30 avril 2015

Il y a 100 ans : Tous veulent y aller

Nous recevons la lettre ci-après que nous sommes heureux de publier en raison des sentiments patriotiques qu’elle respire, – sentiments auxquels nous ne pouvons qu’applaudir bien vivement.
Nous ne voulons ici ni faire un article de polémique, ni en appeler à l’opinion publique contre les faits et gestes de l’autorité militaire. Nous voulons tout simplement nous faire l’écho des désirs les plus vifs des militaires de l’active encore actuellement à Tamatave. Ces désirs seraient d’obtenir au plus tôt l’insigne honneur d’être dirigés sur le front.
« Que fait-on de nous ici ? gémissent-ils, pendant que nos frères d’armes se font glorieusement tuer ?
« Que craint-on à Madagascar, pour nous retenir ainsi en dépit de nos récriminations ? Nous nous morfondons dans l’inaction en lisant chaque jour les quelques lignes que nous adresse Havas en un langage sibyllin.
« Nous avons tous à la guerre nos frères, pères, cousins, qui eux ne sont soldats que depuis la mobilisation, et nous, soldats de métier, nous sommes ici à quoi faire ?? Qu’on nous le dise…
« Nous en sommes arrivés à un tel état de dépression morale qu’on a pu constater à Tamatave une recrudescence de fièvres et de maladies diverses parmi les militaires européens du 2e malgaches.
« Si encore on craignait quelque révolte. Mais c’est très improbable. Et quand cela serait, les réserves mobilisées sont amplement suffisantes pour maintenir l’ordre. »
Voilà à peu près les réflexions qui nous ont été faites par ces militaires. Nous ajouterons qu’il y a suffisamment de gradés de la territoriale ou de la réserve mobilisés ici à Tamatave pour pouvoir remplacer les gradés de l’active employés dans les différents services.
Qui empêcherait au besoin d’envoyer de France des gradés territoriaux ?
Nous espérons, pour nos amis les militaires de l’active, que notre requête sera entendue par l’autorité compétente, et qu’on leur donnera bientôt à tous la clef, non pas des champs, mais de la route de France.
L. D.
Que les impatients se rassurent. L’autorité compétente a pris des dispositions pour les envoyer en France. Mais les moyens de transport ne permettent leur envoi que successivement et suivant les disponibilités des paquebots. Un peu de patience encore.

Le Tamatave

Madagascar en 1914 sortira le 1er mai, Madagascar en 1913 est disponible dans une édition numérique revue et corrigée.
Et la Bibliothèque malgache s'ouvre à de nouvelles collections, avec seize titres parus, à découvrir sur la nouvelle page d'accueil du site.

29 avril 2015

Il y a 100 ans : Le carnet d’un boto de pousse-pousse

La mobilisation, malgré les grincheux, se fait petit à petit et cela nous permet de voir à chaque courrier un contingent d’active rempli d’enthousiasme s’embarquer pour la France à la conquête de lauriers. Une nouvelle affiche vient de paraître, les classes de 1890 à 1900 entrent dans la danse, cela implique que la mobilisation des classes plus jeune est terminée ! Est-ce que dans celles-là tout ce qui était utilisable a été pris ? Il y a certains services de la Colonie, un en particulier, presque militaire même en temps de paix, qui semble avoir fourni bien peu à la Défense nationale. Il est vrai que la Tribune annonçait dernièrement la mobilisation de son chef qui vaut probablement à lui seul tous ses agents réunis, de mauvaises langues disent qu’il n’a jamais été soldat.
Il n’en a que plus de mérite.
À Tamatave, on voit cependant quelques exemples de patriotisme, les fonctionnaires se dépensent sans compter. À la Résidence, un employé est mobilisé, les autres ont dû se partager sa tâche puisqu’il n’est pas remplacé. Et, malgré ce trou dans le personnel, un des plus hauts gradés de la même administration vient d’accepter, sans récrimination, une tâche très lourde à accomplir au Palais de Justice. On dira peut-être qu’il y trouve son profit. Qu’importe, le geste a quand même sa valeur. Dans tous les cas, cela prouve aux colons qu’on aurait pu mobiliser un fonctionnaire sur deux.
Sarah B.

À propos de la mobilisation

Nous regrettons de ne pouvoir publier la lettre qui nous est adressée au sujet des permissions largement accordées à certains mobilisés, la censure ne tolérant la moindre critique contre la mobilisation.
Nous invitons les intéressés à s’adresser directement au Chef de la Colonie, qui fera certainement tout ce qui dépendra de lui pour leur donner satisfaction.

À la caserne

On nous signale que les 325 conscrits arrivés de la Réunion par le Djemnah n’avaient même pas une cuillère pour prendre leurs repas.
Le service de l’Intendance n’avait-il pas été prévenu ?

La Dépêche malgache

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28 avril 2015

Il y a 100 ans : L’impôt capital (2)

(Suite et fin.)
Il nous reste à examiner les ressources de celui qui va chercher des produits dans la forêt. C’est encore un amateur, il travaille par à coup et bénéficie pourtant des dons de la nature.
Nous venons d’analyser succinctement la mentalité indigène de la région betsimisaraka, prise dans son ensemble, mais grâce à l’exemple qui lui est donné par le vazaha, à l’instruction qu’il reçoit et aux progrès incessants de la civilisation, beaucoup ont déjà compris que le travail est une loi à laquelle nul ne peut se soustraire s’il envisage un bien-être quelconque.
Pour l’homme actif, l’impôt capital n’est pas onéreux et, pour le fainéant, c’est une taxe morale puisqu’elle l’oblige à travailler.
Dik.

Sections d’apprentissage

Par arrêté du 21 mars courant, des sections d’apprentissage industriel ont été créées à Majunga et à Tamatave.
Cette mesure permettra aux industriels le recrutement d’apprentis et d’ouvriers expérimentés.
La Dépêche malgache

Prenez garde aux voleurs !

Oui ! prenez garde aux voleurs et surtout aux voleurs malgaches, car ces derniers, sous votre bienveillante et humanitaire administration, se civilisent de plus en plus. La preuve : parmi les passagers venus de la Réunion par le dernier courrier se trouvait Madame Veuve Jean Bénard. Elle fait prix avec un indigène qui se donne comme batelier pour la transporter à quai, elle et ses bagages. Ne pouvant les porter tous à la fois sur son canot, il commence par enlever une malle, annonçant qu’il va revenir chercher le reste. Mais le temps s’écoule et, comme sœur Anne, Mme Bénard ne voit rien venir. L’indigène et la malle, contenant entre autres plus de 400 fr. de bijoux, avaient disparu. Plainte a été portée par la victime du vol, mais…
Comme cela se pratique en beaucoup de pays, ne pourrait-on permettre le métier de portefaix et l’accès des paquebots qu’à ceux munis d’une plaque numérotée, et inscrite à la police ? La sécurité y gagnerait au point que des vols comme celui-ci-dessus ne seraient plus possibles.

Le Tamatave

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27 avril 2015

Il y a 100 ans : L’impôt capital (1)

Il n’y a pas de questions qui aient été aussi agitées que celles-ci.
À Madagascar, comme ailleurs du reste, lorsqu’il s’agit de s’acquitter d’un impôt, on le fait généralement de mauvaise grâce.
Ici, nombre d’indigènes se plaignent de ne pouvoir payer la carte individuelle. Est-ce à tort ou à raison, et pourquoi ? Serait-elle d’un prix trop élevé, ou bien en exigerait-on trop vite la rentrée ?
À cela, nous répondrons que cet impôt n’est pas exagéré, mais même nécessaire puisqu’il oblige l’indigène à travailler. De plus, la façon dont on le recueille donne à celui-ci toute latitude de s’en acquitter par fractions, d’un bout de l’année à l’autre.
Nous sommes donc, naturellement, amenés à rechercher quelles sont les ressources du Malgache habitant nos régions.
Elles sont de trois sortes ; d’abord, le travail chez le colon au mois, à la journée ou à la tâche, puis la culture de ses rizières et terrains, enfin la vente de ses récoltes ou produits naturels cueillis par lui dans les forêts (cire, rafia, caoutchouc, etc.).
Comme main-d’œuvre, le Betsimisaraka a le choix des emplois, tantôt chez le colon, le prospecteur, l’entrepreneur ou en ville comme domestique et parfois dans certains métiers comme artisan. Malheureusement, il n’a pas beaucoup de suite dans le travail et on ne peut guère compter sur lui. Que serait-ce s’il n’avait pas d’impôt à payer !
Maintenant, cherchons sa valeur comme cultivateur : une case, un bout de rizière, du terrain à ne savoir qu’en faire, avec cela bon ou mal an il arrive juste à gagner de quoi crever de faim, car il ne plante généralement que pour le quart de ce qu’il lui faut pour vivre, lui et les siens. En avons-nous vu des familles entières, dans la brousse, réduites à manger du viha à défaut de manioc ou de bananes vertes et bouillies. Quant au riz, il y a belle lurette que le dernier grain a disparu du grenier. S’il se trouve dans ce cas, c’est bien sa faute et il est loin d’être à plaindre. D’ailleurs, celui qui veut se donner un peu de peine vit dans une certaine aisance, grâce à la fertilité du sol.
Ici comme dans le cas précédent, l’impôt seul l’oblige à travailler un peu.
(À suivre.)
Dik.

La Dépêche malgache

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26 avril 2015

Il y a 100 ans : À propos des pousse-pousse du Consul allemand

On nous écrit :
Ma question, – que l’on a qualifiée d’indiscrète, – au sujet des pousse-pousse des Allemands, a eu le don de faire du bruit dans Landerneau. Dans ma naïveté, j’aurais cru qu’il appartenait aux « séquestres » de répondre à cette question. C’est une dame, belle et charmante à n’en pas douter, qui, à leur place, se croit obligée de me renseigner sur un ton aigre-doux qui laisserait croire que ma question lui a causé quelque dépit. Qu’est-elle dans cette histoire, et que vient-elle faire dans cette galère ??… D’autant plus qu’elle joue de malheur quant à l’exactitude des renseignements qu’elle se croit obligée de me donner, elle, tierce personne.
En effet, le fameux pousse-pousse, – celui qu’on a vu circuler dans les rues, – (notre indiscrète le reconnaît) était depuis des mois au service d’un haut fonctionnaire, précisons – un haut magistrat, – qui, parti par le dernier courrier, s’est servi de ce véhicule pour se faire transporter sur le quai d’embarquement. Voilà comment ce pousse-pousse a été vu dans les rues.
Mais notre charmante indiscrète commet une… maladresse bien plus… originale. Elle déclare que ce pousse-pousse qu’on a vu circuler dans les rues de Tamatave est allé retrouver M. le Consul allemand dans sa princière demeure à Fort Duchesne.
Vous allez trop vite, Madame, dans vos affirmations. La vérité est qu’au lendemain de votre réponse dans les journaux de Tamatave, un employé de l’un des séquestres est allé demander à la gare combien coûterait le port d’un pousse-pousse jusqu’à Tananarive. Il n’était donc pas encore parti quand vous nous annonciez le contraire. C’est tout. Ah ! quelle belle occasion de vous taire, Madame, vous avez perdue là !!…
Quant à l’honorable et estimé journal Le Tamatave, qui a bien voulu publier mon indiscrète question, il lui importe peu, sans doute, de s’attirer la haine et les injures des gens dont il se croit obligé de flageller les vilenies. L’estime des autres doit lui suffire.

Le Tamatave

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24 avril 2015

Il y a 100 ans : Événements et incidents à Diégo-Suarez (3)

(Suite et fin.)
Notre confrère l’Impartial ayant osé demander la lumière à ce sujet a vu son article interdit par notre administrateur local, sous prétexte d’un droit de censure inexistant et, par conséquent, à l’aide d’un de ces abus de pouvoir tendant à rétablir le régime du bon plaisir, si cher à M. Picquié.
En effet, nous avons tous vu, le 15 août 1913, en pleine nuit et en plein bal, un général faire envahir par la force armée le local privé du Cercle français, pour y faire arrêter un officier en rupture d’arrêts, ce qui tombait sous le coup des articles 184 et suivants du Code pénal : parmi les fonctionnaires et magistrats témoins de ce scandale, pas un n’a osé souffler mot contre cet abus d’autorité parfaitement caractérisé.
Depuis, le procureur-général Theulet s’est cru permis d’infliger arbitrairement quarante et quelques jours de prison préventive à notre confrère et ami, M. Chott, qui avait eu l’audace de réclamer justice ; les Annales Coloniales ont publié, à ce sujet, un vibrant article de M. Henri Cosnier, mais, à notre connaissance du moins, aucune sanction n’a été encore appliquée.
Aujourd’hui un personnage officiel, haut placé, jette la suspicion parmi nous en lançant jésuitiquement des accusations contre plusieurs des nôtres… et un représentant de l’Administration essaie d’étouffer l’affaire en interdisant la publication d’un article de journal réclamant la lumière, en violation de la Loi, car le décret du 22 août 1914, promulgué ici le 10 octobre, n’est pas applicable en l’espèce.
Où allons-nous ? deviendrons-nous véritablement les serfs de l’Administration, taillables et corvéables à merci, privés de la protection des lois cependant existantes ?
La méthode Picquié a-t-elle fait école et, lui parti, ses disciples, façonnés selon ses goûts, sont-ils parvenus, au perinde ac cadaver si prisé des jésuites ?
Sommes-nous donc revenus aux temps du Grand Roi, et pouvons-nous affirmer encore ici, en plein XXe siècle, ce qu’osait alors écrire notre immortel fabuliste, qui n’en fut cependant pas puni, car il ne vivait pas sous un régime pareil à celui de Madagascar :
Selon que vous serez puissant ou misérable
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Les Annales coloniales

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23 avril 2015

Il y a 100 ans : Événements et incidents à Diégo-Suarez (2)

(Suite.)
Malgré le marasme des affaires, signalons que les opérations entamées avant la guerre, et celles conclues depuis, se sont, en général, très bien terminées, et nous avons appris de notre banque que les paiements, surtout depuis la disparition du moratorium, s’étaient opérés ici avec une régularité et une abondance remarquables, que doivent nous envier bien d’autres villes de Madagascar dont les habitants se plaisaient, bien avant la guerre, à crier urbi et orbi que Diégo-Suarez agonisait.
*
* *
La bêtise et la méchanceté humaines ne manquent jamais l’occasion de se produire, quelles que soient les circonstances et les latitudes. La dernière, qui est toute d’actualité, vise une grosse Société française, comprenant dans son sein des associés étrangers mais neutres, aussi avantageusement connue ici qu’à Nosi-Bé et Majunga.
D’après les dires d’un personnage haut placé, inspecteur local des Services civils de la Colonie, cette maison serait un repaire d’espions allemands, ayant à son service une compagnie de navigation allemande se cachant sous pavillon neutre, et exerçant son triste métier avec la complicité de deux de nos concitoyens aussi connus qu’estimés de tous.
Rien que cela ! et c’est suffisant par le temps qui court pour nuire irrémédiablement aux victimes de pareilles accusations, toujours lancées en petit comité, mais n’en devenant pas moins rapidement publiques.
On s’étonne d’abord que ce dénonciateur n’ait pas plus tôt songé à dévoiler ces prétendues manœuvres, et n’ait saisi directement la justice comme c’était son devoir.
Pourquoi a-t-il attendu aussi longtemps après son départ de chez nous et s’est-il réservé de le faire très officieusement loin d’ici, à Majunga ?
La Société en cause ne veut pas ainsi se laisser calomnier, elle n’a pas la complaisance teutonne des gens de haute « kultur » vis-à-vis de l’autorité supérieure sacrée pour les Allemands et autres barbares : elle s’est déjà défendue, elle se défend et continuera. Nous sommes en mesure de pouvoir même affirmer que les personnes visées vont saisir leur ambassade, et elles auront bien raison !
(À suivre.)

Les Annales coloniales

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22 avril 2015

Il y a 100 ans : Événements et incidents à Diégo-Suarez (1)

(De notre correspondant particulier.)
Depuis le commencement de la guerre, le point d’appui de Diégo-Suarez, s’il est encore permis de lui donner sans rire ce qualificatif, a été le théâtre de nombreux événements et de quelques incidents regrettables.
*
* *
Nous avons pu assister, dès les débuts, à la préparation d’une colonne d’expédition vers des rivages demeurés inconnus, décidée par feu Micromégas-Picquié. À l’instigation de ce Napoléon en baudruche, une expédition fut en effet organisée. En conséquence, le Djibouti, de la Compagnie Havraise Péninsulaire, et le Melbourne, des Messageries Maritimes, furent aménagés à grand fracas, emplis de munitions et de vivres pour plusieurs mois de campagne, et finalement désarmés, quand les agents des Compagnies en cause demandèrent une réquisition en bon ordre, personne ne voulant en prendre la responsabilité, notre ex-Gouverneur général se dérobant le premier pour ne pas approuver les choses faites.
Il en a certainement coûté cher à la Princesse, mais le geste inachevé du responsable irresponsable demeurera peut-être, dans l’avenir, comme le plus magnifique de notre ex-fantoche, à moins qu’une enquête ne soit ordonnée pour remettre à point l’affaire et imputer à leur seul auteur le gaspillage insensé qui a été commis.
*
* *
Nous avons eu aussi les fantomatiques croisières du Kœnigsberg. On l’a craint pendant des mois sans le voir nulle part. Il paraît cependant qu’il osa se montrer devant Majunga, aux yeux d’un promeneur très matinal, qui voyait peut-être trouble, et que certains habitants de la ville ont cru bénévolement. Immédiatement, et de Tananarive, un compte rendu très romanesque fut expédié en France où il dut avoir un petit succès, malgré son invraisemblance, et qui fut démenti depuis, il faut le reconnaître. Le petit rufian-croquemitaine, venu à Dar-ès-Salam pour une exposition avec des munitions d’exercice, a jugé prudent de se laisser embouteiller dans une rivière de l’Afrique orientale, après avoir mis à mal le Pegasus désarmé. Surveillé par la flotte anglaise, il y vieillit sans doute avec ses souvenirs, mais sans probablement s’améliorer.
(À suivre.)

Les Annales coloniales

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21 avril 2015

Il y a 100 ans : Quousque tandem ?… (2)

(Suite et fin.)
L’éclairage de la ville laisse beaucoup à désirer et dans certains endroits il n’y en a pas du tout.
Combien de nos rues auraient besoin d’être rechargées ? Et des principales encore ! Quant aux trottoirs promis, il n’y faut pas compter, l’état déplorable de ceux existant donnant la mesure des soucis de nos gouvernants pour les pauvres bougres de gouvernés.
Un arrêté local a prescrit la clôture des propriétés, d’une façon générale, et bien des propriétaires ont été invités, jadis, à l’observation des règlements.
Depuis quelque temps cet arrêté semble tombé en désuétude. – La commune elle-même néglige de clore ses terrains, dont certains, situés en pleine ville, sont devenus de véritables dépotoirs publics, et le cas échéant se trouvent transformés en… Infandum !!! Caveant consules.
Un passant.

Le carnet d’un boto de pousse-pousse

Il y a 15 jours, j’avais émis l’idée qu’il serait possible d’envoyer du café à nos troupes du front. Dans ma pauvre tête de Malgache j’avais cru que cette idée ferait son chemin. Eh bien j’ai eu le regret de constater que ça n’a pas été entendu, malgré les prix avantageux du moment.
J’ai fait part de ma déception à mon copain qui est quelque chose dans l’Administration, il a ri de bon cœur. Un Malgache peut avoir une bonne idée, m’a-t-il dit, mais cela ne prendra jamais, il faut pour cela que la chose vienne d’en haut et non d’en bas. Si une grosse légume avait trouvé cela, l’affaire était dans le sac, en venant de toi c’était du temps perdu et ta bonne idée actuellement ne sera même pas reprise par un autre, pense mon cher qu’il n’en aurait pas la primeur.
Mon copain a une fois de plus raison, je m’en suis bien rendu compte lundi dernier quand un simple appel du curé de la paroisse a suffi pour emplir son temps d’une foule aux opinions les plus diverses. Enfin je me console, à défaut de café, nos soldats auront des prières. S’ils ne sont pas contents, c’est qu’ils seront bien difficiles.
Sarah B.

La Dépêche malgache

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20 avril 2015

Il y a 100 ans : Quousque tandem ?… (1)

Jusques à quand serons-nous dans la triste situation où nous nous trouvons actuellement ?…
Où allons-nous ?…
Grande récompense à qui pourra donner une solution satisfaisante aux deux points d’interrogation que nous posons ci-dessus !!!
En attendant, envisageons les choses telles qu’elles existent.
Tamatave est, sans contredit, la plus jolie cité de la Grande Île, n’en déplaise à ceux qui pensent ou pourraient penser le contraire.
Cependant, les Tamataviens sont loin d’être aussi heureux qu’ils devraient l’être.
Notre Édilité, absorbée par des questions d’un intérêt tout à fait personnel, laisse la barque tamatavienne s’en aller à la dérive, et ce n’est pas de sa faute si elle ne s’est pas encore brisée sur les récifs environnants. Les règlements urbains sont foulés aux pieds par ceux-là même qui devraient les faire respecter.
Trop de parade et pas assez d’action.
Nos rues sont jonchées de tas d’immondices dont l’enlèvement se fait irrégulièrement, et bien souvent deux fois vingt-quatre heures s’écoulent avant que les charrettes de l’entrepreneur fassent leurs rondes.
Au marché, chacun cherche à gruger le bon public, dans le ravitaillement de chaque jour. – On nous donne plus d’os que de viande ; les pesées sont loin d’être justes, les denrées de mauvaise qualité, et le reste à l’avenant.
Chez l’épicier du coin, c’est encore pire, tout est plus ou moins frelaté, depuis l’huile de pétrole jusques et y compris le beurre.
Ne parlons pas des boissons de toute sorte garnissant les étagères des Asiatiques ! Elles ménagent des surprises désagréables aux consommateurs de bonne foi.
Si l’on voulait bien appliquer les règlements en vigueur, avec mesure, avec tact, le mal pourrait être, sinon déraciné, du moins atténué d’une façon sensible ; les prix inabordables pourraient être réduits, et l’alimentation générale s’en ressentirait avantageusement.
Mais non, ce serait trop simple, partant trop beau, et nous ne pouvons guère l’espérer…
Pourquoi ? me direz-vous. Parce que…
Intelligenti pauca
(À suivre.)

La Dépêche malgache

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12 avril 2015

Il y a 100 ans : Cour criminelle de Tamatave (2)

(Suite et fin.)
Il râlait encore en ce moment mais il expira en quelques minutes des suites de l’hémorragie causée par les coups de couteau. Cette fois, Belalahy dit qu’ils avaient été tous les deux attaqués par des brigands et que lui seul avait pu se sauver. Il n’avoua la querelle qu’il avait eue avec son patron que lorsqu’on lui fit remarquer que les bagages étaient à cent mètres plus loin, et que l’argent était dans la poche de son patron ; des voleurs auraient emporté tout cela.
Il fut appréhendé et conduit à la prison de Tamatave. Interrogé sur ses aveux contradictoires, il répondit qu’il avait eu peur.
À l’audience, le ministère public, après avoir exposé les faits, déclara qu’il ne voyait aucune circonstance atténuante car la preuve de préméditation pouvait être fondée, puisque l’indigène connaissait la valeur de la somme que portait le Chinois et qui lui avait été remise en sa présence, puisque le crime s’était commis dans un endroit solitaire et couvert par les bruits des vagues, puisque l’indigène avait caché les bagages et faisait des déclarations contradictoires. De plus, les crimes s’étant multipliés depuis un certain temps, il fallait appliquer des peines sévères pour en arrêter le cours.
La défense fit remarquer qu’on ne devait pas regarder les circonstances qui avaient précédé mais celles qui avaient suivi le prétendu crime. L’attitude de Belalahy n’était nullement celle de quelqu’un qui a volé pour assassiner, s’il y avait eu préméditation, Belalahy n’aurait pas avisé le village, il se serait sauvé après avoir tout emporté, et il aurait pu le faire facilement par voie de mer. De plus, il n’avait aucun intérêt à assassiner son beau-père Tang-Ti, car un brillant avenir s’ouvrait devant lui. Si on voulait punir des criminels, il fallait punir ceux qui le sont réellement.
Enfin, le Chinois, étant l’agresseur, est aussi coupable que lui, et le Malgache qui a reçu des coups dont il porte encore la trace aurait pu tout aussi bien rester sur le carreau.
La cour, après avoir délibéré, a condamné Belalahy à 10 ans de travaux forcés pour coups et blessures ayant déterminé la mort.
Le Tamatave

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10 avril 2015

Il y a 100 ans : Cour criminelle de Tamatave (1)

Président : M. Jodia.
Assesseurs : MM. Covain, Raymond Négro et Jullien.
Lundi dernier, 15 février, avait lieu l’audience où se jugeait le crime d’homicide commis par l’indigène Belalahy sur la personne du Chinois Tang-Ti.
Voici les faits. Belalahy était le domestique de Tang-Ti qui lui-même était l’employé de Tang-Sen lequel a servi de témoin. De plus, la mère de ce Belalahy (âgé de 19 ans) est la ramatoa de Tang-Ti. Au mois d’octobre dernier, Tang-Ti avait été envoyé par son patron de Tamatave à un village situé à plusieurs journées, pour une affaire quelconque. À cet effet, Tang-Sen lui remit une somme de 75 francs plus les bagages que devait porter Belalahy, et cela en présence de ce dernier. Tang-Ti aurait voulu voyager en pirogue, mais Belalahy s’y opposa. Force lui fut d’aller à pied.
Ils se mirent en route et, quand la nuit fut venue, ils couchèrent dans un village. Le lendemain, ils repartirent à la pointe du jour et vers 10 heures ils arrivèrent dans une forêt voisine de la mer où le bruit des vagues se faisait entendre tout particulièrement. Là, Belalahy, fatigué, ralentit le pas. Le Chinois dut l’invectiver pour le faire aller plus vite, puis se mit à le houspiller avec son bâton. L’indigène exaspéré se retourna et une dispute s’ensuivit. Le Chinois lui porta à la tête deux coups de couteau qui furent sans danger. L’indigène en fit autant, mais le Chinois tomba évanoui sur le chemin. Effrayé, Belalahy transporta le corps de son maître dans un fossé, alla cacher les bagages à une centaine de mètres plus loin, et se rendit à un village voisin. Le chef, le voyant arriver tout sanglant, le pressa de questions, et Belalahy déclara qu’accablé par le poids des bagages, il était tombé sur des morceaux de bois aigus qui l’avaient mis dans cet état. Devant l’invraisemblance de cette déclaration, les habitants le ramenèrent dans la forêt d’où ils l’avaient vu arriver. Ils cherchèrent partout, et trouvèrent dans le dit fossé le Chinois étendu sur le dos, couvert de sang, les bras en croix, ayant sur sa poitrine son chapeau, son bâton et son parapluie.
(À suivre.)

Le Tamatave

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9 avril 2015

L’importation des bœufs de Madagascar compromise par les députés de la Réunion (4)

(Suite et fin.)
Nous laissons, d’autre part, à ceux qui désirent en savoir davantage, le soin de rechercher à quelles influences est due la présence au sein de la Commission d’un homme d’affaires qui ne s’était jamais occupé jusqu’ici de la question des bœufs de Madagascar et qui pourra bénéficier de toutes les indications fournies par des concurrents au cours des débats, pour faire établir, le cas échéant, des propositions utiles à lui-même et à ses associés.
Nous ne parlerons pas des allées et venues continuelles d’autres personnes, assez connues dans la Grande Île, que certains vont mettre très fréquemment, dans les couloirs de la Commission, au courant de ce qui se dit et se fait au sein de celle-ci. L’avenir nous dira si les hommes qui disent, trop haut, à l’heure actuelle, que l’État doit assurer seul l’importation des bœufs de Madagascar ne cherchent pas simplement à écarter au bénéfice d’amis les propositions sérieuses que l’initiative privée peut être tentée de faire aux services intéressés.
On éprouve un véritable découragement, une indicible tristesse à penser que des préoccupations aussi basses hantent, seules, l’esprit de quelques Français pendant que des milliers de nos compatriotes sacrifient sans hésiter, non seulement leurs intérêts, mais aussi leur existence pour assurer le triomphe de la Patrie.
Maurice Raoult.

Un nouveau service automobile à Madagascar

La voiture automobile que M. Picquié avait commandée pour faire le service du camp d’Ambre à Diégo-Suarez est arrivée à Madagascar par l’un des derniers paquebots venant de France.
Comme la route était précisément terminée depuis peu, cette voiture a immédiatement été mise en service ; elle effectue deux voyages par semaine d’Antsirane au camp et un par semaine sur la route des placers jusqu’à Sahankazo.
Quand la seconde voiture attendue sera parvenue à destination, le nombre des voyages pourra être sensiblement accru.

Le Courrier colonial

Madagascar en 1914 est en préparation, Madagascar en 1913 est disponible dans une édition numérique revue et corrigée.
Et la Bibliothèque malgache s'ouvre à de nouvelles collections, avec seize titres parus, à découvrir sur la nouvelle page d'accueil du site.

8 avril 2015

Il y a 100 ans : L’importation des bœufs de Madagascar compromise par les députés de la Réunion (3)

(Suite.)
Suivant eux, le ministère de la Guerre, à qui on avait demandé d’envoyer un représentant, n’avait pas le droit d’en envoyer deux et ils demandaient, d’autre part, que l’unique représentant de la Guerre ne fût pas M. Mury. Or, selon toute vraisemblance, si le gouvernement fait venir des bœufs de Madagascar, c’est la Guerre qui passera des contrats avec des particuliers ou qui organisera elle-même cette importation. Ce n’est donc pas un, ni même deux, mais trois ou quatre représentants que le ministère de la rue Saint-Dominique aurait dû avoir dans cette Commission qui compte une quinzaine de membres.
D’aussi inqualifiables procédés se passent de commentaires. MM. Boussenot et Gasparin prouvent ainsi qu’ils veulent bien rendre service à Madagascar, mais à la condition qu’eux seuls en retirent avantage auprès des Malgaches. Pour y parvenir, ils n’hésitent pas à compromettre le succès de l’œuvre commune.
En effet, ils ne sont pas sans ignorer que les milieux administratifs se montrent très hésitants pour se lancer dans une pareille entreprise et que l’accord de tous les coloniaux est indispensable si on veut lui assurer le maximum de chances de succès. Or, notre directeur avait, non seulement éclairé la Commission sur bien des points, fait entendre des gens compétents, mais encore démontré aux services intéressés de la rue Saint-Dominique, plutôt sceptiques en la matière, qu’il fallait attacher une réelle importance à la question.
M. Francis Mury a trop de dédain à l’égard de ses adversaires pour ne pas continuer, sur tous les terrains, la campagne qu’il a commencée en faveur de l’importation des bœufs de la Grande Île, il y a sept ans ; mais les membres de la Commission, les administrations intéressées, qui connaissent et apprécient, comme elles le méritent, toutes ces mesquineries, inclineront inconsciemment à englober, dans la même sévérité de jugement, et le projet lui-même, et ceux qui en poursuivent la réalisation, non dans l’intérêt général, mais dans leur intérêt personnel. La responsabilité de MM. Boussenot et Gasparin sera ainsi fortement engagée en cas d’échec.
 (À suivre.)
Maurice Raoult.

Le Courrier colonial

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6 avril 2015

Il y a 100 ans : L’importation des bœufs de Madagascar compromise par les députés de la Réunion (2)

(Suite.)
Mais cette initiative n’a pas plu à tout le monde. MM. Boussenot et Gasparin, faisant preuve d’une intransigeance et d’une étroitesse d’esprit inconcevables dans les circonstances critiques que nous traversons et qui devraient déterminer chacun à ne se préoccuper que de l’intérêt général, ont trouvé mauvais que le directeur du Courrier colonial, organe qui, cependant, s’occupe spécialement de Madagascar, joue, au sein de la Commission, un rôle aussi important.
Tous deux – et ils le déclarent hautement – estiment que la Grande Île se trouve dans leur champ d’action et que les intérêts de cette colonie les regardent seuls. Ils n’admettent pas qu’une autre personne puisse être considérée, par nos compatriotes de Madagascar, comme ayant pu rendre service à ce pays.
Aussi entendent-ils orienter les travaux de la Commission comme leur intérêt personnel l’exige. En même temps qu’ils n’acceptent pas l’intervention d’adversaires de leurs idées, ils ne veulent pas non plus que celles-ci soient soutenues par des hommes dont ils redoutent la concurrence dans la Grande Île, et qui pourraient se targuer d’avoir été utiles à cette colonie.
L’intransigeance dont font preuve ces deux singuliers républicains a même amené M. Gasparin à émettre de telles appréciations sur des fonctionnaires faisant partie de la Commission, qu’il s’est fait vertement rabrouer par le directeur de l’Agriculture, M. Berthaut. Mais cette sévère semonce, que toute l’assistance, sauf bien sûr M. Boussenot, a estimée complètement méritée, n’a pas assagi les représentants – avant la lettre – de Madagascar.
Dépités de voir, au sein de la Commission, notre directeur, qui y avait été envoyé officiellement par le ministère de Guerre, en raison de sa compétence spéciale en la matière, ils se sont livrés auprès du département de l’Agriculture, et en dehors de la Commission et de son président, qui se déclare indigné de pareilles manœuvres, à toutes sortes d’intrigues pour obtenir que M. Francis Mury ne fût plus convoqué à la Commission.
 (À suivre.)
Maurice Raoult.
Le Courrier colonial

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5 avril 2015

Il y a 100 ans : L’importation des bœufs de Madagascar compromise par les députés de la Réunion (1)

L’importation des bœufs de nos colonies répond à une si réelle nécessité que la grande presse métropolitaine s’en préoccupe. C’est ainsi que le Journal et nombre de nos confrères parisiens ont reproduit l’article que le Courrier colonial publiait à ce sujet, vendredi dernier.
La Commission, chargée de la recherche des moyens susceptibles de permettre la réalisation de cette idée, a entendu, dans ses dernières réunions, deux communications qui ont permis à ses travaux de faire un grand pas.
La première a été faite par un des plus importants bouchers de la Villette. Ce spécialiste est venu déclarer à la Commission que le bœuf malgache est d’excellente qualité et qu’il n’y a, à ce point de vue, aucune différence entre la chair de cet animal et celle de ses congénères de la métropole.
Ce boucher, qui acheta jadis une partie des bœufs amenés en France par Rey, parlait en connaissance de cause. Il ajouta même qu’il avait entamé des pourparlers pour faire venir chaque mois 1 500 bœufs de la Grande Île.
La seconde communication a été faite au nom d’une société qui s’est déjà préoccupée, il y a quelques années, de transporter des bœufs vivants de Madagascar. Le directeur de cette société a soumis à la Commission un projet minutieusement étudié et s’est déclaré prêt à amener en France le nombre d’animaux nécessaire dans des conditions de prix très raisonnables s’il pouvait compter sur le concours du gouvernement pour faciliter cette grosse entreprise.
Ces deux communications qui, de l’aveu du président, M. le sénateur Pauliat, sont jusqu’ici les plus sérieuses que la Commission ait entendues, ont été provoquées par notre directeur, M. Francis Mury, qui s’est évertué maintes fois, au cours de ces dernières années, pour faire établir entre la Grande Île et la France un commerce d’importation de bœufs vivants, a estimé de son devoir de signaler à la Commission les personnes avec lesquelles il s’était trouvé jadis en relation à ce sujet et qu’il estimait capables de mener à bien une aussi grosse entreprise. Le président l’en a chaleureusement félicité devant tous les membres de la Commission.
(À suivre.)
Maurice Raoult.

Le Courrier colonial

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2 avril 2015

Il y a 100 ans : Les bœufs de Madagascar viendront en France (3)

(Suite et fin.)
Mais cette importation, même pratiquée sur une vaste échelle, ne parviendrait pas à épuiser les ressources en bovidés que la Grande Île offre à la métropole. Un bateau de 5 000 à 6 000 tonnes pouvant transporter mille cinq cents animaux, deux mille au grand maximum, on se rend compte du nombre de bateaux et de voyages qui seraient nécessaires pour amener en France un million de bœufs.
Il faut donc, de toute nécessité, se préoccuper d’installer le plus rapidement possible dans cette colonie de vastes établissements frigorifiques qui permettront de remplir les cales des navires, aménagées à cet effet, de carcasses frigorifiées pendant que les parties supérieures seront occupées par des bœufs vivants. Il n’est pas exagéré de dire que chaque bateau pourra alors transporter six mille bêtes, ce qui diminuera singulièrement le nombre de bateaux et de voyages nécessaires.
Évidemment, on ne peut pas songer à créer des installations frigorifiques dans la Grande Île en moins d’une année, mais malheureusement on n’est pas du tout certain que la guerre sera terminée dans ce délai et d’autre part le troupeau métropolitain se trouvera assez réduit pour que l’on puisse affirmer, dès maintenant, la nécessité de le ménager pendant plusieurs années après la guerre, afin de lui permettre de se reconstituer.
Il est donc d’une sage administration que l’État édifie, à Madagascar, les établissements frigorifiques nécessaires, ou mieux qu’il encourage l’industrie privée à les créer, ce qui serait préférable à tous les points de vue.
C’est certainement dans cette voie que la Commission, dont nous avons parlé, lui conseillera de s’engager, en lui demandant d’organiser ou de faciliter, dès maintenant, le transport, en France, des milliers de bœufs que la Grande Île sera heureuse de fournir à la métropole pour lui donner une nouvelle preuve de son attachement.
F. M.

Le Courrier colonial

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1 avril 2015

Jean-Claude Mouyon, quatre (et une) fois

Au moment où no comment® éditions réédite, sur papier, Roman Vrac, premier roman de Jean-Claude Mouyon, la Bibliothèque malgache reprend en édition numérique les quatre fictions d'un écrivain pour qui le grand Sud de Madagascar était non seulement un lieu de vie mais aussi - et surtout - une source d'inspiration. Auteur de pièces de théâtre et radiophoniques, Jean-Claude Mouyon a été journaliste et s'est consacré à l’écriture dans le sud-ouest de Madagascar où il avait posé son sac. Il est mort le 22 décembre 2011.

Roman Vrac - Il faut les voir ces perdus de l’existence, Tai Be, l’Archi, LR, Caca Citron, le narrateur et tant d’autres… les voir pour croire en leur destinée au fin fond de nulle-part-sur-rien dans le sud squelettique de Madagascar. En prise directe avec le quotidien de leurs amis autochtones et la réalité abrupte d’un pays à la fois magique et désespérant. Une relation passionnelle. Ces trois courts romans réunis sous le titre générique de Roman Vrac, drôles, mordants, tragiques, reflètent les affres mais aussi les joies que connaissent les étrangers du monde entier. Et comme dit l'autre, si on n'est pas entrés dans l'histoire on reste becs et ongles bien ancrés dans la vie. Et qu'on se marre!

Beko ou La nuit du Grand Homme - Pratiqué dans les régions Sud de Madagascar, le beko est un chant polyphonique a capella généralement interprété par un groupe d’hommes, nommés sahiry, composé d’un récitant et de choristes. Perpétué depuis la nuit des temps par les ethnies du Grand Sud, le beko fait résonner sa litanie répétitive et gutturale durant les nuits où amis et famille du défunt sont réunis devant des feux et des bassines de rhum pour accompagner l’esprit du mort dans sa marche vers l’Est, là où vivent les ancêtres. Beko, le roman, n’est en rien une explication ethnologique du culte des ancêtres mais l’appropriation d’un fait social et culturel qui m’a permis de bâtir une fiction à partir de la structure rythmique et narrative d’une cérémonie revisitée en présence de ses acteurs : Grand Homme, le défunt ; les sahiry ; les vivants. Sur le thème d’une histoire policière inspirée d’un fait divers réel, Beko ou La nuit du Grand Homme se veut aussi un chant, une musique à la fois tendre et violente dédiée à l’extrême Sud de Madagascar et aux hommes libres qui y vivent, ceux qui souffrent mais ne pleurent jamais. (Jean-Claude Mouyon)

Carrefour - Carrefour est un livre bref, mais sa petite centaine de pages est bourrée de dynamite. Il se passe au cœur du cœur d'une ville dont le nom n'est pas donné (mais il est sur toutes les lèvres), c'est-à-dire près d'une gare routière, à la fin d'une route nationale que croise une rue plus locale grouillant de vie. Particulièrement ce jour-là, puisque s'y déroulent en même temps la préparation d'une campagne électorale et l'arrivée d'un reggaeman de réputation internationale. Jean-Claude Mouyon lâche les mots au rythme d'une mitrailleuse. Il multiplie les situations improbables. Et son humour fait mouche à chaque page. On sort de Carrefour essoufflé et heureux d'avoir vécu des moments inoubliables. Voici comment l'auteur présente lui-même son texte: Cette histoire je l'ai voulue joyeuse, jouissive, violente, excessive, habitée d'une tendre tristesse proche de la désespérance paradoxalement heureuse d'une population admirable. C'est l'histoire de la vie d'un carrefour sublime sans rond-point ni sens interdit où tout semble permis. Un carrefour fréquenté par des riverains exubérants qu'on n'invitera jamais à celui de l'Odéon ni au rond-point qui mène à l'Élysée. Mais là n'est pas le propos. Quoique… Ici aussi les personnages existent, le pays et les événements également mais ne comptez pas sur moi pour dénoncer qui que ce soit. Ainsi va la vie…

L'Antoine, idiot du Sud - Les trois courts textes qui constituent la trilogie de L’Antoine, idiot du Sud ont pour particularité d’être en apparence inachevés. Disons qu’ici l’auteur s’est amusé à jeter les bases de ce qui aurait pu constituer un seul roman, à jeter des fils et brouiller les pistes pour au final laisser le lecteur face à une œuvre abandonnée à son propre devenir. Un personnage et ses proches. Le Sud. Le quotidien. Trois ingrédients récurrents dans chacune de ces histoires qui sont autant de déclinaisons d’une idée romanesque reposant sur un unique socle. L’idée étant d’en avoir plusieurs et d’en proposer autant… Le concept aurait pu se dérouler à l’infini dans une série intitulée « Les aventures d’Antoine » mais trois longues nouvelles ou trois courts romans, au choix, c’est déjà bien suffisant, non ? Puisse la présence d’Antoine (dit l’idiot du Sud) tisser un lien de complicité avec ses lecteurs lesquels, je crois le savoir, ne sont avares ni de sens de l’humour ni de celui de gravité. Merci. Je vous laisse car Baba vient d’ouvrir. (L'auteur)

6,99 euros le volume
Beko ou La nuit du Grand Homme est disponible en édition papier dans toutes les bonnes librairies de Madagascar
BekoCarrefour et L'Antoine sont disponibles en édition papier, sur commande, chez Lulu