22 octobre 2010

Danse l'Afrique danse ! Une forte délégation malgache à Bamako

Les nostalgiques de Sanga, c'est-à-dire des trois éditions malgaches des Biennales africaines de danse contemporaine (j'en suis, de ces nostalgiques) peuvent mettre le cap sur Bamako, au Mali, pour en retrouver l'ambiance dans une huitième édition intitulée Danse l’Afrique danse! Du 29 octobre au 5 novembre, ils ne devraient pas être trop dépaysés: la présence de Madagascar est importante, nous l'allons montrer tout de suite.
Puisque Bamako, c'est un peu loin, je pioche dans le programme illustrations et textes à propos des danseuses et danseurs malgaches.

Julie Iarisoa - Cie Anjorombala
Sang couleur
(Concours - pièces collectives)


«Mon sang n’a pas de couleur, mais il a du goût», dit en exergue Julie Iarisoa, chorégraphe de ce quatuor pour danseurs portant jupes et perruques blanches, «qui évoque le respect réciproque en acceptant les différences». Un travestissement qui s’insinue dans leur manière de se mouvoir, poupées aux gestes un peu raides, bondissant sur leurs fesses pour traverser le plateau. Les mains claquent, les pieds frappent le sol et les danseurs se divisent par couples, échafaudant l’art de la chute sur des portés audacieux. Vissés au sol, les corps font les toupies et donnent à voir une break dance au rythme ralenti qui en accentue la fluidité. Souvent de dos, les quatre s’amusent de leurs tenues, se retrouvent en jupon et plongent leurs mains dans des pots de peinture pour recouvrir un tableau noir, puis leur peau, de coulées blanches et crayeuses. De l’action painting dansé bien dans le ton de la gestuelle, à la fois expressionniste et abstraite.

Harimalala Angela Rakotoarisoa - Cie Soranihafa
Sora
(Concours - pièces collectives)


«Toute chose a son origine. L’homme, la nature et l’être vivant. Sora le souffle de vie, mais Sacrifice pour l’homme qui est prêt à chercher son origine afin de protéger ce qui a déjà existé», dit en exergue la chorégraphe Angela Rakotoarisoa. Le décor est posé, baigné d’une lumière rose comme l’aurore: un long tube de tissu qui traverse verticalement le plateau, un lit suspendu et le reflet mat d’un rond de métal posé sur un socle, écran aveugle d’une danse offrande, avant d’être saisi et secoué par les danseurs, zébrant l’air de ses vibrations sourdes. L’homme et la femme occupent des espaces distincts. A lui, le sol d’où il surgit, s’extrayant du tube de tissu pour nous convier à la naissance du geste. A elle, le lit suspendu qui bouge au rythme de ses gestes. Tous deux, corps chrysalides, soumis à la métamorphose par la grâce du mouvement, d’une parade amoureuse à la vigueur acrobatique à un pas de deux où se dépose l’instant de la rencontre.

Junior Zafialison
Ail ? Aïe ! Aïe !
(Concours - solos)


Un titre programmatique qui fait référence aux vertus médicales de l’ail sans négliger ses désagréments pour dire ce qu’il en est de la dualité intrinsèque de l’homme. Assis sur un plateau nu, Junior Zafialison pile l’ail dans un mortier et de ce coup frappé, répétitif, s’élance le premier geste. Lent, délié et souple, le bras se soulève et entraîne le corps dans une lutte où les bras se resserrent sur la gorge. La danse, traversée de multiples influences, du port des bras classique à l’accent mis sur l’arrondi d’une épaule ou la qualité des sauts et le travail au sol, explore aussi toutes les dimensions de l’espace. Alors, le mur du plateau où il se plaque, dos au public, devient comme la page blanche où le danseur écrit sa danse et l’espace d’un changement de perspective.

Ariry Andriamoratsiresy & Gaby Saranouffi - Cies Rary et Vahinala
Fangalapiery
(Hors concours)


Contraste entre modernité et tradition, entre le rouleau de plastique rouge déroulé sur le sol pour dessiner une trajectoire ou servant de costume à Gaby Saranouffi qui s’y enroule lentement et le chant de Sana, musicienne du Sud de Madagascar, réputée pour son rôle de gardienne des coutumes ancestrales. Contraste entre la danse aux ressorts dynamiques d’ Ariry Andriamoratsiresy et la forme sculpturale et contemplative de celle de Gaby Saranouffi qui finit par retirer son enveloppe plastique, plaquée au mur, gestes secs et danse exacerbée par l’urgence. Un va et vient permanent entre deux extrêmes : «Un monde très coloré et artificiel illustré par la scénographie et le son vibrant et poignant offert par Sana qui rappellent l’omniprésence des attaches de chacun.»

19 octobre 2010

Jean Joseph Rabearivelo : Œuvres complètes, tome 1

L'événement est de taille - et j'y reviendrai quand j'aurai pris connaissance du volume: le premier tome d'une édition critique des Œuvres complètes de Jean Joseph Rabearivelo est (si j'ai bien compris quelques articles sur une conférence de presse qui s'est déroulée hier et à laquelle je n'étais pas présent) sur le point de paraître. La date officielle de sortie en France est le 28 de ce mois, et le mois prochain à Madagascar.
Il s'agit d'un épais volume - 1280 pages - coordonné par Serge Meitinger, Liliane Ramarosoa et Claire Riffard, qui reprend les textes du diariste (les mythiques Calepins bleus), de l'épistolier et du moraliste. C'est-à-dire la part de son œuvre la plus mal connue, au contraire des poèmes qui l'ont rendu célèbre dans le monde entier.
Je vous le disais, j'y reviendrai.

14 octobre 2010

Archives sonores de Madagascar

C'est une collection de disques que les spécialistes connaissent, j'imagine, mais que pour ma part je découvre grâce à la mise en ligne d'une partie d'entre eux sur le site de Gallica. Si je comprends bien, le Musée de la Parole et du Geste de l'Université de Paris a réalisé ces enregistrements à l'occasion de l'Exposition coloniale internationale de 1931. Plusieurs d'entre eux viennent d'être mis en ligne - d'autres étaient peut-être déjà disponibles. Une recherche sur l'ensemble et le mot "Madagascar" fournit vingt résultats aussi divers que des chants de piroguiers, de lutte ou de travail.
Admirez l'état d'un disque avant de l'écouter - vous accepterez dès lors sans problème le grésillement qui accompagne ces vieux 78 tours.

Et voici une image qui accompagne une de ces réalisations.


12 octobre 2010

Trois photographes à Ilakaka

Si, comme moi, vous étiez passé sur la Nationale 7 avant et après la découverte du saphir à Ilakaka, près du parc de l'Isalo, vous avez vu la différence... Depuis une bonne décennie, cette ville surgie au milieu de nulle part est devenue le symbole d'un Far West malgache. Elle a souvent attiré des journalistes et des photographes. Afriphoto vient d'en rassembler trois dont les regards se complètent pour rendre ce lieu plus familier sans rien lui enlever de sa bizarrerie.
Sans commentaires, voici trois exemples. Les liens renvoient non aux galeries du terrain inlassablement creusé par les chercheurs de saphirs, mais aux galeries des photographes.






10 octobre 2010

BNM : la Bibliothèque Numérique Mauricienne

Un site qui met en vedette la Bibliothèque malgache électronique a tout pour susciter de ma part, vous le comprendrez aisément, un préjugé favorable.
C'est donc avec grand plaisir que je salue la naissance d'un site cousin du mien, la Bibliothèque Numérique Mauricienne.


Son concepteur, Stéphane Sinclair, me dit en outre que ma démarche l'a inspiré. Tant mieux! D'autant qu'il est parti sur les bases d'une présentation beaucoup plus claire que la mienne. (J'avais pensé réorganiser tout le site en juillet, et puis je n'en ai pas eu le temps - ce sera pour la prochaine plage de temps libre, ou relativement libre).
Vous l'aurez compris, j'aime ce site d'une île voisine, où tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'Océan Indien trouveront une matière riche, déjà abondante et dont la vocation est d'offrir une documentation en expansion.
Un fil RSS (auquel je me suis abonné sans attendre) permet de ne rien manquer des prochaines nouveautés du site.

7 octobre 2010

Lire et voir : colonie et indépendance (?)

Donc, 2010 était - est encore, puisque l'année n'est pas finie - une date anniversaire essentielle, puisqu'un demi-siècle s'est écoulé depuis la décolonisation de Madagascar et de beaucoup d'autres territoires occupés auparavant par la France. France qui a célébré, laissez-moi rire, l'événement en pompe moyenne plutôt que grande. Chez nous, c'était un peu compliqué, en raison du climat politique.
Ce n'est pas une raison pour ne pas en parler quand des documents sortent à cette occasion, comme La fin de l'empire colonial, le numéro hors-série des Cahiers de l'Express daté d'octobre-novembre. On y trouve, entre autres choses, un long article de Jean Fremigacci intitulé Madagascar de la première à la seconde indépendance 1960-1973. Je ne possède pas la compétence nécessaire pour juger du contenu de cet article, mais voici, pour le plaisir, une photo qui l'illustre. Elle a été prise lors de la Fête de l'Indépendance du 26 juin... 1960!


Dans la foulée, j'ai cherché d'autres documents, et j'ai trouvé une mine que certains d'entre vous connaissent probablement, le site de l'INA sur lequel une simple recherche donne accès à 75 vidéos concernant Madagascar. Allez-y voir, vous ne perdrez pas votre temps. (Pour ma part, j'ai cru que j'allais y passer la journée.)
On y apprend qu'on extrait du pétrole depuis longtemps à Madagascar. Que deux cosmonautes américains sont passés par Antananarivo. Que Philibert Tsiranana reçoit chez lui en toute simplicité. Avant de connaître une fin de règne agitée. Que les grandes secousses connues depuis l'Indépendance ont trouvé place dans les médias français, de 1972 à 2009.
Des documents dont nous connaissons certes l'origine (et il ne faut jamais l'oublier), mais qui n'en sont pas moins précieux.

6 octobre 2010

Citation : comment devenir française en épousant un Malgache

Je viens seulement de lire Infrarouge, le roman de Nancy Huston paru en mai. Je ne le regrette pas: non seulement le livre est excellent, mais en outre il me permet de renouer avec mes chères citations, le mot clé étant cette fois plutôt "Malgache" que "Madagascar".
Rena Greenblatt, d'origine canadienne, et à la vie amoureuse, disons... compliquée, se trouve avec son père et l'épouse de celui-ci en Toscane, où elle leur a offert une semaine de vacances. Les choses ne se passent pas trop bien, mais elles sont surtout pour elle l'occasion d'opérer des retours en arrière dans son existence. Et d'expliquer par quels détours compliqués elle a obtenu la nationalité française.
Or j’avais acquis la nationalité française par mon mariage avec Fabrice qui, bien qu’haïtien de naissance, avait lui-même été naturalisé lors de son premier mariage avec une Malgache ayant précédemment épousé un Basque; ce genre de chaîne d’entraide était plus facile à réaliser dans les années 1980 que de nos jours…
Amusant, non?