6 mars 2010

Dialogue entre Jean-Marc Cransfeld, photographe, et Ben Arès, écrivain

Je ne vous oublie pas. Ceux qui suivent mon autre blog, Le journal d'un lecteur, auront peut-être constaté que j'étais très occupé, ces derniers jours, et que j'avais pour une fois la tête à la Foire du Livre de Bruxelles plutôt qu'à Madagascar.
Mais il m'était impossible, vous comprendrez pourquoi un peu plus loin, de manquer l'exposition de Jean-Marc Cransfeld et Ben Arès qui se tient au CCAC du mardi 9 au samedi 27 mars. Ce Dialogue entre un photographe et un écrivain se tient dans un véritable salon, aménagé par l’Antiquaire de Tana pour la lecture de poésie, et ouvert à tous les visiteurs de l’exposition.
Des ouvrages de poésie de la Médiathèque du Centre Culturel Albert Camus seront mis en valeur et disponibles pour la lecture sur place.
Ben Arès interviendra aussi deux fois en public:
  • Le vendredi 19 mars à 19 heures, pour un récital poétique dans le cadre du Printemps des poètes.
  • Le lendemain, samedi 20 mars à 10h30, pour une rencontre où il évoquera son parcours personnel et son œuvre en compagnie d'Andry Solofo Andriamiariseta, universitaire et poète.
Pour vous mettre en appétit, voici une photographie de Jean-Marc suivie d'un texte de Ben qui présente l'exposition à sa manière.

Les photographies que Jean-Marc Cransfeld donne à voir aujourd’hui s’inscrivent dans un laps de plusieurs années, ont été prises au cours de plusieurs séjours passés à Madagascar, en divers lieux de ce pays qu’il a parcouru de long en large. C’est en quelque sorte une rétrospective sur un parcours dans le temps et l’espace de l’île rouge. Le regard qu’il pose est éloigné des clichés touristiques, de tout a priori de nouveau venu. Les images sont parlantes voire frappantes. L’amour en est le fil conducteur. De la photographie et de ses sujets. Au bout de ces années l’amour toujours et je n’en dirai pas plus.
J’en suis à mon troisième séjour depuis 2008, année où j’étais lauréat d’une bourse d’écriture en Belgique. J’étais venu une première fois en 2000, à Tana, une petite quinzaine de jours. J’ai été appelé par Madagascar après le décès de mon fils natif d’Antsirabe en 2005. Après ce premier retour au pays natal, sur les lieux épars de la vie et de la mort, j’ai découvert qu’autre chose me retenait. Que "d’autres voix" me parlaient et m’invitaient à revenir. Je ne me l’explique pas tant l’attache avec cette terre, les gens de cette terre est forte, incontrôlable. Je consacre actuellement une partie de mon temps à un roman intitulé Tromba. Quelques-uns des manuscrits de ce roman en chantier vous sont présentés ici.
Jean-Marc et moi nous sommes rencontrés grâce à Madagascar et Pierre Maury en 2008. Nous sommes nés en Belgique, dans la région liégeoise. Grâce à l’Île et l’un de ses incontournables, nous sommes devenus amis.
Je n’ai pas choisi d’illustrer les images. Cela eût été artificiel et puis quel intérêt! Les photographies de Jean-Marc se passent de mots. Le dialogue est plus fort dans les échos, les résonances, les accords, décalages et concordances. De façon trouble et discrète. Plain chant aux images d’une trajectoire. En regard quelques manuscrits liés à une autre trajectoire. Pour un dialogue des matières visuelles, textuelles. Pour un dialogue né de divers tissages. Nous avons simplement choisi quelques thématiques, avons décidé d’aller chercher dans nos matières respectives pour les relier, les confronter en exploitant l’espace de la galerie du CCAC.
Ainsi, dans l’enfilade de photographies sur le quotidien et les petits métiers, un texte dont les narrateurs sont les gens des petits métiers et sans métiers, à Toliara, ville où je réside. En relation avec la série des neuf portraits, un texte sur la question identitaire à Madagascar, sur les origines, la filiation. Un autre qui vient s’inscrire dans la série des filles de nuit. Un quatrième sur le tsapiky vécu de l’intérieur au cours d’un bal poussière, en fin d’une série de photographies, qui dialogue, tant par le sujet que par le format, avec la première image. Pour clore l’exposition, un cinquième texte dont le narrateur est un Malgache qui parle d’un takamaso, d’une tradition, qui avait bien sa place dans le petit ensemble «Religions et croyances».
Le dialogue est là. Dans la matière, les sujets traités, en exploitant l’espace. Dans les matières plastiques aussi. Sans renier la crasse, la poussière, le rhum, le sang, l’obscur qui est la vie même. Sans craindre l’illisibilité parfois, accidentelle. C’est une invitation à la nuit de la substance, à ressentir.
Lire, donner à lire, et me soucier des yeux du lecteur était l’affaire d’un autre jour, d’un autre lieu: le livre.
Ben Arès

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