16 novembre 2015

Il y a 100 ans : Le carnet d’un boto de pousse-pousse

Il ne pouvait pas se faire que les tribunaux n’eussent à s’occuper du mot « boche » et notamment pour décider s’il constitue une injure au sens ordinaire du Code.
À la vérité, la chose n’était, en France, pas douteuse – et la jurisprudence est désormais fixée : oui, le mot boche est une injure, et celui qui vous qualifiera ainsi publiquement pourra être condamné envers vous à de sérieux et compensatoires dommages-intérêts…
Mais la question est infiniment plus délicate pour un tribunal allemand ! « Boche » doit-il être considéré comme injurieux en territoire impérial ? Ia, disaient les uns en assurant leurs lunettes sur leur nez ; car une signification grossière et dérisoire est généralement attachée à ce mot qu’on emploie par mépris chez les alliés. Nein, déclaraient les autres, car ce mot n’a pas d’autre sens que celui « d’Allemand » et on ne conçoit, dès lors, rien de plus honorable, ni de plus flatteur ?
Les deux opinions se peuvent également soutenir, et c’est là matière à merveilleuses controverses.
Au reste, la question est si épineuse que le Tribunal de Dessau, qui en était saisi, vient, paraît-il, de surseoir à statuer, attendant pour ce faire d’être plus congrûment renseigné sur l’exacte et philologique signification du terme !
La jeune fille, inculpée de l’avoir prononcé au mépris de la loi et de la bienséance, a prétendu pour sa défense qu’il s’applique indifféremment à toutes personnes parlant allemand, y compris les Suisses et les Luxembourgeois. C’est fort douteux – et je sais notamment des Suisses « allemands » qui vous casseraient la figure le plus joliment du monde si vous vous avisiez de vous en servir à leur endroit.
La question est donc d’importance. Quand le Tribunal de Dessau aura statué, il est probable que la Cour d’Appel devra dire son mot. Et ce ne serait certes pas chose banale que de voir finalement la Cour Suprême de l’Empire appelée à discuter gravement du sens et de la portée du mot boche pour rendre ensuite son arrêt solennel sous le buste en plâtre de Guillaume II.

La Dépêche malgache

Deux volumes de compilation de la presse à propos de Madagascar il y a 100 ans sont maintenant disponibles. La matière y est copieuse et variée, vous en lisez régulièrement des extraits ici. Chaque tome (l'équivalent d'un livre papier de 800 pages et plus) est en vente, au prix de 6,99 euros, dans les librairies proposant un rayon de livres numériques. D'autres ouvrages numériques, concernant Madagascar ou non, sont publiés par la Bibliothèque malgache - 38 titres parus à ce jour.

15 novembre 2015

Il y a 100 ans : Importation de bétail vivant ou de viande frigorifiée ?

La diminution progressive du troupeau français et la cherté grandissante de la viande préoccupent tout le monde.
Deux remèdes sont proposés : 1° l’importation de bœufs vivants de Madagascar ; 2° l’emploi de viandes frigorifiées.
Il semble bien que l’emploi du premier doive nous conduire à de graves mécomptes. Tout d’abord, les quantités exportées seront très faibles. Ensuite, bon nombre d’animaux périront en route. Et enfin, ceux qui arriveront seront dans un état de maigreur tel qu’on ne pourra pas les employer, au moins dès leur débarquement. Il faudra les réengraisser. Du reste, la République argentine a fait des essais qu’elle n’a pas continués. L’expérience sur ce point a donc parlé. Il n’y a qu’à entendre sa voix.
Reste l’emploi des viandes frigorifiées. Un savant nous a affirmé qu’elles ne pouvaient se manger que rôties. Mais le savant a oublié de regarder du côté de l’Angleterre où une population de 45 millions d’habitants se nourrit en grande partie de ces mêmes viandes. Nos soldats, eux aussi, ont pu se rendre compte que les opinions couramment répandues à ce sujet ne sont que des préjugés.
Il est vrai qu’il faut des bateaux aménagés pour le transport et nous n’en avons pas. Il est vrai encore que les détaillants devront aussi se procurer des appareils spéciaux et qu’à Paris l’emploi des viandes frigorifiées diminuerait sérieusement les bénéfices des « chevillards ».
Qu’importe ? Il n’y a pas là de difficultés insurmontables pour le gouvernement, surtout s’il ne se livre pas, pieds et poings liés, aux gros pontifes du marché de la viande qui lui feront payer très cher leur collaboration et s’il sait envisager les solutions énergiques que commande l’état de guerre.
Il faut absolument, pour la question de la viande comme pour les autres, sortir résolument des sentiers de la routine.
La Dépêche malgache

Au T. C. E.

Un de nos lecteurs nous avait demandé pourquoi le wagon de voyageurs qui accompagnait d’ordinaire le train des marchandises à 5 h. ¼ du matin avait été retiré de la circulation.
Nous avons la satisfaction de lui faire connaître que ce wagon avait été envoyé à l’atelier de peinture, d’où, flambant neuf, il est venu reprendre son service.
Ainsi tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Le Tamatave

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13 novembre 2015

Il y a 100 ans : Courageuses attaques

La Presse Coloniale a publié dans son dernier numéro, à propos du transport de bœufs vivants de Madagascar, une violente diatribe contre l’intendant général Cavaillon, ancien directeur du ravitaillement au ministère de la Guerre, actuellement inspecteur général du ravitaillement.
Nous regrettons que la censure, si ombrageuse quand il s’agit d’attaques contre des hommes politiques qui, eux, ont la possibilité de se défendre, laisse publier de pareilles attaques et accuser notamment d’incapacité notoire un officier général dont les services ont été unanimement reconnus et que sa situation militaire met dans l’impossibilité de riposter à ses courageux ennemis.
Le public colonial s’étonne encore davantage de voir ces venimeuses critiques émaner de M. Georges Boussenot, à la fois directeur et rédacteur de la Presse Coloniale, qui, en dépit de l’absence complète de services militaires, depuis le commencement de la guerre, vient d’être nommé médecin-major de 1re classe du corps de santé des troupes coloniales.
Il est vrai que notre confrère le Journal, en publiant cette nomination, ajoute ce commentaire : « cet officier n’est autre que le député de la Réunion ».
L’éloge est plutôt bref.
En réalité, M. Boussenot prétend faire retomber sur l’intendant général Cavaillon l’échec ou plutôt l’ajournement de l’importation des bœufs de la Grande Île en France.
Le député de la Réunion sait mieux que personne que la responsabilité du retard apporté à la réalisation de cette expérience incombe tout entière à ses intrigues, ainsi qu’à celles de M. Gasparin.
Leurs efforts à tous deux pour se blanchir aux yeux des colons de Madagascar et de Bourbon resteront vains.
La religion de ces derniers est aujourd’hui éclairée.
Le Courrier colonial

Nomination

Les fonctions de commissaire-priseur, laissées vacantes par le décès de M. Baretty, viennent d’être confiées à l’un des plus sympathiques et des plus estimables de nos concitoyens, allié à des familles des plus honorables de notre ville – M. Lendresse, à qui le Tamatave présente ses plus sincères et ses plus cordiales félicitations.

Le Tamatave

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11 novembre 2015

Il y a 100 ans : La situation économique à Madagascar (2)

(Suite et fin.)
Il est à noter, toutefois, que c’est l’Allemagne qui a le plus souffert de cet état de choses. Ses importations et exportations ont fléchi de plus de 5 millions en 1914. Le total en avait été, pour 1913, de 11 millions, soit plus du dixième du trafic général d’une île française. Décidément, l’emprise de cet envahissant pays s’étendait partout !
Zéro sera certainement le chiffre à placer cette année en face de son mouvement commercial. Puissions-nous le voir immuablement tel, pendant aussi longtemps que sera honni ce nom abhorré !
Les journaux de notre capitale mènent en ce moment campagne pour l’autorisation à accorder aux tirailleurs malgaches d’être envoyés sur le front. Ces soldats indigènes paraissent sincèrement animés du désir d’aller rejoindre les coloniaux dont les rangs s’éclaircissent ici de plus en plus.
Recrutés dans la classe la plus robuste de la population, ce sont, par atavisme sans doute, des marcheurs infatigables, capables de fournir, plusieurs semaines durant, des marches quotidiennes de 50 à 60 kilomètres. Ils deviennent très vite d’excellents tireurs et, encadrés par les sous-officiers de l’infanterie coloniale, il est à présumer qu’ils se comporteraient vaillamment. On se demande seulement s’ils pourraient supporter la rigueur d’une campagne d’hiver en Europe ? Le chef de la colonie en aurait, dit-on, mis une brigade entière à la disposition de la métropole.
Le loyalisme de nos nouveaux sujets s’est affirmé si fréquemment depuis plusieurs années que l’éventualité du départ de ces troupes indigènes ne saurait causer la moindre appréhension. Il nous resterait les miliciens, suffisamment nombreux pour assurer la police dans ce pays éminemment pacifique.
Le Temps

Avis

Le public est informé que l’Administration locale procède, pour le compte du Ministère de la Guerre, à l’achat de haricots du pays.
Les offres doivent être adressées au Directeur des Finances.
L’Administration n’accepte que les haricots de première qualité (exempts de toutes matières étrangères), blancs, rouges, panachés, bien triés, cuisant bien, de la dernière récolte, livrés en doubles sacs à quai à Tamatave la veille du jour des embarquements.

Le Tamatave

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10 novembre 2015

Il y a 100 ans : La situation économique à Madagascar (1)

On nous écrit de Tananarive :
Contrairement à ce qui avait été annoncé, et en dépit des mesures officielles prises à cet effet, le transport Loire n’a pas été prendre à Vohémar la cargaison de bœufs vivants qu’il devait conduire en France.
D’aucuns prétendent que ce port, cependant très sûr, aurait été jugé de dimensions insuffisantes par le capitaine. Il aurait estimé qu’elles ne lui permettraient pas les manœuvres de protection voulues, dans l’éventualité d’un cyclone ou d’un raz-de-marée surprenant son navire au mouillage. Or, ces cataclysmes ne se produisant jamais dans nos parages à cette époque de l’année, il est permis de chercher ailleurs la raison de cette détermination inattendue.
En réalité, l’essai annoncé a été reconnu voué à un échec certain. Les personnes aptes à donner un avis là-dessus ont probablement fait prévaloir leur opinion auprès de nos dirigeants.
Quoi qu’il en soit, la Loire, qui était à Diégo-Suarez, a rebroussé chemin. Elle est retournée dernièrement à Tamatave pour y prendre du fret, étant devenue disponible par le non-embarquement des bœufs, qui avaient été réunis cependant en grand nombre à Vohémar depuis un mois.
On est forcé de constater que l’État est vraiment un bien mauvais commerçant !
L’apparition de ce vapeur à Tamatave a été saluée avec joie par les nombreux négociants de cette ville. Grâce à lui, ils pourront envoyer en France une partie des produits qui n’avaient pu encore prendre place sur les bateaux des compagnies de navigation desservant notre île. Malgré l’évidente bonne volonté dont leurs agents font preuve, nos principaux ports sont encore loin d’être désencombrés des marchandises d’exportation.
Cette situation critique, que notre gouverneur général s’emploie avec énergie à faire disparaître, a eu une fâcheuse répercussion sur le trafic général de l’île pour 1914. Le chiffre des exportations a été inférieur de 10 millions à celui de 1913. Cette diminution a principalement porté sur les peaux brutes (5 millions), riz et caoutchouc (3 millions), raphia, fécules et saindoux (2 millions), etc.
(À suivre.)

Le Temps

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7 novembre 2015

Il y a 100 ans : Le carnet d’un boto de pousse-pousse

Une grave question s’est posée ces temps derniers. Les cerveaux de Tamatave ont travaillé une fois de plus ; des paris ont été ouverts et les pronostics allaient leur train.
La grosse question était de savoir à quel endroit serait posée la première pierre du port de Tamatave. Question grave s’il en fut, pouvant amener de grandes perturbations dans l’essor économique de la Grande Île.
Des discussions orageuses eurent lieu.
L’Administration inclinait pour le boulevard Gallieni en face de la Résidence-Mairie ; du balcon arrière, le coup d’œil, à l’inauguration, aurait été superbe ; le Wharf proposait son extrémité ; les pêcheurs de la pointe Hastie et le personnel de la gare plaidaient en faveur de leur quartier. La douane, humblement, émettait son avis, d’après elle la pierre célèbre devait être placée sur l’emplacement du futur port. Les Travaux Publics, juges et parties, n’avaient pas la parole. Les colons travaillaient pour les embouchures de l’Ivoloina et de l’Ivondro ; les blanchisseuses réclamaient en faveur du Manangareza. Enfin, les commerçants, eux, ne disaient rien, toujours j’m’enfoutistes, s’en moquaient.
Les choses s’envenimaient, le Gouverneur ne savait plus où donner de la tête pour contenter tout le monde. Le Ministre heureusement trouva, dit-on, une solution élégante et qui mettra tout le monde d’accord : la pierre sera déposée au Cimetière.
Sarah B.

Le vin

En prévision de la récolte de cette année qui ne dépassera pas la moitié de celle de 1914, les commerçants de la place ont augmenté le vin de façon considérable, on parle d’une augmentation de 35 à 40 par pièce.

L’exportation de l’or

La Douane a saisi sur un passager de nationalité étrangère, qui s’était embarqué sur le Caucase à destination de Port Saïd, 750 francs en or et une certaine quantité de bijoux en or de fabrication artisanale.
La Dépêche malgache

À l’Union Coloniale

La section malgache de l’Union Coloniale continue sa campagne en vue de chercher les moyens susceptibles d’arriver à développer en France l’emploi du graphite de Madagascar et de provoquer méthodiquement le ravitaillement de la métropole par les bœufs de la colonie.

Le Tamatave

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6 novembre 2015

Il y a 100 ans : À propos des adjudications (2)

(Suite et fin.)
L’administration s’est réservé un tronçon, c’est-à-dire le 3e lot, pour le faire faire par petits lots par des tâcherons ; ceux-ci n’ayant pu résister, toujours faute de main-d’œuvre, toute la main-d’œuvre de la province a été drainée et les travaux sont exécutés en régie et envoyée sur ce chantier où, malgré la présence constante de 300 à 500 hommes, cette partie de la route est encore inachevée.
Que peuvent faire les entrepreneurs de notre région lorsque gouverneurs, sous-gouverneurs indigènes, miliciens et autres sont mobilisés pour faire la chasse à cette main-d’œuvre qui est ensuite dirigée sur le tronçon de « Menagisy » (3e lot) ?
L’adjudicataire du 4e lot demande en vain des hommes à l’Administration.
M. Poggioli, adjudicataire du 1er lot, est dans le même cas et cependant il nous a déclaré que, même actuellement, il pourrait terminer son lot dans les délais prévus, c’est-à-dire le 23 novembre, si l’administration pouvait seulement lui fournir 100 hommes, mais 100 travailleurs sur lesquels il puisse compter.
Et l’usine de l’Ivoloina ? quand sera-t-elle terminée ? Commencée en octobre 1914, elle devait être livrée six mois après ; il y aura bientôt un an et jusqu’ici, le bâtiment qui doit recevoir les machines est encore inachevé.
Quant à la question machinerie, n’en parlons pas.
Il appartient à l’Administration, lors de l’établissement des cahiers des charges, de tenir compte des difficultés que peuvent rencontrer les entrepreneurs dans les régions où doivent s’effectuer les travaux mis en adjudication.
X. X.
La Dépêche malgache

Est-ce un oubli ?

On nous écrit :
À la demande du Comice agricole et de la Chambre consultative, un wagon de voyageurs était mis au service des colons allant jusqu’à Mahatsara par le train de marchandises partant de Tamatave à 5 h. ¼. Le train des marchandises du soir le ramenait à Tamatave.
Or, depuis un certain temps, ce wagon ne circule plus, surtout le dimanche où les voyageurs se colloquent où ils peuvent, jusque sur les plateformes, au petit bonheur. Et cependant on reçoit leur argent sans réduction comme devant voyager régulièrement dans un wagon de voyageurs.
Y a-t-il oubli ? Ou l’administration a-t-elle retiré ce wagon, tout en continuant à recevoir l’argent des contribuables ?

Le Tamatave

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5 novembre 2015

Il y a 100 ans : À propos des adjudications (1)

Les entrepreneurs se plaignent que généralement les adjudications se font à des délais si restreints qu’ils préfèrent s’abstenir de soumissionner, sachant qu’il leur sera matériellement impossible de se conformer aux clauses et conditions du cahier des charges. Vu le court délai de livraison et pour ne pas s’exposer à encourir des amendes et retenues qui absorberaient ou même dépasseraient le plus clair de leurs bénéfices, ils considèrent qu’il est plus sage d’éviter de courir pareils risques ; aussi ne prennent-ils pas part aux adjudications.
Quel est donc le réel motif qui fait ainsi agir le Service des Travaux Publics ? Les travaux à effectuer sont-ils d’une urgence extrême pour demander leur exécution dans un délai absolument insuffisant, ou est-ce tout simplement pour avoir la satisfaction d’infliger des retenues à l’entrepreneur ?
On nous assure que l’administration applique ces conditions draconiennes afin d’éloigner les entrepreneurs pour que les travaux soient faits en régie. Nous ne pouvons l’admettre.
La question primordiale pour l’entrepreneur à Madagascar, et particulièrement dans notre province, c’est la main-d’œuvre et c’est précisément cette main-d’œuvre qui lui fait défaut et l’oblige souvent à résilier son marché.
Qu’arrive-t-il alors lorsque les travaux sont faits en régie ? La main-d’œuvre est réquisitionnée un peu de partout et l’indigène qui sait que sur les chantiers du fanzakana on travaille mora mora déserte volontiers ceux de l’entrepreneur qui, lui, défendant ses intérêts, leur demande la somme de travail qu’ils peuvent réellement rendre.
Parmi les travaux en cours dans la Province de Tamatave, prenons pour exemple la route de Melville, dont les 1er, 2e et 4e lots ont été adjugés à deux entrepreneurs de notre place. Seul le 1er lot est en bonne voie d’exécution, sauf les ouvrages d’art qui ne seront exécutés que sine die du fait du manque sur place de chaux, ciments et fer.
Quant au 2e lot, l’entrepreneur a dû résilier, faute de main-d’œuvre et de matériaux pour la construction des ouvrages.
Il en sera très probablement de même pour les ouvrages d’art du 4e lot.
(À suivre.)
X. X.

La Dépêche malgache

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3 novembre 2015

Il y a 100 ans : Économies malgaches

J’imagine que l’hôpital militaire de Majunga existe toujours. Son existence occasionne pourtant à l’État de grosses dépenses, qu’il serait bien facile de comprimer si cet hôpital devenait une simple ambulance du service général ; les frais d’entretien et de personnel seraient bien moindres. En opérant cette avantageuse transformation, on ne ferait que suivre l’exemple donné, en 1911, par le Gouverneur général de l’A. O. F., en ce qui concerne l’hôpital militaire de Saint-Louis.
À qui sert-il de payer un lieutenant-colonel commandant d’armes à Majunga ou un dépôt de remonte de chevaux en Émyrne ? Des personnalités très compétentes se le demandent.
À Madagascar, les effectifs des troupes indigènes sont, par ordre du commandement, inférieurs au nombre réglementaire. Ils ne sont donc pas conformes aux fixations budgétaires. Si les crédits affectés au chiffre prévu des troupes sont insuffisants, qu’ils soient relevés, s’ils suffisent, que l’on ne fasse donc pas de réductions sur ce chiffre ! Puisqu’il faut des troupes, ayons-en pour notre argent.
Il y a du café à Madagascar, du blé dans la région de Bétafo, une minoterie à Antsirabe. Croyez-vous que les autorités militaires s’approvisionnent sur place de café et de farine ? Croyez-vous qu’elles cherchent ainsi à promouvoir nos entreprises coloniales ? Que non pas ! Ce serait trop simple… et trop bon marché !
Nul n’ignore que l’importance d’un service – et quel service ne veut être important ? – se mesure à sa faculté de gaspillage.
Henri Labroue,
Député de la Gironde,
Secrétaire de la Commission des Comptes et Économies.
Les Annales coloniales

Le péril jaune

On nous signale la prochaine arrivée de nombreux Célestes, qui s’installeraient et ouvriraient boutiques dans les principaux centres de l’île où leurs congénères ne sévissent pas encore.
Pour parer, dans la mesure du possible, à cette invasion, il conviendrait peut-être de promulguer à Madagascar la loi sur les fraudes, qui mettrait tous ces boutiquiers dans l’obligation de ne vendre que des produits non falsifiés. Tout le monde y trouverait son compte.

Le Tamatave

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2 novembre 2015

Un humoriste à Madagascar

Étienne Grosclaude (1858-1932) était un célèbre humoriste, auteur de nombreux ouvrages dont la plupart reprenaient ses chroniques parues dans différents journaux et magazines. Jules Lemaître se disait fasciné par son «irrévérence universelle», ses «inventions de fou dialecticien» et l'apparence d'«élégance imbécile» de ses textes. Grosclaude touchait à tous les sujets, et décida un jour d'aller en chercher du côté de Madagascar.
Embarqué le 10 août 1896 sur le Yang-Tsé en même temps que Gallieni, il passe quelques mois sur la Grande Île d'où il rapporte un récit bien dans sa manière. L'humour y est omniprésent et l'auteur fait exception parmi les voyageurs de son époque en ironisant autant sur lui-même que sur les Malgaches. Sans se départir de l'idéologie dominante, il parvient malgré tout à faire goûter ses traits d'esprit.
En guise d'auto-présentation, Étienne Grosclaude raconte à sa manière, c'est-à-dire sur un mode plaisant et fantaisiste, comment il a a été amené à effectuer ce voyage. Ce texte est extrait d'une anthologie de Paul Acker.
L'ouvrage est réédité au format numérique par la Bibliothèque malgache. (2,99 euros ou, à la Librairie Lecture et Loisirs du Tana Water Front, 9.000 ariary)

Fragment des mémoires d’un explorateur

Pour Auguste Germain.

… Bien des chroniqueurs se sont demandé jadis, en apprenant mon brusque départ pour Madagascar, à quels mobiles j’avais pu obéir, et pourquoi je quittais pour une terre encore sauvage une ville où j’avais acquis quelque renommée. Il faut bien, puisque j’entreprends aujourd’hui d’écrire mes mémoires, que je contente enfin leur curiosité, encore que depuis longtemps, et de guerre lasse, ils aient cessé leurs faciles railleries à mon égard.
Félix Faure occupait alors la présidence de la République. Il jouissait d’une grande réputation d’honnêteté et n’avait en vue dans toutes ses actions que l’intérêt de l’État. La France cependant souffrait. Les politiciens, acharnés à la conquête des places et à la corruption des électeurs, se souciaient peu du pays. L’industrie et le commerce languissaient ; le socialisme menaçait la base même de la société, et, loin de trouver un stimulant dans la fébrile activité des Anglais, des Allemands et des Russes, nous nous laissions aller à un débilitant scepticisme. Toute énergie, toute initiative semblait morte dans notre belle patrie. Les temps que prédit Isaïe étaient venus, les temps où les mains des hommes devaient se souiller de sang et leurs doigts d’iniquités ; où leurs lèvres devaient proférer le mensonge et leur langue des paroles perverses.
Des scrupules naquirent en mon esprit, et des inquiétudes et des craintes. Je fis un retour sur moi-même et je m’attristai.
Je compris qu’il fallait cesser mes ironies ; car, si agréable qu’il soit de railler son pays et ses concitoyens, il est préférable encore de les plaindre et de travailler à les rendre meilleurs, et je sentis que la France me réclamait. Cependant je ne savais comment me rendre utile.
Or, un soir, comme je songeais, je regardai machinalement le petit éléphant de porcelaine rouge qui dormait sur ma table, et voilà que le petit éléphant me regarda aussi, gentiment, avec de bons yeux tout ronds, en agitant sa trompe. Tout de même, j’eus quelque étonnement ; je crus rêver et cherchai un binocle. Le petit éléphant sourit ; il éleva encore sa trompe, puis la baissa, et, comme s’il n’avait jamais fait autre chose, il parla. C’était un petit éléphant bien dressé.
« Pourquoi cet œil effaré, ô mon maître, et pourquoi me contempler avec tant de surprise obstinée ? Ne sais-tu pas que nous aussi nous parlons ? Tu me peines. Depuis des années tu t’assieds à cette table, chaque jour, et chaque jour tu alignes des jambages noirs sur du papier blanc, et tu as, paraît-il, beaucoup d’esprit. Cependant ton métier t’ennuie et tu t’ennuies d’avoir tant d’esprit. Que de gestes découragés tu as ébauchés ici, en commençant ta besogne coutumière, et que de bâillements même pas étouffés ! Tu te croyais seul et tu permettais à ton âme des épanchements en termes familiers, mais j’étais là. Je te connais, je te connais tout entier, et tu rêves une vie différente, une vie plus utile, plus noble, et tu te désespères de ne pas la trouver.
« Et le remords des bouffonneries passées déchire ton âme.
« Ah ! tu peux rougir, et pâlir, et te frapper la poitrine, humblement et fortement. Qu’as-tu fait jusqu’ici ? Depuis des années, tu publies dans les gazettes des proses de pince-sans-rire, sur les quotidiens événements, et nul ne manie la blague avec un art plus perfide et savant. Ta philosophique irrévérence, fille d’un nihilisme absolu, ne respecte rien. Assassinats, pestes, inondations, banqueroutes, elle joue avec les plus épouvantables scandales et badine avec les plus douloureuses misères, comme si toute chose n’avait de prix que pour le rire qu’elle éveille, et les calembours qu’elle suggère.
« Réfléchis donc et souviens-toi et repens-toi. La catastrophe de l’Opéra-Comique, au lieu de pleurs et de conseils, ne t’a fourni qu’un baroque article pour annoncer la fermeture des bains Deligny. Tu prétendais que leur entière construction en bois les exposait particulièrement aux dangers du feu. La déplorable affaire des croix d’honneur (Limousin et Caffarel) t’a servi de prétexte à d’équivoques racontars sur le Panthéon dont on entreprenait la décoration. La prodigieuse découverte de microbes et sérums divers n’a été qu’une occasion pour toi de discourir sur l’existence du Bacillus Scenafairius (Bacille de la scène à faire) et du virus sarceyen ou antisarcine. C’est là tout ce que ton intelligence, en des circonstances inquiétantes, a su et pu produire. Ah ! pauvre ! pauvre ! »
Je rougis, je l’avoue. Le petit éléphant voyait clair dans mon cœur, et chacune de ses paroles accroissait mon chagrin. J’eus honte de moi. Ainsi cette barbe épaisse et soyeuse qui ornait mon menton, ce front haut, large, sérieux, ces épaules carrées, ce buste droit et solide, tout cet extérieur d’homme fort et grave, quelle duperie, quel trompe-l’œil ! Je n’étais bon qu’à gribouiller sur du papier de petites chroniques, des chroniquettes blagueuses et ironiques. J’appartenais à ce genre d’êtres et de choses qu’on étiquette « bien parisien », et ma gloire ne dépassait pas les boulevards. Ah ! pourquoi posséder une si enviable anatomie, puisqu’elle mentait si férocement !
Je n’eus pas le loisir de me blâmer davantage.
Le petit éléphant me fixait, et ce regard m’ennuyait, me gênait, m’irritait. Je voulus m’en aller. Il agita sa trompe, souffla et poursuivit :
« Tes œuvres te dégoûtent, je le vois bien. Tous ces clichés, tous ces poncifs, que tu empruntes à la politique, au journalisme, à la science, à l’administration, et dont tu te composes sans défaillance une langue ineffable de tenue et d’impersonnalité, tous ces poncifs, tous ces clichés, te remontent aujourd’hui dans un exécrable haut-le-cœur. Quelle drôle d’existence que la tienne, et combien vide et vaine ! Avoir seulement rêvé, durant les jeunes années d’ambition, d’écrire comme un maire de village ou un capitaine de pompiers, et y avoir réussi avec un incomparable succès ! Quelle ironie pour un ironiste ! La littérature ta littérature te transforme en épicier. »
Alors il me sembla qu’un dieu inconnu et bienveillant prenait cette forme pour me parler et me sauver. Je me mis à trembler. Un long frisson me secoua tout entier. Je joignis les mains, et, comme au temps lointain où, tout petit garçon, je m’agenouillais le soir au pied de mon lit, une prière monta à mes lèvres :
« Ô créature étrange, qui que tu sois, dieu, animal ou fantôme, je te supplie de me conduire vers le but mystérieux que je rêve vainement. Tu as deviné la plaie secrète de mon âme, ne peux-tu pas aussi la guérir ? Oui, je veux agir, je veux vivre. Mais que faire pour agir, pour vivre ? je ne sais. Oh ! toi dont la parole est toute vérité, je remets mon sort entre tes défenses, et je m’incline devant ton arrêt. »
Le petit éléphant ne montra pas trop de surprise, il remua ses longues oreilles et fixa sur moi des yeux pleins d’une tendre pitié.
« Je ne suis, dit-il, ni dieu ni fantôme. Je suis un petit éléphant, un tout petit éléphant, comme on en voit encore quelques-uns sur la terre africaine. Pourquoi ne m’as-tu pas regardé plus tôt ? Avec un peu de complaisance, j’aurais évoqué en ton esprit toute l’immensité des autres continents. Regarde-moi encore. Ne vois-tu pas les paysages brûlants du pays noir ? le désert de sable, et les lacs fangeux, et les forêts vierges, et les torrents encombrés de rochers ? Ne vois-tu pas les lions rugissant à la tombée du soir, les caïmans qui sommeillent la gueule ouverte, au bord des fleuves, les chacals qui hurlent dans la nuit, les nègres dévorant autour d’un feu les cadavres maigres d’Européens, ou s’enfuyant tout nus à travers les bois en agitant leurs zagaies ? Regarde, regarde… Ne vois-tu pas là-bas, là-bas, toute une caravane engagée dans la brousse, des porteurs noirs, des mulets ? Elle se déchire aux épines, elle enfonce dans les marais ; soudain des coups de feu dégringolent des branches, des cris sauvages retentissent, et elle disparaît dans le bruit et la fumée… Ce sont des explorateurs qui meurent pour leur patrie et pour l’humanité ! »
Je me levai brusquement. Des explorateurs ! Une lumière soudaine m’éblouissait. Oui, loin, loin, sous un soleil étouffant, parmi des arbres gigantesques et près des rivières couvertes d’herbes géantes, j’apercevais des bêtes fauves et des sauvages ; l’entendais des cris, des hurlements, des coups de feu. Des gouttes de sueur perlèrent à mon front. Mon cœur battit plus fort… Il me sembla que ma chambre était trop petite, trop étroite, et que j’allais étouffer. J’avais besoin d’air et d’espace… Explorateur ! explorateur !
Le petit éléphant, d’une voix moqueuse, réprima cet emballement.
« Écoute, dit-il. On se fichera de toi ; certains même attribueront à ta courageuse, mais imprévue décision, des mobiles peu estimables. « Explorateur, ricaneront-ils, un casque en liège, un complet de flanelle blanche, un rifle, un palanquin, un canot démontable, c’est le bric-à-brac de l’emploi qui l’a séduit, et aussi les faciles triomphes du retour, conférences à la Société de géographie, à l’Hôtel des Sociétés savantes, à l’Association philotechnique, rapports, discours, médailles commémoratives, titres, décorations. » As-tu vraiment la foi, et oseras-tu braver les quolibets et les lazzis ? »
Je ne répondis rien, et le petit éléphant se tut. Le soir tombait ; un bruit sourd arrivait de la rue jusqu’à moi. Étonné, hébété, je risquai un coup d’œil vers la bête qui venait de me parler. Elle demeurait muette et immobile, et rien ne pouvait laisser supposer qu’elle m’eût tout à l’heure tenu de si sages discours. Je pensai avoir été le jouet de quelque hallucination, et, m’enfonçant dans mon fauteuil, je rêvai et songeai.
Et des jours se passèrent qui firent des semaines et des mois, et j’hésitais à partir. L’été rayonnait, et jamais les femmes ne m’étaient apparues plus belles et plus désirables. Des pleurs gonflaient mes yeux à l’idée de fuir en des régions inconnues, loin des Italiens, de l’Opéra, et des salles de rédaction… Et pourtant, frêle et basse, la voix de ma conscience me gourmandait sans cesse… Quand je m’asseyais à ma table de travail, je sentais peser sur moi l’ironique regard du petit éléphant en porcelaine rouge, et je devinais son sourire d’humiliant dédain. Toutes les petites traditions tyranniques du boulevard me retenaient encore.
Enfin, cette lutte prit fin. Le général Gallieni devait se rendre à Madagascar pour pacifier et organiser notre nouvelle colonie : je vis là une occasion imprévue et unique. Quelques démarches m’accordèrent une mission dans la grande île africaine, et le 10 août 1896, à quatre heures et demie, je montai à bord du Yang-Tsé.
C’est ici que commence le récit de ma première exploration…

Marius Cazeneuve. À la cour de Madagascar
Ida Pfeiffer. Voyage à Madagascar
Madagascar en 1914
Jean-Claude Mouyon. L’Antoine, idiot du Sud
Jean-Claude Mouyon. Carrefour
Jean-Claude Mouyon. Beko
Jean-Claude Mouyon. Roman vrac
Charles Renel. La coutume des Ancêtres
Charles Renel. La race inconnue
Madagascar en 1913

1 novembre 2015

Un magicien chez Ranavalona III

Le magicien toulousain (1838-1913) débarque à la cour de Madagascar en 1886 pour distraire la reine Ranavalona III. Les relations entre le gouvernement de la Grande Île et la France sont tendues. Les Britanniques sont en première ligne. Mais Marius Cazeneuve se fait fort, en utilisant son art de la persuasion, de redresser la barre et d’offrir à son pays ce qui, croit-il, lui revient de droit : la domination de Madagascar. Puisqu’il raconte lui-même son séjour, il convient de le lire avec une certaine méfiance : il s’y donne en effet un rôle si important que sa version paraît trop belle pour être vraie. Bien qu’il s’en défende, il est probable qu’il a considérablement exagéré les choses dans cet autoportrait flatteur. Mais son récit est toujours agréable à suivre et il permet de découvrir la vie de l’époque dans la capitale malgache.
L'ouvrage est réédité au format numérique par la Bibliothèque malgache. (2,99 euros ou, à la Librairie Lecture et Loisirs du Tana Water Front, 9.000 ariary)

Présentation

Nous sommes en 1886. Un des plus habiles prestidigitateurs que le monde ait connus, le Toulousain Marius Cazeneuve (né en 1839, mort en 1913 dans la Cité rose) débarquait à Tamatave avec l’idée bien arrêtée de donner une séance devant la reine Ranavalo elle-même et de servir ainsi la propagande française.
Il donna d’abord quelques soirées qui lui procurèrent le prestige qu’il désirait et, un beau jour, on lui fit dire qu’on l’attendait à la cour de Tananarive.
Avec empressement, notre Toulousain se rendit à l’invitation. Ses séances de prestidigitation furent un triomphe et les bonnes grâces de la reine lui furent tout acquises.
À la fin d’une de ses soirées ahurissantes donnée devant les personnalités diplomatiques, Marius Cazeneuve termina par un exploit extraordinaire en même temps qu’il fit valoir sa phobie de l’Angleterre. Trois sentinelles hovas gardaient la salle. Cazeneuve déclara :
— Je vais demander à ces soldats de me fusiller.
— Non, non, cria-t-on de toute part.
— De quelle provenance sont leurs fusils ? continua imperturbable le magicien.
— De provenance anglaise, répondit Sa Majesté.
— Ah ! tant mieux, car s’ils étaient de fabrication française, je n’oserais tenter mon expérience ; mais une arme et des munitions anglaises…
Et, dans un geste, il soulignait son dédain pour le matériel britannique.
L’expérience eut donc lieu. Trois détonations retentirent. Cazeneuve, toujours debout, présenta à l’assistance bouleversée les balles qui venaient d’être tirées sur lui et qu’il avait auparavant marquées d’une encoche. On devine dès lors son triomphe et son prestige. Il sut s’en servir pour ouvrir à la France les voies de Madagascar.
En 1887, la Maison Kingdon, de Londres, est sur le point de passer un traité pour un emprunt de dix millions de livres, mettant ainsi la grande île sous la domination anglaise pour plusieurs années.
Cazeneuve intervient auprès de la reine et fait tant que le projet anglais est déchiré et que le Comptoir d’Escompte de Paris négocie l’emprunt.
Habilement, un Français, soucieux de servir son pays, accomplissait peu à peu, par des moyens sans doute peu familiers à nos diplomates, œuvre utile et féconde.
Robert Courrech.
Le Journal, samedi 20 et dimanche 21 juin 1942.


Étienne Grosclaude. Un Parisien à Madagascar
Ida Pfeiffer. Voyage à Madagascar
Madagascar en 1914
Jean-Claude Mouyon. L’Antoine, idiot du Sud
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Charles Renel. La coutume des Ancêtres
Charles Renel. La race inconnue
Madagascar en 1913