30 janvier 2009

L'effet papillon...

... petites causes, grandes conséquences, chante Bénabar sur son dernier album.
Il utilise une image qui revient souvent pour expliquer comment un fait en apparence sans importance peut provoquer des catastrophes même à distance: le battement d'ailes d'un papillon au Brésil pourrait ainsi être à l'origine d'une tornade au Texas. C'est un peu tiré par les cheveux, bien sûr. Parce que les conséquences d'un si minuscule déplacement d'air sont en réalité imprévisibles et ne peuvent être comprises qu'en tenant compte d'un nombre important d'autres facteurs.
Dans le cas qui nous occupe, les Malgaches et moi - je veux parler, vous l'aurez compris, de ce qui se passe à Madagascar depuis lundi -, à quoi correspond le battement d'ailes?
A la fermeture de la télévision Viva?
Peut-être. Encore faudrait-il ne pas oublier, en amont, la diffusion par celle-ci de la fameuse interview de Didier Ratsiraka. Mesurer la place prise par l'élection à la mairie de Tana dans l'évolution du sentiment de la population par rapport au pouvoir central. En aval, se demander quels furent les effets des ultimatums lancés par le maire. Etc., etc.
On n'en finirait pas d'entourer le battement d'ailes d'autres phénomènes, au moins aussi importants que le premier cité.
Toujours est-il qu'il y a eu modification soudaine de la situation.
Comme la précipitation en chimie, quand un corps se cristallise subitement.
Ou comme, chez Stendhal, la cristallisation elle-même, qui décrit le processus par lequel on tombe amoureux.
Vous me direz, et vous aurez raison: où est l'amour dans ce que nous vivons ces jours-ci à Madagascar?
Je me le demande. Mais la haine précipite et cristallise de la même manière que l'amour. Effet papillon ou pas.

29 janvier 2009

Citations : Laurence Cossé et Jérôme Garcin

Pendant la crise, les lectures continuent. J'ai relevé des traces de Madagascar dans deux ouvrages qui viennent de paraître.

Le premier est un gros roman de Laurence Cossé, paru chez Gallimard et au titre curieux: Au bon roman. C'est, en fait, le nom d'une librairie idéale, détachée de l'actualité de l'édition, qui mise sur la qualité — et rien d'autre.
Francesca et Van en ont rêvé, ils l'ont fait, grâce à l'argent de la première et aux qualités du second. Mais Van ne suffira pas à la tâche, il faut engager un libraire. Voici l'oiseau rare, déniché parmi onze prétendants:
Il se décida sans hésitation pour un garçon de vingt-quatre ans qui avait déjà un passé d’éditeur et de libraire.
— Échec sur échec, disait cet Oscar. Ce qu’on appelle de l’expérience.
D'Oscar, on ne connaîtra jamais le nom de famille. La raison en est donnée cinquante pages plus loin:
Oscar fut tout de suite baptisé « Monsieur Oscar », son nom malgache étant difficile à mémoriser. Oscar tout court, disait-il gracieusement, si bien qu’on l’entendit quelquefois appeler « Monsieur Toutcourt ».
Il est bourré de qualités, dont je vous passe l'énumération. Mais il est dans la librairie comme chez lui et les clients, dont beaucoup deviennent des amis, le sentent bien.
En outre, il travaille à un roman sur lequel Van l'interroge un jour:
— Il y a une intrigue?
— Dix intrigues. Ce roman a surtout un pays.
— Madagascar?
— Oui. C'est un roman politique.
Quand vient le moment de prendre des congés, où voulez-vous qu'aille Oscar?
Oscar avait passé ses vacances à Madagascar, à piloter un cinéaste qui tournait un documentaire sur le long séjour de Paulhan sur l’île, avant guerre, et le travail de poète-ethnologue qu’il y avait fait en recueillant le plus possible de dictons traditionnels.
A la fin du roman, quand la librairie a été contrainte de réduire sa voilure en raison de problèmes divers — qui constituent l'intrigue même du livre de Laurence Cossé —, Oscar est licencié avec des indemnités. Il profite du temps qui lui est offert pour terminer son propre travail d'écriture, dont il espère tirer un peu d'argent.
Il en aurait besoin pour mener à bien un projet qui lui tient à coeur depuis longtemps. Il voudrait monter un équivalent du Bon Roman à Tananarive.
— Madagascar change, dit-il. Des capitaux s’y investissent. On y a construit un premier palace. Il n’y a pas de raison de penser que le pays restera toujours à l’écart du développement. Quand les choses iront mieux, je voudrais en être, et que le livre en soit.
C'est le bel optimisme d'un beau personnage...

Un autre ouvrage de janvier fait une allusion à Madagascar. Il s'agit d'un recueil de portraits, essentiellement d'écrivains, que l'on doit à Jérôme Garcin, écrivain lui-même et journaliste littéraire: Les livres ont un visage (Mercure de France).
En parlant de Bernard Giraudeau, certes acteur mais aussi auteur de plusieurs livres et grand voyageur, il évoque un ami de celui-ci, Roland, longtemps malade avant de mourir. Et avec qui Giraudeau voyageait en pensée, écrivant sans cesse à Roland pour le maintenir en vie.
Jérôme Garcin fait cette comparaison, au-delà de la mort de Roland:
Et il continue de le faire, à la manière des Malgaches qui promènent et nourrissent leurs défunts, convaincus qu'un mort ne disparaît pas, "il est comme le sel qui fond dans l'eau". Invisible, mais présent et partout.

Un calme précaire

Les forces de l'ordre ont à peu près repris la main, les casseurs ont été plus discrets, on compte les morts...
Les vents violents qui ont soufflé pendant deux jours sur Madagascar se sont apaisés. Mais la tempête, à la manière de certains cyclones qui rebroussent chemin pour dévaster une deuxième fois les lieux par lesquels ils sont passés, menace toujours.
En l'absence d'un véritable dialogue, nul ne peut prédire de quoi demain sera fait, même si des rendez-vous ont été fixés - sans qu'on sache s'ils seront tenus.
Aujourd'hui, le maire de Tana a décrété une journée ville morte. Et TVM, la télévision nationale, devrait recommencer à émettre.
Samedi, manifestation à Tana.
Quoi d'autre? Mystère.
Les chancelleries s'agitent. On n'entend pour l'instant que des souhaits pleins de bon sens mais qui semblent tomber dans les oreilles de sourds. La diplomatie étant ce qu'elle est, il n'est pas impossible que des manœuvres plus efficaces se jouent en coulisse.
Des responsables des troubles ont été désignés de part et d'autre, sans arguments convaincants pour prouver quelque responsabilité que ce soit.
Les denrées alimentaires sont presque introuvables pour certaines, de plus en plus coûteuses pour toutes.
La suite des événements est imprévisible. Les optimistes croiront à l'apaisement définitif. Les pessimistes prédiront le pire. Entre les deux, j'essaierai de peser le pour et le contre. Sans délivrer aucun oracle.

28 janvier 2009

2009 n'est pas 2002

Sept ans après, donc, tout recommencerait? Les Malgaches auraient décidé que tout était à refaire, et qu'il fallait à nouveau passer par la case manifestations de rues pour encaisser les bénéfices d'une nouvelle tendance démocratique? (Quels bénéfices, d'ailleurs?)
Je ne crois pas.

Si les événements que nous vivons ces jours-ci sont nés d'exigences liées à la politique, celles-ci n'ont pas tardé à être balayées par d'autres priorités.
Passons sur les bandes de casseurs organisées, financées ou non (et par qui?), qui ont probablement ouvert la voie à tous les débordements. Il y a des bandits partout, Madagascar ne fait pas exception à la règle. Partout aussi, il y a des voyous, prêts à suivre le mouvement et à profiter de la situation en toute impunité (au moins pendant les premières heures, lundi, des violences, car les choses ont changé dans la journée d'hier et peut-être le couvre-feu instauré pour la nuit à Tana aura-t-il ramené un peu de calme).

Mais on a assisté à des scènes qui ne s'expliquent pas par la seule participation d'un noyau dur à la "récupération" des marchandises dans les grandes surfaces et les boutiques.
S'il y a une revendication du peuple à entendre, elle s'est manifestée par une large adhésion au vol systématique et au recel tout aussi général.
Les produits de première nécessité emportés à dos d'homme ou les biens plus luxueux chargés sur des charrettes et des camions se sont trouvés d'un coup, d'un seul, à portée de main. Soit en s'y mettant soi-même, soit en attendant que le produit des pillages soit mis en vente à bas prix dès les portes des magasins franchies, et en les achetant.
L'écart entre des espaces où les marchandises s'entassent à profusion et le quotidien des Malgaches est trop grand.
Quand on achète les cigarettes par tige, le riz par kapoaka ou l'huile par fond de bouteille, imaginer qu'il existe des endroits où tout est disponible en quantités astronomiques et qu'il existe aussi des personnnes capables d'acquérir sans compter finit par engendrer un sentiment de frustration qui, lundi et mardi, a provoqué l'explosion.

C'est du moins mon analyse - et je la partage. Elle est probablement influencée par ma propre attitude vis-à-vis des grandes surfaces, ces temples de la consommation dans lesquels je ne me suis jamais senti chez moi. Sentiment exacerbé encore depuis la bonne dizaine d'années que je vis à Madagascar, avec les Malgaches.
Ceci pour dire que les manifestations suivies d'émeutes de 2009 n'ont rien à voir avec les manifestations sans émeutes de 2002. Les circonstances sont différentes, les aspirations aussi. Il ne s'agit pas (seulement) de changer les dirigeants, il s'agit surtout de tout obtenir tout de suite. Les promesses sont liées à des objectifs trop lointain. Quant aux revendications politiques... quelle politique?

Pour en venir à la situation sur le terrain, un mot seulement. L'embrasement est quasi général dans toute l'île, et seule la ville d'Antsiranana semble échapper à la contagion. De Diego via Paris, une explication m'a été fournie aujourd'hui: un navire de croisière se trouvait à quai hier avec 1500 touriste à bord, une aubaine pour tout le monde. Aujourd'hui, ce pourrait être une autre histoire...

Enfin, on parle ici ou là de guerre civile. Mais il faudrait deux camps pour en arriver là. Et, si mon raisonnement est le bon, il n'y en a qu'un: tous les Malgaches qui voudraient vivre mieux.

27 janvier 2009

Quelques nouvelles fraîches et peu rassurantes

Ce que j'ai vu et entendu, d'abord.
Ce matin, vers 6h15, avenue de l'Indépendance, l'étage au-dessus de Samckova brûlait, dans l'indifférence générale.
Vers 10 heures (bruit venant du téléphone d'un copain qui s'y trouvait, et explication donnée par lui), on brise tout au rez-de-chaussée à Tsaralanana, du côté de l'hôtel Mellis. Puis on tire en l'air pour disperser les casseurs. (Je ne parviens plus, même en y mettant beaucoup de bonne volonté, à les appeler des manifestants.)
Vers 14 heures, nombreux tirs et rafales entendus de chez moi, vers l'est, pendant au moins un quart d'heure. J'ai l'impression que cela vient du côté de Betongolo, mais un voisin qui rentre à ce moment me dit qu'il s'agit du nouveau Shoprite à Ankoroahatra, ou dans les environs (le dessin de ce quartier n'a jamais été très clair à mes yeux).

Et puis, le reste, avec une seule certitude: le mouvement se répand dans le pays comme un feu de brousse, et fait des dégâts du même genre.
Les coups de chaleurs atteindraient ainsi Mahajanga, Toliara, Sambava, Toamasina, Ambositra, Antsirabe, j'en oublie peut-être tant la liste des villes touchées s'allonge d'heure en heure. (Informations non recoupées et à prendre avec prudence.)
Selon plusieurs sources, après le refus de la rencontre entre le maire et le président, suite aux conditions posées par le premier et apparemment non acceptées par le second, celui-ci serait actuellement à Morondava...

Les appels au calme se multiplient de la part de toutes les autorités. Mais il semble ne plus guère y avoir d'autorités, et celles-ci se manifestent de toute manière un peu tard.

Le scénario catastrophe d'un mauvais film, écrit par des scénaristes médiocres, semble en place.

Madagascar : faits et rumeurs

Vous le savez, bien sûr, puisque vous vous intéressez à Madagascar (sinon, que faites-vous ici?): la journée d'hier est la pire qu'Antananarivo ait connue depuis très longtemps.

Depuis le matin, les signes avant-coureurs ne trompaient pas. Il y avait de la tension dans l'air.
Vers 6 heures, alors qu'un barrage de bacs poubelles avait été installé entre Ambanidia et la Haute Ville, il a été forcé par deux véhicules de l'armée, dont un blindé, que j'ai regardé passer avec un petit frisson désagréable - je buvais mon café, comme tous les jours, au marché d'Anjohy.
Une demi-heure plus tard, soit trois heures et demie avant le moment du rassemblement prévu par le maire de Tana place du 13 mai, un petit groupe d'une cinquantaine de jeunes se dirigeaient déjà, avec force cris et sifflets, vers le centre-ville...

C'est tout ce que j'ai vu, puisque je suis resté chez moi le reste de la journée, à travailler sur des choses sans aucun rapport avec les événements.
Le reste, je vous le fournis par recoupements entre diverses sources puisées sur Internet et dans la presse de ce matin (celle qui est déjà accessible... sur Internet).

Place du 13 mai, la manifestation s'est déroulée dans le calme. Mais le calme n'a pas duré longtemps. Les premiers actes violents se sont produits du côté de RNM, où pillage et incendie ont marqué le début d'une journée de folie furieuse et, comme on dit, de débordements incontrôlables.
Après la radio nationale, ce fut au tour de MBS, puis de différents magasins et stocks Magro, de l'auditorium d'Ankorondrana...
Et puis, et puis, l'appétit venant en mangeant, une partie de la population de Tana a continué à se servir sur les rayons d'autres grandes surfaces. La liste semble longue, des magasins et boutiques qui sont aujourd'hui rayés de la carte du circuit commercial tananarivien.
Cela n'avait plus rien à voir avec une manifestation politique, bien entendu. Casser et piller sont des tentations tellement naturelles quand le désordre est complet. Le jour va se lever dans une petite heure sur un spectacle désolant. Et qui place, une fois encore, les Malgaches dans une situation plus précaire qu'avant.
Personne n'aura gagné. Et tout le monde, perdu.

Les rumeurs les plus délirantes ont couru depuis le début de l'après-midi hier. Le président malgache aurait quitté la capitale, le pays. Le maire de Tana aurait été tué. On peut probablement, avec toutes les réserves d'usage, démentir: les deux hommes sont censés se retrouver aujourd'hui autour d'une table.
Quant au nombre de morts, il se situerait entre un et treize, je suis incapable d'en dire plus.
Une autre rumeur, elle, semble devoir se confirmer: la prison d'Antanimoro serait totalement vide, détenus et gardiens ayant déserté les lieux. Si c'est vrai, le climat d'insécurité, dont on parlait déjà beaucoup, n'a pas fini de peser sur nos épaules, bien davantage que le réchauffement de la planète...

Bref, c'est la pagaille, entretenue par la quasi absence de radios et de télévisions, les unes et les autres ayant successivement cessé d'émettre à l'exception, semble-t-il, de Radio Don Bosco, Radio Antsiva et RLI.
Les dernières rumeurs font état d'émeutes et de pillages à 67 Ha ainsi que de la tentation, côté militaire, de prendre les choses en mains...
Je précise: rumeurs...

Je ne sais pas si je vais continuer à vous tenir informés de l'évolution de la situation. Hier, j'étais même persuadé que je n'en parlerais pas du tout, parce que ce n'est vraiment pas le propos de ce blog. L'ampleur des dégâts m'a fait changer d'avis.
Pour la suite, on verra...

23 janvier 2009

Le chiffre du jour : 40.000

Non, il ne s'agit pas du nombre de sinistrés après le passage d'Eric et de Fanele - ce doit être beaucoup plus.
Mais bien du nombre de chargements des livres de la Bibliothèque malgache électronique (BME), surtout à partir du site Ebooks libres & gratuits qui accomplit un travail remarquable dont profitent les ouvrages concernant Madagascar.
En tenant compte des lectures et/ou téléchargements sur Scribd, où se trouvent aussi la totalité des ouvrages de la BME, sans intégrer ce qui vient directement du site Bibliothèque malgache (parce que je n'ai pas encore tout à fait compris comment y récupérer les statistiques), ce sont quand même 40.000 téléchargements qui ont été enregistrés à ce jour (et je vous épargne le compte des unités).
Parmi les plus suivis: Le "décivilisé", de Charles Renel; Voyage du général Gallieni (Cinq mois autour de Madagascar), anonyme; et le Voyage à Madagascar, de Louis Catat, tous trois chargés plus de 2.000 fois.
Plus de 1.000 fois: Adolphe Badin, Une famille parisienne à Madagascar; Désiré Charnay, Madagascar à vol d'oiseau (tant pour le texte seul que pour l'édition illustrée); Charles Renel, La coutume des ancêtres; Ida Pfeiffer, Voyage à Madagascar; Marius Cazeneuve, A la cour de Madagascar; Gallieni, Lettres de Madagascar; Henry Douliot, Journal du voyage fait sur la côte ouest; Léo Dex et M. Dibos, Voyage et aventures d'un aérostat à travers Madagascar insurgée; Edouard Hocquard, L'expédition de Madagascar; Emile Blavet, Au pays malgache; Ardant du Picq, Une peuplade malgache: les Tanala de l'Ikongo.
Quinze titres dépassent ainsi le millier d'exemplaires, en oubliant aussi les ouvrages qui circulent ici ou là et dont j'ignore le nombre de chargements.
C'est sans doute le signe qu'il fallait entreprendre ce travail.
Et un encouragement pour le poursuivre...

21 janvier 2009

Je pense fort au sud-ouest


A l'heure qu'il est - 4h17 - Fanele a dû toucher la côte malgache, dans les environs de Belo-sur-mer. Je rigole sous ma moustache quand les météorologues jouent à Madame Soleil en prévoyant une saison au cours de laquelle Madagascar sera touchée par des cyclones particulièrement violents.
Mais, là, je ne rigole plus.
Il y a une heure, la vitesse moyenne du vent était de 185 km/h avec des rafales jusqu'à 261 km/h. Courage...

19 janvier 2009

Bibliothèque malgache / 46 et 47 : Paul d'Ivoi

Deux volumes différents pour un seul titre, parce que l'un (le n° 46) est illustré et "pèse" donc assez lourd, tandis que l'autre (le n° 47) ne retient que le texte, pour un chargement plus facile, afin que les malheureux internautes dotés d'une connexion lente ne soient pas pénalisés...

Paul d'Ivoi (1856-1915) est l'auteur d'une oeuvre abondante et populaire. Les 21 volumes de ses Voyages excentriques, publiés de 1894 à 1914, sont un peu le pendant des Voyages extraordinaires de Jules Verne. Les cinq sous de Lavarède, premier volume de la série, écrit en collaboration avec Henri Chabrillat, est aussi le plus connu.

Dans le deuxième, celui-ci, Canetègne, un négociant lyonnais, envoie au loin son associé, Antonin Ribor, pour pouvoir faire mettre en prison Yvonne, la soeur de celui-ci. Deux amis, Claude Bérard et Simplet, frère de lait d'Yvonne, décident de la faire évader et de partir à la recherche d'Antonin grâce auquel Canetègne pourra être confondu. Commence alors une interminable course poursuite sur le globe, où les jeunes gens s'égarent sur les fausses pistes que leur désigne Canetègne. Ils parcourent ainsi toutes les colonies françaises, en commençant par Madagascar, poursuivent leur itinéraire vers l'est, le sud lointain, l'Amérique, les Antilles... pour finir par l'Afrique et conclure par un procès retentissant. Les rebondissements ne manquent pas et l'exotisme est au rendez-vous.

La part malgache du roman est assez importante et justifie la présence de ce roman dans la collection. Le texte, illustré, a été préparé par le groupe Ebooks libres & gratuits avec une participation de la Bibliothèque malgache, sur le site de laquelle l'ouvrage peut être téléchargé gratuitement.

Bonne lecture.

18 janvier 2009

Le culte du mépris à l'époque coloniale

J'ai bondi.
D'abord sur mon siège, puis tout de suite après vers mon blog - ici, donc.
Je me suis dit quand même qu'il fallait d'abord savoir qui était ce Chevigné qui provoquait mon ire...
Pierre de Chevigné est né en 1909 à Toulon, il est mort en 2004 à Biarritz (où une rue porte son nom). Ce brillant individu a une belle carrière politique et militaire. A la croisée des deux domaines, il fut envoyé à Madagascar en 1948.
Il était alors, explique Jacques Tronchon dans son indispensable ouvrage, L'insurrection malgache de 1947 (Karthala), officier de réserve (à 39 ans). Haut-commissaire, il fut peut-être le premier à lâcher, en 1949, le chiffre de plus de 100.000 morts atteint lors de la répression.
Jacques Tronchon écrit:
Devant l'émotion et les polémiques que provoqua cette révélation, il revint par la suite sur ses déclarations. Elles émanent cependant d'un homme très bien renseigné (de par ses fonctions, et de par ses excellents rapports avec l'état-major), et on est en droit d'estimer qu'elles n'ont pas été faites à la légère.
Tout cela, je vous l'accorde, n'explique pas pourquoi j'avais bondi tout à l'heure.
C'était en lisant un article du supplément TéléVisions du Monde, consacré aux archives sonores de l'INA (Institut National de l'Audiovisuel). Il s'ouvre ainsi:
"Le Malgache n'a pas le besoin de travailler, à la différence du Français." Ces propos méprisants ont été tenus en 1950, commissaire de France à Madagascar.
Vous comprenez mieux, maintenant, pourquoi je fus bondissant ce matin?...

En librairie : un guide, un roman, un essai

La saison touristique se prépare, les guides publient leurs mises à jour - je suppose que d'autres suivront dans les semaines qui viennent. Le millésime 2009 de l'incontournable (comme on dit) Guide du Routard Madagascar vient donc d'arriver en librairie. Je ne sais trop ce qui y a été modifié, il faudrait se livrer à une comparaison approfondie avec la version précédente. La présentation du livre, sur le site marchand auquel renvoie le Guide du routard, est en tout cas assez classique:
Madagascar est une île à part ! La cinquième plus grande île du monde, l'île-continent, l'île Rouge... toutes ces images cachent en fait le sanctuaire d'une nature unique au monde, une mosaïque de peuples issus de migrations proches et lointaines.
À « Mada », la variété des paysages, des hommes et de leurs origines donnent le ton. À l'intérieur du pays, les fleuves charrient la latérite rouge comme de gigantesques veines, tandis que les collines et les maisons traditionnelles de pisé font tout le charme rafraîchissant des Hautes Terres. Sur la côte est, la pluie, les vents et le souvenir lointain des pirates européens confèrent à cette verte nature une histoire à la Joseph Conrad. Plus au sud, sous un soleil de plomb, les hommes et leurs zébus peinent à subsister dans des paysages qui virent au bush épineux semi-désertique. Dans l'Ouest lointain, Majunga affiche clairement son influence musulmane, tandis que la savane piquetée de baobabs rappelle l'Afrique. Et puis, à la pointe nord, Diégo-Suarez conserve les traces du dernier avant-poste de la colonisation française.

Maryvette Balcou publie de son côté un premier roman au titre curieux: Le raccommodeur de poussières (Editions La Cheminante). Voici ce qu'en dit Sylvie Darreau, de la maison d'édition, pour donner envie de le lire:
A travers tous les médias, notre société occidentale expose la mort sous toutes ses coutures, comme un épouvantail, pour inciter la volée de moineaux que nous sommes devenus à picorer de plus en plus au jardin d’Eden de la Consommation. Dans son roman, Maryvette Balcou ose faire parler la mort pour rendre à la vie sa vibration originelle, avec son florilège de sensations, sentiments et significations les plus authentiques. D’une île à l’autre, l’énigmatique raccommodeur de poussières entreprend un voyage de reconquête d’un sens à donner à sa vie.
De sa Sicile natale où la mort lui parle de son passé, au présent de sa villégiature à Madagascar, Azzo remet sa vie en jeu en pénétrant au cœur d’événements naturels et sentiments humains les plus forts. Arrivée abrupte dans la capitale, traversée des paysages magnifiques, découverte de la pauvreté et de la détresse ambiantes, rencontre avec des hommes et des femmes simples, confrontation avec la maladie, adoption, cyclone, histoires d’amour sont autant d’étapes à franchir avant de revenir à l’essentiel : faire le deuil du passé pour pouvoir de nouveau tisser l’avenir.
Le style naturel et extrêmement riche de l’écriture, ainsi que le choix des mots les plus justes, décrivent les lieux, les atmosphères, les relations humaines que tous les amoureux de la Grande Ile reconnaîtront et que les néophytes désireront découvrir.
L’écho entre la Sicile et Madagascar se change en un dialogue de la mort avec la vie qui donne tout son sens à cette dernière, avec pour finir un retour aux traditions ancestrales des hommes qui permet un deuil salvateur, contre tous les écueils de la mélancolie. Dialogue entre deux îles, si proches et en même temps si éloignées, où il est aussi question de l’appartenance à une terre et à sa langue…
Un roman initiatique qui laisse une marque indélébile dans la mémoire du cœur et de l’âme.

Pour en terminer aujourd'hui, je signale aussi la publication, aux Editions Karthala, d'un ouvrage dirigé par Giulio Cipollone, Christianisme et droits de l'homme à Madagascar.
L'affirmation des droits de l'homme est souvent perçue dans les sociétés traditionnelles comme une victoire de la modernité sur l'oppression du groupe. Mais il est rare qu'on en recherche l'origine dans l'impact provoqué par le christianisme. C'est à quoi pourtant se consacre cet ouvrage. Partant de l'histoire particulière de la région Alaotra-Mangoro, les auteurs étendent leurs investigations à l'ensemble de Madagascar, en montrant comment la religion chrétienne a modifié la compréhension et la pratique des droits humains, jusqu'à devenir un élément constitutif de l'identité nationale.
Les différentes contributions ont été rédigées par des catholiques et de protestants, des laïcs et des clercs, tous malgaches.
Elaboré dans le contexte de la célébration du premier baptême, le 21 juin 1907, sur le territoire du futur diocèse d'Ambatondrazaka, ce livre voudrait être le pionnier d'une plus large exploration du thème Christianisme et droits de l'homme - que ce soit à Madagascar, en Afrique ou ailleurs.
L'enjeu, qui touche au dialogue des cultures, est décisif en ces temps de mondialisation triomphante. Parce que l'universalité abstraite des droits de l'homme est remise en cause au nom de l'irréductible singularité de chaque peuple. Et parce que le christianisme est suspecté de ne s'intéresser qu'au spirituel, au détriment de l'homme concret, inséré dans sa société particulière. A ce double défi, ce livre apporte quelques éléments de réponse.


13 janvier 2009

Citation : André Gide

André Gide, à ma connaissance, n'a jamais manifesté un quelconque intérêt pour Madagascar (je peux me tromper).
Au détour de ses Souvenirs de la cour d'assises, qui viennent de reparaître, et dans lesquels il relate quelques procès où il fut juré en 1912, je trouve pourtant l'acquittement d'un commis principal au bureau de recettes des postes (bureau principal de Rouen). Il a emporté une enveloppe contenant treize mille francs, en a dépensé une partie et a rapporté le reste en promettant de rembourser...
C'est un gros homme rouge, épais, carré d'épaules, et sans cou. Ses mains sont gourdes. Il porte un col bas, une petite cravate grise; les cheveux demi-ras sur un front bas. Il a quarante-sept ans, a fait la campagne de Madagascar où il a pris les fièvres paludéennes [...].

André Gide ne dit pas si ses états de service à Madagascar ont sauvé l'homme d'une condamnation ou si le caractère visiblement irréfléchi de son acte a suffi...

En librairie: Nourrir la terre, nourrir les hommes

Le titre complet de ce livre précise la région concernée: Nourrir la terre, nourrir les hommes: la mise en valeur réussie du haut bassin du Mandrare à Madagascar. Plusieurs auteurs y ont travaillé sous le coordination de Benoît Thierry: Brett Shapiro, Assefa Woldeyes, Harifidy Ramilison et Andrianiainasoa Rakotondratsima.
Il s'agit donc, on l'aura compris, d'un ouvrage spécialisé, qui paraît à l'Harmattan (226 pages, 24 €).
En voici la présentation par l'éditeur:
Cet ouvrage témoigne d'une expérience locale de développement rural réussi ayant régénéré une région agricole dans le sud aride de Madagascar, le Projet du Haut Bassin du fleuve Mandare (PHBM), réalisé de 1996 à 2008. Ce projet a su valoriser, avec les paysans, leur capacité à améliorer durablement leur avenir grâce à l'organisation sociale, la priorité donnée au secteur productif et la participation de tous, notamment des femmes. Il a été couronné de succès : cultures nouvelles, récoltes abondantes, alphabétisation, santé, etc.

9 janvier 2009

Les soldes de la Bibliothèque malgache

Et pourquoi ne ferais-je pas comme les grands magasins européens, me dis-je tout à l'heure en m'éveillant? C'est la saison des soldes, profitons-en!
Pas pour la Bibliothèque malgache électronique: il est difficile de faire moins cher que la gratuité.
En revanche, les ouvrages publiés par l'intermédiaire de Lulu.com peuvent faire l'objet d'une légère diminution de prix. Elle sera, en moyenne, de 10% sur l'ensemble des titres, pendant un mois jour pour jour. La promotion s'interrompra donc le 9 février (ou le 10, si je n'ai pas le temps de faire la mise à jour au moment prévu).
Profitez-en donc, voici tous les prix provisoires (en dehors des frais d'expédition), ce qui vous permet de survoler aussi, d'un seul coup d'oeil, l'ensemble du catalogue de la Bibliothèque malgache chez Lulu:

P.S. Le lien inclus dans le titre de cette note de blog renvoie à la page de Lulu où sont rassemblés tous les livres de la Bibliothèque malgache. Par ailleurs, chaque ouvrage possède sa fiche descriptive, accessible par les liens individuels.

7 janvier 2009

Bibliothèque malgache / 45 : Bulletin du Comité de Madagascar

Oui, oui, je continue...
Je reviens au Comité de Madagascar et à son bulletin qui, comme moi, avait connu une éclipse entre 1896 et 1897 (personne n'est parfait et, d'ailleurs, moi, ce n'était pas au même siècle).
Après, donc, cette interruption assez longue et, comme on dit, indépendante de la volonté de ses éditeurs, le Bulletin renaît à la demande générale, s'il faut en croire le premier article de ce numéro.
Sa vocation n'a pas changé. il s'agit toujours de contribuer à répandre la connaissance de Madagascar, surtout, cela va de soi, du point de vue des intérêts français.
On s'y réjouit donc de la fermeté de Gallieni, on ne comprend pas le projet colonial d'un député de la Réunion, on s'insurge contre les critiques faites au climat (!), on relate les faits les plus importants survenus dans la Grande Île, parmi lesquels un fait divers sanglant avec l'assassinat de deux pasteurs français, et le courrier venu de Madagascar éclaire cela d'une étrange lumière, forcément partisane.
Pour charger cet ouvrage, actuellement en exclusivité (quel grand mot!) sur le site de la Bibliothèque malgache, deux liens, l'un pour le format DOC, l'autre pour le format PDF. C'est selon votre préférence...
Bonne lecture.

6 janvier 2009

De Madagascar au Collège de France

Dans les années 199o, Esther Duflo étudiait l'histoire à l'Ecole Normale Supérieure. C'est à cette époque qu'elle fit un séjour à Madagascar. Aujourd'hui - ou plutôt après-demain jeudi - la voici professeure associée au Collège de France où elle inaugure une nouvelle chaire internationale, Savoirs contre pauvreté.
Si l'on en croit le portrait que publie Le Monde dans son édition datée d'aujourd'hui, les deux choses ne sont peut-être pas sans rapport.
« Sa fibre humanitaire et sociale », comme dit sa copine Marie Lajus (devenue commissaire de police), remonte à loin. A l’enfance et aux années de scoutisme, sûrement. A un premier voyage à Madagascar, peut-être bien.
Après celui-ci, elle s'est intéressée aux programmes de lutte contre la pauvreté et à leur évaluation. Elle est devenue professeure au MIT (Massachusets Institute of Technology). Elle a fondé, avec d'autres chercheurs, le laboratoire d'action contre la pauvreté Abdul-Latif-Jameel. Et la voici prête à faire une leçon intitulée Expérience, Science et Lutte contre la Pauvreté.
Son cours, Pauvreté et développement dans le monde, abordera ensuite, du 12 janvier au 2 février, les thèmes de l'éducation, de la santé, de l'accès aux instruments financiers, ainsi que de la gouvernance et de la corruption.
Voilà qui devrait intéresser les chercheurs malgaches, d'autant que, le Collège de France étant une institution ouverte à tous, les cours sont généralement disponibles en téléchargement.

4 janvier 2009

Etre femme à Madagascar

Dans la série de photos dues à Yann Arthus-Bertrand et publiées dans Le Monde, je retrouve celle-ci, parue il y a une dizaine de jours.
S'il y encore des Malgaches au sein de ces 6 milliards d'autres, j'essaierai de vous le faire savoir...

3 janvier 2009

Rire et pleurer à Madagascar

Le photographe Yann Arthus-Bertrand expose, du 10 janvier au 12 février, au Grand Palais à Paris, 6 milliards d'autres. Le résultat de dix ans de vagabondages dans le monde entier et de cinq mille rencontres. Le livre sort, sous le même titre, dans quelques jours. Le Monde en publie, ces temps-ci, des extraits. Et, dans son numéro daté d'aujourd'hui, je trouve Jean de Dieu, dont je vous colle la tête ci-contre...

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Par ailleurs, depuis quelques heures, les deux volumes de Leguével de Lacombe réédités par la Bibliothèque malgache sont disponibles sur le site Ebooks libres & gratuits.
Voici les pages pour le téléchargement du tome 1 et du tome 2.

1 janvier 2009

Bonne année avec le 44e volume de la Bibliothèque malgache

Je l'avais promis hier, le passage à 2009 devait se faire, pour la Bibliothèque malgache, avec un nouveau titre, que voici: Un culte dynastique avec évocation des morts chez les Sakalaves de Madagascar: le "Tromba", de Henry Rusillon.

Né et mort à Genève (1872-1938), Henry Rusillon fut ouvrier avant de devenir évangéliste, d’abord en France puis à Madagascar, où il est envoyé fin 1897 par la Mission de Paris.
Après avoir effectué plusieurs visites dans la région, il s’installe à Marovoay de 1909 à 1924. Intéressé très vite par le tromba, comme le prouvent les notes qui constituent un chapitre de son livre, il publie celui-ci alors qu’il réside encore à Madagascar.
Ses communications à l’Académie malgache, deux livres en langue malgache et de nombreux autres écrits font de lui un témoin capital de la vie à Madagascar au début du 20e siècle. L’ethnologue de terrain qu’il était devenu savait regarder et écouter. Mais il ne faut pas oublier qu’il était aussi missionnaire – la fin de cet ouvrage est influencée par ce rôle.
Des recherches plus récentes ont apporté d’autres éclairages sur le tromba. Henry Rusillon reste néanmoins, à travers son livre, l’auteur d’un travail fondamental sur le sujet.

L'ouvrage est téléchargeable gratuitement dès maintenant, au format doc ou au format pdf.