’est point de ceux qui essuient les plâtres. Il viendra ici plus tôt qu’on ne croit et prendra la direction des services en ce moment un peu flous.
Nous l’attendons à l’œuvre, ne demandant qu’à louer son œuvre, comme nous eussions eu à louer les initiatives de M. Merlin. Nous ne souhaitons qu’une chose, c’est que la période de transition ne se prolonge pas outre mesure dans l’intérêt de la colonie.
Le Tamatave


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17 juin 2018

Il y a 100 ans : Le temps [en février 1918]


Notre correspondant tananarivien nous écrit :
À partir du 6, le temps s’est brusquement brouillé en Émyrne. Tout indiquait l’action d’un cyclone au loin. Mais où ?
Nos services sont si mal organisés que, pendant plusieurs jours, pas un des bureaux du Gouvernement Général ne put dire rien de certain.
On dit d’abord que c’était Majunga qui était atteint ; d’autres soutenaient que c’était Tamatave ou même la Réunion…
Une pareille « organisation » est le comble du ridicule, ou plutôt de l’intolérable.
Enfin, le 9, des renseignements commencèrent à arriver.
La région majungaise n’avait pas de cyclone mais se trouvait sous un déluge affreux, inondant des lieux habités, interrompant les communications.
Le météore était entré dans la grande île par Mananjary, était parvenu près de Fianar en touchant au passage Ambositra. Il y a des dégâts.
Nous sommes tous heureux ici de savoir que pour cette fois vous autres, Tamataviens, avez été épargnés.
En Émyrne, le temps a eu une tenue raisonnable. Des accalmies de la pluie ont prévenu le danger d’inondation ; les riz vont bien. Aujourd’hui, dimanche, encore un peu de grisaille court le ciel ; la température est fraîche.
La réquisition des riz de récolte en Émyrne est prononcée. Hier, samedi, la Municipalité a procédé à la distribution des cartes de riz aux Européens. Elle s’occupe aussi des besoins de la population indigène. Enfin, M. Berthier (Administrateur-Maire) est en train d’achever son projet de Boucherie municipale, qu’il a conçu depuis assez longtemps déjà. L’état sanitaire à la capitale est satisfaisant.
Le Tamatave

Au moins, c’est net

Les indigènes malgaches ont horreur du papier monnaie, nous l’avons dit mainte fois, mais ils n’avaient pas encore témoigné leur antipathie aussi ostensiblement qu’à Nossi-Bé, où plus de deux cents Antemoros ont quitté les chantiers pour n’y plus revenir.
Ces camarades « conscients et organisés » de l’océan Indien ont signifié à leurs employeurs qu’ils ne travailleraient dorénavant que chez ceux qui les paieraient en piastres.
Le Courrier colonial


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15 juin 2018

Il y a 100 ans : Le graphite (2)


(Suite et fin.)
En Angleterre, où l’individualisme est encore plus intense que chez nous, les négociants anglais ayant horreur de l’intervention de l’État dans leurs affaires, en Angleterre on envisage très sérieusement l’établissement de trusts, de cartels.
Il ne faut pas perdre de vue que les institutions organisées dans un but de défense d’intérêts économiques considérables joueront plus efficacement encore après la guerre que maintenant. Cette considération devrait suffire à stimuler le zèle des intéressés.

Le prix du riz

L’Officiel du 2 février contient un arrêté détaillant les prix du riz dans les provinces de Tamatave, de Tananarive et d’Antsirabe.
Nous ne voulons voir là qu’une entrée en matière, l’indication de la volonté du Gouvernement de faire une guerre méthodique aux ignobles procédés de la Spéculation.
Nous croyons utile de calmer les alarmes de quelques-uns, qui s’écrient : Ah ! la campagne du riz s’ouvre sur des prix hauts, consacrés officiellement !
Il y a erreur.
La vraie récolte ne vient qu’en mai, et même juin.
En ce moment, il ne s’agit que du riz de « première récolte ». Les Sakalaves du Nord-Ouest précisent bien : « vary madinika », le petit riz.
C’est une coutume – erronée d’ailleurs – dans tous les pays où l’agriculture n’est pas bien avancée, de cultiver en avance des variétés de blé (ou de riz) « hâtives », c’est-à-dire végétant en 12 ou 15 semaines, mais donnant peu de rendement comparativement aux variétés de grande végétation. C’est bien encore du « petit riz » qu’il s’agit, ces prémisses qui sont utiles pour calmer la faim du paysan producteur mais ne peuvent véritablement régulariser la situation du marché des consommateurs achetant.
L’Administration est bien obligée, pour les prix, de se conformer à l’état réel du stockage.
Mais nous l’attendons pour le règlement de la prochaine vraie récolte. Elle aura eu tout le temps de s’organiser, de préparer son artillerie lourde contre les profiteurs. Dût-elle mettre complètement la main sur toute la récolte, elle serait alors coupable, ayant pu s’y préparer avec toute la marge souhaitable, de ne pas obtenir le retour à la normale du marché des riz malgaches.
Le Tamatave


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13 juin 2018

Il y a 100 ans : Le graphite (1)


La baisse survenue sur le graphite n’est pas sans avoir provoqué chez les industriels s’occupant de ce produit une légitime émotion.
D’un côté, on attribue cette modification des cours à la spéculation ; d’un autre côté, on estime que des stocks ayant été constitués en Europe, les achats ayant momentanément cessé, une baisse s’est produite.
Sera-t-elle momentanée ou de durée ? Toute la question est là.
Les uns disent qu’une hausse surviendra, essentiellement temporaire, un abaissement des prix devant s’ensuivre.
À l’appui de cette thèse, on cite des précédents qui se seraient constatés en d’autres colonies mais sur d’autres produits, le caoutchouc, par exemple.
Le procédé pour arriver à une sorte d’accaparement serait le suivant : intensifier les achats d’un produit, pendant une période déterminée, développement d’une industrie ou d’exploitations s’il s’agit de caoutchouc, puis arrêt brusque des achats.
Inévitablement, les cours subissent une dépression plus ou moins forte et de durée plus ou moins longue suivant le degré de résistance des vendeurs.
Tout le monde est d’accord sur ce point, qu’il est utile et équitable que les graphites de Madagascar soient vendus et livrés directement aux consommateurs américains.
On ne s’explique pas en effet pourquoi les marchandises de provenance malgache ne peuvent être vendues par les producteurs, alors que ces mêmes produits peuvent être vendus et livrés aux États-Unis ou en Angleterre après avoir transité par Marseille.
Pour arriver à un résultat dans ce sens, l’action individuelle est inopérante. Il faudra nécessairement que les producteurs de graphite, comme d’ailleurs les agriculteurs, s’organisent, se groupent soit en syndicat soit en association.
On a constitué un consortium en France, il eût été sage d’en constituer un à Madagascar. Il faut être organisé pour l’achat et pour la vente.
À l’heure qu’il est, les Boches ont groupé toutes leurs industries, elles font bloc.
Nous devons en faire autant chez nous.
(À suivre.)
Le Tamatave


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11 juin 2018

Il y a 100 ans : « La forêt tragique », par Albert Garenne


En lisant les détails de cette iliade exotique, on pense aux héros de Fenimore Cooper, aux combats sans merci qu’ils livrèrent dans le cadre solennel d’une nature primitive. Mais ici, aucune fiction et toute la supériorité du commandement européen, servie par le dévouement sans borne des auxiliaires betsiléos, s’affirme en une action authentique, en des gestes de guerre chevaleresque que semble souligner la beauté émouvante et farouche du décor.
Annales africaines

M. Merlin a pris contact avec les indigènes

M. Merlin, gouverneur général de Madagascar, a pris contact avec les indigènes de la colonie, au mois de décembre dernier, dans un grand kabary qui avait réuni plus de 10 000 auditeurs.
Reconnaissant la dureté des temps, les exigences cruelles de l’heure présente, M. Merlin a assuré les indigènes que la situation s’améliorerait. Déjà, il a fait relever le salaire des agents de l’administration chargés de famille, fait acheter du riz pour ravitailler la population et soulager les nécessiteux. Il a enfin engagé les indigènes à travailler plus régulièrement et plus activement pour rétablir l’équilibre de la situation présente.
Le gouverneur général a terminé son discours en assurant l’assistance que la France remporterait la victoire et qu’elle se souviendrait des témoignages d’affection que les indigènes de la Grande Île lui ont donnés.
Le prince Ramahatra a répondu à M. Merlin par une affirmation éloquente du loyalisme malgache.

Des bœufs malgaches pour Maurice

Le Secunder a ramené de Vohémar une cargaison de bœufs pour ravitailler les boucheries de Maurice dont les réserves tiraient à leur fin. Des colons ayant manifesté le désir d’en acheter quelques-uns comme bêtes de trait, les autorités ont décidé de marquer les bœufs importés de Madagascar des deux lettres F. C. accompagnées d’une large flèche.
Ces animaux seront rigoureusement réservés à l’alimentation et des peines ont été édictées contre les Mauriciens qui emploieraient à leurs travaux des bœufs ainsi marqués.
Le Courrier colonial


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9 juin 2018

Il y a 100 ans : Sur la plage


J’allais tout le long, le long du rivage, d’Hastie à Tanio – pour fuir un peu mes semblables, pour causer, ou plutôt écouter causer les bêtes, en l’espèce les poissons.
Ils approchaient tous du bord de l’eau, contemplant le spectacle qui pourrait être féerique des lumières de la ville, projetant leurs éclats comme des tessons brillants sur la mer pour l’instant pousseuse.
Il y en avait de toutes les tailles, de toutes couleurs et de toutes espèces.
— Que faites-vous là et que dites-vous, ô poissons ?
Une forte et belle carangue, large et grasse et ondulante comme une belle personne de trente ans, eut un rire perlé :
— Nous jouissons de la soirée qui est belle, et nous rions de l’imbécillité des hommes qui est sans mesure !
— Comment cela ?
— Mais oui ! Vous vous plaignez de pâtir sur votre languette de sable rouge, alors que nous croissons et multiplions dans l’eau qui nous entoure ! Vos pêcheurs d’Hastie en sont encore à leurs antiques pirogues qu’une lame sournoise chavire, tandis qu’un bateau breton nous apporterait en masses sur votre marché. Il n’y a pas de meilleur vivier pour nous que Tamatave, parce qu’il n’y a guère que vos puissants du moment qui envoient de temps en temps leurs Betsimisaraka nous harponner ou nous amorcer. Vous êtes pour nous les meilleurs propriétaires : vous passez devant notre abondance rêvant à votre pays lointain et vous serrant la ceinture ; d’autres que vous auraient depuis longtemps organisé un système d’engins qui racleraient nos récifs dans les moindres recoins, et nous serions obligés de nous précipiter au fond des abîmes océaniques… Vivez longtemps, ô Tamataviens !
Le jour viendra où Tananarive vous enverra jusqu’aux minces goujons de l’Ikopa ; alors nous jouirons de la liberté complète, sous l’égide de votre indifférence, et nous irons déposer nos laitances au bord du quai, sous les yeux de vos douaniers !
Ainsi causa la belle carangue, applaudie par un parti de mulets gras qui firent des cabrioles dans l’eau en son honneur.
Flanoche.
Le Tamatave


Deux volumes de compilation de la presse à propos de Madagascar il y a 100 ans sont disponibles. La matière y est copieuse et variée, vous en lisez régulièrement des extraits ici. Chaque tome (l'équivalent d'un livre papier de 800 pages et plus) est en vente, au prix de 6,99 euros, dans les librairies proposant un rayon de livres numériques. D'autres ouvrages numériques, concernant Madagascar ou non, sont publiés par la Bibliothèque malgache - 71 titres parus à ce jour.

8 juin 2018

Il y a 100 ans : En chef


L’administration de Madagascar comprend actuellement une trentaine d’administrateurs en chef, luxe que ne s’offrent point nos autres colonies, soit par identité de grade, soit par assimilation comme en Indo-Chine.
Le Ministère est décidément bien bon, mais ne pourrait-il songer un instant à notre budget éprouvé par les lourdes charges qu’il suppose de ce chef, charges aggravées par les indemnités allouées sous le gouvernement précédent aux hauts perchés de la hiérarchie, tandis que, en bas, il y a… ceinture, en dépit des indemnités allouées aux titulaires de fonctions mais non aux auxiliaires.
Il semble que cette situation devrait prendre fin. Que le Ministère absorbe donc une partie des administrateurs en chef que l’on ne sait où caser ici pour des causes différentes.
Nous ne faisons pas querelles de personnes, mais on voudra bien admettre que nous ayons le droit de veiller un peu à notre sacoche nationale, s’il nous est permis de nous exprimer ainsi.
D’autre part, les mises à la retraite différées empêchent ceux qui attendent leur tour de passer et l’on ne voit pas très bien pourquoi ceux-ci, méritant autant que les autres, marqueraient le pas sans raison.
Méritants autant que les autres ? évidemment oui. S’il y a des administrateurs indifférents ou à « touffe », il y en a d’autres par contre qui, sans réussir à contenter les Tant Pis et les Tant Mieux, accomplissent consciencieusement leur tâche avec plus ou moins de bonheur.
La situation des administrateurs changera lorsqu’ils auront plus d’initiatives, partant plus de responsabilités. Sans doute, les services n’aiment pas beaucoup l’intervention des administrateurs dans leurs affaires, nous comprenons cela dans une certaine mesure.
Mais il faut tout de même admettre que, si un Chef de province doit être rendu responsable de ce qui est bien ou mal dans la région qu’il administre, il est des droits qu’on ne saurait lui contester.
Au Gouverneur d’arbitrer les différents susceptibles de s’élever et de prendre des sanctions… efficaces contre qui les mérite.
Alors, la machine roulera et, comme les tanks ou les « Michelin », franchira avec aisance tous les obstacles.
Tanio.
Le Tamatave


Deux volumes de compilation de la presse à propos de Madagascar il y a 100 ans sont disponibles. La matière y est copieuse et variée, vous en lisez régulièrement des extraits ici. Chaque tome (l'équivalent d'un livre papier de 800 pages et plus) est en vente, au prix de 6,99 euros, dans les librairies proposant un rayon de livres numériques. D'autres ouvrages numériques, concernant Madagascar ou non, sont publiés par la Bibliothèque malgache - 71 titres parus à ce jour.

7 juin 2018

Il y a 100 ans : Qu’est-ce que Tamatave ? (3)


(Suite et fin.)
Aujourd’hui, le Gouvernement de Madagascar est entré dans la voie de la participation des colons à l’administration de la Colonie. Il faut sortir de cette stagnation et agir : ce sera la meilleure façon d’honorer la mémoire de nos devanciers, qui avaient poussé jusqu’à l’exaltation l’idée de la plus grande France.
Que ce soit le quai qui aille au navire ou le navire qui aille au quai ; que ce dernier soit aménagé au milieu des récifs ou en plein sable, n’importe : il faut adopter un système et en commencer tout de suite l’exécution.
Il faut aussi relier économiquement Tamatave avec ses arrière-pays. Il faut au Nord ouvrir les régions de Mandritsara et d’Ambatondrazaka ; au sud, le Vakinankaratra, le Betsileo.
Nous avons déjà le tramway T. C. E. Il reste à la faire adulte selon la formule : réduction de trajet et de tarif.
Il faut en finir avec les pangalanes Nord et Sud.
Il faut… se mettre à agir pour sortir de la rêvasserie !

Le graphite

Une baisse sensible s’est manifestée dans le prix de vente du graphite. En quelques jours ce minerai a baissé de trois cents francs, dit-on. C’est pour cette raison qu’un certain nombre d’exploitants ont envoyé en France le câblogramme suivant.
Questure Chambre Députés
Demandons respectueusement Pouvoirs Publics droit pour Madagascar exporter librement graphite en Amérique en raison spéculation ayant causé baisse désastreuse graphite. Conséquence ruine totale de cette industrie primordiale ici Pétition suit par courrier.
Groupes exploitants graphite.

La monnaie

La monnaie manque totalement à Tamatave et on ne sait où se la procurer.
Les commerçants eux-mêmes se voient journellement dans l’obligation de refuser de vendre, n’ayant pas de monnaie à rendre aux clients.
Nous ne parlerons pas du marché couvert, là, elle est absolument introuvable.
À Tananarive, il suffit de se présenter au bureau de poste pour en avoir tandis qu’ici, la poste n’en ayant pas en dépôt, ne peut donc en donner.
Pourquoi les Tananariviens sont-ils privilégiés sur ce point ?
Cela ne peut plus durer, il convient d’y apporter remède immédiatement.
Le Tamatave


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2 juin 2018

Il y a 100 ans : Qu’est-ce que Tamatave ? (2)


(Suite.)
Les documents dont M. Carle regrette avec raison l’injustifiable enterrement relatent les qualités à la fois de souplesse, d’énergie, de robuste santé que devaient réunir les colons de ce temps pour s’implanter au milieu des indigènes, se maintenir en ce pays de côtes, alors que les sels de quinine n’étaient pas répandus comme de nos jours.
Le ravitaillement des colons était chose difficile. Rien de plus poignant que la lecture des innombrables rapports de mer des capitaines des voiliers réunionnais. La Réunion gisant à l’est de Tamatave, le trajet normal ayant pour terminus Fort-Dauphin au sud-ouest de l’alizé de sud-est (le suète comme disent les marins) soufflant presque toute l’année, il fallait « souquer de la toile » sous un angle de navigation de plus en plus fermé, avec la terrible côte malgache sous la hanche tribord.
Les traitants étaient unanimes à signaler comme les plus riches les pays Betanimena et de Farafangana, avec le puissant arrière-pays des hauts-plateaux. Mais il y avait la « barre », la terrible barre qui interdit l’accès de la terre tout le long de l’immense côté, et qui avait le sinistre pouvoir de happer, pour ainsi dire, au passage les carcasses de bois.
Un jour, fuyant devant la tempête, désemparé, ne pouvant plus tenir la mer, un capitaine aperçut un intervalle où les récifs ne « blanchissaient » pas. Il « bourra » dedans, jeta l’ancre en eau relativement calme. Sous tribord, un arc de sable blanc. Les indigènes de l’habitaient pas, mais ils s’y rendaient quelquefois pour célébrer des consécrations de rite : Toamasina, qui devint Tamatave dans le langage des matelots créoles.
Par la suite, il fut reconnu que tous les autres refuges de la côte Est étaient décidément précaires ; c’est ainsi que Tamatave devint la Métropole maritime de l’Est malgache.
On avait espéré que l’occupation française donnerait à Tamatave une organisation digne de sa destination.
Hélas ! nous savons qu’on n’a abouti qu’à des projets purement bureaucratiques, autour desquels on s’est disputé fort inutilement.
 (À suivre.)
Le Tamatave


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1 juin 2018

Il y a 100 ans : Qu’est-ce que Tamatave? (1)


Lors de la dernière séance de l’Académie Malgache, à Tananarive, M. Carle, Chef du Service de Colonisation, fit cette importante remarque que rien n’avait été fait, jusqu’ici, pour sauver de l’oubli le souvenir des efforts faits par les colons à Madagascar avant l’occupation et dont les faits sont consignés aux Archives de la Réunion.
Observation judicieuse, si l’on considère cette vérité que l’avenir d’un pays ne tire sa substance que dans les choses du passé : tout le problème est de bien adapter ces rudiments, à la lumière de l’expérience acquise.
Cette grave question intéresse tout particulièrement notre région de l’Est, car c’est ici que la colonisation de la grande île a commencé, par l’intermédiaire de l’île de la Réunion.
Aucun de nous ne peut répondre fructueusement à cette question : qu’est-ce que Tamatave, que peut-on raisonnablement espérer qu’elle devienne, si nous n’avons pas une connaissance immédiate des actes de nos devanciers, des vicissitudes de leur action.
Il ne faut pas considérer l’île de la Réunion dans son état actuel, par rapport à ce qu’elle fut à l’époque que nous évoquons.
Cette île fut longtemps le point de concentration, le point de réunion des vestiges épars des intérêts français dans les mers du Sud. Elle disposait d’une organisation propre, assez remarquablement développée.
Les Réunionnais, avec une constance fort louable, ne cessèrent de considérer la grande île de Madagascar comme partie intégrante du patrimoine français, et ils ne cessèrent d’agir sous cette inspiration.
Leurs négociants commencèrent par essaimer la côte Est – pour tard la côte Sud-Ouest et Nord-Ouest – de leurs traitants, pour traiter de toutes sortes d’affaires avec les naturels (aujourd’hui, le terme « colons » a prévalu).
Il est juste de noter que les Réunionnais eurent quelques émules mauriciens ; mais ces derniers s’égayèrent en plus grand nombre vers les grandes possessions britanniques : Indes, Australie, surtout l’Afrique du Sud voisine.
(À suivre.)
Le Tamatave


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