29 mars 2010

Jacques Rabemananjara pour le 29 mars

Pâques 48
(extrait)
Ici la complainte des murs
sur le thème de la mort
La blancheur sourde de la chaux
dit le mystère des ténèbres.

Sur le suaire du silence
passe comme sur la tombe
le frisson impur de la haine.

Les mains froides de l'Étrangleur
fouillent la gorge et les viscères
du firmament immaculé.

Mais toute l'angoisse des fleurs
un songe unique :
le baiser mâle du soleil
sous le vertige de l'azur

Prison militaire du Fort Voyron, Tananarive,
28 mars 1948.
Jacques Rabemananjara, Antidote,
cité par Alain Mabanckou dans: Anthologie. Six poètes d'Afrique francophone.

28 mars 2010

Les idées reçues sur Madagascar

Je vous annonçais, il y a quelques jours, la parution de ce Madagascar, Idées reçues par Patricia Rajeriarison et Sylvain Urfer. Je n'en savais pas grand-chose, en réalité, les quelques pages qu'on peut lire en suivant le lien que je vous donne (vers une librairie en ligne, oui...) ne suffisant pas à se forger une idée complète de l'ouvrage.
Je ne l'ai toujours pas lu, en réalité. Mais le hasard et la complicité d'amis ont fait que j'ai longuement bavardé hier avec Sylvain Urfer. Pas seulement de ce livre, d'ailleurs. Et pas non plus dans le but de réaliser une interview. Ce matin, Patricia Rajeriarison a pour sa part été interrogée sur RFI. Je vous propose donc, si vous l'avez manquée en direct (c'était mon cas), de l'écouter pendant quatre minutes quarante à partir de cette page.

Timbres de Madagascar

Après avoir rédigé l'autre jour une note renvoyant vers un blog qui présentait des timbres coloniaux de Madagascar, j'ai constaté à quel point l'intérêt était grand. Sans aucune intention de me lancer dans une vraie collection de timbres de Madagascar, je me suis demandé s'il n'était pas possible d'offrir un catalogue virtuel de ces vignettes qui sont aussi des témoins de l'Histoire.
J'ai donc glané un peu partout des timbres de Madagascar. J'ai cherché des amis philatélistes dont les catalogues m'aideraient à ranger tout cela.
Et je me suis rendu compte de ce que cela représentait. Un gros travail...
Comme il fallait bien débuter par quelque chose, j'ai commencé par deux années choisies arbitrairement: 1943 et 1963. Histoire d'avoir quelque chose à vous présenter et aussi d'obtenir vos réactions sur ces premières pages. Les images sont de qualité inégale (mais je cherche évidemment les meilleures), il manque parfois l'un ou l'autre timbre et, quand je n'ai pas encore trouve le bon catalogue (c'est le cas pour 1943), il reste des incertitudes.
Il n'empêche: je déclare donc (solennellement, hum...) ouverte cette annexe de la Bibliothèque malgache: Timbres de Madagascar. Allez voir, dites-moi ce que vous en pensez. Peut-être cet extrait de la page consacrée à 1963 vous tentera-t-il...


27 mars 2010

Laurent Graff et les noms malgaches

C'est une nouvelle du dernier livre de Laurent Graff, Selon toute vraisemblance. Une douzaine de pages pour raconter La maladie de Delphine. Très étrange maladie, inconnue des études de médecine. Née Handtschoewerckerten, Delphine a eu, on le comprend aisément, quelques problèmes dans l'enfance avec son nom de famille. Aucun professeur ne l'a jamais prononcé correctement. Passe encore. Le pire est à venir. A l'oral d'anglais du brevet des collèges, l'examinateur fait un effort et y arrive presque. Sinon qu'il oublie le "n" final. Delphine le lui fait remarquer. Mais le fameux "n" ne se trouve pas sur la convocation. Et il a même disparu de sa carte d'identité. Dès lors, le nom de Delphine se met à raccourcir, une lettre par ci, une lettre par là. Elle doit bien accepter l'évidence: son nom rétrécit progressivement. Se marie-t-elle pour devenir épouse Martin qu'elle ne tarde pas à être appelée Marti... Pour ne pas disparaître totalement, il ne lui reste qu'à trouver un mari au nom assez long pour lui durer un certain temps. Et devinez qui peut avoir cette qualité? Un Malgache, pardi! Lisez ces deux pages:
Elle s’inscrivit sur un site de rencontres franco-malgaches à but clairement matrimonial. Son intention était de contracter un mariage blanc dans les plus brefs délais. Elle fit la connaissance de Denis Rasoamanahira, Claude Imanankoasaika, Joro Andriamampianina. Mais celui qui remporta sa faveur s’appelait Naivo Randrianampoinimeria – elle ne trouva pas plus long. Elle convint d’un arrangement avec le jeune homme qui, en échange de son nom, demandait seulement un titre de séjour et un peu d’argent de poche. Delphine était prête à tous les sacrifices. Elle se déplaça à Madagascar pour essayer d’accélérer la procédure de mariage. Elle découvrit les joies et les charmes de l’Île rouge. Elle attendit d’interminables heures sur les bancs de la préfecture, du consulat, de la police, de la mairie de Maevatanana. Sous les pales indolentes des ventilateurs, elle se prenait à rêver de Las Vegas, de mariage express devant un officier d’état civil déguisé en Elvis Presley sur fond de machines à sous, dans une salle entièrement climatisée, quelques mots en anglais, une signature, un cachet, et l’affaire était réglée. Elle perdit connaissance, victime d’un malaise. On la transporta à l’hôpital.
Le consul se rendit au chevet de la jeune Française hospitalisée. On mit son extrême état de faiblesse sur le compte du changement de latitude. Le mariage
fut prononcé dans sa chambre. Delphine se rétablit.
Les deux époux prirent l’avion ensemble. À l’arrivée, ils se séparèrent, chacun partit de son côté.
Delphine considérait son nouveau nom, Randrianampoinimeria. Elle disposait de vingt lettres: elle avait un peu de temps devant elle.

26 mars 2010

Razia fait une razzia sur France Culture

J'ai beau avoir dit et répété que la culture malgache n'était pas seulement la musique, je souligne que la musique est aussi de la culture - bien entendu. Et je me réjouis quand une chanteuse malgache comme Razia fait la session d'une émission comme Le rendez-vous, sur France Culture.
C'était hier après-midi, pour présenter son album Zebu nation - ce qui me fait inévitablement penser à Bekoto (salut l'ami!) répétant, il y a quelques années - les chiffres seraient différents aujourd'hui - que Madagascar est une île peuplée de trente millions d'habitants: quinze millions d'humains et quinze millions de zébus.
Je vous ai donc remonté (ou plutôt démonté) l'émission d'hier pour n'en garder que la partie musicale. Et j'ai intégré cela à un "Zapculture" spécial Razia, que vous pouvez télécharger (et écouter) en suivant le lien dans le casque ci-dessus.
Si vous êtes comme moi et ne connaissez pas encore très bien Razia, il y a là deux chansons à écouter, interprétées en "live". Et voici la présentation du disque:

Afin de sensibiliser les gens aux effets dévastateurs de l’agriculture sur brûlis et des changements climatiques sur sa terre natale, la Malgache Razia Said propose Zebu Nation, un album de compositions originales touchant et inspiré qui célèbre la richesse de la culture musicale de Madagascar.
En plus de livrer un message d’urgence, Zebu Nation brosse un portrait personnel et émotif de Madagascar. «Les chansons de Zebu Nation amènent l’auditeur à visiter cet endroit magique que j’ai toujours connu et adoré» explique Razia. Des chansons telles que Yo yo yo et Mifohaza témoignent de la richesse des sons et des rythmes malgaches tandis que Omama constitue un message d’amour et un remerciement à sa grand-mère qui vit toujours sur l’île.

24 mars 2010

Livres sur Madagascar, de quoi emplir un panier

Il y a un bon moment, déjà, que je ne vous avais pas fourni les résultats de ma "veille" bibliographique. La fiche où je note mes trouvailles est presque pleine, il est temps de vous en donner le contenu. Quelques ouvrages récents à propos de Madagascar, présentés par les éditeurs ou les auteurs eux-mêmes...

Nivoelisoa Galibert, Des mots pour langes et quelques soties malgaches

À la fois caustique et tendre, railleur et réflexif, prosaïque et poétique, ce recueil suggère que le commerce avec l’Autre peut faire de la différence culturelle une source d’émotions inattendues… L’auteur y découpe la vie de Lisa, enfant à Madagascar puis universitaire, voyageant entre son pays natal et sa patrie d’adoption, la Francophonie. Madagascar, pays fantasmatique, devient alors «Mada», île-continent bien réelle dont les arcanes perdent un peu de leur mystère au fil des anecdotes contées!
Les textes présentés ici peuvent se lire d’une traite ou en se ménageant quelques haltes entre deux récits pour savourer une langue inédite.

Professeur de littératures comparées, née à Antananarivo, Nivoelisoa Galibert y a vécu jusqu’en 1970 puis de 1979 à 1996.
Après quelques années en alternance avec La Réunion, l’île voisine, elle est aujourd’hui basée à Bordeaux.

Hanta Rakotomavo, Libérer l'école malgache. Propositions pour une pédagogie informelle

Cet ouvrage met en surface des points forts et des faiblesses du système éducatif malgache afin d’y apporter les remédiations qui s’imposent, notamment, en développant un mode nouveau de recherche-action qui a fait ses preuves durant plusieurs années à Madagascar, pays meurtri par la pauvreté. En qualifiant cette recherche-action de «nodale», l’auteure a voulu insister sur le caractère artisanal de cette recherche qui prend peu à peu forme à partir d’un champ «informel». La logique qui préside à l’alternance des dénouements et des nouages obéit à la logique d’une dialectique ouverte, scandée par des évaluations rituelles. Mais le travail ainsi engagé vise aussi et surtout à transformer les sujets en transformant leur environnement. Il permet à chaque partenaire de s’»objectiver» dans un projet pour se «subjectiver», en intégrant les acquis de l’expérience au capital de ses ressources personnelles. Ainsi les personnes attelées à cette tâche à finalités éthique, sociale, économique et politique voient se lever devant elles un horizon d’espérance.

Hanta Rakotomavo est professeure des universités et responsable d’enseignement et de recherche à l’Ecole Normale Supérieure de l’Université d’Antananarivo. Avant d’accéder à l’enseignement supérieur où elle est titulaire de l’ Habilitation à diriger des Recherches délivrée par l’Université Paul Verlaine de Metz, elle est passée par toutes les étapes du système éducatif malgache (primaire, collège, lycée et université).

Michèle Rakotoson, Tovonay, l'enfant du Sud

Tovonay est un enfant du Sud de Madagascar qui vit dans le dénuement le plus total. Il se rend en ville où il sera pris en charge par un adulte et finira par s’en sortir.
Cet ouvrage, destiné prioritairement aux jeunes, montre comment la misère n’est pas une fatalité et que, à force d’efforts et de courage, il est possible d’améliorer son sort.

Après avoir passé 20 ans à RFI, où elle a notamment dirigé le concours de nouvelles «Les inédits de RFI-ACCT» et créé le Prix RFI Témoin du Monde, Michèle Rakotoson est rentrée à Madagascar, où elle est actuellement rédactrice en chef de la revue économique Challenger. Elle est aussi Présidente de l’association Opération Bokiko, association d’appui à l’édition à Madagascar.

(Note personnelle: J'ajoute qu'elle tient depuis peu une chronique hebdomadaire dans L'Express de Madagascar.)

Patricia Rajeriarison et Sylvain Urfer, Madagascar. Idées reçues

Regard croisé d’une Malgache et d’un Français, cet ouvrage présente les multiples facettes d’un pays trop souvent réduit à sa faune, à sa flore et à la gentillesse de ses habitants…

Au sommaire

Histoire et géographie
— « Madagascar est un pays africain. »
— « Madagascar est le pays des lémuriens. »
— « Ranavalona Ire fut une reine cruelle. »
— « Madagascar est une ancienne colonie française. »
— « 29 mars 1947 : événement ou insurrection ? »

Économie et politique
— « Madagascar est l’un des pays les plus pauvres du monde. »
— « Madagascar est le pays de la vanille. »
— « Madagascar est un pays de potentiel. »
— « Madagascar est un pays ingouvernable. »
— « À Madagascar, les Églises font de la politique. »

Culture
— « L’identité malgache est incertaine. »
— « Madagascar vit au rythme du moramora. »
— « La culture malgache est essentiellement orale. »
— « Le fihavanana est le fondement de la culture malgache. »
— « À Madagascar, on retourne les morts. »

Société
— « Il n’y a pas d’unité nationale à Madagascar. »
— « À Madagascar, on brûle les forêts. »
— « Les Malgaches sont francophones. »
— « Madagascar est une grande destination pour l’écotourisme. »
— « Les Malgaches sont un peuple non-violent. »

(Note personnelle: Selon la journaliste des Nouvelles qui se trouvait hier à la présentation de l'ouvrage, celui-ci devrait être édité localement par Foi et Justice dans environ six mois.)

Alain Mabanckou, Poésie africaine. Six poètes d'Afrique francophone

«Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté!
J’ai grandi à ton ombre»
Léopold Sédar Senghor

Dirigé et préfacé par Alain Mabanckou, ce volume réunit des poètes majeurs de l’Afrique francophone. Poètes engagés, militants de la Négritude, ils chantent le traumatisme de l’esclavage et de la traite, les souffrances de la colonisation, les illusions et désillusions de l’Indépendance de leurs pays: Sénégal, Madagascar, Côte d’Ivoire, Congo. Ils se font aussi les chantres des «valeurs nègres»: la solidarité et la fraternité de leur peuple. Six voix incontournables de la poésie africaine du XXe siècle: Léopold Sédar Senghor, Birago Diop, Jacques Rabemenanjara, Bernard Dadié, Tchicaya U’Tam’Si et Jean-Baptiste Tati Loutard.

(Note personnelle: Jacques Rabemananjara est le seul poète malgache de cette anthologie, alors que celle de Senghor en comptait trois. Mais Alain Mabanckou a dû restreindre son choix en fonction des contraintes de la collection et a quand même obtenu de haute lutte, me confiait-il, de grouper six poètes au lieu de cinq.)

Annick Desmonts, Madagascar. La nature dans tous ses états

Nouvelle édition, mise à jour et augmentée!

Madagascar appartient encore aux destinations à l’abri du tourisme de masse. Restée longtemps dans l’ombre, conséquence d’une politique en pleine mutation, ses infrastructures touristiques sont modestes, par endroits quasi inexistantes. Et c’est presque tant mieux, car la Grande Ile ne se consomme pas. Elle se vit, se découvre et s’explore au rythme lent de ses habitants, de ses pirogues à balancier et de ses pistes bourbeuses.
Mais l’exubérance de sa forêt tropicale ou la sérénité toute asiatique de ses rizières en terrasses ne doivent pas tromper. Menacée de déforestation, l’île est devenue une priorité des organisations de protection de la nature afin de préserver, entre autres, l’extraordinaire diversité de sa faune et de sa flore.
Demeurée secrète, Madagascar saura vous séduire. Le sourire, la gentillesse et l’authenticité des Malgaches ne s’achètent pas, et leur goût de la fête vous comblera.

Hubert Granier, Histoire des marins français. A Madagascar (1947-1948) et en Indochine (1946-1954)

Le cinquième volume de l’Histoire des marins français est consacré à la période 1945-1954. Après le tome 1 (1789-1815), le tome 2 (1815-1870), le tome 3 (1871-1940) et le tome 4 (1940-1945), le contre-amiral Hubert Granier se plonge dans sa période de prédilection, celle de la décolonisation, sujet de sa thèse de doctorat.
Dans cet ouvrage de près de 500 pages, le lecteur retrouvera toute la rigueur historique de l’auteur appliquée à deux grands événements de l’immédiat après-guerre: la révolte de 1947 à Madagascar et la guerre d’Indochine. Comme dans les précédents volumes, le récit chronologique est enrichi de nombreux documents et de biographies des principaux personnages.

Né à Rennes en 1932, le contre-amiral (2eS) Hubert Granier a servi dans la marine nationale de 1950 à 1988. Il est docteur en histoire de l’université de Paris-Sorbonne.

Francis Hallé, La condition tropicale

Dans cet ardent plaidoyer pour les tropiques, Francis Hallé défend une conception des basses latitudes à rebours des analyses actuelles. Ces régions, qui ont à ses yeux une importance bien supérieure à celle qu’habituellement on leur concède, constituent pour la planète tout entière une référence, un berceau, un moteur. Cette position, qui va de soi dans de nombreux domaines – climats, biologie, diversité ethnologique, maladies, techniques agricoles… –, conserve toute sa pertinence en économie: avant d’être colonisées, les populations tropicales ne respectaient-elles pas l’environnement mieux que ne le font aujourd’hui les pays riches, victimes de leur surdéveloppement? La question ici en jeu, rarement soulevée, est donc d’ordre planétaire: c’est celle de l’inégalité économique entre les tropiques et les latitudes tempérées.
Pour tenter d’y répondre, et après avoir dénoncé les contre-vérités des ignobles et tenaces théories racistes, l’auteur s’attache à évaluer les facteurs politiques – esclavage, colonisation, néocolonialisme –, mais ceux-ci, recevables pour les périodes récentes, ne permettent pas d’élucider, dans une vaste perspective historique, l’origine de ces inégalités entre les latitudes.
Il avance alors une hypothèse biologique: fondée sur la sensibilité de l’homme aux variations de longueur des jours, celle-ci expliquerait les différences comportementales qui, entre les tropiques et les latitudes tempérées, influencent profondément les structures psychologiques, les progrès scientifiques et les constructions sociales.
Face aux dérèglements actuels – changements climatiques, montée du niveau des mers, déforestation tropicale, pollution, érosion de la biodiversité, épuisement des ressources, pénurie d’eau potable –, face aux réflexes colonisateurs attisés par la mondialisation et à la survivance du racisme, il est urgent de mettre au cœur du débat cette “condition” de l’homme tropical.

(Note personnelle: S'il ne s'agit pas d'un livre sur Madagascar, la Grande Ile n'est pas oubliée par le président de l'association Forêts tropicales humides.)

23 mars 2010

Quelques nouveautés sur le blog

Je tente d'apporter, de loin en loin - quand j'y pense, quand on me le suggère, quand j'en trouve le temps - de petites améliorations à ce blog. La colonne de droite se prête bien à ces ajouts. Notamment un lien vers le groupe Facebook de la Bibliothèque malgache, créé il y a une semaine environ. 678 membres (à l'heure qu'il est) le font vivre dans des discussions qui ouvrent, pour certaines d'entre elles, de nouvelles perspectives. Dont on reparlera...

Les informations distillées ici s'entassent les unes au-dessus des autres, il est parfois difficile d'y voir clair. Et surtout de retrouver ce qu'on cherche. J'ai donc installé un moteur interne de recherche, "à la Google", un peu plus bas.

Si vous descendez encore, sous les nouveautés Internet Archive et Gallica, vous trouverez une liste de blogs, encore très réduite actuellement, que je lis et dont le début des dernières notes est affiché.

Enfin, l'inévitable compteur des visites donne la satisfaction de savoir que je ne suis pas seul sur cette planète. Le chiffre affiché pour l'instant - 35.273 - correspond au nombre de visites du blog depuis sa création, en octobre 2006.

Voilà, vous savez tout!

22 mars 2010

La culture française dans le monde: un enjeu commercial?

Dans un pays comme Madagascar - ce n'est pas le seul -, les centres culturels et les bibliothèques manquent cruellement, malgré les efforts louables menés pour des implantations locales et, dirais-je, malgacho-malgaches. A défaut d'un réseau dense et structuré, les possibilités d'enrichissement personnel sont évidemment réduites. Et il n'est pas rare que des localités n'aient que des concerts pour seules activités culturelles. Je n'ai rien contre la musique (je dois l'avoir déjà répété souvent), mais j'ai tendance à croire que la culture ne s'y résume pas.
Pour emplir un peu le vide, il faut bien se tourner vers d'autres choses qui existent. Là où une Alliance franco-malgache est présente - et il y en a une trentaine à Madagascar -, le désert culturel recule un peu. Ce qu'accomplit, à Antananarivo, le Centre culturel Albert Camus, personne d'autre ne le fait - ni ne possède les moyens de le faire, malgré l'excellent travail en profondeur réalisé par le Cercle germano-malgache, par exemple.
Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit: je ne pense pas que Madagascar ait particulièrement besoin d'être abreuvé de culture française. En tout cas, pas plus que d'une autre. Mais voyez à quel point les artistes malgaches ont besoin de ces structures pour monter une tournée à l'étranger ou même une production locale. Et expliquez-moi comment ils feront si cela disparaît.
On n'en est pas là. Mais la pente suivie ces derniers temps est inquiétante. Elle consiste à considérer la culture comme un produit, à entrer dans une compétition commerciale, à oublier ce qui a fait la beauté (et la faiblesse) de l'exception culturelle française. Les projets de restructuration du secteur ne vont certainement pas dans le sens d'une amélioration de la situation.
Devant les menaces, j'ai copié une séquence d'Esprit critique, émission de France Inter, pour en faire ce matin un "Zapculture" spécial - Zapculture étant le nom dont j'ai baptisé une séquence hebdomadaire d'une dizaine de minutes, qu'on trouve chaque lundi sur mon autre blog. Il y est question de littérature, de musique, de cinéma, de théâtre...
Le péril devant lequel se trouve la "maison" Culture France, et dont les retombées risquent de nous atteindre, valait bien cet arrêt audio.
Vous y accédez en cliquant sur le casque d'écoute posé au début de cette note de blog, puis en téléchargeant la séquence.

19 mars 2010

Ben Arès en récital et en forum au CCAC

Ce soir (vendredi) à 19 heures et demain matin (samedi) à 10h30, rendez-vous au Centre culturel Albert Camus à Antananarivo avec le poète belge Ben Arès, installé à Madagascar et dont le travail s'ancre de plus en plus dans sa terre d'adoption.
Aujourd'hui, il donne un récital poétique qu'il présente comme une lecture-voyage ou lecture-montage de passages d'un livre à un autre livre.
Demain, il parlera de son parcours personnel et de son œuvre. Il use d’une langue métissée qui mêle parfois des mots malgaches aux mots français. Sur ce terrain d’écriture, Ben Arès poursuit sa quête, pose son regard sur les choses et les gens. Il dialoguera avec Andry Solofo Andriamiariseta, universitaire et poète.
Ces deux événements sont liés à l'exposition qui se tient depuis le début du mois au CCAC, un dialogue entre le poète Ben Arès et le photographe Jean-Marc Cransfeld.
Pour faire brièvement connaissance avec l'invité (dont le recueil Sans fil a été coédité par la Bibliothèque malgache), voici une courte vidéo où il parle de Madagascar.



Quatre autres morceaux d'entretien sont disponibles aussi sur cette page de Youtube.

16 mars 2010

Timbres coloniaux de Madagascar

J'ai, il y a très longtemps, encore enfant, commencé une petite collection de timbres. Comme beaucoup d'autres choses, j'ai laissé tomber. C'était l'âge où je n'étais pas encore certain de ce qui allait retenir toute mon attention dans les décennies suivantes - la lecture.
Mais je garde un certain goût pour les philatélistes qui, à leur manière, grâce aux petites vignettes qu'ils accumulent, gardent aussi le souvenir de l'histoire du monde.
Aussi ne puis-je résister au plaisir de partager avec vous une note récente sur le blog Timbres du monde. Elle reproduit quelques timbres de Madagascar avant l'indépendance, c'est-à-dire des timbres français qui, souvent, glorifient "l'œuvre colonisatrice" et ses artisans. Gallieni (et le Lycée qui portait son nom), Lyautey ou Duchesne y ont leur place. Mais je choisis de vous montrer une figure plus pacifique, celle de Jean Laborde.


12 mars 2010

Les parents les plus stricts du monde à Madagascar

Je me suis enfilé, comme on enfile des perles (aux cochons), deux émissions à la suite sur M6, la petite chaîne qui monte, comme on dit. C'était au moins une de trop. Quoique... De voir Les parents les plus stricts du monde à Kinshasa m'a quand même préparé à les voir ensuite à Antananarivo. Une préparation en guise d'énervement croissant devant ce "concept" (c'est parfois presque un gros mot, "concept", mais c'est ainsi qu'ils disent, sur M6) assez curieux. Si, par accident, vous n'en aviez pas entendu parler, je vous le copie/colle tel que le site officiel présente la chose:
Dans «Les parents les plus stricts du monde», deux adolescents en crise partent une semaine à l'autre bout du monde dans une famille d'accueil francophone, beaucoup plus stricte que la leur, pour découvrir d'autres règles éducatives. Immergés dans une culture aux antipodes de leurs repères familiers, ils vont devoir respecter ces nouvelles règles de vie, parfois dans la douleur. Mais, au fur et à mesure de leur vie au sein de cette famille, ils vont prendre du recul sur leur comportement habituel, deviendront moins centrés sur eux-mêmes, et réapprendront à communiquer avec des adultes et à avoir confiance en eux. Intégration, travail, culture, échanges, règles de vie sont autant de nouveautés à explorer pour mieux respecter les autres et pour se respecter soi-même.
Pourront-ils s'ouvrir au monde? Arriveront-ils à changer de comportement de retour à la maison? Réussiront-ils à mieux s'intégrer? Et au final: ce séjour les aidera-t-il à mieux vivre leur passage vers le monde des adultes? C'est au contact d'une famille différente qu'ils vont peut-être changer de vie…
Les deux émissions (et peut-être toutes les autres, que j'éviterai soigneusement de regarder à l'avenir) sont construites selon le même schéma: un garçon de 17 ans et une fille de 15 ans débarquent dans cette famille lointaine, opposent aux règles de cette famille toute l'inertie acquise pendant leurs années de je-m'en-foutisme, se ferment, boudent, piquent des colères. Puis, miraculeusement, découvrent le plaisir de faire quelque chose pour les autres, sourient, paraissent presque heureux. En une semaine (une semaine!), on passe de la répétition du mot "strict" à celle de "changer".
Magnifique, non?
Sinon qu'il est impossible d'y croire plus de quelques minutes. Cela sent à plein nez l'émission scénarisée, truquée au dernier des points, montée de toutes pièces. Soutenue par un commentaire off totalement insupportable de lourdeur.
Demandez aux éducateurs qui tentent des expériences hors du milieu des adolescents en crise s'il est facile de les faire changer sur une durée plus longue. Ces quelques jours sont une insulte au travail de fond que réalisent, péniblement, celles et ceux qui prennent réellement en charge les problèmes de ces jeunes.
On me dira que je n'ai rien compris. Que le contact avec un pays pauvre (car le pays pauvre, s'il n'est pas exprimé dans la déclaration d'intention de l'émission, fait évidemment partie du "concept") est un électrochoc permettant la prise de conscience de ce qu'ils ne sont, en réalité, pas si malheureux dans leurs familles... Tiens donc!
Tout ce qui précède concerne les deux émissions vues hier soir.
Quant à Madagascar en particulier, maintenant...
Tout au début, nous apprenons que "on y parle le malgache mais la langue officielle est le français." On a bien fait de venir. Marie et Mickaël aussi, le second glissant discrètement (mais pour que nous l'entendions bien) à l'oreille de la première, sur le trajet (en 4x4) qui les conduit d'Ivato à Tanjombato: "Ils marchent pieds nus!" Indignation, stupéfaction, incrédulité...
Heureusement (pour eux), la famille d'accueil habite une maison très correcte, dans une cité fermée par une barrière. La sécurité, vous comprenez...
Bon, je ne vais pas vous faire le récit complet de ce que vous avez peut-être manqué (auquel cas vous n'avez rien manqué). Antananarivo et Madagascar sont finalement peu présents dans ce que M6 qualifie de documentaire (à mes yeux, il s'agit plutôt d'une "docu-fiction"). Il y a bien les paysages, les maisons des Hautes Terres, les enfants, les gens qui travaillent dur, les pavillons d'Analakely et, à la fin, le parc de Tsimbazaza où l'on verse quelques larmes, soulagement, bonheur et autres sentiments mélangés, surjoués, définitivement irritants.
Madagascar, terre de contrastes pour qui n'a jamais rien vu hors de son environnement français. Oui, et alors? Une mauvaise émission reste une mauvaise émission.

P.S. Si vous l'avez pensé, vous ne vous êtes pas trompés, je suis un peu en colère...

11 mars 2010

J'en ai rêvé, Gallica l'a fait

Avant-hier (un peu plus bas dans cette colonne), je lisais le formidable article de Jean-Michel Racault sur les Quimos de Madagascar au 18e siècle. Et je me désolais, simultanément, de ne pas avoir accès à tous les ouvrages qu'il cite dans ses nombreuses notes. En particulier les textes de Maudave, dont j'ai entendu parler souvent, dont la plus grande partie sont, je crois, toujours à l'état de manuscrits, mais dans lesquels certains auteurs ont puisé d'abondance. H. Pouget de Saint-André est l'un d'eux, cité par Jean-Michel Racault pour La colonisation de Madagascar sous Louis XV d’après la correspondance inédite du comte de Maudave. Introuvable sur Internet...
Jusqu'à ce matin où, consultant comme chaque jour la colonne de droite de ce blog, à la rubrique "Nouveautés Gallica", je trouve ce livre.
C'est donc un beau début de journée.
Et la promesse d'un travail de réédition à faire très vite dans la Bibliothèque malgache électronique.
Et, tout de suite, l'introduction de cette nouvelle référence (avec trois autres) dans le Supplément permanent à la bibliographie Madagascar sur Internet.
Alors, elle n'est pas belle, la vie?

10 mars 2010

Cinq ou six ouvrages de Rabearivelo dans la Bibliothèque malgache

En réalité, c'est même six puisque la première réédition électronique de Jean-Joseph Rabearivelo groupait Presque-Songes et Traduit de la nuit. Il y a eu ensuite un essai, Quelques poètes I. Enfants d'Orphée; un opéra, Imaitsoanala, Fille d'oiseau; un autre recueil de poèmes, Volumes. Et voici maintenant, cinquième livre électronique (gratuit, comme les autres) et sixième titre, Vieilles chansons des pays d'Imerina.
Il s'agit, si mes informations bibliographiques sont exactes, du premier ouvrage posthume, sorti en 1939, deux ans après la mort de l'écrivain.
Robert Boudry, qui en a préfacé l'édition originale, le décrit comme «un recueil de courts poèmes en prose, conçus le plus souvent sous forme de petits discours ou de dialogues, suivant une esthétique semblable. On y trouve d'anciens hain-teny devenus classiques que l'auteur se borne à transcrire dans notre langue, d'autres modernes, parmi lesquels il est malaisé de distinguer ceux qui sont originaux de ceux qui sont empruntés, d'autres enfin qui sont des paraphrases ou des adaptations.»
Le préfacier ajoute: «Ces Vieilles chansons, puisées aux sources mêmes de la tradition des Hauts-Plateaux, évoquent et fixent ce qui constitue l'essentiel de la poésie de l'Imerina, le précieux et le familier, le mythique et le réaliste.»
La préface n'est pas libre de droits et n'apparaît donc pas dans notre réédition. Vous trouverez ce cinquante-sixième ouvrage de la collection sur le site de la Bibliothèque malgache, rubrique Bibliothèque malgache électronique - vous connaissez la chanson...

9 mars 2010

Les Quimos de Madagascar à la fin du 18e siècle

Dans les dernières décennies du 18e siècle, le mythe - ou la réalité - des Quimos de Madagascar porte la signature d'une époque où l'anthropologie ressemblait peu à celle qui est pratiquée aujourd'hui.
Un article très documenté de Jean-Michel Racault fait le point sur le sujet dans La revue des ressources, renvoyant à quantité de textes contemporains du mythe. Il ouvre donc des pistes multiples, au-delà de l'objet de sa recherche. Qui le "conduit à s’interroger sur le statut bien incertain de ce qu’on appelle une vérité scientifique, et peut-être à conclure qu’il est plus difficile de cerner la vérité elle-même que les « effets de vérité » qui en créent l’illusion."
Une lecture indispensable.

6 mars 2010

Dialogue entre Jean-Marc Cransfeld, photographe, et Ben Arès, écrivain

Je ne vous oublie pas. Ceux qui suivent mon autre blog, Le journal d'un lecteur, auront peut-être constaté que j'étais très occupé, ces derniers jours, et que j'avais pour une fois la tête à la Foire du Livre de Bruxelles plutôt qu'à Madagascar.
Mais il m'était impossible, vous comprendrez pourquoi un peu plus loin, de manquer l'exposition de Jean-Marc Cransfeld et Ben Arès qui se tient au CCAC du mardi 9 au samedi 27 mars. Ce Dialogue entre un photographe et un écrivain se tient dans un véritable salon, aménagé par l’Antiquaire de Tana pour la lecture de poésie, et ouvert à tous les visiteurs de l’exposition.
Des ouvrages de poésie de la Médiathèque du Centre Culturel Albert Camus seront mis en valeur et disponibles pour la lecture sur place.
Ben Arès interviendra aussi deux fois en public:
  • Le vendredi 19 mars à 19 heures, pour un récital poétique dans le cadre du Printemps des poètes.
  • Le lendemain, samedi 20 mars à 10h30, pour une rencontre où il évoquera son parcours personnel et son œuvre en compagnie d'Andry Solofo Andriamiariseta, universitaire et poète.
Pour vous mettre en appétit, voici une photographie de Jean-Marc suivie d'un texte de Ben qui présente l'exposition à sa manière.

Les photographies que Jean-Marc Cransfeld donne à voir aujourd’hui s’inscrivent dans un laps de plusieurs années, ont été prises au cours de plusieurs séjours passés à Madagascar, en divers lieux de ce pays qu’il a parcouru de long en large. C’est en quelque sorte une rétrospective sur un parcours dans le temps et l’espace de l’île rouge. Le regard qu’il pose est éloigné des clichés touristiques, de tout a priori de nouveau venu. Les images sont parlantes voire frappantes. L’amour en est le fil conducteur. De la photographie et de ses sujets. Au bout de ces années l’amour toujours et je n’en dirai pas plus.
J’en suis à mon troisième séjour depuis 2008, année où j’étais lauréat d’une bourse d’écriture en Belgique. J’étais venu une première fois en 2000, à Tana, une petite quinzaine de jours. J’ai été appelé par Madagascar après le décès de mon fils natif d’Antsirabe en 2005. Après ce premier retour au pays natal, sur les lieux épars de la vie et de la mort, j’ai découvert qu’autre chose me retenait. Que "d’autres voix" me parlaient et m’invitaient à revenir. Je ne me l’explique pas tant l’attache avec cette terre, les gens de cette terre est forte, incontrôlable. Je consacre actuellement une partie de mon temps à un roman intitulé Tromba. Quelques-uns des manuscrits de ce roman en chantier vous sont présentés ici.
Jean-Marc et moi nous sommes rencontrés grâce à Madagascar et Pierre Maury en 2008. Nous sommes nés en Belgique, dans la région liégeoise. Grâce à l’Île et l’un de ses incontournables, nous sommes devenus amis.
Je n’ai pas choisi d’illustrer les images. Cela eût été artificiel et puis quel intérêt! Les photographies de Jean-Marc se passent de mots. Le dialogue est plus fort dans les échos, les résonances, les accords, décalages et concordances. De façon trouble et discrète. Plain chant aux images d’une trajectoire. En regard quelques manuscrits liés à une autre trajectoire. Pour un dialogue des matières visuelles, textuelles. Pour un dialogue né de divers tissages. Nous avons simplement choisi quelques thématiques, avons décidé d’aller chercher dans nos matières respectives pour les relier, les confronter en exploitant l’espace de la galerie du CCAC.
Ainsi, dans l’enfilade de photographies sur le quotidien et les petits métiers, un texte dont les narrateurs sont les gens des petits métiers et sans métiers, à Toliara, ville où je réside. En relation avec la série des neuf portraits, un texte sur la question identitaire à Madagascar, sur les origines, la filiation. Un autre qui vient s’inscrire dans la série des filles de nuit. Un quatrième sur le tsapiky vécu de l’intérieur au cours d’un bal poussière, en fin d’une série de photographies, qui dialogue, tant par le sujet que par le format, avec la première image. Pour clore l’exposition, un cinquième texte dont le narrateur est un Malgache qui parle d’un takamaso, d’une tradition, qui avait bien sa place dans le petit ensemble «Religions et croyances».
Le dialogue est là. Dans la matière, les sujets traités, en exploitant l’espace. Dans les matières plastiques aussi. Sans renier la crasse, la poussière, le rhum, le sang, l’obscur qui est la vie même. Sans craindre l’illisibilité parfois, accidentelle. C’est une invitation à la nuit de la substance, à ressentir.
Lire, donner à lire, et me soucier des yeux du lecteur était l’affaire d’un autre jour, d’un autre lieu: le livre.
Ben Arès