30 août 2018

Il y a 100 ans : Un Administrateur comme il en faudrait beaucoup


On nous écrit :
Ambohimasoa, le 25 juin.
Monsieur le Directeur,
Lorsque, en 1916, M. l’Administrateur Besson quitta Tamatave pour rejoindre le poste d’Ambohimasoa, Le Tamatave fit connaître à ses lecteurs que c’était avec un sincère et profond regret que la population de Tamatave voyait s’éloigner M. Besson.
Mais ce qui fait le malheur des uns fait souvent le bonheur des autres ; aussi, nous, colons d’Ambohimasoa, nous fûmes très heureux de voir les regrets qu’emportait avec lui notre nouveau chef de district, et nous comprenons aujourd’hui très bien les regrets des Tamataviens. En effet, travailleur infatigable servi par une longue expérience des affaires qui lui sont soumises, accueillant tous les colons grands et petits avec une même bienveillance, M. Besson a su s’attirer ici plus que les sympathies, l’estime et le respect de tous. La réussite de la foire qui vient d’avoir lieu à Ambohimasoa et dont le succès a été complet est due à son intelligente activité. Plus de 2 000 bœufs y avaient été amenés puis des porcs, des moutons, des volailles, du riz, des tissus indigènes, du tabac, etc. Le chiffre des transactions a dépassé 100 000 francs.
De nombreux prix ont été distribués aux indigènes ; un prix d’honneur a été décerné à un honorable colon de la région, pour ses produits agricoles et une charrue de sa fabrication. C’est la première fois qu’on voit à Ambohimasoa un concours agricole et industriel et une grande foire et M. l’Administrateur Besson, chef du district, espère bien obtenir l’an prochain encore de meilleurs résultats.
Avec un tel Chef, le pays s’est développé considérablement, et ne peut par la suite qu’augmenter. Aussi tous les colons espèrent qu’on laissera encore longtemps ici M. Besson afin qu’il puisse achever l’œuvre si bien commencée.
Recevez, etc.
Un colon.
N. D. L. R. – Faute de place, nous n’avons pu publier plus tôt la précédente lettre. Que notre correspondant nous excuse.

Trouvaille

Un sac à main en linon blanc trouvé sur la voie publique par le Brigadier de police Ra.
Le Tamatave


Deux volumes de compilation de la presse à propos de Madagascar il y a 100 ans sont disponibles. La matière y est copieuse et variée, vous en lisez régulièrement des extraits ici. Chaque tome (l'équivalent d'un livre papier de 800 pages et plus) est en vente, au prix de 6,99 euros, dans les librairies proposant un rayon de livres numériques. D'autres ouvrages numériques, concernant Madagascar ou non, sont publiés par la Bibliothèque malgache - 74 titres parus à ce jour.

29 août 2018

Il y a 100 ans : Le voyage de M. Merlin à Majunga


Au cours de la réunion, à Majunga, des assemblées : Chambre consultative, Comice agricole, présidée par le Gouverneur Général, diverses questions importantes ont été discutées.
Port de Majunga. Pour lequel un rapport complet a déjà été remis à M. l’Administrateur en Chef Compagnon. C’est une question d’intérêt capital pour la province et la Chambre consultative l’a toujours placée en tête de toutes ses revendications. Elle estime que le projet présenté donnerait toute satisfaction avec une dépense relativement peu élevée.
Prolongement du Wharf. Facilement réalisable attendu que la plupart des matériaux sont déjà réunis et qu’il ne manque plus que deux ou trois tonnes de ferrures diverses.
Études du projet de construction des lignes de chemin de fer d’intérêt local de Mampikony à Marovoay et de Tsaratanana à Marovoay.
Achèvement du boulevard de ceinture.
Continuation du service des Colis Postaux.
Rétablissement des Sœurs Infirmières à l’hôpital de Majunga.
Étude de la possibilité d’établissement d’une ligne de navigation assurant un service régulier par la côte ouest d’Afrique, le Cap et terminus en Indo-Chine.
Vu les circonstances actuelles, ces différents projets ont été remis après la guerre, sauf pour la création d’un cours Supérieur à l’École des enfants européens, dont satisfaction sera donnée si les disponibilités du personnel le permettent.
M. le Gouverneur Général a examiné ensuite, avec les assemblées, le projet de création d’une maternité dans le groupe hospitalier de Mohabibe, la création d’un enseignement professionnel indigène, la création d’une école française pour les jeunes Indiens, etc.
Sur tous ces points, des solutions favorables et prochaines peuvent être dès maintenant envisagées.

Vente

C’est le commerçant indien Ibrahim M. Lala, propriétaire d’un magasin dans la rue du Commerce et d’un autre dans celle de l’Artillerie, qui s’est rendu acquéreur de l’hôtel Collomp pour la somme de 36 600 francs plus les frais.
Il compte y installer un autre grand magasin de toileries.
Le Tamatave


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28 août 2018

Il y a 100 ans : Les permissionnaires et convalescents de Madagascar


Le colonel de Puineuf, député, avait demandé si, en raison des difficultés actuelles et du renchérissement de la vie, les permissionnaires et convalescents de Madagascar ne pouvaient pas, comme ceux de la métropole et du C. E. O., toucher l’indemnité journalière de 2 francs.
L’honorable député des Deux-Sèvres a reçu du ministre de la Guerre la réponse suivante :
« Les militaires rentrant en France après un séjour aux colonies bénéficient, pendant la durée de la permission qui leur est accordée en arrivant, des dispositions du décret du 29 mai dernier, allouant, à partir du 1er janvier 1918, aux permissionnaires de l’intérieur la solde de présence augmentée d’une indemnité journalière de 2 francs. Au point de vue de l’allocation de l’indemnité représentative de vivres, ces militaires sont, pendant la durée des congés de convalescence obtenus au débarquement en France, traités comme les autres militaires en service aux armées ou à l’intérieur, c’est-à-dire que cette indemnité ne leur est due que s’ils sont envoyés en congé à la suite de blessures ou maladies contractées en service commandé ou pour accidents consécutifs à ces blessures ou maladies. »

Les biens allemands à Majunga

Les Majungais s’étonnent à bon droit qu’ayant réalisé les biens allemands mis sous séquestre à Tamatave, à Vatomandry, à Nossi-Bé et un peu partout, l’administration n’ait pas encore usé de cette mesure à Majunga.
Notre confrère l’Action de Madagascar qui a l’habitude d’appeler un chat un chat et Rollet un fripon, demande s’il n’y aurait pas en jeu, comme on se le chuchote à l’oreille, quelques intérêts particuliers qui primeraient les intérêts généraux ?

Un Malgache se noie à Argenteuil

Un indigène malgache, Rabenavo, âgé de vingt-quatre ans, voulut faire une pleine eau, dimanche dernier à Argenteuil : il avait fait le pari de traverser la Seine, du jardin public à la « Ferme » ; malheureusement c’est un cadavre qui a été repêché à 300 mètres au-dessus de la « Distillerie ».
Rabenavo appartenait à la 123e section D. C. A. d’Épinay.
Le Courrier colonial


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27 août 2018

Il y a 100 ans : Petite monnaie (2)


(Suite et fin.)
En effet, pour faire approuver par les Chambres le projet, il fallait compter sur plusieurs mois s’il n’était pas renvoyé aux calendes grecques, car nos représentants ne sont jamais pressés. En second lieu, il pourrait bien arriver que quelques grincheux, pour faire de l’opposition, n’eussent pas trouvé le projet à leur goût et que leurs collègues, comme des moutons de Panurge, sans même avoir lu le projet (car cela s’est vu déjà), eussent été de l’avis de l’opposition et, sous un prétexte quelconque, auraient purement et simplement rejeté le projet.
Donc, pour éviter tout cela, nous devons nous contenter pendant la guerre de la monnaie de carton quels que soient les inconvénients qu’elle présente.

Le riz

La Commission Consultative et la Municipale ont demandé à M. le Gouverneur Général de lever la réquisition du riz dans la province de Tamatave.
À ce sujet, les avis sont partagés.
Des commerçants sérieux estiment que, si l’administration lève la réquisition, elle se verra obligée de la rétablir et ce, jusqu’à la fin de la guerre, pour éviter les accaparements et la spéculation.
D’autres non moins sérieux et également expérimentés dans les affaires, disant qu’étant donné l’abondance du riz cette année-ci, l’accaparement et la spéculation deviendront impossibles.
Dans les deux cas, l’avenir seul nous dira qui a raison.
Le Tamatave

Les mutilés de la guerre à Tananarive

Les membres de l’Amicale des Mutilés et Réformés de la guerre se sont réunis à Tananarive et ont adopté définitivement les statuts de leur société ; les membres présents ont ensuite constitué ainsi le Bureau de leur Amicale pour 1918 :
Président : M. G. Cazeneuve, médaillé militaire, décoré de la croix de guerre et colon à Tananarive.
Vice-présidents : M. Bontoux, publiciste à Majunga et M. Leroy, médaillé militaire, décoré de la croix de guerre, colon à Tananarive.
Trésorier : M. Phénix, commis des Services civils à Tananarive.
Secrétaire : M. R. Chot, décoré de la croix de guerre, commis des Transports publics à Tananarive.
Le Courrier colonial


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26 août 2018

Il y a 100 ans : Petite monnaie (1)


Le président de la Chambre consultative du Commerce et de l’Industrie de Tananarive soumettait le 4 mars au Gouverneur Général un projet ainsi conçu.
Le président soumet à l’Assemblée une lettre soumettant au Gouverneur Général un projet ayant pour but de remédier à la crise monétaire et au manque de monnaie divisionnaire.
Ce projet propose la création, avec l’aide et sous le contrôle de l’Administration, d’un certain nombre de coupures de 0 fr. 50 et de 1 franc.
Ces coupures une fois tirées seraient immédiatement déposées dans les coffres du Trésor. Elles ne sortiraient qu’en échange de la même valeur en billets de la Banque de France qui prendraient leur place et seraient conservées en dépôt jusqu’au retrait de cette monnaie occasionnelle.
Quand cette monnaie ne serait plus nécessaire, il serait accordé aux détenteurs un délai déterminé pour en faire l’échange et ces coupures seraient alors remboursées au moyen de leur contre-valeur en dépôt au Trésor.
Dans un avenir prochain, ces coupures devraient être remplacées par une monnaie divisionnaire fiduciaire en métal bon marché.
Cette monnaie, dont l’exécution doit néanmoins être soignée, ne peut être frappée qu’en France, étant donné le poids du métal et le matériel spécial de frappe qu’elle nécessite.
Il semble que depuis longtemps déjà cette monnaie devrait circuler à Madagascar, et plus on attend, plus on rencontrera de difficultés d’exécution.
Au point de vue budgétaire, cette opération ne devrait soulever aucune difficulté, car il est bien certain que les frais de tirage des coupures ou de frappe et de transport des pièces seraient largement couverts par la plus-value qui résulterait de la non présentation au remboursement de nombreuses pièces ou coupures.
La Chambre approuve à l’unanimité ce projet.
Ce projet était tout ce qu’on peut demander de pratique à tous les points de vue. Malheureusement, le Gouverneur Général a répondu d’abord que le métal était en ce moment-ci très rare en France, que pour frapper de la monnaie il fallait une loi de l’État, et que cela demanderait trop de temps.
(À suivre.)
Le Tamatave


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25 août 2018

Il y a 100 ans : L’indemnité de vie chère


De L’Action.
Satisfecit… est donné aux fonctionnaires dont les deux conjoints appartiennent à l’administration. Tous deux toucheront le supplément de traitement alloué par arrêté du 4 juin 1918.
Tout est bien qui finit bien.
Nous recevons la note suivante :
Les fonctionnaires dont les deux conjoints appartiennent à l’administration viennent d’obtenir gain de cause. Ils vont toucher l’indemnité de vie chère.
C’est fort bien.
À quand l’indemnité de vie chère pour les petits colons et petits commerçants ? Je vois seulement que les premiers n’ont aucune indemnité et que les seconds ont vu leur patente doubler.
Qu’en dites-vous ?
Un indiscret.

Le « Bankoku-Maru »

Les bruits les plus abracadabrants circulent à propos de ce vapeur. On disait d’abord qu’il ne viendrait pas à Tamatave faute de charbon, qu’il s’arrêterait à Majunga, y débarquerait courrier et marchandises et poursuivrait sa route sur la Réunion et Maurice.
Maintenant, c’est une autre version : le vapeur japonais viendra bien à Tamatave, mais le vide serait réquisitionné par l’Administration pour envoyer à la Réunion une énorme quantité de riz et d’arachides.
Renseignements pris à bonne source, il résulte que la Colonie chargera sur le Bankoku-Maru du riz et des arachides, mais qu’il restera assez de vide pour permettre à nos commerçants, qui attendent ce bateau, d’expédier eux aussi aux îles voisines des denrées ou toute autre marchandise.
Le Tamatave

Journée des Troupes Malgaches

Un des récents communiqués de l’Agence Havas nous a appris que les journaux faisaient l’éloge des troupes malgaches qui ont pris part à la grande bataille du 11 juin, au cours de laquelle la ruée allemande sur Paris a été clouée sur place. Cette nouvelle a suscité une légitime émotion dans la Colonie ; Européens et indigènes ont appris avec joie que nos tirailleurs avaient participé à la défense du sol sacré de la Patrie, de cette douce France si humaine pour tous ses enfants, quels qu’ils soient.
M. le Gouverneur Général a pensé que l’occasion était bonne pour honorer nos soldats originaires de la Grande Île ; aussi a-t-il décidé de créer pour le 4 août prochain une Journée des Troupes Malgaches.
Journal officiel de Madagascar et dépendances



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23 août 2018

«Les jours rouges», de Ben Arès

Communiqué de presse
de la Bibliothèque malgache

À Toliara et alentours, Malgaches, Karana et Vazaha se croisent, se mêlent et s’emmêlent pour le meilleur et pour le pire. On nage. Dans le cours imprévisible, les remous, la mêlée, parfois hors des flots. On vit en ville comme au village. Dans les gargotes, sur les routes de goudron éclaté et les pistes de sable. Comme chez soi en dur, en tôles ou en vondro. Reclus ou en ribote. On improvise. Aux détours d’un zébu, d’un fou, d’un trépassé ou d’un éloquent soudard. Dans le charivari infernal, le vif des traditions locales, les êtres marchent au charbon ou flottent, dévient malgré eux de foutaises en désespoirs, de malentendus en traquenards ou états de grâce. On se chamaille. On palabre pour un bien commun, un canard qu’on déplume ou un sort venu de nulle part. On s’étripe pour le sel et la terre, on rouscaille, chante la guigne ou la poisse, on s’esclaffe, se dégage, rit de l’homme, la femme qui n’a pas fini d’en voir. Et si au final les genres, les classes, les origines se confondaient pour laisser planer tous les doutes ? Et si, pétris et navigués, dénudés, au lieu de fuir, nous acceptions que tous étions du même cru, de la même trempe, sans distinction ? Qu’il en déplaise à Dieu, aux illustres Aînés, aux arrogants et férus du langage sinistré, il nous est offert de boire la vie jusqu’à la lie, la lune nouvelle et l’art de résonner du tsapiky au soleil de l’amour noir.
B. A.

Mise en vente le 23 août 2018
Édition exclusivement numérique, 3,99 € (12.000 ariary à Madagascar)
ISBN : 978-2-37363-074-9


Les premières lignes

Nous l’attendions, elle si rare, si précieuse dans notre sud aride, déshérité par les eaux divines et les coins de verdure. Depuis des lunes et des lunes, pas une goutte n’était tombée des cieux ! Les prières des plus grands sorciers, de nos plus illustres ombiasy n’étaient, semble-t-il, point entendues.
Le soleil, chaque jour, nous assommait, conduisait nos corps de commerçants des rues – gargotiers, vendeurs de soupes, d’ailes ou de cuisses grillées, tireurs de posy posy, conducteurs de charrettes à bras ou à zébus, réparateurs de bicyclettes ou de chaussures, porteurs, légumières, bouchers de saucisse, de porc ou de bœuf et poissonnières étalant des crabes, poulpes, crevettes, calmars, mérous, cabots, thons, marguerites et capitaines parmi les colonies de mouches tournoyant autour des jus, du sang, de la saumure et des sueurs, charbonniers parmi les sacs, le charbon étendu pour être débité, trié à proximité du tas d’ordures, dépotoir fumant du quartier, vendeuses de mangues, citrons, sambos ou ces beignets triangulaires fourrés d’oignon, de pomme de terre et de viande hachée, soky ou pâtés d’oursin, démerdeurs, ivrognes, filles traînant ci et là à l’affût de quelque picaille – à l’état d’inertie.

L’auteur


Ben Arès est né le 28 mars 1970 à Liège en Belgique. Dans les années 2000, il attacha beaucoup d’importance à la place du poète dans sa ville et fut l’animateur de revues littéraires et de lectures publiques en divers viviers de la cité avec David Besschops et Antoine Wauters. Fin 2009, sous l’impulsion d’une motivation singulière et intime, il quitta la Belgique pour aller vivre à Toliara au sud-ouest de Madagascar où une vie au corps à corps l’attendait. Il partage désormais son temps entre l’enseignement de l’Histoire-Géographie et des Arts plastiques au Collège Français, sa vie de famille dense, pleine de surprises, et l’écriture. Il est soucieux de plus en plus de dépeindre les tableaux de la vie courante et les sentiments des êtres appelés à s’en sortir par-delà le Bien et le Mal.


Ses livres

Aux secrets des lèvres, poésie, Tétras-lyre, Liège, 2006
Eau là eau va, poésie, éditions (o), Bordeaux, 2007
Entre deux eaux avec C. Decuyper, poésie, Le Coudrier, Bruxelles, 2007
Rien à perdre, poésie, La Différence, Paris, 2007
Ne pas digérer, roman, La Différence, Paris, 2008
Là où abonde le sel, récit, Boumboumtralala, Liège, 2009
La déferlante, poésie, Maelström, Bruxelles, 2009
Cœur à rebours, poésie, La Différence, Paris, 2009
Sans fil, poèmes, L’Arbre à paroles/Bibliothèque malgache, Amay/Antananarivo, 2009
Ali si on veut, récit, avec Antoine Wauters, Cheyne éditeur, 2010
Naître, adieu, une fuite, compte d’auteur, Tana, 2010
Aux Dianes, long poème, Tétras-lyre, Bruxelles, 2012
Mon nom est Printemps, un triptyque, L’Arbre à paroles, Amay, 2013
Tromba, une transe, Maelström, Bruxelles, 2013
Je brûle encore, nouvelles, Dodo vole, Caen, 2017

22 août 2018

Il y a 100 ans : On nous écrit


Le fameux Arrêté sur l’indemnité de vie chère accordée aux fonctionnaires est enfin paru à l’Officiel.
Il y a toute une catégorie d’agents entièrement dépouillés. Ce sont les femmes fonctionnaires, mariées avec des fonctionnaires. On invoque un vague arrêté sur le cumul et on déclare : quand il y a deux fonctionnaires mariés, l’indemnité de 1 080 fr. est perçue par un seul, par celui qui a le traitement le plus élevé – l’autre ne touche rien, il perd ses droits du fait de son mariage.
C’est d’une injustice inouïe ! En France, à l’heure cruelle que nous traversons, tous les fonctionnaires, sans exception, perçoivent l’indemnité de vie chère, qu’ils soient ou non mariés avec des fonctionnaires.
À Madagascar, où la Colonie pourrait faire, pour ses fonctionnaires, au moins autant qu’en France, on applique un décret sur le cumul qui a été fabriqué exprès, semble-t-il, pour dépouiller de leurs droits quelques malheureuses femmes qui ont cette double tare, de travailler et d’être mariées avec des fonctionnaires. Il est clair, pourtant, que si dans un ménage une femme s’absente tout le jour pour remplir ses fonctions, c’est que la solde de son mari est insuffisante pour subvenir aux besoins du ménage.
L’arrêté cause donc un énorme préjudice aux ménages de petits fonctionnaires. Sans se tromper, on peut dire que dans cet arrêté il y a 10 poids et 10 mesures.
La fonctionnaire célibataire reçoit naturellement 1 080 fr. d’indemnité de vie chère.
La fonctionnaire mariée avec un colon les reçoit aussi.
À côté de cela, on accorde, sans difficultés, 2 000 fr. d’indemnité de vie chère à un administrateur – et quand, avec ces 2 000 fr. d’augmentation, le traitement n’atteint pas 12 000 fr., on lui accorde encore 900 fr. d’après le nouvel arrêté.
Ce qui fait 2 900 fr. donnés pour un seul fonctionnaire, un administrateur il est vrai ; tandis que deux fonctionnaires, travaillant chacun de leur côté mais mariés ensemble, ne peuvent prétendre à toucher les 2 160 fr. auxquels ils ont droit.
Espérons que M. le Gouverneur Général, qui a fait preuve de tant de bienveillance à l’égard des petits en accordant l’indemnité de vie chère aux auxiliaires, s’intéressera au sort des agents que l’arrêté dépouille et qui leur fera rendre justice.
Le Tamatave


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21 août 2018

Il y a 100 ans : Madagascar se plaint


Il faut reconnaître que la situation n’est pas très florissante à Madagascar.
Nous le savions déjà par la lecture de nos confrères locaux, mais des lettres particulières que nous recevons témoignent de la légitimité des doléances qui se font entendre un peu partout.
Jadis, ce furent les exploitations aurifères qui déçurent les colons ; aujourd’hui, ce sont celles de graphite.
On sait que la production avait été intensifiée sur l’invitation même du gouvernement ; mais les demandes des pays alliés s’étant subitement ralenties, la production de la Grande Île se trouve trop importante aujourd’hui.
C’est ainsi que des stocks énormes se sont accumulés, qui augmentent encore par suite de l’impossibilité de charger, le tonnage disponible ayant été réservé au transport des « produits plus nécessaires ».
Les haricots, les cuirs, les raphias dont l’exportation faisait vivre les populations de la colonie sont réquisitionnés et achetés aux cours d’avant-guerre, ce qui ne laisse pas de mécontenter les habitants, colons ou indigènes, car cela leur rend la vie d’autant plus difficile que toutes les matières manufacturées coûtent généralement 100 % plus cher qu’avant 1914.
Le Courrier colonial

American Consular Service

Tananarive, Madagascar, 18 juin 1918.
Monsieur le Rédacteur du Tamatave, Tamatave.
Monsieur le Rédacteur,
Me référant à un avis paru dans votre numéro de samedi 15 juin courant, concernant une offre de fret pour New York, de Tamatave, par un voilier attendu prochainement, j’ai l’honneur de vous informer, et vous prie de vouloir bien faire publier dans un de vos prochains numéros, que le Consulat n’a reçu aucun avis officiel ou de source privée indiquant qu’il existait une demande particulière aux États-Unis pour les peaux et les bois du pays.
Veuillez agréer, etc.
J. J. Carter,
Consul américain.

Courrier de France en perspective

En dehors du Bankoku-Maru, un courrier a quitté Marseille à la fin du mois de mai.
Il sera à Tamatave vers le 20 juillet.
Le Tamatave


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20 août 2018

Il y a 100 ans : Pour enrayer le renchérissement du riz à Madagascar


Ayant constaté que le cours du riz atteignait presque partout dans la Grande Île un taux nullement en rapport avec les quantités disponibles de cette céréale, M. Merlin, gouverneur général, a adressé aux administrations provinciales des instructions sur les mesures à prendre désormais pour ramener le cours du riz à des prix plus normaux.
Déclaration des stocks ; obligation de ne vendre que sur les marchés en demi-gros et au détail, au détail seulement s’il est nécessaire ; taxation ; réquisition ; poursuites contre les accapareurs et commerçants réalisant des bénéfices illicites.
Après avoir invité ses collaborateurs à lui accuser réception de ces instructions, M. Merlin a ajouté :
« Je ne désire nullement entrer dans la vie des restrictions et de la coercition, encore moins vous y encourager ; je tiens simplement à vous signaler les différentes questions qui doivent retenir particulièrement votre attention et à vous indiquer les dispositions légales dont, le cas échéant, l’administration peut faire usage pour éviter le retour d’une hausse anormale des cours. »

L’enseignement à Madagascar

Nous apprenons que deux postes sont vacants au collège de Tananarive.
1° Un poste de professeur de mathématiques, pourvu de la licence d’enseignement de mathématiques. Traitement de début : 6 000 francs.
2° Un poste de professeur de dessin, pourvu du certificat d’aptitude (1er degré) à l’enseignement du dessin dans les lycées et collèges. Traitement : 5 000 francs. Ce professeur pourra avoir au moins dix heures supplémentaires d’enseignement par semaine, payées au taux annuel de 200 francs l’heure.
Adresser les demandes au ministère de l’Instruction publique, direction de l’enseignement secondaire, 2e bureau.
Le Courrier colonial

Incendie

Dans la nuit du dimanche au lundi, un incendie s’est déclaré au village indigène de Tanambao. Deux cases ont été complètement brûlées.

Exportations

La vapeur anglais Clan Macrae a embarqué dans notre port, à destination de Londres, 1 499 599 kilos de graphite.
Le Tamatave


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19 août 2018

Il y a 100 ans : Le travail s’impose à tous, aux colonies comme en France (4 et fin)


(Suite et fin.)
Et, pour sauver les apparences, on peut s’attendre à voir qualifier d’utopie la mise en pratique de ce vœu, tellement en serait soi-disant difficile l’application…
À qui nous répondrons : admettez d’abord ledit principe, les règlements de détail se feront à l’usage ; décidez que tout indigène doit fournir telle somme de travail… Sinon, cessez de faire passer les colonies pour des régions où l’Européen peut entreprendre quelque chose, et contentez-vous alors d’appeler les poètes pour célébrer les douceurs du farniente :
Aux pays parfumés que le soleil caresse.
Paul Desloy.
Le Courrier colonial
Au tribunal, maîtrisez vos nerfs

Pour n’avoir pas su se maîtriser comparaissait hier, devant le Tribunal correctionnel de Tamatave, M. X., employé à la Voirie. Il était accusé d’avoir bousculé, brutalisé, frappé un prisonnier indigène qui travaillait sous ses ordres. Étant d’un certain âge et tenant compte d’un passé des plus honorables, le Ministère public a demandé pour lui l’extrême indulgence du Tribunal. Pour ces motifs, il n’a été condamné qu’à vingt-cinq francs d’amende, et aux frais.

Une histoire de sorcier

Hier comparaissait également devant le Tribunal correctionnel de notre ville trois indigènes accusés d’avoir enfermé dans une cave le nommé Mefa et de l’avoir frappé à coups de bâton. Les inculpés, pour leur défense, disaient que Mefa, que l’on considère dans la région comme sorcier, avait fait manger à la mère de Rabalena, principal inculpé, une banane empoisonnée ; et cette dernière est venue déclarer à l’audience qu’après avoir mangé la banane présentée par Mefa, elle avait été malade plusieurs jours. Pour ce motif, son fils Rabalena avait frappé Mefa, pensant que sa mère avait été empoisonnée par ce dernier. Mais, comme tout cela n’était pas bien prouvé et paraissait être une histoire de brigands, « grâce aussi à une habile plaidoirie de leur défenseur », le principal inculpé, Rabalena, a été condamné à seulement 25 francs d’amende et ses deux complices, l’un à 16 francs et l’autre à 5 francs.
Le Tamatave


Deux volumes de compilation de la presse à propos de Madagascar il y a 100 ans sont disponibles. La matière y est copieuse et variée, vous en lisez régulièrement des extraits ici. Chaque tome (l'équivalent d'un livre papier de 800 pages et plus) est en vente, au prix de 6,99 euros, dans les librairies proposant un rayon de livres numériques. D'autres ouvrages numériques, concernant Madagascar ou non, sont publiés par la Bibliothèque malgache - 73 titres parus à ce jour.

17 août 2018

Il y a 100 ans : Le travail s’impose à tous, aux colonies comme en France (3)


(Suite.)
Une autre preuve que les travaux du colon sont lettre morte pour l’autorité administrative, c’est le droit reconnu aux Malgaches du Sud, génériquement nommés Antimores, de circuler dans toute l’île, soi-disant pour chercher du travail salarié, alors qu’ils ne travaillent, en réalité, que si cela leur plaît. Un vagabondage aussi caractérisé, le refus formel d’accepter le travail qui leur est offert, cela paraît chose toute naturelle à l’administration : le colon se plaint à elle que des centaines de ces nomades s’installent à proximité de ses plantations pour y cultiver de maigres rizières insuffisantes à les faire vivre et fait remarquer, à juste titre, que pour une si minime occupation, il n’était pas nécessaire de les autoriser à émigrer de leur pays. On répond pourtant de Tananarive que c’est très bien ainsi !
Divers colons, chefs d’importantes entreprises agricoles, qui avaient cherché à utiliser cette main-d’œuvre de gens du Sud en leur donnant de grandes facilités pour le voyage et des avantages sérieux à tous égards, n’ont pu trouver auprès de l’administration l’appui nécessaire au point de vue tant matériel que moral.
Promesses et belles paroles, suivies du regret de ne pouvoir… Partout et toujours ce principe de non-intervention, principe formel et appliqué en dépit de l’intérêt apparent avec lequel les autorités suivent les efforts de la colonisation.
Quel dommage, déplore-t-elle, que ces efforts demandent de la main-d’œuvre, alors que celle-ci est si rare à Madagascar ! Or, les bras abondent et le recensement des individus en état de fournir du travail se traduirait par des chiffres imposants, qui dépasseraient de beaucoup les besoins de toutes les entreprises.
Tout le mal vient de la déplorable direction que l’on a imprimée, depuis le passage de M. Augagneur, et que l’on imprime de plus en plus à la mentalité malgache, en répétant aux indigènes : travaille qui le veut bien.
Le Syndicat des Agriculteurs de Madagascar, composé de gens qui ont vu de près la question, qui ont souffert et souffrent de cette situation, verra se joindre à lui les diverses assemblées de l’île : Chambre des mines, Chambres de commerce, etc.
 (À suivre.)
Paul Desloy.
Le Courrier colonial


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16 août 2018

Il y a 100 ans : Le travail s’impose à tous, aux colonies comme en France (2)


(Suite.)
Que l’administration soit en tout état de cause formellement hostile à une obligation quelconque dès lors qu’il s’agit du travail de l’indigène, nous pensons que nul n’en saurait douter un moment ; si vous faites valoir les intérêts compromis, la colonie courant à la ruine, soyez persuadés qu’elle en exprimera tous ses regrets en se gardant bien d’agir le moins du monde comme il le faudrait pour y remédier. Elle rééditera et appliquera le mot tristement fameux : « Périsse la colonie plutôt que notre principe. » Et « notre principe », sachez-le, c’est la liberté absolue de l’indigène ; notre politique, c’est de démontrer à celui-ci combien est grand son bonheur d’être administré par nous. Or, comme le bonheur est chose absolument subjective, nous donnons à nos administrés la forme de bonheur qu’ils préféreront toujours à tout autre, à savoir le droit à la paresse.
Quant aux questions de mise en valeur, de productivité, d’expansion économique, ce sont choses qui ne sont que fort lointainement de notre ressort : veiller à ce que nos indigènes ne manquent pas des quelques produits nécessaires à leur subsistance et à leur vie modeste, nos vues ne vont pas au-delà.
Telle est, aucun colon n’y contredira, la manière de voir administrative. Sans doute, des circulaires à belles formules, des arrêtés même viennent çà et là masquer la réalité et faire croire que l’administration a le plus grand souci de fournir à la colonisation la main-d’œuvre dont celle-ci a besoin. Toutefois, à part quelques exceptions, de nous inconnues, mais qui sans doute existent, au moins pour confirmer la règle, il est certain que, du haut au bas de l’échelle, court un mot d’ordre consistant à ne gêner, déranger ou désobliger aucun indigène pour procurer de la main-d’œuvre à une exploitation européenne. Les exemples en abondent.
Par exemple, l’indigène qui n’a pas payé les impôts dans les délais prescrits ne devrait-il pas être mis ipso facto et réglementairement mis à la disposition d’un employeur payant ? Or, il n’en est rien, et la masse de ces contribuables de mauvaise volonté continue le petit jeu des atermoiements, des retraites momentanées, pour aboutir finalement à quelques inutiles journées de « boîte ».
 (À suivre.)
Paul Desloy.
Le Courrier colonial


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15 août 2018

Il y a 100 ans : Le travail s’impose à tous, aux colonies comme en France (1)


Un Français peut-il se soustraire aujourd’hui à la loi du travail si son âge ou les circonstances le mettent à l’abri du danger ? Évidemment non.
N’en est-il pas de même pour les indigènes de nos colonies qui restent chez eux et ne viennent pas au secours de la mère patrie ?
La Grande Île souffre, comme l’a souvent exposé le Courrier Colonial, d’un mal qui menace d’enrayer très sérieusement l’essor plein de promesses qu’avait pris, depuis plusieurs années, la colonisation : la crise de la main-d’œuvre s’aggrave de plus en plus, de nombreuses entreprises se voient dans la nécessité de réduire leur champ d’action et il n’est pas exagéré de dire que la puissance productrice de la colonie est menacée de décroître rapidement.
Pour remédier à cette situation alarmante, on a préconisé de nombreux remèdes, trop nombreux, peut-on dire, car chacun d’eux ne représente jamais qu’un expédient provisoire, n’abordant pas de front le problème pourtant simple dont la donnée est celle-ci : il y a crise de main-d’œuvre, mais il y a abondance de bras.
Dès lors, une seule solution s’impose, le travail obligatoire, solution radicale, certes, mais en dehors de laquelle tout le reste n’est que vaines paroles.
C’est pourquoi il faut grandement louer le Syndicat des Agriculteurs de Madagascar d’avoir, pour son coup d’essai, osé ce coup de maître de réclamer le travail indigène obligatoire.
Cette audace est faite pour réveiller et exciter la sensiblerie des ignorants ou des retardataires qui ne vont pas manquer de faire quelque comparaison imbécile avec un retour à l’esclavage.
De là une série de discussions qui n’est, hélas ! pas près de finir et qui retardera d’autant l’ère du nouveau régime : d’une part, le bloc des chefs d’entreprises petites ou grandes, dont l’œuvre se trouve compromise par l’impossibilité d’obtenir du travail de l’indigène ; d’autre part, l’énorme machine administrative, puissamment secondée par une certaine opinion empreinte d’un libéralisme en porte-à-faux, n’admettant pas que la loi du travail universel s’applique aux gens dont la peau est colorée, tout comme aux autres. Qui de nous, en France, n’est pas obligé de travailler ou exposé à se faire tuer pour la patrie ?
(À suivre.)
Paul Desloy.
Le Courrier colonial


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