31 janvier 2020

Il y a 100 ans : Sur le Fanandrana (2)


(Suite et fin.)
À l’heure actuelle, le seul moyen possible pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre serait la contrainte pure et simple. Je mets qui que ce soit au défi d’y parvenir autrement. Mais comment s’y prendre ? Qui oserait procéder de la sorte ?
Si Madagascar eût été une colonie anglaise, il est évident que les choses se fussent passées autrement. Quelque pénible que puisse être cet aveu, il n’en est pas moins vrai que l’administration anglaise, ou même autre, aurait vite fait de débrouiller cette question de main-d’œuvre. Dans tous les cas, elle n’aurait pas attendu que le char fût complètement embourbé pour se préoccuper enfin des moyens de le tirer d’affaire.

Au Tribunal


Il s’en faut que toutes les affaires aient la même importance ; des débats sérieux succèdent souvent à des contestations entre personnes que semblent préoccuper des affaires bien futiles. Aussi arrive-t-il que des gens qui n’ont pas de temps à perdre se voient obligés d’attendre à l’audience la fin de ces petites querelles… pour voir leur affaire renvoyée à huitaine. Aussi serait-il bon que le président du tribunal fît, ainsi qu’il était pratiqué autrefois, afficher le vendredi de chaque semaine le rôle de la semaine suivante au tableau spécial qui se trouve encore à l’entrée du greffe ; notre président intérimaire pourrait distraire des dix minutes de travail journalier qu’il avoue le temps nécessaire pour donner cet ordre.

Nouveaux hôtels


M. Martel, ancien hôtelier de Tananarive, est allé en France réunir des capitaux importants afin d’installer des hôtels dans les principales villes de la Colonie et il aurait obtenu par l’intermédiaire de certaines personnalités qu’il lui serait accordé dans chaque ville les terrains nécessaires à la construction de ses hôtels.
D’un autre côté, nous apprenons que la Commission Municipale a émis un avis favorable en ce qui concerne la demande formulée par M. de Loddére pour obtenir en location pour 50 ans un terrain où il installera également un hôtel. Comment sera-t-il tenu ?
Cette quantité d’hôtels qui se feront la concurrence aura peut-être pour résultat de diminuer le coût de la vie.
Le Tamatave



Deux volumes de compilation de la presse à propos de Madagascar il y a 100 ans sont disponibles. La matière y est copieuse et variée, vous en lisez régulièrement des extraits ici. Chaque tome (l'équivalent d'un livre papier de 800 pages et plus) est en vente, au prix de 6,99 euros, dans les librairies proposant un rayon de livres numériques. D'autres ouvrages numériques, concernant Madagascar ou non, sont publiés par la Bibliothèque malgache - 84 titres parus à ce jour.

29 janvier 2020

Il y a 100 ans : Sur le Fanandrana (1)


Nous n’apprenons rien de nouveau à personne à Tamatave en disant qu’il y a pénurie de main-d’œuvre. Seulement il convient de signaler que le peu de main-d’œuvre qui reste décroît de jour en jour aussi bien à Tamatave que dans ses environs, en particulier chez les colons de la vallée d’Ivondro. Quelle en est la cause ? Ce ne sont certes pas les mauvais traitements, ni la modicité des salaires, ni les maladies, ni autre chose dans ce genre qui déterminent les indigènes à déserter les chantiers et les plantations. Ceux qui ont bien approché de près le Malgache et ont bien su l’observer ont pu constater qu’il prend subitement une détermination sans que lui-même puisse dire pourquoi il l’a prise. Le cerveau malgache est sujet à des lubies de ce genre. Il lui passe par la tête de s’en aller, et il s’en va. Cela est arrivé à quelques travailleurs de la région du Fanandrana et les autres ont suivi comme des moutons de Panurge.
C’est en vue d’essayer de remédier à cet état de choses que les colons du Fanandrana avaient envoyé à M. le Gouverneur Général un télégramme demandant d’installer un poste administratif sur le Fanandrana.
M. le Gouverneur Général répondit ce qui suit :
« Gouverneur Général à MM. Borgeaud, Grenard et autres colons de la vallée du Fanandrana :
« N° 106 G. G. En réponse votre télégramme a l’honneur vous faire connaître que malgré vif désir vous donner satisfaction, pénurie personnel m’empêche affecter fonctionnaire poste administratif Fanandrana. Situation que m’avez signalée avait retenu mon attention, lors ma récente tournée, en ai entretenu Chef province. Ai donné instructions à Administrateur Chef Marcoz pour que soient effectuées fréquentes tournées dans votre intéressante région par personnel de District, afin parer mesure possible à faits signalés. »
On a proposé trente-six solutions à cette question de main-d’œuvre. Elles ont aussi peu de chances de réussir les unes que les autres. Avec la stupide indigénophilie dont a fait preuve jusqu’à présent l’administration, on a fini par être en proie aux plus inextricables embarras.
(À suivre.)
Le Tamatave



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28 janvier 2020

Il y a 100 ans : Le jardin de la place de la Colonne


Le monument élevé aux morts de la campagne de 1895, relégué au fond de la place de la Colonne, était caché à la vue des passants par la végétation. Aussi l’Administration locale a-t-elle jugé qu’il n’était pas convenable que quelques arbres puissent atténuer le souvenir de ceux qui sont morts pour donner à la France une de ses plus belles colonies ; et s’est-elle décidée à modifier le plan du jardin où se trouve cette colonne. Il va être transformé en un joli jardin anglais, qui remplacera le jardin actuel conçu sur un plan fantaisiste sans style, pourvu d’accès et de chemins disposés d’une façon disparate. La chose souffrira des difficultés, car le monument des morts se trouve dans un coin de la place de la Colonne au lieu d’être au milieu. On va s’efforcer autant que possible de faire converger vers lui les chemins du futur jardin anglais de façon à ce qu’il soit visible quel que soit le côté de la place d’où on le regarde. On mettra dans les coins de jolis arbres et arbustes, et au milieu des pelouses et des fleurs.

La tentation du jeu

Le nommé Bernard, tirailleur démobilisé, ayant été chargé de faire des recouvrements pour le compte de l’Imprimerie Moderne, ne put résister à la tentation de se servir du produit de ces recouvrements pour aller prendre part à des jeux de hasard qui se donnaient dans une case de la rue Lieutenant Lubert. Son employeur ne le voyant pas arriver s’informa auprès de son camarade qui habitait avec lui, et qui déclara ne pas avoir vu Bernard depuis la veille. Aussitôt l’imprimeur l’envoya à la recherche de Bernard qu’il découvrit dans la case en question en train de faire une partie avec les autres individus. Alors l’imprimeur, averti, alla avec plusieurs agents de police procéder à l’arrestation de Bernard.
Celui-ci fut seul arrêté ; les autres prirent la fuite et c’étaient eux qui avaient l’argent, car ils avaient gagné, et il ne restait plus un sou à Bernard. Comme celui-ci était présumé avoir été sur le front, il ne fut condamné qu’à 6 mois de prison et 50 francs d’amende ; mais ceci ne rendit pas à l’imprimeur la somme que les partenaires de Bernard avaient emportée et qui était assez importante.
Le Tamatave




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26 janvier 2020

Il y a 100 ans : Anomalies


C’est curieux, personne n’est content des impôts pas même les fonctionnaires qui trouvent que c’est une charge trop lourde. Il y a plus, la taxe immobilière n’a pas de plus acharnés ennemis que ceux à qui elle doit profiter, c'est-à-dire Messieurs les salariés de l’État. En effet, les colons et les commerçants n’ont pas autant maugréé que les Ronds de Cuir. Cependant, pour certains d’entre eux, cet impôt doit faire l’effet d’une goutte d’eau à côté de l’océan, si on le compare à leur traitement. Cela n’a pas empêché l’un d’eux de chercher à devenir l’émule de Hampden qui, possédant des millions, préféra aller en prison que de payer 25 schellings au roi d’Angleterre.
Il n’est pas jusqu’au créateur de cet impôt qui ne trouve la mesure désagréable puisque M. Schrameck serait parti, paraît-il, sans acquitter sa taxe immobilière qui, d’après le texte qu’il a rédigé lui-même, devrait être la plus élevée de l’île. Il estime, sans doute, que la loi n’est pas faite pour le législateur.
Nous disons cela, non pas pour faire de la peine à M. Schrameck qui est un brave garçon, mais tout simplement pour faire part à nos lecteurs d’un fait cocasse.
Certains bâtiments tels que casernes, prisons, etc. ont la structure des pièges à rats ; rien n’est plus aisé que d’y rentrer, rien n’est plus malin que d’en sortir. Le Trésor se comporte de la même façon à l’égard des flots de monnaie qui s’y déversent tous les ans. Quand on va y apporter de l’argent, on est le bienvenu, on ne vous demande pas quelle en est la provenance ; mais, quand on va en retirer, les choses ne vont pas si facilement. Ainsi, le Tamatave avait à toucher un tout petit mandat établi au nom du directeur au lieu du propriétaire. Le préposé voulant savoir qui était directeur, et qui était propriétaire, demanda à voir les statuts du Tamatave. Vu les ordres sévères dont il est dépositaire, aucune précaution de sa part ne saurait être inutile. Faute de statuts, le mandat n’a pu être touché. Ce n’est pourtant pas la statue du Tamatave que l’autre a voulu réclamer, il ne sera jamais assez célèbre pour qu’on lui en élève une.
Le Tamatave



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22 janvier 2020

Il y a 100 ans : Au boulevard d’Ivondro


Voulez-vous avoir une séance de cinéma à l’œil ? Vous n’avez qu’à aller tous les soirs aux abords de la Rochefortaise et vous y verrez des scènes d’un comique très réussi qui pourraient rivaliser avec celles de Rigadin. Un homme se tient à la porte pour fouiller les bourjanes qui sortent.
Quelques-uns ne trouvent pas cette opération de leur goût, et s’y prêtent en maugréant ; croient-ils peut-être qu’on suspecte leur honorabilité ? D’autres prennent la chose en riant et en profitent pour gambader et gesticuler comme des pantins. L’un d’eux avait poussé la complaisance pour faciliter les recherches jusqu’à enlever complètement ce qui lui servait de costume.
D’autres, enfin, doivent trouver la chose agréable. On ne comprendrait pas autrement l’insistance qu’ils mettent à prolonger l’opération. Seulement pour les regarder faire il sera bon de s’être muni à l’avance d’un flacon d’eau de Cologne ou mieux d’un ozonateur, car à certains moments l’odeur qui se dégage de l’usine devient telle que la situation n’est plus tenable. C’est sans doute pour parfumer les promeneurs du boulevard d’Ivondro que la Rochefortaise exhale tous les soirs ses odeurs les plus pénétrantes.
On connaît la statue de Bartholdi à New York : « La Liberté éclairant le monde. » C’est une statue colossale tenant un flambeau, lequel n’est autre qu’une lampe électrique servant de phare à l’entrée du port. Nous proposons à Bartholdi un nouveau sujet de statue : « La Rochefortaise parfumant la ville de Tamatave ».
On représenterait une vieille sorcière vidant de haut un seau d’ordures.
Mais consolons-nous, nous n’en aurons pas pour longtemps, car M. Bolet, administrateur délégué de la Rochefortaise à Tamatave, et la personne qui l’accompagne vont partir par la Ville de Marseille et emporter toutes ces mauvaises odeurs avec eux. Nous leur souhaitons un bon voyage et un heureux séjour exempt des senteurs dont a eu à souffrir l’appareil olfactif des Tamataviens.
Le Tamatave



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14 janvier 2020

Il y a 100 ans : La chauve-souris (3)


(Suite et fin.)
Quelques jours plus tard, il reçut de ce militaire administrateur une lettre officielle à peu près ainsi conçue : « Mon général, vous m’avez communiqué deux dénonciations. Dans l’une, un indigène est accusé de troubler l’ordre public en excitant la population de l’Endroit-où-il-y-a-du-sable-tant-qu’on-en-veut contre les protestants ; dans l’autre, un indigène de cette même localité est signalé comme ameutant les villageois contre les catholiques. Il n’aura pas échappé à votre haute perspicacité, mon général, qu’il s’agit, dans les deux cas, du même indigène, le nommé Rakoutou, un cultivateur qui a du bien. En conséquence, et considérant que ces deux imputations en sens contraire paraissent dénoter chez le susdit Rakoutou une impartialité voisine de l’indifférence en matière religieuse, qualité bien rare, en ce moment, chez mes administrés, j’ai cru à propos de nommer M. Rakoutou maire de l’Endroit-où-il-y-a-du-sable-tant-qu’on-en-veut, et je vous demande de vouloir bien confirmer cette nomination ».
Le général Galliéni rit comme une petite folle : et voilà comment ce brave Rakoutou devint maire. Je suppose qu’il l’est toujours, à moins que le Seigneur, depuis, l’ait appelé au nombre de ses élus.
Ce précédent peut servir à nos fonctionnaires d’Alsace et Lorraine : quand ils verront un semi-boche dénoncé comme boche par les vrais Alsaciens, mais boudé par les autres boches comme ayant des sympathies françaises, ils en pourront conclure que celui-là se fiche de tout. Cependant, je n’irai pas jusqu’à le nommer maire.
Pierre Mille.
Le Petit Marseillais

Le bassin-abri

Ce bassin-abri tant demandé et tant attendu est enfin en voie de construction.
Espérons qu’on y travaillera jusqu’à ce qu’il soit achevé, et qu’aucun requin ne viendra mettre obstacle à l’exécution des travaux, ni surtout provoquer leur suspension.
Le Tamatave

Bibliographie

M. le Gouverneur général Garbit publie une conférence sur l’Effort de Madagascar pendant la guerre, au point de vue finances, économique et militaire. (Challamel, éditeur.)
Le Mercure de France


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13 janvier 2020

Il y a 100 ans : La chauve-souris (2)


(Suite.)
À cette époque, l’île était « déchirée », comme on dit dans les manuels d’histoire, par une véritable guerre religieuse entre protestants et catholiques. Elle avait pris la forme scolaire. Imaginez des fourmilières qui cherchent réciproquement à se voler leurs œufs. De temps en temps, les instituteurs protestants, dans les villages, faisaient un raid sur les écoles catholiques, et leur chipaient leurs élèves, qu’ils emmenaient dans leurs établissements, pour ainsi dire en esclavage. Mais, d’autres fois, c’étaient les instituteurs catholiques qui faisaient irruption dans les écoles protestantes, et y ravissaient, telles des larves inertes et innocentes, les candidats aux voluptés de l’alphabet et des quatre règles. Et ça n’en finissait pas ! Et les bons Malgaches, qui avaient pris, sous le gouvernement de leur bonne reine Ranavalo, des habitudes enracinées d’espionnage et de cafardage, passaient les trois quarts de leur temps à se dénoncer les uns les autres.
Un jour, le général Gallieni reçut, du village d’Ampasimbe – ça veut dire « l’endroit où il y a du sable tant qu’on en veut » – une de ces dénonciations. Un certain Rakoutou, paysan à son aise, y était accusé de se livrer à une propagande échevelée en faveur des protestants : comme quoi c’était un fauteur de troubles, bon à fusiller dans le plus bref délai, ou, tout au moins, à jeter sur la paille humide des cachots. Le général Galliéni fit ce qu’il faisait toujours : il envoya, pour enquête, la dénonciation, sans la lire, à l’officier du cercle dont dépendait  « l’Endroit-où-il-y-avait-du-sable-tant-qu’on-en-veut ».
Mais, à quelque temps de là, le général reçut du même lieu une autre dénonciation où un indigène était accusé de se livrer à une propagande malhonnête, autant que fougueuse, en faveur des catholiques ; comme quoi c’était un fauteur de troubles, bon à fusiller dans le plus bref délai, ou, tout au moins, à jeter sur la paille humide des cachots. Le général fit ce qu’il faisait un pareil cas : il renvoya, pour enquête, la dénonciation à l’officier-chef de cercle, etc.
(À suivre.)
Pierre Mille.
Le Petit Marseillais



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4 janvier 2020

Il y a 100 ans : La chauve-souris (1)


Il y a encore des choses qui ne vont pas très bien en Alsace-Lorraine. Il ne faut pas s’en étonner : après quarante-huit ans de séparation et de domination étrangère pour ces deux provinces, c’est un miracle qu’il n’y en ait point davantage. Donnons donc à Millerand le temps de se débrouiller… et puis, l’Alsace-Lorraine aura des députés. Ça serait bien extraordinaire si, seuls des députés de toute la France, ceux de nos chères provinces ne savaient pas réclamer.
Il y a les cheminots de Lorraine qui ne savent que l’allemand et se mettent en grève pour qu’on leur accorde des chefs qui parlent allemand. Je ne leur donne pas tout à fait tort, par la même raison que j’ai toujours, comme tout le monde, réclamé, pour nos colonies, des fonctionnaires qui parlent la langue indigène. C’est naturel et nécessaire. Dans vingt ans, les cheminots de Lorraine parleront français. Mais, en attendant...
Il y a les instituteurs alsaciens-lorrains qui se plaignent de ne pas recevoir les mêmes traitements que les nouveaux instituteurs venus de France.
Il y a les industriels alsaciens-lorrains qui demandent des wagons ou des autorisations d’exportation, et l’administration de Paris ne leur répond pas plus qu’à tous les autres industriels français : mais ça les étonne davantage parce qu’ils en avaient perdu l’habitude.
Enfin, il y a la fameuse, l’éternelle question de savoir qui, parmi les immigrés allemands en Alsace-Lorraine, doit être considéré comme un Boche définitif et indésirable, ou comme un candidat au moins possible à la qualité d’Alsacien-Lorrain. Et ça, vous savez, c’est compliqué : sur quelle base établir l’appréciation ; quel est le moins mauvais critérium ?
Moi, je l’ignore, naturellement. Mais je me rappelle pourtant une petite aventure qui advint à Madagascar, du temps que Galliéni en était gouverneur général, et ceci pourrait procurer quelques lueurs à nos fonctionnaires, dans les provinces recouvrées, sur la façon de se conduire en pareil cas.
(À suivre.)
Pierre Mille.
Le Petit Marseillais



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