30 avril 2010

Jacques Faublée à Madagascar, un livre et une exposition


Si vous passez par Genève avant le 20 juin, vous devez absolument vous rendre au Musée d'Ethnographie de la ville. Il s'y tient une exposition de photographies que Jacques Faublée a faites à Madagascar entre 1938 et 1941. Je reprends, dans le dossier de presse, une partie de la présentation de cette exposition.

Lecture photographique mise en scène
En septembre 2009, dans Totem n° 54, nous rendions hommage au travail photographique, méthodique et conséquent de Jacques Faublée (1912-2003) – ethnographe, et linguiste, spécialiste de Madagascar et auteur des 12.600 clichés donnés au MEG par sa fille Véronique Guérin-Faublée en 2008. L'article abordait l’idée d'un éventuel projet d'exposition autour de cette collection. Aujourd’hui, nous sommes donc très heureux de pouvoir vous proposer un accrochage de l’œuvre inédit de cet ancien conservateur du Musée de l’Homme à Paris.
L’exposition «À Madagascar. Photographies de Jacques Faublée, 1938-1941» est consacrée aux 7.200 images prises par l’ethnographe lors de sa première mission dans le sud de Madagascar, en pays bara.
Divisée en quatre sections, elle propose un parcours évoquant celui de notre confrontation et de notre découverte du fonds, où l’accent est mis sur la lecture des images. Les spectateurs sont invités à se plonger dans une masse de négatifs proposée selon des thématiques et contextes différents. Notre intention a été de faire partager un exemple de traitement d’un fonds photographique, de son arrivée au Musée jusqu’à la mise en lumière et à l’interprétation des prises de vues.
Cette œuvre visuelle de première importance engage une réflexion sur les relations entre l’anthropologie et la photographie; elle questionne aussi le rôle de nos fonds photographiques dans un contexte scientifique et leur accessibilité à nos publics.
Découverte
Dans la première partie, des négatifs sont serrés dans des boîtes à chaussures. C’est ainsi qu’ils sont arrivés au MEG, chaque image dans une pochette en pergamine, toutes les boîtes à chaussures disposées dans un seul grand carton. L’appareil photographique de Faublée, ses carnets de notes, l’inventaire dactylographié des prises de vues et l’ombre du photographe complètent ce patrimoine en sommeil.
Émergence
Dans la deuxième partie, les images s‘étalent, se révèlent à la lumière, les yeux s’ouvrent et découvrent l’émergence de thématiques propres au regard du photographe. Toutes sont présentées en négatif, comme sur la table lumineuse qui a servi au premier travail de reconnaissance au MEG. Jacques Faublée ayant systématiquement catalogué ses négatifs par ordre chronologique, nous suivons son arrivée à Madagascar, sa prise de connaissance du terrain et ses intérêts qui varient au gré de la réalité qu’il découvre.
Les grands thèmes de la recherche menée par Jacques Faublée apparaissent: nature, (paysage, végétation), navigation, bâtiments, élevage, portraits et clichés anthropologiques, culture rituelle (tombeaux, rites funéraires et lutte).
Révélation
En entrant dans la troisième partie de l’exposition, on passe de la lecture des négatifs à celle des images en positif. «Révélation». À ce stade, nous avons besoin de spécialistes de l’ethnographie. Ces deux métiers distincts – la photographie et l’ethnographie – combinés ensemble, constituent l’un des volets de l’anthropologie visuelle. La photographie ne livre son sens qu’à des conditions exigeantes de connivence avec le sujet. Les légendes offrent des pistes mais ne suffisent pas. Pour comprendre le contenu d’une photographie, il faut aller plus loin: réunir des connaissances, découvrir les relations entre les images, entre les sujets, acquérir la sensibilité, le savoir pour lire ces clichés.
Mises en espace sur les murs de la salle d’exposition, les images de Faublée sont d’une part, présentées en séries presque cinématographiques du sujet observé, selon le regard scientifique du photographe et son penchant probable pour l’image animée, et d’autre part, regroupées selon son regard d’ethnographe, avec des clichés assemblés et réinterprétés par Eva Keller et Karolina Marcinkowska, deux anthropologues qui consacrent leurs recherches à Madagascar.
Fleurons
L’exposition s’achève par un accrochage classique de «tirages avec cadres». Cette sélection, basée sur le caractère esthétique des images, est une représentation de la totalité de l’œuvre du photographe lors de sa première mission à Madagascar entre 1938 et 1941.
À l’opposé des photographies arrivées au MEG dans des boîtes à chaussures, une dernière image «phare» emblématique de la collection, fortement agrandie, vient symboliser, idéalement condenser, sa richesse . Nous observons sur l’image un homme, appuyé sur sa canne, qui observe à distance un groupe de personnes se tenant près d’un arbre, qui à leur tour ont les yeux rivés plus loin dans la même direction. Cette image est aussi l’«image relais», qui nous invite à porter notre regard au-delà du paysage et des murs du MEG vers d’autres modes d’interprétation.

Voici un exemple d'une photographie exposée. Il s'agit d'une fête après la cérémonie de Fatidra, image saisie à Andruti en 1940.



Pour ceux qui ne pourront se rendre à Genève, il existe un catalogue de l'exposition, publié par le Musée d'Ethnographie: A Madagascar. Photographies de Jacques Faublée, 1938-1941.

Cet ouvrage collectif propose un regard interdisciplinaire sur l'ensemble des photographies ramenées par Jacques Faublée lors de sa première mission à Madagascar.
En plus de la présentation de l'ethnologue français, qui fut, de 1934 à 1949, en charge de la collection d'objets de Madagascar au Musée de l'Homme, puis professeur à l'École nationale des Langues Orientales à Paris, des auteurs scientifiques scrutent l'ensemble de ses images conservées au MEG et analysent son regard sur Madagascar en pleine période coloniale, prenant aussi cet ensemble comme un exemple du traitement d'un fonds d'archives photographiques et de sa numérisation.
Finalement, dix-huit auteurs venant d'horizons à la croisée entre anthropologie et photographie, ont été invités pour une lecture d'image. Chacun se prête à l'exercice avec son propre regard influencé par sa formation et sa spécialité. Le résultat est étonnant et met en valeur les thèmes de la réalité malgache les plus chers à Jacques Faublée.
Sommaire
Avant-propos: cadavre exquis, Boris Wastiau, directeur du MEG
La découverte d'une boîte de photographies, Eve Hopkins
Lectures d'images par 17 auteurs:
Joerg Bader - Victor Randrianary - Taku Iida - David MacDougall - Nuno Porto - Michael Lambek - Maurice Bloch - Chantal Radimilahy – Rijasolo - Pierrot Men - Nicolas Crispini - Jacques Lombard et Michèle Fiéloux - Jean-François Staszak - Jean-Christophe Blaser - Eva Keller - Danielle Buyssens - Johnathan Watts
Jacques Faublée, 1912-2003, Véronique Guérin Faublée
Jacques Faublée à Madagascar, du geste à l'objet, Christine Barthe
Le traitement des fonds d'archives photographiques: entre documentation scienti-fique et histoire de la photographie, Christophe Brandt
Portfolio
Tableaux d'une exposition, Majan Garlinski
Biographies des contributeurs
Bibliographie

La page web de l'exposition est par ailleurs le point de départ d'une visite fructueuse. Elle donne accès non seulement au dossier de presse que j'ai cité et à tous les renseignements sur le livre mais aussi et surtout au Fonds Faublée, où on peut effectuer une recherche dans les 7.213 photographies de celui-ci. Une mine...

Enfin, le Musée du Quai Branly à Paris possédant aussi un Fonds Jacques Faublée, on trouvera dans la page de présentation une bibliographie complète de l'auteur.

22 avril 2010

Bibliothèque malgache 57 / Bulletin du Comité de Madagascar, septembre 1897

Le rythme des parutions s'est un peu ralenti, mais le travail n'a pas été abandonné. La preuve par ce 57ème volume de la Bibliothèque malgache électronique (gratuite, dois-je le rappeler?), avec lequel je poursuis la réédition du Bulletin du Comité de Madagascar. Le numéro de septembre 1897 (n° 3 de la 3ème année) en est la dix-neuvième livraison disponible dans la Bibliothèque malgache. L'adresse du site est aussi celle où vous trouverez tous les téléchargements.
Le Bulletin annonce la publication prochaine d'un Guide de l'émigrant à Madagascar, dont il donne des extraits. Entre les différentes populations de l'île, l'ouvrage propose des classifications rapides et fondées sur pas mal de préjugés. Les renseignements se veulent pratiques. Mais où a-t-on été chercher des températures de 60 à 63°? Toujours est-il que le Guide s'efforce de décourager les «mauvais» émigrants et de privilégier les «bons» - «pour l'avenir de la colonisation dans la grande île africaine».
On trouve aussi dans ce numéro une étude sur un Mémoire inédit de M. de la Haye sur Madagascar, datant de 1671. Une autre sur la province du Betsileo. Ainsi que les dernières nouvelles et informations, avec l'annonce de la soumission de deux grands chefs insurgés, Rabezavana et Rainibetsimisaraka.

3 avril 2010

Quelques informations en vrac

Du son, de l'image, une bonne action et un rappel historique au menu de cette note que je vous lance rapidement, les autres choses que j'ai à faire ne pouvant attendre - au contraire des festivités pascales qui se passeront de moi.

Du son, d'abord, sur lequel je suis tombé par hasard, ou presque, un abonnement au podcast de Télérama l'ayant chargé dans l'ordinateur sans que je m'en aperçoive. Le Mondo Sono #26 spécial Madagascar n'est d'ailleurs pas tout frais. Il a été mis en ligne il y a un peu plus d'un an. Mais, par le coup de baguette magique d'une modification de la page, il est redevenu nouveau. Écoutez donc sans modération ces presque quatorze minutes de musique du Sud, avec l'accent mis sur la transe et avec l'accent très imprécis d'Eliane Azoulay, qui n'a visiblement pas l'habitude de prononcer des mots et des noms malgaches. Pas grave, elle est pardonnée...


De l'image, aussi, avec une exposition qui se tient à Londres pendant une dizaine de jours, du 20 avril au 1er mai. On y verra, comme ci-dessus, les photographies réalisées par Ed Kashi pour la commission du Prix Pictet. Il s'agit d'un travail lié à celui de l'ONG Azafady.

Une bonne action, ensuite, celle des Prêtres (oui, c'est leur nom de scène, si j'ose dire), avec Spiritus Dei, où cohabitent des chants religieux et profanes (Brel et Cabrel sont notamment convoqués), dans des arrangements nouveaux. Les trois chanteurs ont passé un double casting, celui de leur évêque Jean-Michel di Falco Léandri et celui de... TF1.
Ben oui, on est dans le show-business ou on n'y est pas!
Bonne action, disais-je, puisque les droits du disque permettront, explique La Croix, de soutenir deux projets: "l’équipement d’une école de 1700 élèves à Madagascar, désormais dirigée par une religieuse qui a passé quatre ans dans les Hautes-Alpes; la construction d’un nouvel espace d’accueil pour les pèlerins de Notre-Dame du Laus."
Et c'est pourquoi je vous le signale.

Un rappel historique, enfin, dans un article qui semble bien loin de nous mais y ramène. Avec Lyautey au chevet de l'Afghanistan, que Mokrane Ouarem publie dans Le Monde, l'action du maréchal Lyautey à Madagascar (et ailleurs) trouve des échos sur le terrain d'un conflit très actuel.

1 avril 2010

Numérisation : toujours plus d'ouvrages disponibles

Vous le savez, je suis attentif à l'apparition, sur Internet, d'ouvrages concernant Madagascar et récemment numérisés. Trois mois après la deuxième édition de la Bibliographie Madagascar (le n° 54 de la Bibliothèque malgache électronique, téléchargeable gratuitement sur le site de la Bibliothèque malgache), la page de mise à jour permanente propose plus de cinquante références nouvelles. De temps à autre, je vous signale ici un livre particulièrement intéressant. Comme ce tome 2 (j'espère que le tome 1 suivra) de La guerre à Madagascar, de H. Galli (Henri Gallichet pour le nom complet). Le volume appartient à l'Université d'Ottawa, et c'est celle de Toronto qui l'a numérisé - il n'y a pas que Google ou Gallica...
Un énième récit, certes, de la "conquête" française - et, donc, toujours la même vision des choses. Mais celui-ci se veut anecdotique et il est bourré d'illustrations ainsi que de cartes, ce qui sort de l'ordinaire. Voici une de ces illustrations - et je rappelle que les derniers ouvrages numérisés par Gallica ou répertoriés par Internet Archive sont répertoriés ici même, dans la colonne de droite, un peu plus bas.